lundi 22 septembre 2014

Article où il est question de ce qui est prévu prochainement et d'un peu d'écologie du dix-neuvième siècle

Je vais reprendre mon activité sur le blog
Je prévois un article sur Rimbaud lecteur potentiel de Notre-Dame de Paris, j'ai même depuis longtemps l'idée d'une série d'articles résumant les romans L'âne d'or, Paul et Virginie, Les Travailleurs de la mer, etc, avec quelques remarques concernant leur influence avérée ou non sur l'oeuvre de Rimbaud
Je vais aussi reprendre la mise en ligne des articles autour des Châtiments et la lecture des poèmes en prose

Je remarque l'article suivant sur le blog Rimbaud ivre de Jacques Bienvenu


Malheureusement, mon ordi a subi une infection étrange et depuis des mois je ne peux plus consulter correctement les pages du site Gallica de la Bibliothèque Nationale

Je précise toutefois que je suis déjà intervenu sur le sujet, notamment sur le blog Rimbaud ivre, puis sur le mien J'ai expliqué que Beams réécrivait des extraits des poèmes A une Raison et Being Beauteous, mais tout cela ne peut qu'être mis entre parenthèses pour des questions de préséance du rimbaldisme actuel Une tentative de réfutation a été faite et, alors en partenariat avec Jacques Bienvenu j'y ai répondu sur le blog Rimbaud ivre par le menu Le choix ne doit pas être de m'ignorer, mais de continuer à me contester s'il y a lieu en reprenant les éléments du débat là où je les ai conduits, ce que j'attends en m'en réjouissant fortement

Pour les "fleurs arctiques", je ne peux consulter la source possible évoquée dans l'article de Bienvenu, mais comme elle date de 1872, elle n'offre pas d'enjeu réel au plan de la datation des Illuminations, ou alors si la valeur intertextuelle était avérée elle n'exclurait pas l'idée malgré tout d'un poème en prose composé avant Une saison en enfer
La grande idée, c'est qu'en effet les Illuminations ont été composées du milieu de 1872 au milieu de l'année 1873 pour l'essentiel

Pour ce qui est de Jeunesse I Dimanche, la création "peste carbonique" s'impose à l'évidence en tant que jeu de mots
Au dix-neuvième siècle, les conceptions médicales incluaient encore parmi les pestes un certain nombre de maladies, dont maladies du charbon, anthrax, et même en ce qui concerne la peste bubonique il me semble que ce pose le problème d'un symptôme identifié comme "charbon pesteux", ce qui crée un chiasme avec "peste carbonique" si on rapproche les deux expressions
Pour toutes ces raisons, on peut penser que "peste carbonique" est équivalent de "peste bubonique", mais en réalité l'expression "peste carbonique" n'était pas courante comme l'a montré Jacques Bienvenu La peste qualifiée de bubonique se distingue de la peste septicémique et de la peste pneumonique, lesquelles peuvent elles-mêmes être des pestes buboniques en plus compliqué, mais elle ne semble pas s'opposer à un type répertorié de "peste carbonique"

Par conséquent, on se trouve face à l'idée que la mention "peste carbonique" est bel et bien métaphorique Il s'agirait d'un jeu de mots, et l'idée est appuyée par le rapprochement que tout lecteur peut opérer avec le poème des Illuminations intitulé Ville : "Aussi comme [tour exclamatif = aussi combien je vois], de ma fenêtre, je vois des spectres nouveaux roulant à travers l'épaisse et éternelle fumée de charbon" Pensons encore à la "sinistre fumée noire" dans Métropolitain

Reprenons maintenant le texte de Rimbaud La lecture n'est pas évidente, mais pour ce qui est de la fin du poème les phrases ne font pas débat, c'est leur succession et la logique thématique qui demandent à être perçues Aux plans grammatical et lexical, aucun souci

