mardi 8 décembre 2020

Voyelles / Tête de faune et volume de "Parade sauvage" à paraître !

Sur le site du plus grand critique rimbaldien de toute l'histoire universelle depuis que l'univers a une histoire, il y a une rubrique de publications du moment qui annonce "à paraître - Parade sauvage n°31" avec un dossier sur les 150 ans de l'année rimbaldienne 1870, à croire que l'année prochaine on aura un dossier sur 1871 et la Commune, puis un dossier sur les vers nouvelle manière en 2022, puis un dossier sur Une saison en enfer en 2023 et un dossier sur les Illuminations en 2024.

J'ai consulté le sommaire. Le titre de Benoît de Cornulier " "suivre ses vues" (A quoi rêvent les poètes de seize ans)", je suis curieux de le lire, mais je ne sais pas pourquoi j'ai l'impression d'avoir déjà entendu ce titre quelque part. Boah, une illusion de souvenir !

L'article de Chevrier autour de Murger m'intéresse également. D'ailleurs, il est question de Murger et même de vers dans le volume de Jean Reymond sur Glatigny. Je remarque que Marc Dominicy va se pencher sur Lucrèce, Sully Prudhomme, Hugo, Virgile et Rimbaud. On enlève Virgile, c'est un axe de recherche sur lequel j'ai lourdement insisté ainsi qu'une personne que j'ai parrainée pour une publication d'un article dans la revue Parade sauvage, article sur Credo in unam au prisme des mythes platoniciens. J'ai aussi lourdement insisté sur le fait que Rimbaud avait eu accès à un volume publié par Lemerre de la traduction par Sully Prudhomme du premier livre du De Natura rerum (ou De rerum Natura, peu importe, ou De la nature des choses), en sachant que Rimbaud y avait trouvé un exemple de mot "que" à la césure, ce qui l'a inspiré dans "Les Etrennes des orphelins", sachant que le mot "que" à la césure est une rareté : un exemple dans les Poèmes saturniens, un  exemple dans une fable de Florian du XVIIIe avec suspension de la parole, dernier vers je crois de "La Carpe et les carpillons", fable citée par Verlaine dans sa jeunesse, et j'ai un ou deux autres "que", mais je ne sais plus où, puis deux, mais sous forme d'engrappement trisyllabique dans le recueil Feu et flamme de Philothée O'Neddy (une forme du type "est-ce que"). Mais, surtout, l'ouvrage de Prudhomme est précédé d'une immense préface sur les notions de matérialisme et de spiritualisme, très à la mode avec la philosophie éclectique de Cousin et consorts. Il y avait aussi un passage que je rapprochais du "Je est un autre". Par ailleurs, l'ami que j'ai parrainé faisait remarquer dans son article de Parade sauvage que la métaphore liquide était ajoutée par Rimbaud au texte de Lucrèce, sachant que cela peut passer par une influence des poètes du dix-neuvième siècle. Cet ami citait aussi une de mes idées clefs : "Credo in unam" qui se voulait à la dernière livraison du Parnasse contemporain était donc une reprise très précise des deux poèmes qui encadrent le recueil Les Exilés de Banville : "Le Festin des Dieux" et "L'Exil des Dieux".

On voit que ce sujet prend petit à petit de l'importance dans le discours critique.

L'article annoncé de Pierre Laforgue m'intéresse également, je connais surtout ce critique étudiant des textes de Victor Hugo, un peu sur d'autres auteurs comme Baudelaire, mais il a très peu publié sur Rimbaud, quasi rien du tout. Je suis curieux de lire cela, sachant que le poème "Les Effarés" pose un problème d'approche. On répète souvent que des poèmes comme "Les Effarés" ou "Les Etrennes des orphelins" se moquent du misérabilisme hugolien, ça a l'air d'être une évidence, sauf que, moi, je ne comprends pas de quoi on parle. Je ne vois pas le raisonnement logique qui a derrière ces affirmations. Du coup, je suis très intéressé par le fait que l'étude sur "Les Effarés" soit conduite par une personne qui ne part pas du principe qu'il faut conspuer Hugo.

