Il est peut-être des gens pressés qui attendent la suite de l'article sur "Tête de faune" et la comédie Le Bois : il serait temps que je développe les rapprochements. On attend depuis plus longtemps encore l'article de recension sur les triolets et depuis plus longtemps encore la deuxième partie de l'article sur "abracadabrantesques" et Mario Proth.
Mais il faut attendre, tout cela demande un certain nombre de lectures de ma part, même si parfois c'est du temps de dépensé à vérifier des petits riens. Toutefois, je vous montre que j'en ai réellement sous le pied.
D'abord, voici la rime "cousine"::"usine" du poème "Les Mains de Jeanne-Marie".
Ce ne sont pas mains de cousineNi d'ouvrières aux gros frontsQue brûle, aux bois puant l'usineUn soleil ivre de goudrons[.]
Voulez-vous goûter de l'inédit ?
Il n'existe qu'un seul manuscrit des "Mains de Jeanne-Marie", mais la particularité c'est qu'il s'agit dans un premier temps d'une transcription autographe, c'est-à-dire de la main de Rimbaud lui-même, et, dans un second temps, Verlaine a recopié en guise d'ajouts trois quatrains, et ses insertions se sont faites entre des quatrains de la version autographe (il ne s'agit pas de trois quatrains à la suite des autres). Et c'est Verlaine lui-même qui a reporté au bas du manuscrit la datation abrégée : "Fév. 72".
Verlaine a également modifié la mention du nombre de vers, le nombre "52" est remplacé par le nombre "64".
Dans son édition philologique, Murphy part du principe qu'il y a eu une hybridation entre deux versions du poème. C'est à peu près indiscutable, mais il y a hybridation et hybridation. En effet, Rimbaud n'a pas inventé ces trois quatrains à part pour que Verlaine les reporte sur le manuscrit. Il est logique de penser que Rimbaud a remanié son poème sur des brouillons, puis qu'il a établi une nouvelle version du poème. Par souci d'économie, ce qui au passage fragilise encore une fois l'idée que cette suite paginée soit un recueil, Verlaine s'est épargné de recopier tout le poème, de remplacer un feuillet manuscrit par un autre, il a recopié les trois quatrains inédits sur le manuscrit qu'il détenait. Il est évident que Rimbaud avait ses propres versions des poèmes sur lui, qu'il y avait constitution de dossiers manuscrits doublés, sinon triplés. La critique a beau jeu de créditer l'ex épouse de Verlaine de soutenir que sa famille n'a détruit aucun dossier de poèmes manuscrits de Rimbaud au prétexte qu'on a retrouvé la suite paginée remise à Forain au vingtième siècle. Rimbaud pouvait avoir trois dossiers de manuscrits, un laissé chez les Mauté, un laissé à Forain et étonnamment oublié par la suite, un enfin qu'il devait garder avec lui et qui a pu disparaître soit au cours de ses périples, soit être détruit par sa famille.