En revanche, le début du poème demande un peu d'attention La formule "Les calculs de côté" est un cliché, mais ce n'est pas un groupe nominal comme un autre, une construction participiale est ici sous-entendue : "Les calculs étant mis de côté"
En effet, vous demandez à un élève d'identifier les sujets dans la première phrase du poème : "Les claculs de côté, l'inévitable descente du ciel, la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit", il va vous dire qu'il y a quatre sujets : "calculs de côté", "inévitable descente du ciel", "visite des souvenirs" et "séance des rythmes", alors qu'il est sans doute plus cohérent de reconnaître un complément circonstanciel dans la mention "Les calculs de côté"
Toute l'analyse de la phrase en dépend
Les calculs [de la semaine] étant mis de côté, [le dimanche] l'inévitable descente du ciel [la religion], la visite des souvenirs et la séance des rythmes [mondanités, musique] occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit
Cette première phrase exprime un idéal de vie bien rangée
Si pas le texte dans son ensemble, en tout cas chaque phrase qui suit est beaucoup plus facile à appréhender, à l'exception d'une, précisément la suivante, la première du second paragraphe et celle qui contient la mention "peste carbonique"
Mais, on observera l'étonnante liaison entre "turf suburbain" et "cheval", car le turf fait clairement partie aujourd'hui du langage des courses hippiques La phrase est donc ainsi elle-même éminemment sociologique
Le choix du verbe "détale[r]" évoque la fuite et accompagne l'idée inquiétante de "peste carbonique"

" - Un cheval détale sur le turf suburbain, et le long des cultures et des boisements, percé par la peste carbonique"

Le complément "percé par la peste carbonique" peut aussi bien se rattacher au "cheval" qu'au "turf suburbain", même si l'action du cheval invite plutôt à penser qu'il a été piqué de ce mal comme Io l'a été par un taon dans la mythologie grecque
J'ai tendance à considérer que l'accord est plus logique avec le "cheval" dans la mesure où on a une amplification descriptive de lieu qui ne met pas spécialement en vedette le "turf" : "turf suburbain, boisements, cultures"

La fumée noire de charbon est comme une peste abattue sur la ville et elle frappe ici un cheval, symbole de loisir des classes aisées dans une aire perçue comme plus respirable à l'époque

Il faut rappeler ici que les gens des siècles passés étaient convaincus que dès qu'il y avait de la verdure l'air était moins pollué C'est la logique sous-tendue par la présence agréable de tant de parcs et d'allées dans nos grandes villes Les gens croyaient qu'à la périphérie de la ville soudainement l'air était d'emblée plus pur
Aujourd'hui, nous jouissons des parcs dans les villes comme des havres de paix, comme des moments réjouissants dans un joli décor de Nature embellie, mais il faut bien aussi se représenter le mythe qu'était la pureté supposée de tels lieux, comme si l'air de la ville n'était pas le même dans les parcs, comme si le parc pouvait créer un espace d'air pur préservé C'était une pensée très forte à l'époque et c'est même une pensée qui nous baigne sans que nous en ayons conscience Ce n'est que dans les moments où nous y réfléchissons que nous nous disons que l'air d'un parc n'est pas plus pur qu'ailleurs en ville
Dans le poème de Rimbaud, la question de la pureté ne se pose plus, puisque l'invasion de la fumée est visible à l'oeil nu
C'est cela le sens profond qui est visé
A cette aune, l'idée d'un jeu de mots est évidente

Jacques Bienvenu a donc utilisé un outil de recherches (Lexilogos ou un autre) et il a remarqué la rareté absolue de l'expression "peste carbonique". L'expression apparaît dans un texte de 1824 et dans un autre de 1874
Il y a bien sûr une coïncidence importante entre la période de copie des manuscrits conservés des Illuminations et la coquille "peste carbonique" relevée en mars 1874 dans le journal Le Temps Il m'est impossible de consulter le journal Le Temps mis en ligne sur Gallica à l'aide de mon ordinateur malheureusement J'aurais bien inspecté l'ensemble du contenu du journal pour éprouver si l'hypothèse intertextuelle pouvait s'étoffer d'autres éléments, mais cette coïncidence de dates risque de maximiser un peu vite l'idée d'un intertexte La mention "peste carbonique" n'est rien d'autre qu'une coquille bientôt signalée à l'attention pour "peste bubonique" et au passage pour identifier définitivement la coquille Rimbaud avait intérêt à lire plutôt l'article où la coquille était signalée que l'article sur la peste en train de se propager en Mésopotamie, car pourquoi aurait-il eu le bagage scientifique nécessaire pour identifier l'anomalie de lui-même ? Qui plus est, l'existence de cette coquille interpelle Car celui qui a commis cette erreur, n'ayant sans doute pas su relire un manuscrit, semble avoir trouvé à son oreille que "peste carbonique" était plus familier que "peste bubonique" En effet, malgré la science, les écrits scientifiques, l'expression de "peste carbonique" ne vivait-elle pas de sa propre vie ?
Jacques Bienvenu écarte une autre référence, celle de 1824 (document que cette fois en revanche il m'est loisible de consulter), en considérant qu'elle n'a pas pu être connue de Rimbaud


