Le plus souvent, Rimbaud adopte le quatrain comme strophe à ses poèmes, et le quatrain qu'il privilégie nettement est celui à rimes croisées. Il est plus rare qu'il utilise le quintil ou le sizain. Bien sûr, les quatrains et les sizains se rencontrent lorsque Rimbaud compose des sonnets. Un sonnet, c'est deux quatrains et un sizain. Mais, la présentation typographique donne l'illusion que le sonnet est un poème en quatre strophes avec deux quatrains et deux tercets, alors que le tercet ne peut pas être une strophe.
En juillet 1871, Rimbaud compose un long poème intitulé "Les Premières communions" qui débute par une série de sizains et se poursuit par une série de quatrains. Mais, il n'y a pas d'allusion à la forme du sonnet. J'en reparlerai prochainement, car au plan formel il y a des conclusions très importantes à tirer sur les sources d'inspiration des "Premières communions" et de "La Rivière de Cassis".
Cependant, en octobre 1871, Rimbaud a transcrit sur une page de l'Album zutique deux poèmes "Vu à Rome" et "Fête galante" qu'il a mis l'un à la suite de l'autre sur une colonne bien alignée. Le premier poème "Vu à Rome" est en trois quatrains d'octosyllabes, le second est composé de trois tercets de vers de quatre syllabes. Sur la page précédente à gauche, figure la colonne contenant la transcription du "Sonnet du Trou du Cul" et du quatrain "Lys". Dans la mesure où nous considérons chaque poème séparément, une idée ludique a probablement échappé à l'attention : "Vu à Rome" et "Fête galante" sont une succession de trois quatrains et trois tercets, une sorte d'allusion maligne à la forme du sonnet. Et cela se double de l'idée d'une confrontation des trois quatrains de "Vu à Rome" aux trois tercets de "Fête galante".
Le poème intitulé "Fête galante" n'a pas besoin d'un surtitre pour préciser sa cible parodique, le recueil Fêtes galantes de Verlaine. Or, ce recueil de Verlaine, assez mince comme volume, offre la particularité tout en évitant de recourir à la forme du sonnet d'en exhiber l'organisation des rimes à l'envers dans une pièce en quatorze vers qui s'intitule "L'Allée" et il offre aussi l'intérêt de multiplier les croisements entre des poèmes de quatrains et des poèmes en sizains significativement découpés en tercets. C'est le découpage en tercets qui permet de justifier l'allusion à la forme du sonnet dans Fêtes galantes, idée qui, de prime abord, n'a aucune raison de s'imposer à l'esprit à la lecture de ce recueil.
C'est à cette aune qu'il convient aussi de considérer comme probable que la suite "Vu à Rome" et "Fête galante" sépare les quatrains et les tercets dans deux poèmes différents à la manière de Verlaine dans Fêtes galantes, en doublant cela d'une allusion au sonnet par une règle de proportionnalité : trois quatrains contre trois tercets. Toutefois, dans un sonnet, les tercets voilent la référence à la strophe sizain, ce qui ne saurait être le cas dans "Fête galante". Avec l'allongement d'un tercet, la "Fête galante" de Rimbaud exclut la reconnaissance du sizain au profit d'une autre forme strophique : le neuvain. Et ce poème qui passe quelque peu pour insignifiant, y compris, au sein de l'Album zutique se révèle finalement l'une des deux plus importantes singularités strophiques de toute la poésie en vers de Rimbaud avec une prière à Marie incluse dans la nouvelle Un cœur sous une soutane : un huitain avec une rime d'appel de premier et dernier vers qui encadre des rimes suivies ABBCCDDA, idée excellente au demeurant :
Approchez-vous,Grande Marie !Mère chérie,Du doux Jhésus !Sanctus Christus !O Vierge enceinteÔ mère SainteExaucez-nous !
En principe, cette rime "vous"::"nous" est inacceptable. Il s'agit d'une rime paresseuse entre deux pronoms proches parents, mais surtout une rime ne peut être interrompue dans la poésie littéraire en vers français (loi qui ne concerne pas les italiens par exemple) que par une seule autre couleur de rime. Or, ici, les trois couples : "Marie"::"chérie", "Jhesus"::"Christus", "enceinte"::"sainte" offrent trois couleurs de rimes pour séparer "vous" de sa rime à "nous". Ceci dit, l'idée de cet embrassement et ce recours aux deux pronoms "vous" et "nous" sont remarquablement pertinents pour offrir un bouclage complet du poème. On observe aussi que nous sommes face à une définition par défaut de l'idée de strophe, puisque, normalement, une strophe doit être dupliquée dans un poème. Ici, nous avons une strophe-poème qui ne peut même pas être comparée à un autre poème du même type.