Mais, sans gamberger outre mesure sur d'aussi épineux sujets, je voudrais souligner que la critique part du postulat qu'il y a deux versions distinctes du poème, comme c'est le cas pour "Paris se repeuple", mais cela fait envisager que Verlaine, qui comme tous les gens à son époque n'était pas philologue, a peut-être repris uniquement trois quatrains, sans prêter attention que d'autres quatrains de la version autographe connue ne figuraient pas forcément sur le manuscrit inconnu qu'il a utilisé. Dans l'absolu, ce raisonnement est plus que raisonnable, mais il ne faut pas non plus prétendre que le manuscrit inconnu devait avoir une suite importante de petites variantes qui nous sont inconnues et que tout ce que nous avons est une hybridation de deux versions autonomes. Il est plutôt sensible que Verlaine a ajouté trois quatrains et remplacé "ployeuses" par "casseuses" parce que Rimbaud a voulu établir un nouvel état décisif du poème dont le reflet fidèle nous est parvenu ! C'est avec l'assentiment de Rimbaud que Verlaine a dû procéder à ces changements. Il fallait minimalement la présence de Rimbaud pour l'accès à un nouveau manuscrit. Pourquoi aller supposer que Verlaine a eu accès à un deuxième manuscrit, s'est retrouvé seul et a voulu conserver la trace écrite d'un maximum de quatrains composés au détriment de l'unité du poème. C'est d'autant plus piquant que Murphy et plusieurs rimbaldiens soutiennent que la suite paginée est un recueil, ils devraient donc être les premiers à défendre l'idée que l'ajout des trois quatrains est le fait de Rimbaud et que c'est à la version définitive que nous avons affaire. Pourtant, dans son édition philologique de 1999, Murphy écrit ceci : "on ignore le nombre de vers de la version utilisée par V[erlaine]." Et dans la section de commentaires, il écrit encore : "Le nombre de vers de la version du poème dont Verlaine a tiré les trois strophes ajoutées est inconnu." J'ai envie de répondre qu'on le sait et qu'elle faisait 64 vers. C'est impossible à prouver, mais c'est quand même ce qui me paraît tomber sous le sens. Et Murphy dénonce la version de Verlaine, puisqu'il écrit avec un ton de reproche : "Presque toutes les éditions fournissent une version hybride, quoique provenant d'un manuscrit unique : nous avons choisi au contraire de donner d'abord le texte de l'autographe, avant de reproduire ce même texte en italiques en y joignant les strophes recopiées par Verlaine en caractères romains, pour bien les distinguer." Je ne veux pas contester qu'il soit possible que la version finale de Verlaine soit une hybridation, mais ce qui me dérange c'est le fait d'affirmer qu'elle l'est forcément ! Pour moi, la seule hybridation manifeste porte sur la variante "casseuses" pour "ployeuses". C'est seulement si les éditeurs ont pris l'habitude de donner la version en 64 vers avec la leçon "ployeuses" qu'il y aura une fort minimale et anodine hybridation. Ensuite, même dans l'hypothèse où Verlaine aurait commis une hybridation avec un autographe qui aurait eu des variantes de mots que nous ignorons, même si fort probablement il devait y avoir des différences de ponctuation quant aux autres quatrains, il n'en reste pas moins que dans la suite paginée nous avons affaire à une version finale avalisée par Rimbaud. L'important, c'était les trois quatrains à ajouter et la variante "casseuses". Rimbaud admettait tacitement cette version du dossier paginé constitué par Verlaine. Il est périlleux de faire de cette version à deux écritures une espèce de témoignage approximatif, une sorte de témoignage indirect et imprécis sur ce qu'était le poème de Rimbaud. En plus, vu qu'on ne mettra sans doute jamais la main sur les autres manuscrits à la source des recopiages verlainiens, réjouissons-nous de ce texte remanié. Pourquoi s'empêcher de le considérer comme authentique ?
Il est vrai que l'état définitif offre prise à une critique au plan des rimes. Rimbaud fait précéder par son ajout un quatrain avec la rime "cousine"::"usine" à un quatrain contenant la même rime au pluriel pour le couple "échines"::"machines".
Il y a d'autres reprises de rimes dans la seule version manuscrite autographe en 52 vers, en particulier la rime "-ange(s)", mais le quatrain avec la rime "oranges"::"langes" est à une certaine distance du quatrain final avec la rime "étrange"::"Mains d'ange". Main-tenant, dans la version en 64 vers, nous avons la reprise de la rime en "-ine(s)" sur deux quatrains successifs, sur deux rimes féminines successives carrément ! Et j'ajoute à cela le repérage d'un parallèle grammatical à signification latente entre "mains de cousine" et "Mains d'ange", mais cela s'inscrit dans une série avec "mains fortes", "mains mortes", "mains de Juana", voire "mains sombres que l'été tanna", avec "Mains chasseresses des diptères", "Mains décanteuses de poisons", "vos mains", "vos mains infâmes", "mains amoureuses", "phalanges savoureuses", "Mains sacrées", "Mains où tremblent nos...", et il faut ajouter à cette série "sein d'hier" et tout particulièrement le contrepied "Sur les pieds ardents des Madones", puis les trois autres mentions "mains" : "Ces mains n'ont pas vendu", "Ces mains n'ont pas lavé", "Des mains qui ne font jamais mal".