Toute de même, il s'agit d'une attestation de l'expression "peste carbonique", il s'agit comme dans le cas de Rimbaud d'un jeu de mots Le jeu de mots est plus politique Il s'agit de "purg[er] le pays de la peste carbonique", à savoir des Carbonari Il est assez frappant de constater l'écart entre "carbonique" et "Carbonari" Pourquoi ne pas écrire la peste carbonarique si "peste carbonique" n'est pas déjà une expression disponible ? Cela m'interpelle
Le jeu de mots se prétend sur le modèle "fièvre libérale, lèpre jacobine, peste morale", toutes expressions employées dans le libelle en question Pourquoi la corruption "carbonique"?

L'expression "peste carbonique" ne vivait-elle pas de sa vie propre malgré le manque d'attestations écrites rendue perceptible par nos puissants moyens de recherche informatique actuels ?

Pour contourner (quelque peu) l'effet Rimbaud, on peut chercher l'équivalent anglais "carbonic plague", je constate la présence de quelques occurrences, une autour de la bière, "carbonic plague" et "beer", d'autres encore, sans qu'on ne puisse dire "ah mais bien sûr c'est un lecteur de Rimbaud qui a écrit ça!"
Décidément, cela a de quoi laisser songeur et perplexe!

vendredi 19 septembre 2014

Un peu de blagues

Dans la bouche d'un directeur d'établissement : "Même un enfant qui ne maîtrise pas l'orthographe a le droit à une place dans la société"
Réponse intérieure du candidat pour le poste d'enseignant : "Oui, mais laquelle ?"

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Le jury lors d'un concours de Lettres modernes : Qu'est-ce qu'il y a entre deux hémistiches ? Le candidat : Ben, rien! Le jury : Et la césure ?
Le jury lors d'un concours de Géographie : Qu'est-ce qu'il y a entre la Belgique et la France ? Le candidat : Ben, rien! Le jury : Et la frontière, qu'est-ce que vous en faites ?

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Les hautes sphères pédagogues : "Il faut en finir avec la note qui stigmatise les élèves, les neurologues les plus sérieux ont montré que la note agissait sur des zones du cerveau qui bloquait [en permanence?] l'élève devant le travail à fournir! Il nous faut plus de tablettes numériques à l'école et nous cherchons des professeurs qui innovent dans la manière d'enseigner! Innover, c'est le maître mot de la réussite!"
Eh oui ! Vive le progrès, les jeunes ne savent déjà plus ni lire ni écrire!

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Enseigner au vingt-et-unième siècle

En voyant la foule de gens, Jésus alla sur la montagne. Lorsqu'il fut assis, les Douze vinrent à Lui. Il leva les yeux sur ses disciples et dit : Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux. 
Bienheureux ceux qui souffrent, car ils seront consolés. Bienheureux les doux, car ils possèderont la terre ....
Quand Jésus eut terminé, Simon-Pierre dit : « Il fallait écrire ? »
Puis André demanda : « Est-ce qu'on doit apprendre tout ça ? »
Et Jacques : « Il faut le savoir par cœur ? »
Philippe ajouta : « C'est trop dur ... »
Jean dit : « J'ai pas de feuille ! »
Et Thomas ajouta : « Moi, j'ai plus d'encre dans mon stylo ! »
Inquiet, Barthélemy demanda : « Y aura interro ? »
Et Thaddée interrogea : « Comment ça s'écrit '' bienheureux'' ? »
Matthieu se leva et quitta la montagne sans attendre, en disant : « Je peux aller aux toilettes ? »
Simon précisa : « Ça va sonner. » et Judas dit enfin : « Vous avez dit quoi après ''pauvres'' ? »
Alors un grand prêtre du Temple s'approcha de Jésus et dit :
· Quelle était ta problématique de départ ?
· Quels étaient tes objectifs transversaux ?
· À quelle compétence faisais-tu appel ?
· Pourquoi ne pas avoir mis les apôtres en activité de groupe ?
· Pourquoi cette pédagogie frontale ?
· Était-elle la plus appropriée ?
Alors, Jésus s'assit et il pleura.

mercredi 17 septembre 2014

Commentaire d'un article de presse

Cela appelle un important commentaire.

