vendredi 11 mai 2018

Le défi de Cosme aux mathématiciens

En post-scriptum, Cosme Olvera écrit :

Pour les témoins réfractaires qui ne verraient là qu'une simple "coïncidence", je les invite à vérifier que la même clé apparaît dans Oraison du soir (Oraison : prière méditative centrée sur la contemplation divine !) et à demander à leurs amis mathématiciens de calculer la probabilité pour que la singularité de ces deux faits indiscutables soit l'oeuvre du simple hasard....

Ma présentation du livre de Meurice dans mon précédent articulet est biaisée, je parle d'une clef puis de deux gadgets. En fait, il y a une première clef dérisoire inscrite dans une progression tendue vers le deuxième gadget sur le chiffre de la Bête. J'ai évidemment un procédé de réfutation de cette seconde clef. Côté tendance statistique, il est normal qu'un sonnet compte entre 600 et 700 caractères par exemple et les poèmes approcheront volontiers du centre de la fourchette. Ceci dit, il faudrait avoir la patience de constituer un échantillon représentatif, car ce ne sera jamais une science mathématique exacte à cause de la variété du vocabulaire et de la fréquence de mots plus employés que d'autres, sans parler des irrégularités ou non dans les rimes, voire la prosodie. J'ai lu les sonnets incroyablement ridicules de Cosme Olvera dans ce livre. J'ai bien rigolé. L'autre grand truc, c'est la copie de Verlaine. La seule coquille ou négligence possible, c'est la variante "rais" pour "rois", ce qui ne change rien au décompte des caractères soit dit en passant. Cosme essaie de faire passer pour des négligences abusives d'autres variantes : "plein des strideurs" serait corrompu en "plein de strideurs" (un caractère en moins), "Lances des glaciers fiers" changé en "Lances de glaçons fiers" (deux caractères en moins). En voici une autre : "Que l'alchimie imprime" devient "Qu'imprima l'alchimie" (un caractère en moins : "imprime" et "imprima", "l'alchimie" et "l'alchimie" c'est pareil, mais "qu' " trois caractères plus un seul espace contre "que" et deux espaces). Dans le même vers, "grands" devient "doux" (encore un caractère en moins). Cela fait cinq caractères en moins déjà dans la copie de Verlaine. Sur une base 666 (toujours hypothétique), on tomberait à 661.
Surtout, il  y a le premier vers avec une ponctuation surchargée. Cette fois, ce sera l'inverse. Le poème de Verlaine va compter des caractères en plus.

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,

contre

A, noir ; E, blanc ; I, rouge ; U, vert ; O, bleu : voyelles,
Les espaces comptent pour un caractère à ce que j'ai cru comprendre, et cela inclurait les espaces devant le point-virgule ou le double point. Donc, nous avons cinq signes de ponctuation en plus après chaque voyelle, mais quatre espaces en plus après quatre des mentions de couleur. Cela fait neuf caractères en plus. Nous passons à 670 caractères, toujours selon une base 666 autographe non vérifiée.

Quelle correction Cosme prétend-il apporter aux éditions de la Pléiade ? Il prétend que le dernier est une parenthèse et que le manuscrit porte un signe après le dernier vers qui serait un tirer de fermeture de la parenthèse, ce qu'aucun rimbaldien n'a jamais admis, mois non plus d'ailleurs. Le signe n'est pas droit, il est minuscule. Il s'agit d'une marque de la plume, mais qui n'appartient pas à la transcription du texte. L'opposition est même sévère entre le tiret authentique et celui qu'imagine voir Cosme. Cosme établit une théorie farfelue selon laquelle le dernier est dans une parenthèse encadrée de tirets, thèse utile pour compter 666 caractères dans le poème à condition encore de ne pas compter d'espaces entre les tirets et les mots à l'intérieur de la parenthèse, car cela ferait deux caractères de plus.
Donc, la leçon imprimée par Cosme compterait 666 caractères, j'ai encore la flemme de vérifier mais ça va venir. De toute façon, c'est facile à faire. Vu qu'un sonnet tend à faire 650 caractères en moyenne ou quelque chose de cet ordre, il suffit d'écrire à peu près n'importe quoi et d'ajuster après avec les retouches. Mais, peu importe. Passons aussi sur l'anachronisme d'une théorie sur les espaces à compter ou pas pour les parenthèses, les tirets, les doubles points et points-virgule. Donc, la leçon de Cosme présentée comme authentique aurait 666 caractères. Avant ça ne marchait pas. Là, il y  un truc qui m'échappe. Dans la leçon habituelle, nous avons deux caractères pour le début du dernier vers, tiret et espace. Dans la leçon de Cosme, nous avons deux tirets mais suppression des espaces, ce qui fait toujours le même nombre de caractères. Nous n'avons qu'un tiret sans espace devant le "Ô", mais un tiret seulement après le point d'exclamation.
Bref, ça revient au même, sachant que le tiret conclusif est contestable et que Verlaine donne bien une transcription avec un seul tiret, à partir d'une copie autographe perdue mais forcément distincte de celle qui nous est parvenue. Cette autre copie autographe aurait eu le même signe bref final que l'autographe et Verlaine ne l'aurait pas plus que nous identifié comme tiret.
Tout ça est tarabiscoté. La version Cosme a le même nombre de caractères que la version habituellement fournie. Il enlève un signe au dernier vers, il en ajoute un autre : égalité donc, ce qui semble indiquer que Cosme a des petits problèmes pour compter.
Ensuite, dans tous les cas, la copie de Verlaine s'éloigne en nombre de caractères de la version autographe, et on ne peut pas prétendre qu'il s'agit de coquilles, de négligences, etc.

