Alain Bardel vient de mettre en ligne une étude sur "Vies" qui a le mérite de reposer sur une consultation de la conclusion des Mémoires d'outre-tombe, mais cet article commence par la phrase suivante :
Rimbaud, dans Vies, pour une fois, ne cache pas trop son jeu. Il pousse la complaisance jusqu’à indiquer sa principale source (ou cible) : « Je suis réellement d'outre-tombe, et pas de commissions. » (Vies III). Des emphases rimbaldiennes, il ne manque rien, en effet, dans la conclusion des Mémoires d’Outre-Tombe, là où Chateaubriand dresse le bilan de ses « trois carrières ».
Je prends le volume de l'édition du centenaire établie par Alain Borer : Œuvre-Vie. La notice de la page 1164 pour le poème "Vies" ne mentionne jamais Chateaubriand, malgré un renvoi à un commentaire de 1989 de Jean-Luc Steinmetz. Il y a une note d'Alain Borer et une plus longue de Jean-Pierre Giusto, mais aucune mention de Chateaubriand.
Je prends l'édition au Livre de poche de Pierre Brunel en 1999, j'ai le volume de la collection "Pochothèque". La notice au poème "Vies" se trouve à la page 892 et il n'est pas fait la moindre mention de Chateaubriand, malgré des renvois à des analyses antérieures d'André Guyaux et d'Antoine Raybaud.
Je prends la brève notice, une demi-colonne à la page 705, de Jean-Marie Méline au sujet du poème "Vies" dans le Dictionnaire Rimbaud dirigé par Jean-Baptiste Baronian dans la collection "Bouquins" de l'éditeur Robert Laffont. Les "Proverbes" des Védas sont évoqués, mais aucun ouvrage de Chateaubriand, même si l'expression "réellement d'outre-tombe" est citée dans cette très courte notice.
En revanche, en 2004, j'ai publié dans le numéro 20 de la revue Parade sauvage un article "Les Poèmes de bilan : Vies, Guerre..." où j'ai mis en avant que Rimbaud faisait allusion au titre Mémoires d'outre-tombe par une réécriture qui liait le titre au pluriel "Vies" à l'expression finale "d'outre-tombe". Et sur ce blog même, j'ai rappelé ce jeu de mots. Je n'ai malheureusement jamais fini complètement ma lecture des Mémoires d'outre-tombe. Ma lecture a été interrompue pendant des années et j'ai perdu deux des quatre tomes au Livre de poche dans une inondation.
J'aurais pu me dépêcher de me reporter à la conclusion des Mémoires d'outre-tombe. Cependant, je réclame une antériorité bien attestée par au moins un écrit qui a été publié dans une revue rimbaldienne de référence.
Bardel fait passer cette référence pour une évidence. Alors, qui en a parlé avant moi ? Les éditions d'Antoine Adam, de Suzanne Bernard, de Cecil Arthur Hackett, de Jean-Luc Steinmetz, de Louis Forestier, d'Hubert Juin (je pense au volume de la collection "Bouquins" chez Robert Laffont qui réunit Cros, Corbière, Rimbaud et Lautréamont), d'André Guyaux (en 2009, ce serait postérieur à ce que j'ai publié) ?
Voici le lien d'un article qui montre que Bardel a rebondi sur mon travail, article de 2014. J'y précise que la critique rimbaldienne a négligé la piste de Chateaubriand, que je dois encore le faire mais que ça prend du temps, que le poète s'identifie à un gentilhomme comme Chateaubriand. J'ajouterai que le "réellement d'outre-tombe" a à voir avec Une saison en enfer, sachant que "Vies" partage avec le livre de 1873 plusieurs motifs dont celui des "autres vies" précisément. Bardel a poursuivi l'enquête, mais il s'est bien gardé de me citer.
RépondreSupprimerhttp://paintedplates.blogspot.com/2014/07/une-relation-clef-de-chateaubriand-aux.html