On a une foule en colère qui jette un député dans une poubelle et on peut observer les drapeaux qui flottent, on comprend bien que cette foule c’est celle de Pravy Sektor et Svoboda. On voit ce député se prendre un pneu qui lui est lancé dessus, mais observez très attentivement le geste d’une main qui déverse avec un mouvement ondulatoire très significatif le contenu d’une bouteille sur lui. En gros, il ne manque plus que l’allumette.
L’article, inattaquable au plan juridique, traite cela de manière humoristique en créant une complicité entre le lecteur et la foule, foule dont la couleur politique n’est pas précisée malgré l’évidence des drapeaux qu’on y observe : ils ont dû penser que c’était une “ordure” ou bien il s’accroche à son attaché-case comme à une “bouée de sauvetage”. Au sujet de cette serviette, c’est un réflexe humain premier de s’y attacher, c’est même une dignité, mais encore vu le geste d’un “lyncheur” de déverser de l’alcool pour le brûler on peut donner une autre raison à la volonté qu’a cet homme de s’accrocher alors à sa serviette. Le gars est en train de réellement craindre pour sa vie et il valait sans doute mieux que la foule ne s’empare pas des dossiers importants qu’elle pouvait contenir.
Les raisons de cette scène dégradante où symboliquement a été perpétrée la mise à mort de ce député, l’article nous les donne. Mais on s’attarde d’abord sur un rapport assez confus que cet homme a voulu un projet de loi pour réprimer les manifestations anti-gouvernementales. Cela est mis comme l’essentiel dans le chapeau à l’article qui précède le lien vidéo, puis cela revient dans l’article avec une phrase qui redit la même chose mais en l’amplifiant par une seconde considération aux termes étonnants : “avait participé à la rédaction d’un projet de loi visant à réprimer les manifestants anti-gouvernementaux et un autre projet de loi controversé criminalisant la diffamation”.
Vu qu’on ne nous précise pas la couleur politique de cette foule, un lecteur inattentif, mais fort inattentif il est vrai, pourrait presque comprendre que ce député voulait voter une loi contre les pro-russes, mais non proche de Yanoukovitch, il veut voter une loi pour réprimer des manifestants anti-gouvernementaux, donc qui posent problème au régime de Kiev. La bouillie de l’article fait passer en douce une idée assez étrange. Or, les manifestants anti-gouvernementaux qui posent problème c’est précisément Pravy sektor et Svoboda, l’extrême-droite. La foule en colère ici pour laquelle l’article de “france tv info” invite à éprouver de la sympathie c’est précisément ce bord politique très inquiétant pour l’ambiance démocratique et de l’Ukraine et de l’Europe ! Ce député proposait des lois pour lutter contre l’Hitlérisme, c’est pour cela qu’il finit dans un container, en fait.
Mais l’article renverse la logique, c’est la foule qui malgré les drapeaux d’extrême-droite représente la démocratie dans la rue en train d'humilier un mauvais député pris en flagrant délit de mijoter des lois non démocratiques. L’article emploie le mot fort “criminalisant” : “criminalisant la diffamation”. Mais la faute criminelle que dévoile le geste de renverser un liquide inflammable, c’est directement l’assassinat, la nouvelle démocratie avec des revolvers sur la tempe des récalcitrants.
Je ne sache pas que cette façon de manifester soit dans les moeurs européennes actuelles, je penserais plutôt aux années vingt, trente.
Enfin, après avoir assuré notre complicité amusée, après nous avoir indigné sur des projets de loi, l’auteur de l’article peut lâcher avec une dernière note d’humour incendiaire que “ce qui a mis le feu au poudre” (il veut dire à la bouteille d’essence) c’est la volonté “d’accorder une amnistie aux rebelle pro-russes”, ce que pris par la dynamique de l’article le lecteur est absurdement prêt à admettre sans broncher comme un autre scandale.
Cet article est l’un des plus hallucinants sur la crise ukrainienne. On atteint des sommets.
Cela annonce aussi le futur de l’Ukraine. L’extrémisation n’est pas contrôlée, on se demande même si ce n’est pas l’Otan qui devra un jour déclarer la guerre à Pravy Sektor et Svoboda, scénario comique mais édifiant que la proximité de la Russie rend improbable.
Toutefois, l’Ukraine est partie pour vivre une dictature d’extrême-droite extrêmement pénible, c’est ce qui se met assez visiblement en place, et cela dans un pays qui n’aura même pas un contrepoids de prospérité pour s’en cacher la hideur.