Il y aura une étude sur le poème "Entends comme brame..." par Paul Claes, je prends note.

Dans la rubrique des articles courts qu'on appelle "singularités", les poèmes de l'Album zutique sont à l'honneur : Cornulier va rapprocher du Scarron du sonnet "Paris", et Reboul annonce "Encore Vu à Rome". Je connais le précédent article de Reboul qui réagissait d'ailleurs à ce que j'avais pu écrire. La connaissance des enjeux de ce poème progressent enfin, faudra d'ailleurs que je publie moi-même un article complet sur ce que j'ai à dire, mais la précédente étude de Reboul tournait le dos à la fausse attribution à Léon Dierx, ce qui me pose problème. Pour le quatrain "Lys", on faisait de la signature "Armand Silvestre" quelque chose d'insignifiant, c'était un parnassien quelconque qui prêtait son nom. Or, j'ai identifié les passages précis réécrits par Rimbaud et j'ai trouvé moi-même que les ouvrages de Ludovic Hans étaient en fait deux livres sous pseudonyme d'Armand Silvestre, même si j'aurais pu voir à l'époque qu'un des deux livres avaient été identifiés par Pakenham. J'ai montré que les "Conneries" sont des réécritures de poèmes et de vers précis d'Amédée Pommier, etc. Et j'ai montré qu'il y avait des raisons. Dans un article non encore paru, je montre que le "Sonnet du Trou du Cul" réécrit plus de passages qu'on ne le croit de deux recueils L'Idole d'Albert Mérat et le recueil sous le manteau d'Henri Cantel. Steve Murphy a eu le coup de maître d'identifier une réécriture, mais j'ai poussé cela beaucoup plus loin. Or, il faudrait accepter que, pour "Vu à Rome", la cible "Léon Dierx" ne permette pas de fixer des enjeux satiriques à la composition. Cela me paraît impossible, j'attends donc ces nouveaux éclaircissements avec impatience.

Enfin, il y aura une étude intitulée "Hugo/Rimbaud : Voyelles". Je précise que en 2003 j'ai écrit dans mon article "Consonne" dont les rimbaldiens s'inspirent énormément sans jamais le citer que Rimbaud avait repris à Hugo le principe métaphorique de l'alphabet de lumière "les grandes lettres d'ombres", "les sept étoiles formant le nom de Jéhovah", etc., etc. L'expression "golfes d'ombres" est bien sûr une variante de "gouffres d'ombres", etc., etc. Je parlais du symbolisme de la lumière, et alors de l'aube, mon approche étant alors trop restrictive, qui venait de Victor Hugo, je soulignais son importance dans Les Contemplations et La Légende des siècles. J'ai depuis mis en place un dispositif amélioré avec un article publié dans la revue Rimbaud vivant, sauf que l'article est truffé de fautes de français étranges qui ne sont pas de moi et je n'ai jamais eu d'explications sur ce qui s'est passé. En revanche, dans les années qui ont suivi, d'autres articles ont été publiés sur l'idée de lumière dans Rimbaud vivant. Bref, j'attends de voir de quoi il retournera dans cet article.

Je rappelle quand même qu'avant 2003 le poème "Le Bateau ivre" était de plus en plus minimisé, mon article de 2006 a fait un petit choc positif. Mais, pour ce qui concerne "Voyelles", les liens à Hugo étaient encore plus minimisés. C'est complètement reparti à la hause. J'ai anticipé cela par coïncidence. Normalement, "Voyelles" est censé être pour l'élite des rimbaldiens une réplique au sonnet "Correspondances" de Baudelaire, ce qui n'est pas faux, mais le premier quatrain de "Correspondances", comme l'a montré il y a fort longtemps Fongaro, est une réécriture des métaphores de l'universelle analogie pratiquées par Lamartine et Hugo dans leurs premiers recueils : la forêt, les vivants piliers, le temple Nature, ben c'est dans Lamartine et Hugo. Et oui !