Face à cela, "Fête galante" est l'autre poème-strophe d'exception de la poésie rimbaldienne. Cette pièce zutique est remarquable à trois égards, du moins si nous nous en tenons provisoirement à un premier degré d'analyse métrique : c'est la strophe la plus longue jamais pratiquée par Rimbaud (neuf vers), elle est découpée artificiellement en trois tercets AAB CCB AAB qui sont en réalité les trois modules de la strophe (terme "module" repris à Cornulier) et la strophe est unique en se confondant avec le poème lui-même. Il convient de comparer ce cas avec ceux d'autres poèmes-strophes, comme nous en avons l'occasion avec "L'Etoile a pleuré rose..." et "Lys" qui sont des poèmes en un seul quatrain. "Lys" offre même le cas curieux (peut-être involontaire, mais ce n'est pas sûr !) d'une position manuscrite symétrique à "Fête galante" sur deux pages successives qui s'offrent en vis-à-vis dans le corps de l'Album zutique.
A un second degré d'analyse métrique, la distribution des rimes AAB CCB AAB sur des vers très courts, des quadrisyllabes ! se double d'une perversion originale au plan des rimes, puisque la rime C en "-a" est tout aussi masculine que la rime A en "-in", sauf que le prénom italianisé "Colombina" permet de faire entendre le couple "Colombina"::"pina" comme l'équivalent féminin italien des terminaisons des autres mots à la rime : "Scapin", "lapin" (deux occurrences) et "tapin". Pour préciser, les deux couples de rimes A ("Scapin"::"lapin" et "lapin"::"tapin" avec renfort de la consonne d'appui) encadrent la rime C à tonalité féminisante, italianisante et obscène ("Colombina"::"pina" avec correspondance de labiale sonore "b" à labiale sourde "p", à défaut de consonne d'appui au sens strict). Précisons que la rime de module des trois tercets joue précisément sur cette consonne d'appui [p] et sa correspondante sonore : "capote"::"tapote"::"ribote".
Passons maintenant à l'analyse du poème. Rimbaud fait se croiser un personnage de la commedia dell'arte et donc de l'univers des Fêtes galantes de Verlaine avec un personnage qui lui est étranger : "Scapin". La mention "Scapin" n'est pas que moliéresque et semble une allusion patente au titre de la pièce de Glatigny Scapin maquereau. Celle-ci a été jouée en 1863 et fait partie des quelques publications sous le manteau de l'auteur. Elle est écrite en alexandrins et non en vers de quatre syllabes, mais la crudité des mots à la rime dans "Fête galante" : "capote", "pina", "tapote" (éventuellement "tapin" qui joue sur une confusion de deux sens) est d'une rare netteté, y compris par comparaison avec les autres pièces zutiques. Pour "tapin", l'expression étant en apposition, le sens qui s'impose est celui de personne qui bat le tambour, métaphore obscène, mais l'idée de la femme qui fait le tapin est discrètement suggérée. Le mot "capote" est lui aussi ambigu. Il peut désigner le "capuce" de Cassandre cité dans un poème des Fêtes galantes, mais aussi le préservatif. Quant aux termes, "pina" et "tapote", ils ne sont nullement ambivalents. Or, le "Prologue" de "Scapin maquereau" offre à la rime le mot "clitoris" et au dernier vers l'insulte : "Au revoir, tas de cons !" Dès le début de la première scène, il est question de doigts qui ne doivent pas rester inactifs et d'un derrière rugueux, avec surtout une rime en "-a" sur le rêve qu'il est difficile de ne pas rapprocher de la mention "Rêveur" et du tercet à rime en "-a" dans le poème "Fête galante" :
Rêveur, ScapinGratte un lapinSous sa capote.Colombina- Que l'on pina ! -- Do, mi, - tapoteL'œil du lapinQui tôt, tapin,Est en ribote...Paul VerlaineA. R. -
Ma fille ne sait pas se laver, et je doisL'unir à Pignouflard, un être dont les doigtsN'aiment pas à rester inactifs. Le derrièreDe Lucinde est rugueux ; tel, dans une clairière,Un chêne dont l'écorce est âgée et s'en va.Ce derrière n'est point l'idéal que rêvaMon gendre, lequel est porté sur la minette.[...]
Ce passage du tout début de la première scène de Scapin maquereau peut quelque peu être rapproché pour l'écorce rugueuse des images du dizain "Le Balai" que Rimbaud a transcrit quelques pages plus loin dans le même Album.
Pour le reste, la pièce est assez courte. Un père songe à marier sa fille correctement, mais sa principale préoccupation crée la surprise comique : sa fille est tellement sale qu'elle va déplaire à son gendre. Scapin, qui tient un bordel, se propose de la convaincre de se laver, mais il faut qu'elle vienne parmi les putains. Au second acte, le gendre Pignouflard se rend au bordel pour enterrer sa vie de garçon et il tombe nez à nez avec sa fiancée. Lucinde tient un discours incongru à son fiancé. Elle espère que demain il lui fera découvrir les secrets de la vie avec un mari, alors que lui la voit au milieu des putains. Je ne résume pas la suite de la pièce, mais ce contexte de putains permet de faire quelque peu lien avec la parodie obscène de Rimbaud du recueil Fêtes galantes de Verlaine, en déplaçant l'idée du côté de femmes galantes d'un bordel.