Alors, dans ces rimes où il est beaucoup question de mimines, apparaît la fameuse rime "cousine"::"usine" dont je vais dire quelque chose qui intéresse l'ordre de composition des versions.
Dans son édition philologique de 1999 des vers de Rimbaud, Murphy écrivait aussi : "La numérotation des versions [à savoir celle livrée dans son ouvrage] ne doit pas être interprétée, ici, comme une hypothèse concernant la chronologie relative des versions." Et nous avons un renvoi à un chapitre "3 : Sur l'hybridation et sur la datation relative des versions". Avant de m'y reporter, je fais tout de même remarquer que si la version autographe était plus récente que la version d'où proviennent les trois quatrains inédits, on ne voit pas très bien pourquoi Verlaine qui n'était pas philologue, au point de ne jamais contester les erreurs de transcription jusqu'aux fusions de deux poèmes en prose en un dans les Illuminations, aurait pris la peine de souligner la variante "casseuses" pour "ployeuses". A l'époque de Verlaine, ce n'est pas comme les écrivains amateurs d'aujourd'hui qui conservent leurs brouillons en prévision du travail de la critique littéraire, que je sache ! Banville, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, ils ne s'en préoccupaient pas des variantes. Ils remaniaient leurs textes et ils publiaient un seul état du poème. S'ils le retouchaient dans une nouvelle édition, l'ancien état n'était conservé que parce qu'il était toujours loisible de trouver les éditions plus anciennes dans une bibliothèque ou chez un libraire. Pour soutenir qu'il y a hybridation, Murphy crée un argument de l'homme de paille : "Jeancolas a soutenu que les trois quatrains avaient été ajouté 'sous la dictée de Rimbaud' ". Certes, l'argument est malheureux, mais l'idée c'est que la leçon verlainienne a l'aval de Rimbaud et a toutes chances de correspondre exactement au manuscrit inconnu utilisé, moyennant sans doute des variantes de ponctuation pour lesquelles nos poètes n'étaient pas spécialement regardants.
Murphy veut insister ensuite sur le fait que nous ne devons pas croire que la version la plus récente est toujours la plus longue, le poète peut raccourcir sa version. Mais c'est supposé bien de la désinvolture à l'acte de Verlaine qui ajoute trois quatrains, modifie le nombre 52 en 64 et précise qu'il y a une variante dont tenir compte désormais. Verlaine aurait préféré une version plus ancienne ? Il aurait dit à Rimbaud : "Non ! non ! tu m'as donné une version courte, je voulais la version avec d'autres quatrains ! " Et inévitablement, Murphy exhibe la vraie hybridation, le fait de ne transcrire "ployeuses" et non "casseuses" dans les éditions courantes du poème.