samedi 13 septembre 2014

Histoires ukrainiennes, moralités zaporogues

Deux personnes avec une guitare et un harmonica en rencontrent deux autres avec une batterie et une basse. Ils décident de former un groupe, mais ils finissent par se disputer, car le guitariste et l'harmoniciste veulent tout le temps imposer leurs orientations musicales. Il arrive ce qui doit arriver : le bassiste et le batteur se barrent... avec leurs instruments.
Les ukrainiens ont leurs terres historiques. Des peuples russes possèdent les leurs. En 1917, suite à la chute de l'Empire russe et à l'accession au pouvoir des bolcheviks, ils se retrouvent ensemble avec leurs terres en commun : c'est l'Ukraine. On leur ajoute d'autres russes avec leur terre propre en 1954. Ils finissent par se disputer, les ukrainiens veulent imposer aux autres leur choix de l'Union européenne. Les russes de 1954 et ceux de 1917 se barrent, ou plutôt des frontières se créent entre les populations et forcément les terres sont séparées.
Raisonnement à la BHL de l'Otan : "Eh ! le bassiste et le batteur, veuillez laisser vos instruments à nos amis le guitariste et l'harmoniciste, c'est à nous d'en jouer avec eux!"

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Biden va au lit. Il rêve qu'il envoie des ukrainiens prospecter dans le Donbass. Son doigt longe la carte, il refait dans la ouate du sommeil le voyage du gallois Hugues qui découvrit le bassin houiller de la région et créa la ville de Donetsk. L'heureux Biden trouve alors du gaz de schiste et entame les procédures d'expulsion des russophones qui crèchent encore sur son exploitation. Mais, patatras, il fait soudain tomber la cendre de sa cigarette et la carte brûle, brûle, l'alarme incendie retentit, c'est sans doute un missile soviétique parti à la seconde même d'un coin du convoité Donbass entre Lougansk et Slaviansk. Finie la croisade de haute gamme. L'exploitation est anéantie et il n'est plus de gaz que dans le bide.
Voilà, fallait pas rêvasser.