Avec son approche encyclopédique, Bernard Teyssèdre n'a pas manqué de proposer d'identifier le Scapin du poème zutique au Scapin maquereau, mais il n'a pas cité les vers que nous venons de mentionner et n'a pas donné tout son déploiement à cette piste qu'il referme sèchement, en affirmant son franc mépris pour cette composition de Rimbaud qu'il n'a pas comprise (je cite Arthur Rimbaud et le foutoir zutique page 167) :
Si le but de Rimbaud était de faire parade de virtuosité, c'est plutôt raté. La versification n'est pas des plus habiles. On sent trop que Colombina doit sa désinence à la nécessité de rimer avec "pina", que "tapin" (notons que ce mot, ne déplaise à Rimbaud, est un substantif, pas un adjectif) est appelé de même par la rime avec "lapin" et que Scapin a remplacé Arlequin "au pied levé" - parce que son nom avait un "pied" de moins...
En quoi la versification n'est-elle pas habile ? Teyssèdre ne fait rien d'autre qu'exprimer son sentiment de docte : les vers de quatre syllabes sont moins de la poésie que des acrobaties. Il daube superbement la rime riche : "Colombina"::"pina" avec un argument qui est faux, puisque Rimbaud aurait très bien pu faire rimer "Colombine" avec "pine" (nom ou verbe). Il va de soi qu'il n'y a pas eu ici une difficulté à trouver un personnage pour une rime en "-a". D'ailleurs, ce que dit Teyssèdre est absurde, puisque le poème est à l'indicatif présent : "Gratte", "tapote", tandis que "pina" est au passé simple. Teyssèdre décide que le calembour obscène "Colombina" "que l'on pina" est lourd et facile. Mais, il est subjectif de soutenir que le calembour "Colombina" "Que l'on pina" est moins pensé que la rime "combine" :: "Colombine" du poème "Pantomime" de Verlaine. Des réticences bienpensantes se mêlent aux appréciations. C'est un peu comme dans une ancienne émission On n'est pas couchés quand Natacha Polony et Audrey Pulvar critiquait la rime "Mickey Mouse"::"Docteur House" d'une chanson de Christophe Hondelatte. Les termes "Mouse" et "House" sont ici des noms propres, ils viennent d'une même langue étrangère : l'anglais. La rime entre ces deux noms n'est pas naturelle à la langue française et les deux mots de langue anglaise ont cette terminaison "-ouse" qui n'est pas un suffixe. Pourquoi décréter que cette rime est mauvaise par définition, alors qu'elle est irréprochable ? Le même problème se pose avec les avis censeurs de Teyssèdre qui écrit tout un livre pour exhiber de l'obscène "En veux-tu ? en voilà !" puis, qui, soudain, a une remontée d'humeur, et nous fait la vierge effarouchée devant le calembour de gosse mal éduqué : "Colombina / - Que l'on pina ! -" Pour le mot "tapin", Teyssèdre oppose à Rimbaud que ce n'est pas un adjectif, mais un nom. Plaît-il ? Quelle analyse a-t-elle permis de décider que Rimbaud avait pris le mot "tapin" pour un adjectif ? D'abord, dans le contexte de l'Album zutique et des poèmes en vers courts, la mauvaise syntaxe fait partie de la malice des compositions, comme l'attestent les tercets du sonnet "Cocher ivre". Ensuite, pourquoi soutenir que Rimbaud emploie "tapin" en tant qu'adjectif ? Notre Arthur national emploie bien un nom, mais avec un détachement entre virgules un peu cavalier : l'œil du lapin qui tôt, [devenu] tapin ou qui, tôt, [comme un] tambour, est en ribote... On pourrait gloser aussi en : l'œil du lapin qui tôt, fantassin jouant du tambour, est en ribote... La construction nominale est un peu forcée, mais elle n'est pas aberrante. Enfin, comment peut-on dire que Scapin a été choisi parce qu'en deux syllabes il était plus facile à mettre dans un vers de quatre syllabes que le nom "Arlequin" ? Teyssèdre a l'air de penser que Rimbaud crée d'abord un cadre abstrait de vers de quatre syllabes qu'il va remplir ensuite. On dirait qu'obligatoirement la mention du personnage masculin avec rime en "-in" devait être au premier vers. Mais, non ! Rimbaud pensait dès le départ exploiter le nom Scapin. S'il avait voulu exploiter le nom Arlequin, il aurait pu naturellement faire un poème en vers de cinq syllabes, ou bien il aurait pu placer la mention Arlequin plus bas dans le poème avec de meilleures possibilités pour le placer dans le corps d'un vers de quatre syllabes. Teyssèdre décide arbitrairement des difficultés rencontrées par Rimbaud et du coup nous impose de croire à des solutions dérisoires. Pire encore, alors que Teyssèdre a identifié, sans doute grâce à la collaboration active de Murphy, Pakenham et quelques autres, que le poème faisait allusion au Scapin maquereau de Glatigny, voilà qu'il considère que la mention Scapin n'était pas pour citer Glatigny, mais simplement un pis-aller à défaut de pouvoir utiliser le nom Arlequin, preuve que Teyssèdre ne fait finalement rien de la référence à la pièce de Glatigny.
Continuons de citer les jugements négatifs de Teyssèdre dans les paragraphes suivants de la page 167 de son ouvrage :
Autour de la Colombine de Verlaine "Tout ce monde va / Rit, chante. " La fête de Rimbaud a beaucoup perdu de sa légèreté. Les deux personnages participent à une tâche érotique précise. Ils s'y appliquent avec une lourdeur terre-à-terre qui laisse peu de place à la rêverie, bien que Scapin soit présenté comme "rêveur".La situation devient encore plus prosaïque si on tient compte de l'ambiguïté de la "capote" de Scapin.