Enfin, Murphy fait observer tout comme nous que Verlaine n'est pas un philologue, mais pour prétendre qu'il a pu hybrider n'importe comment deux versions authentiques du poème. Voilà qui ne me paraît pas défendable. Ce n'est pas parce que Verlaine n'est pas philologue qu'il va mélanger les poèmes au petit bonheur la chance. S'il a une version plus longue du poème et que, pour ne pas se fatiguer, il ne recopie que les différences, on ne va pas lui supposer des initiatives à scandaliser Rimbaud, l'auteur réel du poème. Verlaine a beau ne pas être philologue, il ne prend pas un poème pour choisir à la carte les quatrains qui lui conviennent ! Et j'en reviens à la question des doublons de manuscrits. En prenant des libertés, Verlaine aurait eu par-devers lui une version n'ayant rien à voir avec celle ou celles que Rimbaud auraient conservés près d'autres personnes ou par-devers lui. Si le but de la suite paginée est de conserver les manuscrits, certes on peut toujours admettre que Rimbaud remanie son poème et finit par n'avoir jamais des versions authentiques, mais supposer que Verlaine ne prend même pas la peine d'établir une leçon fidèle à ce qu'on lui fournit, ça n'a aucun sens. Verlaine a eu le scrupule de reporter la datation sous la forme abrégée "Fev. 72" et il aurait établi une version qui lui convient à lui seul. Dans tous les cas, l'argument de Murphy est beaucoup trop aléatoire et subjectif, il n'a aucune priorité philologique. Nous avons un manuscrit établi, et on va aller supposer entre les lignes qu'il n'est pas le reflet de ce qu'a voulu Rimbaud. On n'a aucune preuve, aucun indice que la volonté de Rimbaud n'a pas été respectée. Par conséquent, cet argument de prudence philologique n'a pas lieu d'être et est lui-même une interprétation subjective, un abandon à l'intuitionnisme. Concrètement, le manuscrit, on a ça ! et c'est tout ! Et il n'y a pas d'amorce pour dire que c'est une composition libre de Verlaine. Il faut s'arrêter là !
Maintenant, le poème est daté de février 1872. Rimbaud devra s'éloigner de Paris tout au long des mois de mars et d'avril. Il a quitté Paris vers le début du mois de mars, il y revient vers les premiers jours du mois de mai. On comprend la nécessité pour Verlaine à ce moment-là de constituer un dossier des poèmes de Rimbaud, puisqu'ils sont séparés et que les péripéties et séparations vont de pair avec des risques de perte matérielle. Il va de soi que cette séparation permet aussi d'envisager pourquoi Verlaine n'a pas eu le temps de se procurer des versions manuscrits du "Bateau ivre" et de quelques autres poèmes dont il mentionne les titres en attente. Rien à voir bien sûr avec la préparation d'un recueil. Verlaine monte un portefeuille de poèmes et ce portefeuille devait avoir son doublon entre les mains de Rimbaud en mars-avril.
Il est possible que ce soit au retour de Rimbaud que Verlaine ait recopié les ajouts de quatrains aux "Mains de Jeanne-Marie", comme il y eut des ajouts obligatoirement postérieurs à février (rime "daines"::"soudaines") de deux quintils au poème "L'Homme Juste".
Rappelons que la suite paginée par Verlaine s'est retrouvée dans les mains de Forain avec quelques autres poèmes, mais seulement un prélèvement partiel des poèmes en vers "nouvelle manière" de Rimbaud datés du mois de mai 1872, puisque Forain n'a pas eu ses propos versions des quatre poèmes coiffés du titre "Fêtes de la patience", si je ne m'abuse, lesquels viennent de Richepin, je crois.
Alors, venons-en enfin à cette rime "cousine"::"usine".
Dans le numéro 1, demeuré unique, de la revue Circeto en octobre 1983, cet ancêtre à la revue Parade sauvage (il n'y eut jamais de second numéro, bien que le bruit en circule), dans la section "Mélanges", Jean-Pierre Chambon a apporté deux petites contributions dont une sur "Mains de cousine" où il écrivait ceci :
Ce ne sont pas mains de cousineNi d'ouvrières à gros frontsLes éditeurs ne semblent pas s'être arrêtés à la difficulté de sens que recèle le premier vers cité. Pourtant, à lire et à relire ce vers, il apparaît qu'il n'offre guère de signification satisfaisante à vouloir s'en tenir à l'acception ordinaire de cousine comme terme de parenté.