Voilà une résolution des plus fourbes, je publie ma réfutation avant Bienvenu, Roubaud et deux ou trois autres mathématiciens, même si je n'ai pas encore pris la peine de tout compter.
Ma réfutation d'ensemble prendrait plus de place, mais un truc se prépare, je voulais juste fixer ceci.

Cadeau :

Un extrait de sonnet digne du plus grand poète du monde :

L'Eternelle Mer s'engendre, en l'effervescence
Des enchevêtrements entremêlés... Elle est,
-Extrême envers des Temps cernés- le Sens scellé :
Et blato totobla bléblébla élbébé

 Un autre :

Atteindre le sommet d'un nommé sens infime
Contempler en silence son ignorance intime

Un autre :

Nous avons l'esprit s'amenuisant à vue d'oeil,
il nous éclaire sur notre état létal latent.
Nous avons un autre oeil, nombre le met en deuil,
qui nous souvient à la machinerie du Temps.
Encore, encore !

Corps beau de lumière, va ! Déploie tes ailes et va !
Et celui-ci :

Enfouis au plus profond d'immensurables nefs,
elles-mêmes éléments de l'extrême Aleph,
les éphémères sens et les reflets s'emmêlent ;
mémoire toujours lourde d'ombres solennelles...
Faut-il admirer ces choses ? "Célestement gemmées de pensées et de sèves / -Tels les reflets, cendrés d'ébène, de Nefs gréées / Enflées de vents cléments...!"
Les assonances en "é" et en "an" ne relèvent d'aucune difficulté vaincue en français, elles sont les plus faciles à produire ou peu s'en faut. Le poète les appréhende, car on pourrait croire qu'ils braient, ils doivent en user à bon escient.
Je remarque que les règles prosodiques ne sont pas respectées, sans doute pour faire moderne avec Rimbaud, sauf qu'à notre époque les enjeux ne sont plus les mêmes, ici le procédé vire à la singerie et n'a pas le profil travaillé des poèmes de Rimbaud. Mais tout ceci nous entraînerait trop loin pour l'instant...

mercredi 9 mai 2018

Petite réaction au sujet du livre "Cosme" de Guillaume Meurice.

Je ne vais pas publier immédiatement un article sur ce blog au sujet du livre Cosme de Guillaume Meurice. Comptez sur une surprise.
Ce livre contient un chapitre que je considère très dérangeant d'interprétation de Voyelles. J'ai lu ces pages, mes notes sont prêtes. L'auteur de ce chapitre, Cosme, et non l'humoriste Meurice, traite avec mépris les rimbaldiens autorisés, mais il oppose aux idioties qu'il leur prête des idées dont il ne précise pas qu'elles ont déjà été formulées avant lui. En général, quand on daube un groupe, on lui oppose au moins quelque chose qui lui est étranger, des idées personnelles quoi ? Ce fanfaron d'orgueil n'apporte qu'une seule clef personnelle, et on verra à quel point elle est dérisoire. Sa lecture n'en est même pas vraiment une et une fois sa clef donnée il noie le poisson avec du fourre-tout. Il finit par deux gadgets sur le chiffre de la bête.
Je rédigerai plus tard ma réponse sur ce blog, mais je vous déconseille fortement de perdre votre temps avec cet ouvrage, on a le nouvel Eddie Breuillant.
Je vous mets un lien assommant, un entretien tout récent où Meurice et Cosme parlent de ce livre. Vous pourrez remarquer qu'à plusieurs reprises Cosme, ce génie poétique qui discute d'égal à égal avec Rimbaud, a besoin de Meurice ou même du public pour finir ses phrases, alors qu'il ne s'agit que d'exprimer des idées toutes simples.
Inquiétant ! Affligeant, comme vous voulez ! C'est du buzz médiatique appuyé, que dis-je porté à bout de bras par une solidarité d'humoriste corrosif...