En 2004, j'ai signalé à Steve Murphy qu'un exemplaire rare des Joyeusetés galantes et et autres aventures du vidame Bonaventure de la Braguette était en vente sur le site ebay, mais à un montant de 600 euros qui me le rendait inaccessible, à moins de faire une folie. Il m'avait répondu évasivement que ce n'était pas pour sa bourse non plus. Pourtant, en septembre 2004 (à moins que cela ne ce soit passé en 2002 et qu'il y ait eu un décalage de deux ans avant la sortie de l'article, mais je ne crois pas), lors du colloque rimbaldien qui a duré trois jours avec vingt-cinq contributions Murphy a montré à quelques rimbaldiens présents les singularités d'un tel volume qui n'étaient autres que les représentations de faunes et, en décembre, paraissait le numéro 20 de la revue Parade sauvage avec un article de Murphy intitulé "Tête de faune et le sous-bois des intertextes : Banville, Glatigny, Rops". Je l'avais un peu mal pris dans la mesure où je n'ai eu droit à aucune remarque : ni merci pour lui avoir signalé à l'attention cette édition, ni merci pour l'avoir invité à se repencher sur ce recueil, ni invitation à être un des privilégiés à voir ce que contenait ce volume. En 2004 même, toujours, Bruno Claisse faisait une conférence en exhibant au poème "Soir historique" une source de Leconte de Lisle que je lui avais signalée à l'attention en 2003, quand je lui avais expliqué devant témoin qu'il n'était pas écrit "normes", mais "Nornes" dans ce poème, que cela renvoyait à Leconte de Lisle et qu'il y avait plusieurs emprunts à Leconte de Lisle dans ce poème en prose. Je ne travaillais qu'à partir des éditions des poésies de Leconte de Lisle en Poésie Gallimard et j'avais besoin d'encore travailler sur le sujet, mais j'avais dû placer en ligne pas mal de liens sur le forum alors actif du site poetes.com à l'époque, et je précise que j'ai déjà signalé aussi à l'attention que la phrase "Cela ne sera point un effet de légende[,]" est aussi une réécriture de vers de Leconte de Lisle. Un jour, je reprendrai mes droits sur "Soir historique". On voit, en tout cas, que personne n'a complété ce dossier, alors que je dis depuis longtemps que j'en ai un. Je ne l'ai plus à cause de disques durs inondés, mais je saurai le refaire. En attendant, pour ce qui concerne "Tête de faune", je ne disais rien non plus, j'étais invité à faire des conférences malgré tout et si ma contribution fut décisive je n'avais pas découvert directement les images du faune. Moi, ce qui m'a désolé avec le temps, c'est de voir que Claisse ne m'a cité qu'une seule fois dans son second volume sur Rimbaud, uniquement pour critiquer Guyaux, mais jamais il ne m'a cité une seule fois pour un commentaire de poème en prose. Il citait plein de critiques, il accordait quelques bons points, mais il ne daignait même pas me citer une fois à la marge. C'était un peu gros. Depuis, Claisse ne publie plus rien, il est sorti du rimbaldisme, et voilà. Ensuite, je n'ai évidemment pas apprécié la minimisation critique de mon article sur "Le Bateau ivre" par Murphy, et même Reboul citait l'article de Murphy préférentiellement, alors qu'il était su que l'article de Murphy venait très clairement après le mien et n'apportait pas de nouvelles idées clefs par rapport au mien. Cela est allé en s'aggravant avec "Voyelles", "Les Corbeaux", la signature "PV" de "L'Enfant qui ramassa les balles..." et à partir de 2010 ce fut plusieurs complications autour de l'Album zutique avec Teyssèdre, Chevrier et quelques autres faits.
Reprenons l'article de décembre 2004 "Tête de faune et le sous-bois des références [...]". Il s'agit d'un article court de 7 pages dont une page et demie d'illustrations. Steve Murphy insiste en introduction sur le côté révolutionnaire de la métrique du poème et sur l'idée que, au plan des cibles (au sens neutre) du poème, "le Sous bois de Glatigny s'est associé dans l'esprit de Rimbaud à ce poème du même titre de Théodore de Banville, composé en décasyllabes 5-5 : [suit la citation in extenso du poème de Banville]."
Murphy ne manque pas de citer l'extrait du journal Le National de mai 1872 où Banville nous apprenait que Rimbaud pensait qu'il était temps d'abandonner l'alexandrin, ce qui est parfaitement en phase avec la métrique de "Tête de faune" : poème en décasyllabes aux césures mal identifiables.