Teyssèdre reproche au poème "Fête galante" d'être obscène et zutique ! Et il poursuit, et alors tenez-vous bien, en manifestant son mépris par un abandon à une poésie ridicule :
Cette poésie en neuf vers de quatre pieds (36 syllabes en tout, pas davantage que trois alexandrins) est une bluette sans prétention.Désinvolte et folâtre, c'est une amusette.C'est mignon, c'est chafouin, ça ne mène pas loin. La Muse s'amenuise en une amusante Musette."Do, ré, mi", c'est un peu comme si elle s'amusait, la petite Muse, à faire ses gammes.Mais elle laisse entrevoir ses dessous, la Musette.
Je ne sais pas quoi dire de ces paragraphes rétrécis, qui sont plus des vers livides que de la poésie : "bluette" rime avec "amusette" ; on une séquence de quasi assonance nasale "mignon"::"chafouin"::"loin" avec au passage une appréciation du poème "C'est mignon" très discutable ; puis on a cette série de calembours qui fait du surplace : "amusette", "Muse", "s'amenuise", "amusante", "Musette", "s'amusait", "petite Muse", "Musette". Et tout cela pour manifester son mépris à l'égard du poème "Fête galante" en accusant Rimbaud de faire bêtement ses "gammes", car c'est lui la "petite Muse" qui est visée par ce trait d'humeur de Teyssèdre. Ne me dites pas que Teyssèdre (ou Lefrère, parce qu'on se demande qui tient la plume à certains moments) a un amour réel pour la poésie de Rimbaud. C'est méchant de faire tourner ainsi les mots "Muse", "amusant", "Musette", Teyssèdre est littéralement en train de traiter Rimbaud de petit con qui se croit poète ! Et il le fait exactement comme Daudet en montrant qu'il est plus caricatural que ce qu'il prétend dénoncer. J'ai un nom pour ce genre de poésie des paragraphes que je viens de citer de Teyssèdre, je dirais qu'il nous a fait un petit colombin !
Et je vous cite le reste de la page 167 :
Mais elle laisse entrevoir ses dessous, la Musette.Et à qui les laisse-t-elle entrevoir ? A Verlaine.En signant sa Fête galante d'un "Paul Verlaine" qu'il fait suivre de ses propres initiales, Rimbaud se comporte exactement de la même façon que pour les vers qu'il attribue à Armand Silvestre, Léon Dierx ou François Coppée. Il traite Verlaine sur le même pied que les autres poètes contemporains. Il le parodie, il se moque de lui. Il le fait avec gentillesse, non pas avec hargne, certes, c'est une taquinerie entre camarades, mais elle met hors jeu le respect que l'aîné aurait été en droit de revendiquer.Rimbaud n'est plus le "protégé" d'un poète reconnu, comme il l'était quinze jours plus tôt au dîner des Vilains-Bonshommes. Il donne à savoir à Verlaine qu'il est son égal.
Voilà le discours de haute volée que Jean-Jacques Lefrère, Steve Murphy, Michael Pakenham et Seth Whidden (avec son volume collectif La Poésie jubilatoire) ont promu. Voilà le genre de critique sérieux sur lequel le monde rimbaldien entend s'appuyer. Il va de soi que Rimbaud ne rabaisse nullement Verlaine et qu'il y a bien au contraire une grande complicité ludique. A la page précédente 166, Teyssèdre citait tout de même un passage capital de la correspondance de Verlaine qui permet d'apprécier le rapport de "Fête galante" à Glatigny :
Verlaine, à l'époque même où il bavardait quotidiennement avec Rimbaud rue Nicolet, mettait la dernière main à une comédie en vers, Les Uns et les autres, qu'il présentait comme une "joyeuseté galante dans le goût glatignesque, assez forte en gueule" [...].
L'accent mis sur la pièce Les Uns et les autres terminée en présence de Rimbaud, cela vient de moi, mais l'extrait cité entre guillemets vient d'une lettre de Verlaine à Blémont du 22 juillet 1871 où l'auteur des Fêtes galantes explique qu'il est en verve et compose quantité de parodies quelque peu zutiques. Verlaine parodie les sonnets des Princesses de Banville, lequel est nommé "Bandore" dans cette lettre, il parodie Heredia avec "Retour de Naples", et il parodie les Promenades et intérieurs de François Coppée dans une autre lettre avec le principe de deux dizains enchaînés, ce que Rimbaud a imité au début de l'Album zutique, précisément sur le feuillet même qui contient le neuvain "Fête galante" ! Il va de soi que "Fête galante" n'attaque pas Verlaine, mais célèbre son initiative d'encourager tout le monde à composer de tels poèmes, comme il va de soi que Rimbaud veut signifier que si Verlaine a osé pour le public des Fêtes galantes il aurait aimé assumer tout autant un recueil de "joyeusetés galantes". Et cela, Teyssèdre ne l'a même pas compris ! Certes, dans "Pantomime" et "Colombine" des Fêtes galantes, Colombine a pour amant "Arlequin", mais si "Scapin" vient se substituer à "Arlequin", c'est un fait exprès non pour gagner de l'aisance métrique, mais bien pour qu'un indice fasse sens et donne à penser au lecteur que cette "fête galante" est précisément "glatignesque" (au passage, le suffixe choisi par Verlaine dans "glatignesque" renvoie à Odes funambulesques bien évidemment). Et un fait troublant est à observer encore une fois, puisqu'au-dessus de "Fête galante", "Vu à Rome" est le premier poème connu de Rimbaud en trois quatrains avant "Tête de faune" qui fera du coup écho aux deux quatrains "Le Faune" des Fêtes galantes, mais surtout à nouveau aux vers de Glatigny avec la reprise du poème "Sous bois" du recueil Joyeusetés galantes précisément et avec ses reprises de la comédie Le Bois. Mais ceci est une autre histoire.