vendredi 12 septembre 2014

Blog au repos

L'actualité ukrainienne et ma vie privée occupent mon temps actuellement. Je n'ai pas l'esprit à préparer un article rimbaldien en ce moment.
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L'actualité ukrainienne n'est toutefois pas hors-sujet sur ce blog.
Victor Hugo avait une conception de l'Europe et Arthur Rimbaud était communard (je précise distinguer foncièrement la Commune du marxisme, du socialisme moderne et du communisme).
Les gens se sont habitués à se sentir protégés par l'Otan ou du côté de l'Otan. Les temps ont pourtant changé et l'Otan est devenu un danger. Communisme et soviétisme ont été balayés. Et le communisme agricole, et le communisme industriel se sont effondrés, et les versions idéalisées du genre des sandinistes n'ont pas tenu non plus. Pour alimenter l'idée de guerre froide en reprise, les journalistes pratiquent des amalgames tendancieux. L'URSS et la Russie, qui n'en était qu'une partie avec l'Ukraine, ne sont pas des entités qu'on peut confondre. Le soviétisme finissant était clairement sur la défensive, face à un Otan plus agressif, et cela vaut aujourd'hui. La Russie ne saurait s'offrir le luxe de visées impériales. C'est bien l'Otan qui s'installe aux frontières de la Russie.
Que peut-on reprocher à Poutine ? Il a soutenu un parti en Ukraine plus favorable à ses intérêts, mais l'Otan fait pareil. L'Otan ne devrait reprocher que des choses qui ne sont pas substituables à d'autres. Il fournit des armes aux insurgés, mais l'Otan fait là encore pareil, alors qu'il n'a même pas l'argument d'une continuité ethnique comme l'ont les russes. Pour camoufler son aide matérielle, l'Otan s'appuie sur le reliquat d'armes soviétiques dans les pays d'Europe de l'est intégrés à l'Union européenne. Poutine a laissé des troupes partir en Ukraine. Toujours est-il que l'OSCE, dont la principale fonction est de garantir la paix et la stabilité entre la Russie et le reste de l'Europe, n'a pas constaté d'ingérence russe, alors même qu'il est constitué d'individus venant de pays neutres ou membres de l'Otan (Suisse, Norvège, etc.). On peut toujours envisager que l'OSCE n'engage sa parole que pour ce qu'il peut voir à ses pieds, sous ses yeux. On peut toujours envisager que l'OSCE n'a pas vu... Il reste que les soutiens mêmes de l'Otan ont évalué cette présence à pas plus de 3000 soldats. Les médias ont essayé de présenter cela comme une invasion russe pure et simple, mais ce dosage très habile, sans aucun doute tactique, a fait que l'Otan n'a pas pu s'en servir comme argument décisif. Cela a éclipsé en tout cas la réalité sur le terrain. Une partie de la population à l'est de l'Ukraine est insurgée, ce sont bien des insurgés qui se battent massivement. On reproche à Poutine de déstabiliser le pays, mais ce n'est pas Poutine qui a renversé le gouvernement élu, le comportement de Poutine n'est aussi que la conséquence de la politique agressive de l'Otan et de celle scandaleuse du gouvernement de Kiev. Il faudrait aussi mettre en balance le massacre exprès de quantité de civils par l'armée ukrainienne, avec la bénédiction de l'Otan. Qui veut faire passer pour une décision innocente le fait de faire rentrer l'Ukraine dans l'Otan, ou bien le fait de soutenir un gouvernement qui en prenant le pouvoir a enlevé le statut de langue officielle du russe dans certaines régions ?
Autre reproche de l'occident, Poutine a aussi permis à la Crimée de réintégrer la Russie avec un très fort assentiment de la population concernée, et historiquement il n'y a rien à redire au fait que la Crimée a vocation à faire partie de la Russie et non de l'Ukraine. C'est au nom de conceptions arides du droit positif que l'Otan veut contester le référendum, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et l'existence de mécanismes qui échappent à la logique formaliste, paresseuse et non désintéressée de spécialistes du droit du genre du Brid'oison de Beaumarchais ("la fo-o-orme"). Le Donbass n'a jamais été ukrainien au plan ethnique et la réalité de la novorossie est appelée à grandir.

L'Ukraine est un pays inventé en 1917 qui, en s'en tenant à de grandes lignes simplificatrices, réunit une partie proprement ukrainienne avec le cas particulier de la Galicie et une partie plus spécifiquement russe, puis l'Ukraine s'est encore enrichie d'un territoire russe : la Crimée. Il faut bien mesurer que le contenu du territoire ukrainien est lié à un conditionnement soviétique. Si les européens et américains ne voulaient pas que cela devienne caduc, il fallait éviter de dresser une communauté contre un autre. C'est un problème de bon sens.
Plusieurs limites ont été franchies. La guerre contre les insurgés a été déclarée par Yatseniouk alors qu'il n'était même pas encore premier ministre. Porochenko a maintenu ce bras de fer de la guerre civile.
Il aurait fallu transiger immédiatement, cela n'a pas été fait.

