J'ai annoncé cela depuis longtemps, une étude des strophes de Rimbaud. J'ai rédigé tout un article sur le problème des sizains et des tercets, mais j'y ai traité le cas du neuvain "Fête galante" et dans l'emportement j'ai développé plein de petites considérations subtiles qui impliquent "Voyelles" et "Paris", qui impliquent Scapin maquereau de Glatigny (il faut que je vérifie à quel point c'est de l'inédit, car normalement je pense que personne n'en a jamais parlé au sujet de "Fête galante" le poème zutique de Rimbaud), qui impliquent le traité de Banville et "Les Effarés". Je vais étudier une façon d'isoler mon étude sur "Fête galante" et du coup la strophe neuvain.
Après, il faudra que je n'en parle qu'allusivement dans ma grande étude sur les sizains. Je développe une étude sur "Les Effarés" avec un fort rapprochement avec le poème "Aux feuillantines" que critique Banville dans son traité pour sa disposition en tercets. Rimbaud n'a pas pu lire ce passage du traité de Banville en septembre 1870, alors que le lien des "Effarés" au poème "Aux Feuillantines" a beaucoup de sens. Je ne peux pas prétendre imposer le poème d'Hugo en tant que source, mais il faut absolument une mise au point sur les convergences que j'ai pu observer.
Ensuite, il y a assez peu de poèmes tout en sizains dans l'œuvre de Rimbaud, puisque j'ai laissé de côté les sonnets pour l'instant. Or, il y a d'un côté le fait que de mai à juillet 1871 Rimbaud privilégie un quintil inhabituel en ABABA et un sizain en ABABAB dans "Les Premières Communions", puis l'autre point à observer de près c'est la série chansonnière des sizains de poèmes en vers de l'année 1872 avec un chevauchement entre les poèmes première manière et les poèmes nouvelle manière, puisque le recensement englobe "Les Corbeaux" en mode de sizains inversés ABBACC, "Chanson de la plus haute Tour" ABABCC, "La Rivière de Cassis" ABABAB reprise donc de la distribution des rimes de sizains des "Premières communions (un sizain à part, nous sommes d'accord !). Evidemment, ces trois derniers poèmes sont rapprochés dans le temps, un sans doute de février-mars, les deux autres datés de mai 1872 même sur les manuscrits, le poème "Les Corbeaux" et le poème "La Rivière de Cassis" ont une expression en commun "chers corbeaux délicieux", tandis que "Les Corbeaux" et "Chanson de la plus haute Tour" ont tous deux une distributions des rimes à l'envers pour un sizain. Cornulier a accentué récemment l'idée que le poème "Les Corbeaux" adopterait moins l'inversion du sizain classique que le principe du sizain de chanson composé d'un quatrain et d'un distique. Il est à noter que c'est le cas pour le poème "Chanson de la plus haute Tour" comme le prouve sans appel sa version remaniée dans "Alchimie du verbe".
Ce qui m'intéresse, c'est la possibilité de chercher des sizains qui pourraient être des sources aux poèmes de Rimbaud. Un cas m'intéresse tout particulièrement, celui de "La Rivière de Cassis". Nous avons affaire à un fait plutôt rare : une strophe alternant vers longs et vers courts en harmonie avec une alternance des rimes ABABAB, où du coup le sizain est fondé sur trois modules de deux vers et non sur deux modules de trois vers. Si Rimbaud s'est inspiré d'un modèle qui offre à la fois cette forme et des éléments lexicaux repris dans le poème "La Rivière de Cassis", il ne doit pas être si difficile à débusquer. Il faut ajouter que Rimbaud poursuit son travail de confusion au plan des rimes. Rimbaud reprend la rime "étranges"::"anges" à des poèmes quasi contemporains : "Voyelles" et "Les Mains de Jeanne-Marie", deux compositions de février-mars 1872 selon toute vraisemblance, et cette rime s'est presque retrouvé dans le poème "Les Corbeaux" qui lui aussi date de la période février-mars 1872. Cette rime revient deux mois à trois mois plus tard, en mai, dans les sizains de "La Rivière de Cassis" avec cette fois la suite corrompue : "plongent", la corruption portant à la fois sur la marque de pluriel de verbe qui n'a rien à voir avec un "s" et sur la variation de voyelle nasale de "an" à "on". Je vous laisse apprécier une confusion des rimes au second sizain, plus grave encore que pour le dernier quatrain de "Tête de faune" où l'opposition de cadence était respectée et permettait du coup de différencier deux rimes, ce qui n'est plus le cas cette fois, sauf à opposer un point d'orthographe : "révoltants" / "temps" / "importants" / "entend" / "errants" / "vents". Le dernier sizain contient évidemment une rime commune au poème "Les Corbeaux" à cause de la reprise "chers corbeaux délicieux", mais puisque je comparais le second sizain de "La Rivière de Cassis" au dernier quatrain de "Tête de faune", observons encore que dans "Les Corbeaux", le mot "défleurie" à la rime entre en résonance avec "fleurie" à la rime dans "Tête de faune", tout comme à la fin des "Corbeaux" j'ai signalé à l'attention que la rime "soir charmé" et "fauvettes de mai" reprenait une rime du "Bateau ivre" : "crépuscule embaumé"::"papillon de mai".
Il me semble évident qu'une pièce de puzzle me manque encore au sujet des trois poèmes rimbaldiens en sizains de Rimbaud pour la période allant en gros des mois de février à mai 1872...
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