Reprenons !
En privilégiant la forme du neuvain pour "Fête galante", Rimbaud n'a ainsi pratiqué ni la terza rima, ni cette forme particulière à Banville, si je ne m'abuse, qui consiste à employer une rime par tercet. Pour exemple, voici les deux premiers tercets d'une de ses Odelettes :
Pan gardait, tout ce mois d'avril,De la glace jusqu'au nombril :Le printemps était en péril.Enfin, tout se métamorphose !Mai, comme un jeune sein, arroseDe pourpre le bouton de rose.[...]
J'avoue n'avoir fait encore aucune recherche pour déterminer si Rimbaud avait suivi un modèle, une source, un exemple antérieur, dans le cas de son poème "Fête galante". Toutefois, ce qui semble presque dispenser de recherches en ce sens, c'est que Rimbaud semble avoir déformé l'usage des sizains distribués en faux tercets dans le recueil Fêtes galantes de Verlaine, et ce fait est bien connu des rimbaldiens à cause des sources évidentes de certaines rimes.
PantomimePierrot qui n'a rien d'un ClitandreVide un flacon sans plus attendre,Et, pratique, entame un pâté.Cassandre au fond de l'avenue,Verse une larme méconnue,Sur son neveu déshérité.Ce faquin d'Arlequin combineL'enlèvement de ColombineEt pirouette quatre fois.Colombine rêve, surpriseDe sentir un cœur dans la briseEt d'entendre en son cœur des voix.
Ce poème suit le même découpage que le morceau "Aux feuillantines" critiqué par Banville dans son Petit traité de poésie française, et, du coup, que le poème rimbaldien "Les Effarés". Banville dirait de "Pantomime" que ce sont quatre faux tercets camouflant deux vrais sizains bien classiques de conformation. De son côté, Rimbaud a déconstruit la structure en sizains, mais il l'a remodelée en neuvain, et non en trois tercets autonomes. On peut constater que "Colombina" est une corruption italianisante de la Colombine de "Pantomime" et il n'est évidemment pas absurde de comparer l'attaque "Rêveur, Scapin" du poème de Rimbaud à la séquence : "Colombine rêve, surprise..." Par ailleurs, la rime équivoque "combine"::"Colombine" passe à un autre degré d'équivoque phonétique avec la prime d'obscénité : "lapin", "Colombina / Que l'on pina".
Rimbaud a repris l'égrènement de notes de musique "Do, mi" à deux pièces des Fêtes galantes. Ces notes de musique sont chantées par Colombine dans le poème qui porte son nom, mais il faut aussi prêter attention au poème qui suit "Pantomime" dans Fêtes galantes : "Sur l'herbe", poème en trois quatrains au dmeeurant ! Sur la page manuscrite de l'Album zutique, on peut remarquer que "Fête galante" en trois tercets suit une prestation en trois quatrains "Vu à Rome", et il y a peut-être une autre intention maligne à relever, puisque "Vu à Rome" et "Fête galante" font une suite de trois quatrains, puis trois tercets, quand un sonnet est une suite de deux quatrains et deux tercets. Pour précision, le poème "L'Allée" en quatorze vers camoufle une organisation des rimes sur le modèle du sonnet, mais à l'envers, et ce poème suit immédiatement "Sur l'herbe" dans l'économie de recueil des Fêtes galantes. Au plan de l'idée du poème en trois quatrains, il y a peut-être à méditer sur les liens possibles entre "Sur l'herbe" des Fêtes galantes, "Vu à Rome" et "Tête de faune" de Rimbaud...
Pour l'instant, voici les deux vers du poème "Sur l'herbe" qui ont inspiré le vers "musical" de la parodie "Fête galante" :
[...]- Ma flamme... - Do, mi, sol, la, si.[...]- Do, mi, sol. - Hé ! bonsoir, la Lune !
Et on peut compléter cela par un vers du poème "Colombine" :
- Do, mi, sol, mi, la,Tout ce monde va,Rit, chante[.]
Une caractéristique du recueil Fêtes galantes, c'est que tout en ne contenant aucun sonnet il tend à privilégier pourtant le format graphique des quatrains et des tercets pour nombre de poèmes. Cela rend fortement pertinente l'idée d'une allusion biaisée au sonnet au plan de la succession de "Vu à Rome" à "Fête galante".
