Le temps de mettre au point l'article sur Silvestre et Rimbaud, je publie des brèves. Il s'agit de raisonnements que je détache du travail en cours.
Je copie-colle le passage à retirer du travail en cours, je le remanie un peu en article indépendant, et voici le premier exemple ci-dessous. Ce développement est né de ma réflexion sur le fait que Rimbaud n'a jamais mentionné Armand Silvestre avant le quatrain "Lys", pas même dans le panorama parnassien de la lettre à Demeny du 15 mai 1871 :
Rimbaud n'a cité ni Léon Valade, ni Armand Silvestre dans sa lettre à Demeny du 15 mai 1871. Il a, en revanche, cité Joseph Autran et plusieurs poètes obscurs ayant collaboré au second Parnasse contemporain. En mai 1871, le second Parnasse contemporain ne paraissait que par livraisons, n'était pas terminée, sa publication en un volume unique datant en gros des mois de juillet/août 1871 qui ont suivi. Je ne me rappelle plus l'analyse de Yann Mortelette dans ses détails, mais celui-ci a produit une importante étude sous forme de livre au sujet du Parnasse et il avait publié un article sur les auteurs cités par Rimbaud dans sa lettre à Demeny où il sous-entendait que Rimbaud s'était aidé des annonces au dos des livraisons publiées, car il y aurait un certain nombre de poètes que Rimbaud citerait sans les avoir lus, ou en tout cas sans les avoir lus dans les livraisons du second Parnasse contemporain. Je ne me rappelle plus si certains désistements de dernière minute ont pu tromper Rimbaud, en tout cas en ce qui concerne Joseph Autran.
La conclusion qui s'impose, c'est que Rimbaud a conçu une série à partir des noms de poètes annoncés sur les livraisons du second Parnasse contemporain antérieures au 15 mai 1871, et j'y ajoute nécessairement l'ouvrage parnassien collectif de 1869 Sonnets et eaux-fortes puisque Joseph Autran y apporte une contribution qui figure plutôt en tout début d'ouvrage. J'imagine que de 1869 à 1871, le trè jeune Rimbaud à Charleville avait plus facilement accès à des éditions récentes de volumes collectifs de poésies qu'au premier Parnasse contemporain de 1866 qu'il a dû lire chez des connaissances ou en bibliothèque.
Joseph Autran est cité pour le poème "Le Masque" qui figure dans le recueil Sonnets et eaux-fortes. L'augmentation des contributions féminines au Parnasse contemporain est également sensible dans le second numéro :
Aucune femme dans la table de matières du numéro de 1866.
Plusieurs figureront au sommaire du second numéro : Nina de Callias, Mme Blanchecotte, Louise Colet, Louisa Siefert et Mme Auguste Penquer, cinq en tout. Rimbaud ne cite même pas Louisa Siefert, mais je rappelle qu'il l'a citée dans une lettre à Izambard parce que le destinataire avait témoigné s'y intéresser. Il préfère ne pas choisir entre les cinq, il n'a sans doute pas assez de repères, ne les a peut-être pas toutes lues, et la liste étant tout de même désinvolte en partie cela prendrait le contrepied du discours sur l'avenir des femmes en poésie une fois qu'on ne leur donnera plus leur renvoi. Notons que l'intérêt d'Izambard et la présence de ces cinq poétesses permettent de considérer que l'intérêt pour la femme écrivain est d'époque et ne sort pas d'une initiative rimbaldienne spontanée.
Je dis bien que la liste de Rimbaud est désinvolte. Après un Hugo "trop cabochard", notez les abréviations des noms et prénoms pour les "seconds romantiques" : "Lec. de Lisle", abréviation incongrue qui élimine l'audition nobiliaire" comte" pour "Leconte". Un calembour latent "le con de l'isle" plane également ici. Pour Banville et Gautier, nous avons une abréviation pour deux prénoms qui commencent par Dieu : Théodore et Théophile, ce que Rimbaud ramène à deux "Th."