Et en affirmant ainsi que le mot est singulier, Chambon, qui est pourtant un excellent linguiste, se lance dans des suppositions lexicales. le mot "cousine" serait un équivalent de "cousette", puis ce serait le féminin du mot "cousin" au sens de "ouvrier au service de la forge dans les métallurgies", mais selon une acception qui provient d'un dictionnaire du dix-huitième siècle (Trévoux). Le Littéré relève bien en ce sens "cousin de gueule noire" et Rimbaud aurait "plaisamment féminisé" ce terme, ce qui aurait du sens dans la région ardennaise de Charleville. Ayant commenté le poème "Les Mains de Jeanne-Marie" dans un article qu'il a repris dans son livre Rimbaud dans son temps, Reboul oppose une fin de non-recevoir à cette argumentation fragile. Le mot a bien le sens premier qu'on lui prête et il fait quelque peu songer aux cousines des romans de Balzac, femmes de la famille avec lesquelles on peut se marier raisonnablement, etc.
J'ai déjà signalé qu'un tel motif de la cousine figure aussi dans le poème en triolets de Daudet "Les Prunes" et dans les passages cités par Banville lui-même dans son traité, dont la parution complète en volume, et non plus en livraisons, nous rapproche de très près de la composition des "Mains de Jeanne-Marie" et de "Tête de faune". Or, pour ceux qui suivent, qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ? Plusieurs pièces en vers de Glatigny sont jouées sur les scènes parisiennes. Il n'y a pas que Le Bois à l'Odéon en novembre 1871. Il y a un hommage à Molière en janvier, il y aussi en mars la comédie Vers les saules. Dans son étude de 1936, Jean Reymond casse sans arrêt du sucre sur les compositions de Glatigny, il ne comprend pas que Banville, Verlaine et plusieurs aient tant goûté ces vers. C'en est amusant : Reymond consacre un ouvrage qui lui prend du temps et qui fait une certaine épaisseur sur des vers qu'il méprise plus qu'un peu. En réalité, s'il y a quelques vers qui passent en boitant, la comédie Vers les saules a beaucoup de charme et des moments très drôles. D'ailleurs, Reymond reproche à Verlaine d'en citer avec intérêt le premier vers qui est excellent, mais que le critique du vingtième siècle ne goûte pas. Il y a pas mal de rapprochements de thèmes, de métaphores, de conceptions poétiques et de petites idées à faire entre Le Bois et Vers les saules, en faisant retomber cela parfois aussi au profit d'un petit plus à la lecture de "Tête de faune".
La comédie Vers les saules a été jouée à Vichy en 1864 et elle a été imprimée par Lemerre au moins en avril 1870, puisque j'ai consulté le fac-similé de cette parution. Rimbaud a donc pu connaître le texte de la comédie Vers les saules en 1870, il y a d'ailleurs sur la quatrième de couverture une page "Bibliothèque dramatique" avec Le Passant de Coppée ainsi que Deux douleurs, avec Florise de Banville et une poignée de comédies de quelques autres (Theuriet, etc.) Ceci dit, c'est en mars 1872 que la pièce a été interprétée à Paris. Il faut vérifier au jour près, sachant que nous avons des incertitudes sur la date de départ de Rimbaud, mais ça semble coïncider avec une période où Rimbaud n'est pas à Paris, sinon au mieux il est sur le départ et doit se faire tout petit. En tout cas, la pièce étant déjà imprimée, peu importe que Rimbaud y assiste ou non. Tout ce qui compte, c'est qu'il sache qu'elle est jouée en mars à Paris. Et c'est là que c'est intéressant, puisque seuls les ajouts de quatrains par Verlaine aux "Mains de Jeanne-Marie" contiennent la rime "cousine"::"usine", rime qui figure telle quelle dans la comédie Vers les saules de Glatigny, laquelle est donc représentée sur scène à Paris au moment même où Rimbaud compose puis remanie le poème "Les Mains de Jeanne-Marie" !