Le poème "Les Coquillages" est en terza rima. En revanche, à côté de "Pantomime", deux autres poèmes des Fêtes galantes sont encore à citer pour des tercets cachant des sizains. Le premier est "Fantoches", un titre que Glatigny a envisagé pour son recueil, encore futur en octobre 1871, Gilles et pasquins, et le premier vers de "Fantoches" offre le modèle de terminaison italienne pour "Colombina", mais aussi le nom "Scaramouche" avec une syllabe initiale qui est identique à celle du nom "Scapin". Le premier tercet est également remarquable par sa rime en "-a" entre un nom italien de comédie et une terminaison d'un verbe au passé simple pris dans une subordonnée relative. Le verbe "Gesticulent" éclaire d'un jour comique l'expression "mauvais dessein", et si Verlaine s'en est tenu essentiellement à un registre érotique dans son recueil, Rimbaud sur le modèle de la pièce de Glatigny Scapin maquereau opte pour l'obscénité crue : "pina".
FantochesScaramouche et PulcinellaQu'un mauvais dessein rassemblaGesticulent, noirs sur la lune.Cependant l'excellent docteurBolonais cueille avec lenteurDes simples parmi l'herbe brune.Lors, sa fille, piquant minois,Sous la charmille, en tapinois,Se glisse demi-nue, en quêteDe son beau pirate espagnolDont un langoureux rossignolClame la détresse à tue-tête.
Ce poème de Verlaine offre également la locution "en tapinois" à la rime, source sensible au choix "tapin" de Rimbaud coincé entre virgules à l'avant-dernier vers, et on peut comparer l'idée du "rossignol" et de l'expression d'une "détresse à tue-tête" avec le choix du "lapin" qui "Est en ribote..."
Cependant, un autre fait important retient l'attention, le prénom "Pulcinella" donne en français le nom "Polichinelle", qui est celui d'un personnage masculin. Pulcinella est un valet d'origine paysanne dans la commedia dell'arte, alors que le poème de Verlaine invite à penser qu'il s'accouple en amoureux avec Scaramouche : "Scaramouche et Pulcinella" "Gesticulent". La syllabe "cul" dans "Gesticulent" n'est sans doute pas innocente. Verlaine nous entraînait sur un terrain équivoque. Si la "Colombina" de "Fête galante" est un croisement des noms "Colombine" et "Pulcinella" des Fêtes galantes, il y aurait donc une duplicité supplémentaire de Rimbaud passée inaperçue. Rappelons que sur la page de gauche figure le "Sonnet du Trou du Cul".
Je parlais plus haut de la correspondance biaisée pour les rimes du neuvain "Fête galante".
Face à "Scapin", nous devrions avoir "Colombine" et non "Colombina". La rime en "-in" a pour correspondante féminine la rime en "-ine". La forme en "-ina" peut s'imposer comme féminine au plan du sens, mais la rime est masculine en français. Seul le "e" permet de former des rimes féminines. Or, je disais plus haut qu'il était remarquable que Rimbaud reprenne la même rime du premier au dernier tercet, la rime en "-in", tandis qu'au second tercet il adoptait une rime en "-a" enrichi au point de suggérer la forme féminine italienne "-ina" qui correspond au français "-ine". Le poème serait en réalité rimé comme suit en AAB AAB AAB, mais avec pour le deuxième tercet une corruption de "-in" en "-ina" qui donne finalement la forme AAB CCB AAB, où le couple CC est une rime A déguisée, et où le déguisement est la fausse apparence féminine du masculin ! Il me semble assez évident qu'à côté du "Sonnet du Trou du Cul" qui lui fait vis-à-vis pratiquement "Fête galante" a confirmé le jeu provocateur sur les amours entre hommes.
Mais poursuivons.
Le poème qui suit "Fantoches" dans Fêtes galantes s'intitule "Cythère". Il tomberait lui aussi sous les reproches de Banville, mais son cas est encore plus grave, puisque des deux premiers tercets aux deux suivants l'organisation des rimes s'inverse. Toutefois, Rimbaud ne semble pas cette fois avoir repris d'éléments lexicaux à cette pièce :
CythèreUn pavillon à claires-voiesAbrite doucement nos joiesQu'éventent des rosiers amis ;L'odeur des roses, faible, grâceAu vent léger d'été qui passe,Se mêle aux parfums qu'elle a mis ;Comme ses yeux l'avaient promisSon courage est grand et sa lèvreCommunique une exquise fièvre ;Et l'Amour comblant tout, hormisLa Faim, sorbets et confituresNous préservent des courbatures.
Enfin, après le poème "Cythère", le poème "En bateau" applique le procédé banvillien du tercet sur une seule rime.
En bateauL'étoile du berger trembloteDans l'eau plus noire et le piloteCherche un briquet dans sa culotte.C'est l'instant, Messieurs, ou jamais,D'être audacieux, et je metsMes deux mains partout désormais !Le chevalier Atys qui gratteSa guitare, à Chloris l'ingrateLance une œillade scélérate.L'abbé confesse bas Eglé,Et ce vicomte déréglé,Des champs donne à son cœur la clé.Cependant la lune se lèveEt l'esquif en sa course brèveFile gaîment sur l'eau qui rêve.