Les abréviations des prénoms sont provocatrices, elles font passer la reconnaissance désirée par Demeny pour un jeu assez bureaucratique contraire à la fraternité des poètes. Les absences de prénoms ne sont pas forcément désinvoltes, on le voit avec la mention de "Baudelaire", mais dans la liste parnassienne la mention des prénoms a tout de même une valeur de promotion. Léon Dierx a quasi seul ce privilège parmi les non-voyants de l'école parnassienne, et il figure tout de même parmi l'élite, les "talents". Les mentions prénom et nom pour "Albert Mérat" et "Paul Verlaine" ne sont pas du tout anodines.
Mais, le premier poète mentionné est précisément "A. Renaud". Rimbaud connaît son recueil Les Nuits persanes, très particulier pour les jeux formels et les vers employés, mais Armand Renaud était un collègue de travail à l'Hôtel de Ville de Valade, Mérat et Verlaine. Rimbaud ne cite pas Valade qui a pourtant contribué aussi régulièrement que Mérat aux deux tomes du Parnasse contemporain et au volume Sonnets et eaux-fortes, c'est le seul des quatre poètes de l'Hôtel de Ville qu'il ne cite pas. Et pourtant, Valade dira dans ses lettres à Claretie et Maître en octobre 1871 qu'il est le saint-Jean-Baptiste sur la rive gauche dans la révélation "christique" de Rimbaud. Comment peut-il écrire qu'il est le premier à avoir découvert Rimbaud s'il n'était même pas là quand Verlaine avec Charles Cros est allé le chercher à la gare à la mi-septembre 1871 ? Valade a-t-il joué un rôle clef auparavant ? Depuis le passage de Rimbaud en février 1871 dans l'atelier d'André Gill ? Verlaine n'est pas très friand de Mérat comme peut le laisser entendre sa correspondance de juillet-août 1871. Pourquoi la liste de Rimbaud va-t-elle de Renaud à Mérat et Verlaine en passant par-dessus vingt-deux autres noms de vingt-quatre autres poètes ? J'ose imaginer une rencontre où on a expliqué à Rimbaud que Renaud était collègue de Mérat, Verlaine et Valade, mais que Renaud n'était pas vraiment intégré au groupe des trois autres, avec en prime le sous-entendu qu'il n'était pas un fort grand poète.
Rimbaud n'avait aucune raison de dire que Mérat était un "voyant", puisqu'il s'agit d'une poésie de savoir-faire sur de petits sujets, il n'y a même pas des ambitions métaphysiques comme c'est le cas pour Dierx, Silvestre et quelques autres, et pour les poètes qui en général passent à la postérité.
Pour moi, c'est évident que Mérat a été associé à Verlaine par complaisance. Rimbaud se faisait une idée de ses futures relations à Paris, tout simplement.
Mais allons plus loin dans l'étude des documents.
Rimbaud ne cite pas les différents poètes parnassiens pour tout à fait évaluer si les nouvelles générations contiennent des poètes capables de s'affirmer en tant que voyants. Rimbaud fustige l'ensemble de poètes parvenus qui écrivent dans le second Parnasse contemporain. Il cite les ressasseurs de la poésie à la Musset, ceux qui cherchent une poésie d'apparat social, et il les oppose à Verlaine, complaisamment flanqué ici de Mérat. Rimbaud admet trois talents : Coppée, Dierx et Sully-Prudhomme. On sait ce qu'il pense réellement des Epreuves du dernier, et seul Dierx semble véritablement estimé. Coppée lui paraît tout de même un talent, preuve qu'il ne le parodie au nom d'une prétendue médiocrité, mais l'auteur du Passant est en cours de désaveu à cause de ses prises de position politiques dans les événements récents.
Rappelons la liste citée par Rimbaud dans sa lettre à Demeny. Il cite vingt-cinq noms pour vingt-sept personnes, et la catégorie "les femmes" en implique indirectement quelques autres. Je cite la liste : A. Renaud, L. Grandet, G. Lafenestre, Coran, Cl. Popelin, Soulary, L. Salles, Marc, Aicard, Theuriet, Autran, Barbier, L. Pichat [corruption par méconnaissance pour le nom composé Laurent-Pichat], Lemoyne, les Deschamps, les Desessarts [corruption désinvolte pour Des Essarts], R. Luzarches, X. de Ricard [encore une corruption désinvolte], C. Mendès, Léon Dierx, Sully-Prudhomme, Coppée, Albert Mérat et Paul Verlaine.