S'il n'est que deux personnages sur scène dans la comédie Le Bois, nous avons affaire à trois couples, six personnes, dans Vers les saules. Nous avons le couple d'Henri et Blondinette, le couple d'Henriette et Marcel, enfin le couple d'Eléonore et Pontchartrain. Henri s'éloigne un temps de Blondinette et Marcel laisse seule un moment Henriette qui ne semble pas réceptive à ses déclarations enflammées. Voilà qu'Henri et Henriette se retrouvent l'un en face de l'autre, et se reconnaissent. Ils furent amoureux autrefois, sauf qu'Henriette avait fini par l'abandonner. Lui aime trop pour ne pas pardonner, et elle est tout autant amoureuse au point de renouer ce qu'elle a regretté d'avoir défait. Marcel surprend le couple et fait des reproches, mais Henriette lui explique qu'elle ne lui avait rien promis et que durant cette promenade elle avait exigé qu'il ne soit pas question de mots tendres. Marcel se plaint d'être venu seul dans les bois, il lui faut une nouvelle compagne. Il voit une jolie femme au bras d'un vieux, à savoir Eléonore en compagnie de Pontchartrain. Décidé, il séduit Eléonore en persiflant celui qui se dit son époux. Et nous en sommes quand Henri et Henriette alertés par la dispute interviennent. Pontchartrain reconnaît son neveu en la personne d'Henri et lui demande de le défendre face à son agresseur. Nous sommes à la scène IX, pages 32 et 33 de l'édition consultée. Pontchartrain bénit le ciel et demande à son neveu qualifié de "dévoué" de lui venir en aide. Henri, "majestueux" note la didascalie, dit ces vers :
Vous n'avez pas toujours, pour moi, l'un de vos proches,Eté, comme Bayard, un oncle sans reproches,Et je vais demander souvent aux usuriers,Quand les temps sont mauvais, l'argent que vous pourriezMe donner. Vous m'avez refusé ma cousinePour lui faire épouser je ne sais quelle usine ;Mais je serai clément, comme le sont les dieux,Plus peut-être. Je suis miséricordieux,Mais juste cependant. Parlez, j'ouïs la cause.
On le voit, mon dossier s'étoffe sans arrêt. Personne ne me cite que moi-même, c'est mauvais signe, mais seul j'accumule des indices, des preuves, qui affinent une lecture, et ça en principe c'est plutôt bien et suffisant pour qu'on en tienne compte et qu'on essaie d'évaluer ce qui peut bien faire que j'arrive à tel étoffement.
Pour les "bois sidérals" dans "Les Poètes de sept ans", je pense bien sûr à Banville, à Hugo, à la "prairie amoureuse" et tout particulièrement à la valeur allégorique du bois en poésie avec Banville, Glatigny, mais pas qu'eux non plus. Et enfin, pour l'accord particulier au pluriel "sidérals" au lieu de "sidéraux", il s'agit d'une corruption parnassienne, mais il me semble qu'elle est bien caractérisée dans les recueils de Glatigny que je dois relire plume en main pour relever les exemples. Il y en au moins un que je suis assuré de trouver, c'est "idéals" je crois. J'ai une petite enquête à faire sur ce caprice grammatical, et je commence bien sûr par privilégier un auteur qui développe une allégorie du "bois" non étrangère à la poésie de Banville et bien connue de Rimbaud, et qui donc recourt à l'occasion à cet accord au pluriel contre la règle !
Bref, vous sentez venir la suite, non !
Bon, je vous explique, je vais faire tiédir les gésiers à la poêle, je prends deux œufs durs, un peu de tomate, des magrets séchés fumés au bois de hêtre (mais pas toute la planche), de l'échalote, quelques noix, une salade mélangée de mâche et roquette (j'avoue sous emballage plastique), quelques morceaux de Saint-Agur, et puis je me fais une petite vinaigrette moutardée dans un bocal où je n'ai pas tout à fait râcler le fond de confiture aux framboises.
Voilà, vous savez tout, bon appétit !
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