Je me demande si un puriste à l'époque n'aurait pas critiqué l'orthographe "clé" et non "clef", mais elle est ici indispensable à la rime. Le recueil Fêtes galantes est un peu délicat à apprécier. Sa tonalité est essentiellement érotique, mais il y a bien quelques allusions obscènes à la clef et ce poème en offre quelques exemples avec "le briquet dans sa culotte", avec le rejet "Qui gratte / Sa guitare" ou l'expression "confesse bas", très concupiscente si on peut dire. Pourquoi est-ce délicat ? Il se trouve que de nos jours les procédés de lecture obscène sont assez mécaniques. Par exemple, un lecteur contemporain qui commencera à identifier des équivoques obscènes sera tenté d'en récolter le plus grand nom et pourra envisager que la "lèvre" qui "Communique une exquise fièvre[,]" est une lèvre du bas corporel. Je préfère mettre en garde contre ce genre d'excès à la lecture. En revanche, il existe un excès inverse qui pourrait consister à soutenir qu'il n'y a pas d'obscénités voilées dans l'économie des Fêtes galantes, alors que plusieurs s'imposent métaphoriquement. Je soutiens bien évidemment qu'il y a un calembour dans "con/fesse/ bas" ou de transparentes images phalliques dans "briquet" et "guitare". Mais il y a trois autres faits importants à relever. Premièrement, pour sa parodie "Fête galante", Rimbaud a repris le verbe "gratter" : on passe de "Gratte" à la rime avec en rejet "Sa guitare" au tercet :
Rêveur, ScapinGratte un lapinSous sa capote.
Comme dirait Yves Duteil : "J'ai la guitare qui me démange, alors je gratte un p'tit peuh". Ce n'est pas tout. Le poème "Fête galante" a une rime de tercet en "-ote". Comme le poème de Rimbaud est un neuvain, il y a trois rimes en "-ote" ("capote"::"tapote"::"tremblote"), tout comme dans l'unique tercet en "-ote" de Verlaine, le premier du poème "En bateau" :
L'étoile du berger trembloteDans l'eau plus noire et piloteCherche un briquet dans sa culotte.
Finalement, Rimbaud semble tout de même avoir fait allusion à Banville dans son neuvain, à partir du principe d'équivalence du module tercet répété trois fois dans un neuvain, avec le principe d'un tercet à trois modules d'un seul vers !
Un autre cas troublant, déjà relevé par les rimbaldiens, Murphy notamment, est lié à la rime en "-ote", puisque le mot "tremblote" à la rime dans "En bateau" est aussi à la rime dans "Les Effarés". C'est impressionnant de voir que le débat sur le caractère illégitime du tercet comme strophe autonome, à l'exception de la solution sur une seule rime, permet de voir des rapports souterrains entre "Les Effarés", plusieurs poèmes des Fêtes galantes et le poème zutique "Fête galante".
Enfin, la mention "vicomte" dans "En bateau", si elle n'était pas nécessairement une allusion au recueil de Glatigny publié sous le manteau Joyeusetés galantes et autres aventures du vidame Bonaventure de la braguette devient quelque peu tentante avec les liens fournis par la parodie rimbaldienne. Le terme "galantes" est à rapprocher, Scapin l'est de Scaramouche pour l'attaque syllabique, le "vicomte" fait écho à "vidame" comme le "briquet" cherché dans la "culotte" peut suggérer l'idée de "braguette". Rimbaud n'a pas explicité de tels jeux de mots et n'a pas réellement pratiqué l'allusion au titre de recueil de Glatigny, mais ces suggestions malignes sont dans la note. Ce qui est avéré, c'est que le nom "Scapin" est une façon de confondre les Fêtes galantes de Verlaine avec Scapin maquereau de Glatigny, et donc il est bien sous-entendu un lien entre l'idée verlainienne de "fêtes galantes" et l'idée de Glatigny de "joyeusetés galantes".