Il signale ensuite les trois mots à la rime que Rimbaud a repris au poème "Sous bois" de Banville et insiste aussi sur le fait que les trois vers soient rapprochés dans chacun des deux poèmes. Murphy dit ensuite qu'on pourrait ajouter d'autres "ressemblances plus ténues (bruns-brunie, montrent-montre, le retour de l'or...). On remarquera que Murphy manque un rapprochement très important entre "resplendit" et "splendides" de la version connue du manuscrit de "Tête de faune", rapprochement solidaire du relevé des trois mots communs à la rime entre "Sous bois" de Banville et "Tête de faune" de Rimbaud. En revanche, je n'ai pas relevé récemment le rapprochement entre "Les bruns Adonis" et la "Lèvre" "Brunie et sanglante".
On remarque également que Murphy parle de l'importance du recueil Les Cariatides pour Rimbaud en des termes qui montrent qu'il ne fait pas la différence entre le recueil de 1842 et sa version remaniée de 1864 qui inclut plusieurs autres recueils de Banville, avec quantités de vers remaniés. La version remaniée de 1864 est constituée de six parties dont les trois premières parties seules correspondent au recueil de 1842. Le poème "Sous bois" est-il un cas isolé de composition en décasyllabes chansonniers aux deux hémistiches de cinq syllabes dans l'économie du recueil original de 1842, dans l'économie des trois premiers livres sur six de l'édition de 1864 ? Ce serait à vérifier par ailleurs, puisque le recours au décasyllabe de chanson était encore très rare en 1842.
Mais, après cette partie de l'article sur un nouvel intertexte du côté de Banville, nous passons à ce qui était alors conçu comme le véritable scoop, les illustrations faunesques par le belge Félicien Rops du recueil publié sous le manteau par Glatigny. Voici, à la page 53, ce qu'écrit Murphy au moment d'amorcer cette nouvelle partie de son article :
[...E]n 1983, nos recherches portaient principalement sur l'interprétation des poèmes politiques de Rimbaud (ceux portant sur la lutte contre l'Empire et ceux portant sur la Commune) et compte tenu des suggestions obscènes de nombreux poèmes politiques de Rimbaud, nous lisions des ouvrages de ce type pour essayer de compléter les informations fournies par le Dictionnaire érotique moderne de Delvau et beaucoup moins dans l'idée de trouver des "sources", ce qui explique en partie que - rapidité égalant paresse - nous avons loupé une marche énorme (heureusement pour ce qui reste de notre amour[-]propre, les autres rimbaldistes ont eu la bienveillante discrétion de nous laisser retrouver la marche tout seul !) : la page de garde de titre de l'édition originale des Joyeusetés présente précisément la tête d'un faune rigolard.
Suit une illustration et la légende : "Fig. 1 : édition originale (1866)".
Pourquoi Murphy prend-il ce temps à s'excuser pour ses lacunes de chercheur en 1983, on sent qu'il n'aime pas être pris en défaut ? Cependant, il se permet un petit persiflage sur l'inaction en face des autres rimbaldiens. Mais, quand il parle de "discrétion", on l'a vu plus haut, moi à chaque fois que je lis et relis ce passage je pense à autre chose. Quant à la phrase : "rapidité égalant paresse", elle est confirmée avec les articles sur les poèmes "Lys", "Hypotyposes saturniennes ex Belmontet" et "Vieux de la vieille" sans aucune lecture des recueils de poésies des cibles parodiques Armand Sylvestre et Belmontet. Mais, la précipitation ne concerne-t-elle pas encore ce présent article de sept pages ? Murphy exhibe une image avec raison, car elle importe à la compréhension de "Tête de faune", mais l'expression "tête de faune" elle-même n'a-t-elle pas une histoire ? Il n'y a pas une conversion mécanique d'un dessin représentant la seule tête d'un faune à l'expression ramassée "Tête de faune".