La liste de Rimbaud privilégie bien des esprits au ras des pâquerettes avant de citer Mendès, Dierx et Verlaine. Je ne veux pas dire que Mendès soit plus important ou meilleur que Mérat, mais par les sujets choisis Mendès peut faire mine d'avoir une ambition, ce qui ne ressort pas vraiment des choix de sujets d'Albert Mérat.
En tout cas, sur cette liste conséquente, Silvestre était aussi absent que Mallarmé. Et il valait peut-être mieux ne pas être cité, même s'il est frustrant d'être placé en-dessous de Mérat et Verlaine, que de faire cortège à cette cohorte de poètes morts en mémoire une fois qu'on les a lus (selon Rimbaud).
Voici la liste des contributeurs au premier Parnasse contemporain : Gautier, Banville, Heredia, Leconte de Lisle, Louis Ménard, François Coppée, Auguste Vacquerie, Catulle Mendès, Charles Baudelaire, Léon Dierx, Sully Prudhomme, André Lemoyne, Louis-Xavier de Ricard, Antoni Deschamps, Paul Verlaine, Arsène Houssaye, Léon Valade, Stéphane Mallarmé, Henri Cazalis, Philoxène Boyer, Emmanuel Des Essarts, Emile Deschamps, Albert Mérat, Henry Winter, Armand Renaud, Eugène Lefébure, Edmond Lepelletier, Auguste de Chatillon, Jules Forni, Charles Coran, Eugène Villemin, Robert Luzarche, Alexandre Piedagnel, Auguste Villiers de L'Ilse-Adam, F. Fertiault, Francis Tesson et Alexis Martin. Sont promus par une contribution au bouquet final de sonnets les poètes suivants : Gautier, Banville, Heredia, Leconte de Lisle, Louis Ménard, François Coppée, Catulle Mendès, Charles Baudelaire, Léon Dierx, Sully Prudhomme, Louis-Xavier de Ricard, Antoni Deschamps, Paul Verlaine, Léon Valade, Stéphane Mallarmé, Henri Cazalis et Albert Mérat.
Légende : en gras, les quatre "seconds romantiques" dont l'histoire dit à tort qu'ils sont les premiers parnassiens, les noms soulignés sont cités par Rimbaud le 15 mai, cela met en relief cinq absences étonnantes, puisque Heredia, Ménard, Valade, Mallarmé et Cazalis ont participé au bouquet final de sonnets. Rimbaud ne cite pas non plus les disciples d'Hugo Vacquerie et Boyer, ni Arsène Houssaye, ni Villiers de l'Isle-Adam, ni Auguste de Chatillon qui l'a pourtant intéressé en 1870, Chatillon offrant des sources aux "Effarés" et à "Ma Bohême", en, particulier.
Dois-je le redire autrement ? Dans sa liste à Demeny, si on enlève le quatuor des "seconds romantiques" qui incluait Baudelaire, Rimbaud ne cite pas certains noms clefs. Il ne cite pas le quarante-huitard Louis Ménard qui, toutes proportions gardées, a des points communs avec Rimbaud, il ne cite pas Mallarmé bien sûr, mais il écarte Heredia pourtant mis en valeur par sa place au début parmi les prestigieux Gautier, Banville et Leconte de Lisle. Il ne cite pas Cazalis qui a pourtant l'honneur, tout comme Ménard, de figurer dans le bouquet final de sonnets, bouquet final qui dégage d'évidence les poètes les plus estimés du recueil. Et donc il ne cite pas Valade lui-même. Rimbaud n'a pas daigné citer Vacquerie non plus, ni Philoxène Boyer, alors qu'il aurait pu les mélanger à ceux qu'il moque dans sa liste.