Je réexplique un peu les choses quant à "Voyelles". Le blanc, c'est la lumière, le noir c'est l'absence de lumière. Le poème commence par faire vivre quelque chose caché dans le noir, puis le met à jour, on passe du noir au blanc, avec un jeu de passage de l'intériorité à l'exposition solaire ou extérieure. Le rouge, c'est le sang bien sûr. Rimbaud le dit dans "Credo in unam", la Terre est "nubile", autrement dit elle a des "golfes d'ombres" et plein d'êtres sortant de leur coquille vont êtres frappés par le rayon blanc du soleil", et cette Terre "déborde de sang". Le rouge est à l'évidence la couleur du sang dans "Voyelles", et c'est une couleur qui a le mérite d'évoquer l'intérieur de l'être et puis aussi le jaillissement vers l'extérieur, la vivacité ou le don mortel de soi. Le vert, c'est évident, la couleur de la Nature et Rimbaud y inclut les mers, il n'en a encore jamais vu directement à cette époque-là et la préférence du vert peut se concevoir. Le bleu, c'est une couleur qu'en-dehors des teintures et de certaines pierres, on ne voit guère que sur les yeux et bien sûr dans le ciel ou sur de larges étendues d'eau. C'est évidemment la couleur du ciel. Rimbaud joue donc avec un symbolisme universel des couleurs. Il joue de l'opposition de l'ombre et de la lumière, poncif hugolien fondamental pour parler de manière ampoulée, Rimbaud pour évoquer la vie après les luttes de l'ombre et du jour choisit le rouge du sang, le mot lui-même est lâché "sang craché", puis il nous fait un tableau à grands traits de la Nature en deux couleurs, le vers sublunaire, la Nature et le bleu du ciel. Or, Hugo suramplifie les méthodes venues du fond des temps de la relation de la Terre à l'infini du ciel, etc. Cette Terre est celle des humains, le ciel offre la perspective de l'infini et du divin. Le reflet violet est mis sur la perspective mystique du divin céleste.

Je suis désolé, mais, même encore aujourd'hui, aucun rimbaldien ne dit ce que je dis ci-dessus. Au-cun !!!

Personne ne veut comprendre ce qui est la simplicité même. Les images du poèmes, il y a d'autres choses qui sont compliquées à comprendre, mais ce symbolisme d'ensemble des couleurs sur le poème, franchement, c'est pas si compliqué que vous le croyez.

Cependant, article après article, comme les rimbaldiens parlent par petites touches de tel et tel aspect, on va finir par avoir l'illusion que cela a toujours été dit et su.

Les cinq voyelles, c'est la notion d'alphabet. Rimbaud fixe en poète cinq couleurs de base pour connaître et explorer l'univers. Et il n'applique pas à des objets épars. Tout est organisé. Le vert, ce n'est pas, "oh les mers sont vertes parfois, je vais en parler", l'herbe aussi est verte, je vais en parler. Non, non ! Le vert symbolise la Nature terrestre, mers incluses, de notre monde sublunaire, et le vert représente la Nature en tant que vie, puisque Rimbaud ne s'est pas intéressé aux rochers par exemple.

Les "golfes d'ombre" et le "corset" des mouches, c'est la matrice, mais une matrice paradoxale puisque nous sommes au milieu des putréfactions dans le cas des mouches. Ce rapport mort-vie est essentiel au poème. Il est évident que le "corset" pour les mouches évoque paradoxalement à la fois l'érotisme et la maternité alors que nous sommes sur un charnier. Or, les rimbaldiens, eux, tout ce qu'ils veulent voir, c'est une célébration du laid comme beau, un peu comme la performance "Une charogne" de Baudelaire. Mais, non ! Rimbaud, il parle de "mouches" qui se nourrissent et qui vont donner la vie, et se multiplier. Baudelaire dit que la charogne était érotique au passé, mais il ne consacre pas sa qualité présente de charogne !