Dans cette guerre, nous sommes parvenus à un cessez-le-feu. Porochenko a essayé de faire croire qu'il avait été négocié avec la Russie, mais la réalité est tout autre. Le cessez-le-feu ne peut que se faire entre les belligérants et il faut être deux pour un cessez-le-feu. Porochenko a apporté aux novorossiens un projet de cessez-le-feu sur les conseils de Poutine.
Ce cessez-le-feu a l'air de prendre à contre-pied le cours des événements. La contre-offensive des novorossiens était victorieuse, la ville de Marioupol allait être reprise, l'armée ukrainienne allait au désastre. Mais il ne faut oas considérer que le cours des événements allait s'enchaîner de manière aussi simple. La stratégie d'encerclement de l'ennemi par les novorossiens allait être de moins en moins applicable avec l'extension du territoire reconquis et les actions isolées dans la contre-offensive risquait de s'éparpiller en se mettant cette fois à la merci d'une armée ukrainienne peu compétente, mais fournie malgré tout en soldats comme en matériel. La puissance allait pouvoir faire fi du mérite tactique des insurgés.
Aucune trahison ainsi que le pense le poète Mozgovoi, ce cessez-le-feu permet de calmer le jeu des novorossiens, et d'éviter plus de morts des deux côtés, mais aussi il ne s'agit que d'une trêve. Les négociations sont vouées à l'échec, et ce qui devrait se créer c'est un glacis, un glacis suffisant pour empêcher l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan. Les associations préparant l'adhésion à l'Union européenne ne sont bien sûr que symboliques. Il s'agit aussi d'empêcher une réaction de l'Otan consistant à accorder leur indépendance aux deux oblasts pour éloigner définitivement le reste de l'Ukraine de la Russie. J'ignore si tactiquement les américains et le gouvernement de Kiev ont pour l'instant les moyens de contourner la difficulté et de se séparer de la partie belligérante, mais on voit qu'ils veulent à tout prix des richesses du Donbass. Cette gourmandise devrait perdre l'Ukraine qui a déjà gaspillé l'argent prêté, qui ne pourra pas le rembourser, qui connaîtra la cessation de paiement, l'effondrement de sa monnaie, une Ukraine où les jeunes enrôlés de force par les nazillons ne retrouveront pas les emplois qu'ils avaient avant le conflit pour nombre d'entre eux, une Ukraine qui va souffrir de l'hiver, du manque de gaz, des deuils, de la montée de tensions politiques dictatoriales, etc., etc.
Maintenant, ce glacis devrait durer et les russes ne plieront sûrement pas face aux sanctions. L'Ukraine va s'effondrer économiquement, l'Otan ne pourra financer ce désastre et la poursuite du conflit. Plus tard, le conflit reprendra et l'Ukraine sera disloquée. Une grande partie formera un nouvel Etat : la Novorossie, en incluant bien plus que les territoires sous contrôle des insurgés actuellement.
L'Ukraine n'a plus aucun avenir et la famille Biden n'exploitera jamais le gaz de schiste dans le Donbass, ni n'en expulsera les populations, il faudra qu'elle se contente des prospections en Galicie, l'autre des deux régions supposées riches en cette ressource dans le pays.
L'Otan est embêté par ce cessez-le-feu et c'est pour cela que contradictoirement avec ce qui a été dit la veille par Porochenko qui parlait de 70% de troupes russes retirées l'Otan considère que le cessez-le-feu n'est pas respecté par les russes et les novorossiens, un comble quand on sait que ce cessez-le-feu a été poussé à la mise en place par Poutine dans le mépris défiant complet des occidentaux, mais justement c'est le cessez-le-feu lui-même qui est vécu comme un piège par l'Otan.
Qui plus est, ce sont les ukrainiens qui ne respectent pas le cessez-le-feu, ce qu'explique logiquement le fait que ce sont les ukrainiens qui récupèrent des territoires en plein cessez-le-feu pour revenir aux lignes d'avant la contre-offensive.
L'Otan ne recule devant rien. Les bataillons ukrainiens nommés Azov et Donbass sont spécifiquement nazis, ils en portent les insignes. Inattentifs, les journalistes en ont parfois laissé passer des photos dans leurs colonnes, avec d'inévitables réactions dans les parties réservées aux commentaires. Avec beaucoup de mauvaise foi théorique, on peut minimiser la présence nazie dans le gouvernement de Kiev. Nos médias et dirigeants ne s'en privent pas.
L'opinion, bien sûr, elle s'en fout, ça ne l'intéresse pas, ça l'assomme quand on en parle. Les gens n'ont plus de conscience politique, plus de sens de l'Histoire, plus de sentiment du danger: il ne reste que la carrière et la consommation, toute la pensée du français aujourd'hui.