Passons au second Parnasse contemporain. Les deux Deschamps ont participé autant au premier qu'au second numéro du Parnasse contemporain. En revanche, seul Emmanuel des Essarts a participé au premier, Alfred des Essarts venant le rejoindre dans le second volume. Rimbaud nous étonne en ne citant toujours pas Mallarmé ou Villiers de L'Isle-Adam, en ne citant même pas Albert Glatigny qu'il semble pourtant quelque peu affectionné, en ne citant ni Nina de Callias, ni Victor de Laprade, ni Louisa Siefert, ni Charles Cros, ni Sainte-Beuve, ni Ernest d'Hervilly. Il cite toutefois pas mal de poètes d'un intérêt bien dérisoire : Laurent-Pichat, Louis Salles, Gabriel Marc et Léon Grandet, alors qu'il n'a pas cité les noms les plus dérisoires du premier volume de 1866. La surprise vient de la pièce rapportée qu'est Joseph Autran, puisqu'il n'a pas contribué au second Parnasse contemporain. Ce poète, déjà âgé et de l'époque de Gautier et compagnie, participera pourtant au troisième numéro de 1876. A moins d'une lecture de Rimbaud annonçant une contribution d'Autran qui ne s'est pas confirmée, il reste loisible de penser que notre poète a conçu sa liste en s'appuyant également sur le volume Sonnets et eaux-fortes, qui fait partie des publications collectives du Parnasse contemporain et qui date de 1869.
Dans ce volume collectif, Joseph Autran fait partie des premiers contributeurs avec le poème "Le Masque", Armand Silvestre a participé pour sa part avec un sonnet intitulé "Nénuphars".
Voici la liste des contributeurs au second Parnasse contemporain à laquelle j'applique la même légende que ci-dessus pour le volume de 1866 en y ajoutant la couleur bleue pour les gens partageant pour raisons familiales le même nom et un code couleur en rouge pour les femmes : Leconte de Lisle (sans prénom !), Théodore de Banville, Antoni Deschamps, Emile Deschamps, Charles Coran, Catulle Mendès, Nina de Callias, Sully Prudhomme, Paul Verlaine, Eugène Lefébure, Ernest d'Hervilly, Mme Blanchecotte, Henry Rey, Victor de Laprade, Louise Colet, Albert Glatigny, Anatole France, Léon Cladel, Alfred des Essarts, Robert Luzarche, Joséphin Soulary, Armand Silvestre, Laurent-Pichat (sens mention du prénom), Henri Cazalis, Antony Valabrègue, Gabriel Marc, Louisa Siefert, Albert Mérat, Emmanuel des Essarts, Léon Valade, Armand Renaud, François Coppée, André Lemoyne, André Theuriet, Louis-Xavier de Ricard, Jean Aicard, Théophile Gautier, Georges Lafenestre, Alexandre Cosnard, Léon Dierx, Mme Auguste Penquer, Sainte-Beuve, Gustave Pradelle, Léon Grandet, Frédéric Plessis, Charles Robinot-Bertrand, Louis Salles, Charles Cros, Eugène Manuel, Auguste Barbier, Stéphane Mallarmé, Louis Ménard, Claudius Popelin, Edouard Grenier, Villiers de l'Isle-Adam (pas de mention du prénom), José-Maria de Heredia.
Voici la liste (alphabétique!) des contributeurs au recueil Sonnets et eaux-fortes, à l'exclusion bien sûr des illustrateurs et avec toujours la même légende : Jean Aicard, Joseph Autran, Théodore de Banville, Auguste Barbier, Louis Bouilhet, Henri Cazalis, Léon Cladel, François Coppée, Antoni Deschamps, Emile Deschamps, Léon Dierx, Emmanuel des Essarts, Anatole France, Théophile Gautier, Albert Glatigny, Edouard Grenier, José-Maria de Heredia, Ernest d'Hervilly, Arsène Houssaye, Georges Lafenestre, Victor de Laprade, Léon Laurent-Pichat, Leconte de Lisle, André Lemoyne, Robert Luzarche, Gabriel Marc, Judith Mendès, Catulle Mendès, Albert Mérat, Paul Meurice, Claudius Popelin, Armand Renaud, Louis-Xavier de Ricard, Sainte-Beuve, Joséphin Soulary, Sully Prudhomme, Armand Silvestre, André Theuriet, Auguste Vacquerie, Léon Valade, Paul Verlaine, Jean Vireton (pseudonyme pour Catulle Mendès semble-t-il).