Vous prenez le "I rouge", vous avez donc eu une progression avec des "golfes d'ombre", puis des blancheurs exposées, et là vous avez des éclats qui par définition vont de l'intérieur vers l'extérieur : "rire", "colères". Une colère qui ne s'exprime pas, c'est une "colère rentrée". Le "sang craché", là on a explicitement l'idée d'une partie intérieure du corps propulsée à l'extérieur, mais on a ici explicitement un système d'ambivalence : on a bien la preuve que Rimbaud veut que ce "sang craché" soit considéré comme une affirmation de l'individu puisqu'il le met en groupe avec "rire", et "pourpre(s)" et en même temps on voit bien que Rimbaud entretient tout au long de son poème un système d'ambivalence vie et mort, puisque, forcément, le sang craché est un indice inquiétant. Et les derniers mots du "I rouge" sont une alliance de mots "ivresses pénitentes", dont il faudra m'expliquer un jour pourquoi personne, à part moi, n'en fait rien. C'est le milieu formel du poème, les deux derniers mots des quatrains. Un sonnet, c'est deux quatrains et un sizain coupé en deux tercets. Je rappelle pour ceux qui ont du mal à suivre !

Les tercets, ils correspondent exactement à la bipartition monde sublunaire et ciel métaphysique. Et les tercets relient les fronts studieux des chercheurs et savants aux yeux de la révélation qui se trouve dans le ciel, pas sur Terre !

Et dans ce tercet du O bleu, on a l'altération du bleu en violet qui coïncide avec la théorie optique en train de se mettre en place depuis Young et nettement renforcée par Helmholtz, la trichromie rouge vert bleu ou rouge vert violet.

Voilà comment réagissent les rimbaldiens ! La trichromie, plaît-il ? La trichromie des peintres et de Charles Cros, c'est le rouge bleu jaune.  Là, vous avez deux coïncidences. D'abord, à côté du blanc et du noir, vous avez pile poil les trois couleurs de la théorie optique toute récente, ce qui montre que Rimbaud tient compte des leçons scientifiques les plus actuelles : rouge vert bleu, mais le bleu varie avec le violet. Or, l'hésitation entre le bleu et le violet est au coeur de la théorie !

Enfin bref, il reste le cas de l'ambivalence. Le sonnet célèbre une trompette de jugement dernier. Cela veut dire qu'il n'en a pas peur. Il est en confiance face à cela. Or, une trompette du jugement dernier, cela peut ramener les morts à la vie, mais c'est aussi une fin du monde. On est dans un principe ambivalent et le poète y acquiesce. Or, il n'est pas croyant. Va-t-on pour autant rejeter tout le poème ou dire qu'il n'est qu'une caricature dont le poète se moque ? Ben, pas forcément ! Rimbaud n'est pas cet être basique et grossier qui a peur dans une métaphore qu'on s'imagine identifier une allégeance à ce qu'il hait.

Non, dans "Paris se repeuple", avec les mêmes mots, Rimbaud célèbre les morts de la semaine sanglante.

Tant que les rimbaldiens n'auront pas compris ça, ils passeront pour des clowns.

Maintenant, il y a les poèmes en vers "seconde manière". Jacques Bienvenu a souligné avec raison que la plaquette "La Presse nouvelle" de Glatigny est une source au poème "Chanson de la plus haute Tour", mais la lecture du poème donnée par Bienvenu n'est pas encore satisfaisante. Loin de là !

Je parle en ce moment de l'importance des triolets et des Odes funambulesques pour mieux comprendre les enjeux du "Cœur volé". Là aussi, il y a eu des travaux de Bienvenu pour souligner l'importance de Banville.