D'abord, pour s'en tenir au contexte le plus proche, Murphy fait entendre avec raison que Rimbaud a dû lire ce recueil anonyme et obscène de Glatigny à Paris en présence de Verlaine et des membres du Cercle du Zutisme. Ensuite, Murphy donne une confirmation de cela en citant une lettre de Verlaine à Blémont du 22 juillet 1871 où notre poète déclare être "en train d'élaborer [...] une joyeuseté galante dans le goût glatignesque, assez forte en gueule". Murphy n'en fait qu'un indice ponctuel, mais il faut bien insister sur le fait que Verlaine avec les parodies de Banville, Heredia, Coppée, qu'il envoie dans ses lettres de l'été 1871 à Blémont et Valade est en train de préparer le terrain pour les parodies de l'Album zutique. Or, cet été-là, un des destinataires des lettres de Verlaine n'est autre que Léon Valade, lequel Léon Valade, avec Albert Mérat, fera partie des membres du Cercle du Zutisme se réunissant à l'Hôtel des Etrangers en octobre et novembre 1871. Et il faut rappeler qu'à leurs débuts Mérat et Valade ont uni leurs plumes pour composer un recueil de sonnets intitulés Avril, mai, juin, sorte de périphrase pour dire le printemps, et ce recueil, bien qu'il ne soit pas obscène et publié sous le manteau, a paru sans mention de nom d'auteurs. Ce recueil a plus tard été édité par Lemerre, avec une préface de Camille Pelletan dans les Oeuvres complètes de Léon Valade (A mi-côte, etc.), bien qu'il soit spécifié que Mérat y a participé. Et, dans ce recueil, il y a un poème intitulé "A une tête de faune". Il n'offre pas de prise pour qu'on puisse le dire une source aux trois quatrains "Tête de faune" de Rimbaud, mais il est important de constater que l'expression y figure en titre.
Le poème figure à la page 123 de l'édition posthume de 1886. Je cite :
LXI
A une tête de faune
Dis-moi, vieillard, masque ironique,
Ce qui te fait sourire ainsi ?
N'es-tu pas mort ? Vois-tu d'ici
Les temples dorés de l'Attique ?
Entends-tu parmi les bergers
Soupirer la flûte inégale,
Tandis que la vierge au front pâle
Danse en formant des pas légers.
Vois-tu d'ici la forêt sainte
Dont on n'osait franchir l'enceinte,
Où tu logeais sous le ciel bleu ?
Ou bien ris-tu de voir ma lèvre
T'interroger, toi, l'homme-chèvre,
Et te dire : "Causons un peu."
Avec leur mépris coutumier, quelques-uns, très fiers et très sûrs d'eux, très soucieux pourtant de montrer qu'ils maîtrisent tout, répondent déjà que ça n'a rien à voir. Certes, j'ai annoncé plus haut que la source n'allait pas être parlante. Mais, je demande de faire attention à quelques points précis. D'abord, il y a la mention de l'expression "tête de faune" dans le titre. Ensuite, le premier vers est fortement intéressant, il qualifie la personne ciblée 1) de "vieillard", 2) de "masque ironique". Le vers 2 évoque un "sourire". Ensuite, nous avons un renvoi à l'art de l'Antiquité. Enfin, si la "lèvre" au dernier tercet est celle du poète, le rire de "l'homme-chèvre" est souligné.
Ce sonnet décrit un motif de tête de faune à une époque où n'existe pas encore l'édition des Joyeusetés galantes avec des illustrations de Félicien Rops.
Ce recueil est par ailleurs d'une certaine étendue et on peut se reporter à d'autres sonnets pour avoir un traitement du motif du faune qui commence à se rapprocher du contenu de "Tête de faune" de Rimbaud. Je ne vais pas m'attarder sur une idée que je peux avoir selon laquelle la tête barbue de Valade faisait beaucoup rire et pouvait du coup passer pour une "tête de faune", puisque les trois quatrains ne vont clairement pas dans cette direction malgré tout. En revanche, je vais citer plusieurs sonnets du début du recueil. Je commence par le premier quatrain du premier sonnet, sans avoir fait exprès de suggérer le titre de Mallarmé "Prélude à l'après-midi d'un faune" :
IPréludeSous nos pieds et dans nos cervelles,Avril fond les derniers glaçons ;Et déjà dans tous les buissonsS'embusquent les Muses nouvelles.
Le second sonnet parle d'aller sous un soleil radieux, le rire aux dents, "au bois, dans l'herbe" avec une amoureuse répétant "la parole d'or". Le troisième sonnet "Neige d'antan" ne nous retiendra pas malgré la présence du nom "broderie" à la rime. En revanche, nous pouvons citer les sonnets IV et V.
IV
Frondibus et foliis
Surprenez au matin la forêt qui s'éveille
Avec un bruit charmant de feuilles et d'oiseaux,
Quand la brume d'été tend ses légers réseaux,
Où se heurte l'essor de l'aurore vermeille.
Le ciel s'ouvre aux rayons, et la fleur à l'abeille ;
Une écharpe d'argent flotte au-dessus des eaux ;
Pan, les yeux encor lourds, souffle dans les roseaux ;
L'air parfume la bouche et caresse l'oreille.