Une seule femme poète a contribué aux Sonnets et eaux-fortes, mais elle ne fait pas partie des cinq contributrices à venir au second Parnasse contemporain. En clair, leur intégration se fait encore à la marge et aucune d'entre elles ne s'impose comme la nouvelle Marceline Desbordes-Valmore. On voit très bien que seul la table des matières permet de mentionner deux "des Essarts", le père Alfred et le fils plus en vue Emmanuel, quoique médiocre. Les frères Deschamps qui ont leurs débuts dans la décennie 1820 en compagnie de Victor Hugo, puis Sainte-Beuve ont participé aux trois volumes parnassiens collectifs. Rimbaud les cite, mais pas Sainte-Beuve. En clair, la notoriété de Sainte-Beuve casserait l'image de parvenus que dessine la liste fournie à Demeny. Le Barbier cité par Rimbaud est d'évidence le célèbre Auguste Barbier, et non son cousin Jules Barbier lié à Offenbach et Gounod. Rimbaud cite Barbier, membre de l'Académie française depuis 1869, comme il cite les frères Deschamps, mais il ne cite pas Sainte-Beuve. En clair, Barbier n'est pas plus que les frères Deschamps un auteur d'une si grande notoriété, malgré les succès de La Curée et des Iambes.
Rimbaud a évité de fournir une liste alphabétique, il n'a pas repris la table des matières des Sonnets et eaux-fortes, mais il a cité les parnassiens dans un certain désordre par rapport à l'ordre de défilement de la table des matières du second Parnasse contemporain. Je suis à peu près convaincu qu'Autran était annoncé sur une livraison. Je remarque dans le cas de Laurent-Pichat la liste alphabétique permettait d'éviter la confusion de la mention Laurent avec un prénom. Il n'est pas rangé au P pour Pichat, mais au L pour Laurent-Pichat.
Rimbaud commence par citer Armand Renaud, il est vrai qu'il a lu Les Nuits persanes et il me semble, de mémoire, qu'il cite aussi en premier Les Nuits persanes parmi les livres d'Izambard qu'il projette de revendre dans une autre lettre. Rimbaud accrochait peut-être plus qu'il ne voulait l'admettre consciemment à la lecture de ce poète, mais, vu que l'hypothèse d'une rencontre préalable de Valade est nourrie d'indices importants, je remarque que Renaud est au milieu de la table des matières du second Parnasse contemporain, ce qui est une évidence pour les Sonnets et eaux-fortes à cause la place de la lettre initiale R de son nom dans l'alphabet, et pourtant, il est le premier cité dans la liste fournie à Demeny. Rimbaud poursuit en mentionnant Léon Grandet, en passant par-dessus douze autres noms. Je vous cite la séquence à nouveau avec toujours son code pour la légende, afin que vous puissiez suivre confortablement : "Armand Renaud, François Coppée, André Lemoyne, André Theuriet, Louis-Xavier de Ricard, Jean Aicard, Théophile Gautier, Georges Lafenestre, Alexandre Cosnard, Léon Dierx, Mme Auguste Penquer, Sainte-Beuve, Gustave Pradelle, Léon Grandet".
Rimbaud passe par-dessus un romantique majeur, plusieurs noms qu'il cite ensuite, et par-dessus Sainte-Beuve. Il est vrai que Rimbaud ne possède que des livraisons éparses et pas la table des matières du volume complet, ce qui pourrait expliquer ces sauts importants. Je vais essayer de mettre la main sur un détail des livraisons prochainement.