Mais je vais citer encore cet autre poème "Tête de faune". Ce poème est lui aussi lié à Banville et Glatigny, et il a lui aussi comme "Voyelles" une sorte de construction métaphorique où le lecteur va pouvoir se laisser charmer par l'extérieur, ce qu'on appelle en jargon le signifiant, mais se poser des questions sur le sens profond de ces vers, ce qu'on appelle en jargon le signifié.

Je pense depuis longtemps que les poèmes en vers "seconde manière" sont à lire dans une relation étroite à l'idée de bohême avec des métaphores sur les correspondances universelles qui pourront venir des romantiques, comme Hugo, etc., mais qu'il va y avoir un vrai parti à tirer d'une meilleure compréhension du langage métaphorique appliqué par les écrivains et même journalistes au sujet de poètes tels que Glatigny.

Nous sommes d'accord que Camille Pelletan a fait partie du Cercle du Zutisme en même temps que Rimbaud. C'est le fils d'Eugène Pelletan, ce n'est pas la meilleure carte d'introduction auprès de Rimbaud, mais c'est aussi un journaliste de l'organe de presse des hugoliens Le Rappel. Camille Pelletan connaît très bien Glatigny. Le recueil de 1872 de Glatigny Gilles et pasquins, il devait être publié en 1870 d'une part, et d'autre part on en a eu des prépublications dans le journal Le Rappel. D'ailleurs, la plaquette "La Presse nouvelle" est une pièce satirique qui a été refusée par le journal Le Rappel.  Le volume de Glatigny a été publié en juin 1872 et c'est Camille Pelletan lui-même qui en a rendu compte et il écrivait : "Ses strophes éclatent d'une prodigieuse hilarité et son éclat de rire de faune fait craquer le corset du vers."

Pelletan écrit ceci quelques mois après la composition de "Tête de faune" et quand Rimbaud et Verlaine viennent de partir pour la Belgique. Cependant, observez bien ce qui se passe. Pelletan identifie Glatigny à un faune qui est l'équivalent exact de celui du poème en trois quatrains de Rimbaud. Les plus malveillants me diront que, tant que j'y suis, je n'ai qu'à rapprocher l'expression "corset du vers" de l'occurrence de "Voyelles" : "noir corset velu..." Je répondrai simplement que je n'exclus pas cette hypothèse sans examen. Mais, remarquons que le rire qui fait éclater le "corset du vers" chez Glatigny a son répondant dans le "rire" du faune qui fait "éclater le bois", notamment en lui communiquant le rire, et que "Tête de faune" fait précisément éclater le "corset du vers" à la césure !

Je rappelle que dans "Tête de faune", un vers de Glatigny est réécrit, et pas n'importe lequel.

Or, je n'ai pas envie de m'arrêter en si bon chemin.

On ne connaît pas la date exacte de composition du poème "Tête de faune". On suppose que le poème date de la période février-mars à partir de quelques maigres indices. Il faut dire que cela nous rapproche de la période des poses de poètes pour le futur tableau du Coin de table de Fantin-Latour. Camille Pelletan fait partie de cet ensemble d'écrivains en partie poètes aux côtés de Rimbaud et Verlaine, ce n'est déjà pas anodin dans le cas d'une thèse sur l'influence de Glatigny sur les vers de Rimbaud en 1872. La plaquette "La Presse nouvelle" a été publiée en mars 1872, après avoir été refusée par le journal Le Rappel, ce qui veut dire qu'il s'est passé quelque chose avant le mois de mars. Peut-être aussi faut-il préciser les visées du texte satirique "La Presse nouvelle". Je cite la présentation qu'en fait Jean Reymond : "Glatigny stigmatise l'abaissement et la servilité qui, à l'en croire, commençaient à se manifester dans les journaux de son temps." Et Reymond cite ensuite un extrait d'un compte rendu de Banville dans Le National du 11 mars 1872 : "Il s'indigne avec une très belle et très ardent colère, dit Banville, contre les cancans et les sauvages indiscrétions de la presse boulevardière." Après, Jean Reymond dit avec beaucoup moins de pertinence : "En réalité il cherche surtout à assouvir sa rancune contre les journaux qui lui avaient fermé leurs portes."