Je parlais tout à l'heure de la succession entre les trois quatrains de "Vu à Rome" et "Fête galante". Or, une idée importante, c'est que Rimbaud a refait plusieurs choix formels de ses contributions à l'Album zutique dans des poèmes plus réputés que Verlaine a collationnés dans sa suite paginée. On a déjà fait observer que la suite sonnet et quatrain sur l'Album zutique du "Sonnet du Trou du Cul" et "Lys" était reconduite sur un feuillet de copie par Verlaine du sonnet "Voyelles" et du quatrain "L'Etoile a pleuré rose...", et dans tous les cas "Lys" est un quatrain qui a précédé le quatrain "L'Etoile a pleuré rose..." Le sonnet "Paris" dans la série des "Conneries" a visiblement servi de modèle précurseur pour "Voyelles", puisqu'il est tout en rimes masculines, quand "Voyelles" est en rimes féminines à l'exception de sa rime conclusive. Or, la comparaison ne s'arrête pas là. "Paris" et "Voyelles" sont deux sonnets à base d'énumérations, avec tous deux très peu de verbes. Les sonnets se concluent tous deux par une allusion qui est un pied-de-nez au divin : dans un cas, l'ironique "soyons chrétiens", dans l'autre "rayon violet de Ses Yeux". Le sonnet "Paris" comporte précisément une rime en "-eux" dans son premier tercet avec d'ailleurs un autre pied-de-nez au spirituel ("onctueux"::"spiritueux"). Et il y a encore une comparaison importante à faire entre les deux sonnets, puisque la rime en "el" de "Paris" amène la rime qui a un rapport équivoque avec elle en "-eux", tandis que la rime en "ier", déjà chahutée par le croisement avec "Leperdriel", est quelque peu reprise dans les tercets avec une déclinaison provocatrice. Après la série : "Gambier"::"Menier"::"Augier"::"Panier", nous avons dans les tercets une autre rime "L'Hérissé"::"qui sait", qui choquera le puriste à cause de la prononciation de "sait", mais il y a assonance avec "L'Hérissé", et en prime les mentions "Panier" et "L'Hérissé" se succèdent de quatrains à tercets en aggravant le sentiment de non respect outrancier du principe d'alternance des cadences masculines et féminines. Dans "Voyelles", l'unique rime masculine en "-eux" correspond au masculin de la rime féminine en "-elles". Le lien de "Cocher ivre" au "Bateau ivre" est plus ténu, il s'agit essentiellement d'une reprise au plan du titre. Je ne développerai pas d'autres idées, la non alternance des cadences masculines et féminines des rimes dans les trois "Conneries" annonce les vers "nouvelle manière" du printemps et de l'été 1872, tandis que les distiques de rimes plates de "L'Angelot maudit" anticipent quelque peu le cas de "Ô saisons ! ô châteaux !" Or, le poème "L'Angelot maudit" adopte précisément la forme du poème "Colloque sentimental" conclusif des Fêtes galantes.
Bref, autant de détours pour soutenir que les trois quatrains de "Vu à Rome" sont l'anticipation quelque peu des trois quatrains de "Tête de faune", ce qui me permet d'insister sur le fait que le poème "En bateau" est suivi précisément du poème "Le Faune" de Verlaine qui, lui, est en deux quatrains seulement. Une des originalités du présent article aura été décidément de montrer que certaines idées clefs viennent du fait de considérer que "Fête galante" fait couple avec "Vu à Rome", puisque cela permet de mieux apprécier que "Fête galante" exclusivement en tercets fait bien écho à la séparation des quatrains et des tercets dans Fêtes galantes et puisque de manière inattendue on arrive à passer de l'allusion à Glatigny dans le "Scapin" de "Fête galante" à une autre allusion au même Glatigny dans "Tête de faune". Ces liaisons ont l'air improbables. En tout cas, vous n'échapperez décidément pas à un constat de fait. Glatigny continue d'être une source décisive pour Rimbaud lorsqu'il est à Paris en présence de Verlaine. "Fête galante" rejoint "Tête de faune" pour en attester. La rime "usine"::"cousine" des "Mains de Jeanne-Marie" vient de la comédie "Vers les saules" et Jacques Bienvenu a montré que "Chanson de la plus haute Tour" a des liens subtils avec la plaquette La Presse nouvelle de Glatigny.
Le présent article a l'intérêt essentiel de montrer que Colombina est un travestissement pour un personnage masculin, ce point de lecture est inédit dans le monde des études rimbaldiennes. Un autre point va être à développer. Rimbaud a lu le recueil Fêtes galantes en août 1870 et composé le poème "Les Effarés" en septembre 1870. Dans son Petit traité de poésie française, Banville a critiqué les tercets du poème des Contemplations "Aux Feuillantines", ce que Rimbaud n'a pu découvrir qu'en 1871, pas en septembre 1870. La critique de Banville vaut pour plusieurs poèmes en tercets des Fêtes galantes, pas seulement pour "Les Effarés" et "Aux Feuillantines", fait troublant important je pense.
Voilà, j'ai corrigé quelques coquilles et rajouté deux trois phrases. 03/01 1h27 du matin.
RépondreSupprimerUn petit complément pour "Fête galante. Dans son recueil des Stalactites et donc dans le quatrième livre de la version remaniée des Cariatides de 1864, Banville a placé un poème intitulé "Arlequin et Colombine", le couple qu'on retrouve logiquement à deux reprises dans Fêtes galantes de Verlaine, mais qui devient "Scapin" et "Colombina" dans la contribution zutique rimbaldienne. L'attaque de "Fête galante" est "Rêveur, Scapin" et le rêve se retrouve déclinée dans les modèles : Fêtes galantes de Verlaine ou Scapin maquereau, mais il n'est pas inintéressant de citer le poème de Banville qui malgré son titre célèbre la Nature, les frondaisons, les bois, et ne revient qu'à la fin sur Watteau et ses personnages avec du coup un effet d'entonnoir de toute cette célébration de la Nature pour arriver au dernier vers à la mention "Arlequin rêveur". Il va de soi, n'en déplaise à Circeto, que quand Rimbaud écrit, il veut dire quelque chose. Le vers "Rêveur, Scapin" persifle un cliché dont Banville dans "Arlequin et Colombine" offre un exemple à l'autre extrême de son emploi.
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