Pour le troisième nom, Rimbaud revient en arrière, il cite Georges Lafenestre qui figure précisément parmi l'écart de douze poètes séparant Silvestre et Grandet sur la table des matières. Rimbaud cite ensuite dans cet ordre : Coran, Popelin et Soulary. alors que dans le second Parnasse contemporain Coran sera quasi au début, Soulary au milieu et Popelin tout à la fin. Coran a produit des poèmes en série avec le motif de Ninon, Popelin et Soulary sont connus pour des productions "fordiennes" de sonnets pour dire vite. A cette aune, je pense qu'il ne faut pas s'étonner outre mesure de la propension de Rimbaud à se détacher des tables des matières pour ces trois poètes cités. Rimbaud mentionne ensuite Louis Salles, Gabriel Marc, Jean Aicard et André Theuriet, alors que Louis Salles est en fin d'ouvrage, et que Theuriet passe avant Aicard dans la table des matières finale du second Parnasse contemporain. Le nom Autran nous fait sortir du cadre du second Parnasse contemporain, c'est l'unique exception, puis Rimbaud cite dans cet ordre : Barbier, Laurent-Pichat, Lemoyne, les Deschamps, les Des Essarts, Robert Luzarche et Louis-Xavier de Ricard. Barbier vient à la fin du sommaire, Laurent-Pichat et Lemoyne sont espacés l'un par rapport à l'autre, les frères Deschamps se succèdent en effet l'un à l'autre et sont en début d'ouvrage. En clair, il y a bien une explication naturelle au fait que Rimbaud mentionne les Deschamps avant les Des Essarts : notoriété, âge, contributions aux trois volumes collectifs, mentions successives dans la table des matières du second Parnasse contemporain pour les Deschamps, mise en relief au début de l'ouvrage. Mais, pour le reste, Rimbaud est complètement désordonné. S'inspire-t-il d'un désordre d'un journaliste ? Le plus simple est d'admettre que Rimbaud a créé un ordre à lui, peut-être avec une petite influence déterminable des livraisons qu'il pouvait avoir entre les mains.
Pour la fin de la liste rimbaldienne, il me semble évident qu'elle est coordonné logiquement : Louis-Xavier de Ricard et Catulle Mendès sont les deux fondateurs de la revue parnassiennes, deux meneurs, puis nous avons une sélection des talents : Coppée, Dierx et Sully Prudhomme, puis les deux poètes estimés par Rimbaud, Verlaine, et avec une lourde présomption d'hypocrisie, Albert Mérat. Primé pour Les Chimères, Mérat avait sa place parmi les talents, collègue à l'Hôtel de Ville Rimbaud lui a fourni une promotion indue, spéculant à tort sur l'avenir de ses relations littéraires.
La catégorie "les talents" pose problème, puisque Rimbaud ne cite ni Mallarmé, ni Glatigny, ni Heredia. Rappelons que le célèbre sonnet "Les Conquérants", une source au poème en vers libres "Mouvement" des Illuminations, figure dans Sonnets et eaux-fortes, tandis que Heredia a eu le privilège dans le premier Parnasse contemporain d'être rapproché des maîtres en début d'ouvrage, tandis qu'il ferme le second tome avec un effet de bouclage du "Qaïn" de Leconte de Lisle aux "Conquérants de l'or" de Heredia.
Je pense que Rimbaud ne connaissait pas sur le bout des doigts tous les poètes parnassiens. Le fait qu'il ne mentionne pas Glatigny prouve aussi qu'il a composé sa liste un peu à la hâte. Il ne faut sans doute pas s'arrêter aux oublis. Rimbaud avait forcément constaté la présence valorisée de Mallarmé dans le premier Parnasse contemporain. Certes, Mallarmé n'est pas admis en tant que "voyant", mais il faut aussi considérer que Rimbaud peut avoir un avis réservé sur le génie de Mallarmé.
Il pouvait ne pas avoir de livraison sous la main mentionnant le nom de ce poète, même s'il l'avait découvert dans le premier numéro.
Toujours est-il que de manière troublante, la liste de Rimbaud va d'un refus de Renaud à Verlaine et Mérat, une opposition entre trois collègues de travail de Léon Valade... notre fameux "saint Jean-Baptiste sur la rive gauche".
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