Le matin glorieux éclate en tons divers
Et met, peintre divin, dans les feuillages verts
Tous les rayonnements de sa palette ardente.
C'est l'heure recueillie où parlent les grands bois,
Où le marcheur pensif entend les mille voix
Qui chantent dans ton sein, ô Nature géante !
V
Dryas
Je sais que tes railleurs ont tort, faune ingénu
Dont le bras amoureux presse un arbre avec force.
Tu laisses les bergers, au péril d'une entorse,
Haleter sur les pas de la nymphe au pied nu...
Tu restes immobile, et sur la rude écorce
S'impriment ta poitrine et ton menton charnu ;
Et tu sais épier le prestige inconnu
Qui du tronc raboteux fait surgir un beau torse.
La dryade en tes bras sommeille, et tu la vois !
Tu sais qu'il est une heure où tout vit, dans les bois !
Où s'incarne elle aussi, la nymphe, âme des chênes.
On voit sur son beau flanc saillir encor les veines...
Sein robuste, on dirait chair et marbre à la fois,
Et dans ses bruns cheveux s'enlacent les verveines.
Alors, je ne voudrais pas avoir vous tirer les oreilles, je sais que vous n'êtes pas des faunes, mais, si j'ai dit depuis longtemps cette parole demeurée sans écho que le titre de sonnet "A une tête de faune" avait pu influencer Rimbaud pour son titre "Tête de faune", qu'ont de plus intéressant que Le Faune de Laprade par exemple de telles citations ? Et bien, Valade, Mérat et Pelletan sont trois membres initiaux du Cercle du Zutisme en octobre-novembre 1871. Pelletan, en novembre 1871, est proche de Glatigny, tous deux publient dans le journal hugolien Le Rappel. Pelletan préface l'édition des poésies posthumes de Valade précisément. Ensuite, le titre Avril, mai, juin souligne une conception de la poésie comme printemps qui était l'idée formulée par Rimbaud dans sa lettre à Banville du 24 mai 1870. Puis, Valade et Mérat ont également publié à deux des traductions de l'écrivain allemand Henri Heine, aujourd'hui plutôt connu pour ses écrits en prose de réflexion plutôt que pour ses poésies, sauf qu'à l'époque Henri Heine est souvent cité favorablement en tant que poète par Banville. On voit bien se dessiner une cohorte poétique : Banville, Heine, Glatigny, Valade, Mérat, Pelletan, avec au moins jusqu'en mars 1872 Verlaine et Rimbaud à leur suite. Notez le titre en latin du sonnet 4 et son attaque : "la forêt qui s'éveille" dans "un bruit charmant de feuilles..." La mention de Pan est attendue, tout est attendu dans le traitement d'un tel thème me répliquera-t-on, mais relevez encore l'idée de l'éclat du jour sur la feuillée au premier tercet : "Le matin glorieux éclate en tons divers" et les "feuillages verts" sont tout traversés des "rayonnements de sa palette ardente." Rimbaud transforme cela en l'expression concise : "écrin vert taché d'or". Notez aussi l'idée de "l'heure recueillie où parlent les grands bois". Et appréciez l'amplification finale aux "mille voix" de la "Nature géante". Pour le suivant sonnet "Dryas" avec son "faune ingénu", je n'insisterai pas sur la forme ramassée "chair et marbre" à rapprocher du poème "Credo in unam", car je ne pense pas que Rimbaud avait lu ce recueil anonyme de Mérat et Valade dès 1870, mais je m'attarde volontiers à son premier tercet qui entre en résonance avec la comédie Le Bois de Glatigny, ce qui était déjà le cas du sonnet précédent, mais aussi avec l'épigraphe banvillienne à cette comédie, célébrant la Nature qui alors vivait pleinement : "Tu sais qu'il est une heure où tout vit dans les bois !" L'idée d'heure est à rapprocher de la conception comme moment du petit récit de "Tête de faune". Le sixième sonnet pourrait être cité à la marge puisqu'il fait le portrait de Néréides.