Ce cessez-le-feu a permis aussi à la Russie de ne pas voir s'aggraver des sanctions contre elle, car bien sûr qu'elle s'en inquiète, mais il est ahurissant de voir les européens ne point s'en alarmer. Nous ne sommes pas dans une situation économique florissante qui nous permette de supporter la réplique des mesures de rétorsion de la part de la Russie. Ce cessez-le-feu a aussi l'intérêt de calmer les rencontres lors des sommets. Pour des raisons psychologiques sommaires, nos dirigeants peuvent si vite prendre des décisions irrévocables dans ces hauts moments d'ébullition, où l'Otan n'investit aucune dimension de sagesse et de reprise intellectuelle.
Enfin bref, si depuis 45, vous avez cru que cela n'était plus possible, ben si!, vous pouvez être un parfait collabo en soutenant la politique de Kiev. Cela semble faire rêver bien des occidentaux.
Qu'ils ne se réjouissent pas trop vite. Certes, l'Otan et les ukrainiens vont déployer leur énergie tactique pour contrer la logique du cessez-le-feu, mais il est déjà clair que les ukrainiens ont tout perdu, et le combat des russes et des novorossiens est vraiment loin d'être désespéré.
Merde aux américains ! Ils ont osé le dire et on les sanctionne parce qu'ils sont des non alignés, voilà toute la sordide vérité, pendant que quantité de pays dans le monde souffrent le chaos amer laissé par les interventions américaines. On aurait pu imaginer les Etats-Unis en nouvelle Rome, en justiciers du monde qui passent outre au droit, mais qui règlent après tout cyniquement les problèmes de stabilité et de démocratie dans le monde. Mais, même sur un tel plan d'analyse, où sont les résultats ?
Le traité transatlantique, cela justifiera des procès du genre du cigarettier Philip Morris à l'encontre de l'Uruguay et de sa politique de santé publique. Les grosses entreprises feront en fonction de leurs intérêts des procès aux différents Etats, contre les populations, et les amendes à payer par les Etats seront plus élevées que le dérisoire espoir de gain chiffré (0,03% du PIB selon mon souvenir) qui a été évalué par les optimistes du traité transatlantique, lesquels n'ont bien sûr pas pris en considération que comme d'habitude les anglo-saxons exploiteront mieux que nous et à notre détriment les ficelles du système. Il faut bien se pénétrer de l'idée que les procès ne seront plus contrôlés par des juristes, mais par des chefs d'entreprise et des représentants d'Etat.
Certes, la solution d'Etienne Chouard est stupide, mais une double confiscation de la démocratie et du mode de gouvernement représentatif est en cours, et notre avenir au vingt-et-unième siècle s'annonce particulièrement sombre. Les avertisseurs ne manquent pas et les contradictions vont finir par éclater, et ça fera très mal aux générations qui vont suivre... Les politiques internationales d'Etats voyous qui se mettent en place dans l'indifférence générale puent à plein nez.
Peut-être devrais-je mettre à profit mes connaissances littéraires pour me lancer dans la compétition romanesque avec Hugo. Peut-être convient-il d'écrire un poème en alexandrins du genre Le Forgeron d'Arthur Rimbaud. Pour ce qui est du vers, je crois que la compétition est rendue difficile par la médiocrité de l'enseignement scolaire au vingtième siècle. La relative compétition au plan romanesque n'est peut-être pas désespérée. Je vais essayer de voir ce que je peux faire. Quel malheur que nous n'étudions que des extraits courts pour commentaires composés et jamais un chapitre entier ou l'unité de plusieurs pages d'un roman ! Quel malheur que l'enseignement rhétorique se soit perdu ! Quel malheur que nous ne jouissions plus d'exercices d'écriture constants ! Quel malheur que le recul de la méthode syllabique pour apprendre à lire ! Quelle plaie que les méthodes globales et semi-globales! Quelle folie que l'enseignement de tout un jargon et de notions anachroniques : schéma narratif, schéma actanciel, etc. Quel malheur d'avoir perdu l'enseignement par coeur ! Quel malheur que l'enseignement de la grammaire ait perdu le sens du bon usage, de la maîtrise des particularités au profit d'un enseignement modernisé maladroit et contre-intuitif de bases grammaticales limitées à deux, trois centres d'intérêt scolaire auxquels on s'accroche inefficacement comme à un rocher. Quel malheur de négliger la pratique au profit d'un compte rendu analytique qui n'est pas à la portée de jeunes sans expérience, sans grande familiarisation avec l'écriture ! Bref, le pire est à venir. Tous les enfants passent par l'école, quelle horreur pour le futur!
Une bonne remise en cause du monde ambiant par de la littérature du dix-neuvième siècle, c'est bien pourtant ce qu'il nous faut!