Le poème "Tête de faune" semble avoir été composé au moment où Glatigny préparait la publication du poème "La Presse nouvelle". Encore une belle convergence. Rimbaud étant éloigné de Paris en mars et avril 1872 en gros, le poème "Chanson de la plus haute Tour" daté de mai 1872 et rangé dans une série "Fêtes de la patience", ce qui implique la capacité à prendre en patience les cancans, la presse boulevardière, etc., je présume ! ce poème dis-je est toujours d'actualité par rapport à la situation de Glatigny. Rimbaud a quitté Paris quand c'était un sujet important et, quand il revient, c'est un sujet qui, pour lui, est resté pendant. C'est peut-être pas le cas pour les poètes parisiens, pour Verlaine, etc. Mais, Rimbaud, ça fait sens qu'il puisse en reparler aussi sec. On a quand même là des pistes à explorer qui permettront de mieux circonscrire la portée métaphorique des poèmes de 1872 de Rimbaud, en minimisant au maximum l'intuitionnisme des lectures personnelles et le recours si vastement désespérant à des dictionnaires de symboles et autres. Il faudrait quand même en être un petit peu conscient.

Au sujet du poème "Les Corbeaux" qui ne fait pas partie des vers "nouvelle manière", on sait que je m'oppose fermement à la datation proposée par Murphy qui imagine que Rimbaud a composé le poème en Belgique et en Angleterre et l'a envoyé à des fins de publication, ce qui aurait été immédiatement suivi d'effet.

Or, là encore, je vois des liens entre le poème "Les Corbeaux" et des poèmes de Glatigny, en plus d'une référence à un poème "Plus de sang" plus ancien de Coppée. Le poème "Les Corbeaux" date à l'évidence du mois de mars 1872. Les poèmes Gilles et pasquins de Glatigny ont par ailleurs l'intérêt d'être en vers courts, souvent des vers de huit syllabes. Or, il y a une évolution plus satirique et plus politique de Glatigny dans ce recueil. Il y a eu Le Fer rouge, mais ce dernier recueil ne revient pas purement et simplement à la manière des Vignes folles et des Flèches d'or. Glatigny avait des titres "Le Bois", "Vers les saules", etc., ce qui est au centre de la création métaphorique de "Tête de faune", et je pense qu'on a beaucoup à gagner à méditer cela pour mieux lire "Fêtes de la patience", "Bannières de mai" et quelques poèmes en vers plus ou moins courts de Rimbaud en mai-juin 1872. Qui plus est, c'est amusant de constater que Glatigny répliquait à la presse qui lui refusait des publications par une satire, quand Rimbaud dans les mois qui suivent se révoltent de ne pas être publié par La Renaissance littéraire et artistique et tourne définitivement le dos à une carrière d'écrivain parisien. Hou ! que je trouve ça diablement intéressant !

Maintenant, vous le savez, dans les sommaires des prochaines années de la revue Parade sauvage, vous allez avoir des articles sur Glatigny. Par qui ? Je n'en sais rien, je ne suis pas devin à ce point-là. Mais, en général, quand je lance une idée, ça suit. Je n'en doute pas un instant que ça va bouger.

En ce moment, il n'y en a pas. Il yavait de quoi de passionnant sur le sonnet "Voyelles" dans les années 80 et 90. Il y avait la recension de Peter Collier dans les numéros au format "bulletins", mais personne l'a jamais cité depuis, et sinon il y avait quoi de profond sur l'influence d'Hugo, en-dehors de Barrère, il y avait quoi sur la lumière ? Je précise que Gengoux il ne parle pas de la lumière comme je le fais.  Ou alors qu'on m'explique.

Allez, rideau !

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