Mais si nous revenons maintenant à l'article de 2004 de Steve Murphy et au dessin de tête de faune de Félicien Rops, il faut préciser un point qui n'a pas été soulevé. L'expression "tête de faune" a un sens en histoire de l'art. C'est une statue précisément en marbre, mot clef d'un sonnet cité plus haut et de "Credo in unam", réalisée par Michel-Ange et malheureusement perdue depuis la fin du XVe siècle même, perdue donc du vivant de Michel-Ange, du temps de sa jeunesse même. C'est cette œuvre même qui aurait assuré au célèbre artiste la protection de Laurent de Médicis. L'histoire de cette création est nimbée de légende. Michel-Ange l'aurait créée à l'âge de seulement treize ans. Elle aurait été inventée à partir d'un fragment retrouvé de statuaire antique. Mais il y a plus important encore. Michel-Ange aurait copié une autre sculpture de tête de précisément "vieux faune", mais au lieu de le représenter la bouche fermée il l'aurait représentée la bouche ouverte avec les dents et la langue exhibées. La légende repart de plus belle : Laurent de Médicis aurait fait remarquer que la dentition était trop parfaite pour un vieux, ce qui fait que Michel Ange l'aurait pris au mot sur-le-champ en s'emparant promptement de son ciseau pour éliminer une dent. C'est à croire que c'est une réincarnation de Michel-Ange même qui a remodelé le visage de la Pieta à l'entrée de Saint-Pierre de Rome au vingtième siècle... La légende a tout de même inspiré une création de Cesare Zocchi, au XIXe siècle même : une sculpture représentant Michel-Ange enlevant une dent à sa tête de faune. Précisons également que le motif du faune a de bonnes raisons d'être à la mode au siècle de Rimbaud : une statue complète de faune a été retrouvée à Pompéi, et à Paris une sculpture un peu différente est installée dans les jardins du Luxembourg où on peut toujours l'admirer aujourd'hui. Tout ce que je dis présentement sur la "tête de faune" de Michel-Ange fait l'objet sur le site internet Wikipédia d'une entrée précisément intitulée "Tête de faune" et qui a ses équivalents dans d'autres langues : "Testa di fauno", "Head of a faun", "Kopf eines faun", "Cabeza de fauno", "Cabeça de Fauno", etc.
Je conseille de se reporter à ce lien pour apprécier tout de même une copie de la tête de faune attribuée à Michel-Ange, car à défaut de l'original en marbre il reste visiblement quelque chose à admirer. Qui plus est, cela permet de voir que Félicien Rops s'en tient tout de même à une tête de faune bouche fermée.
L'idée de vieillesse n'est pas retenue du côté de Glatigny et Rops, ni du côté de Rimbaud. En revanche, ce dernier insiste sur le fait que ce faune se donne à voir "montre ses grands yeux" ou "montre ses deux yeux" selon les versions, et aussi sur les "dents", mais bien "blanches".
Dans son article, Murphy ne cite pas la référence du titre à un motif artistique connu depuis Michel-Ange, ni la comédie Le Bois de Glatigny qui continuait donc alors de passer sous les radars comme on dit familièrement. Puis, ce lien au recueil publié sous le manteau entraînait le critique rimbaldien à s'éloigner des enjeux de sens du poème pour privilégier l'arrière-plan licencieux et la référence amusée au recueil paru sous le manteau. Ainsi, Murphy spécule sur l'idée que les "vignettes" et "fleurons" de l'édition originale expliqueraient les mentions "lies" (l'expression figure plutôt dans "Antique", que "Tête de faune") et "fleurs splendides", "sans oublier la végétation qui orne la plupart des fleurons du début du volume de 1870", puisque Murphy a confronté deux états distincts du recueil publié sous le manteau, une version de 1866 et une autre supposée de 1870. Toutefois, on voit que le critique lâche la proie pour l'ombre, comme si les rapprochements avec les illustrations suffisaient à commenter le poème. Dans ses conclusions, Murphy considère que le poème "Tête de faune" célèbre l'audace érotique du recueil de 1866 et qu'il exhibe par ailleurs les trois types de décasyllabe dans un mélange improbable. Nous ne souscrivons à aucune de ces deux conclusions.
Murphy est obnubilé par la référence aux Joyeusetés, il passe complètement à côté des renvois à Banville et surtout complètement à côté de la comédie Le Bois qu'il ne songe même pas à citer, consulter, fût-ce pour au moins interroger la signification de ce bois ! Pour lui, c'est le recueil de 1866 qui a déterminé la composition du poème : "Ouvrant et fermant le recueil, ces dessins ont dû jouer un rôle déclencheur dans la composition du poème, s'appuyant sur l'association entre ces têtes de faune et l'univers du 'sous-bois'." Pour nous, c'était le fait que Rimbaud réécrive des passages de deux poèmes au même titre "Sous bois" qui devait plus spécifiquement retenir l'attention de l'analyste.
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