Quand j'aurai retrouvé ma clef de boîte aux lettres, je ferai le compte rendu cinglant du livre fac-similaire sur Les Illuminations. Ici, je fais l'étude en contrepoint du dossier de poèmes en vers.
La revue La Vogue a publié les poèmes en vers suivants dans le numéro 7 et je les cite dans l'ordre de la pagination des manuscrits, pagination que je réfère ici à la suite des titres des poèmes : "Chanson de la plus haute Tour" (pages 1 et 2), "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,..." (page 3), "Âge d'or" (page 4), "Nous sommes tes grands-parents..." (pages 5, 6 et 7), "Eternité" (page 8). Sur son site Arthur Rimbaud, Alain Bardel classe toutefois le poème "Qu'est-ce" en dernier de la liste. L'ordre est respecté pour les autres poèmes, mais pas pour celui-là. Je n'ai pas pu vérifier si dans le numéro 7 de la revue l'ordre de la pagination a été respecté ou non, mais je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas. Grâce à un catalogue de vente de la collection de Pierre Bérès en 2006, nous pouvons consulter sur internet les fac-similés des pages 3 à 7 avec les manuscrits successifs de "Qu'est-ce pour nous,...", "Âge d'or" et "Nous sommes tes grands-parents..."
Le classement de "Qu'est-ce" n'est pas la seule anomalie dans le commentaire critique de Bardel.
Bardel prétend que parmi les manuscrits en vers du dossier de 1886 remis à la revue La Vogue il y avait un brouillon de "Ô saisons ! ô châteaux !" et aussi une version alternative du poème "Nous sommes tes grands-parents..." qui avait pour titre "Enfer de la soif". Il ne fait pas un discours pour le dire, mais c'est une loi qui découle des tableaux qu'il fournit et du titre alternatif de la page internet "Archives Verlaine 1872-1873 / Pièces de vers du 'dossier de 1886'" : les deux titres sont alternatifs et valent pour tous les poèmes étudiés dans la perspective de l'article. Le dossier de 1886 signifie, selon Bardel, un ensemble de manuscrits de vers "nouvelle manière" dans lesquels la revue a puisé pour enrichir le recueil des Illuminations. La Vogue n'a pu publier tout ce dossier, puisque quelqu'un est parti avec les derniers manuscrits à publier en prose ("Génie", etc.) comme en vers. Quand aux doublons pour "Ô saisons..." et "Enfer de la soif", ils n'étaient pas question de les publier tout simplement. Bardel nous invite donc à penser que la revue a préféré publier le poème sans titre plutôt que le texte plus soigné "Enfer de la soif". Je précise que la troisième version sous le titre "Comédie de la soif" est inconnue au dix-neuvième siècle, puisqu'on la retrouvera parmi les manuscrits passés entre les mains de Forain, puis Millanvoye, au début du vingtième siècle.
La version "Enfer de la soif" ne sera publiée qu'en 1999 dans l'édition philologique, tome I, des Poésies d'Arthur Rimbaud par Steve Murphy. Pourquoi avoir écarté tout cette version porteuse d'un titre en 1886 ? Je pense que, contrairement à ce qu'avance Bardel, le manuscrit "Enfer de la soif" ne faisait pas partie du "dossier de 1886". Je l'ai toujours pensé, je l'ai déjà écrit plusieurs fois, et c'est une question de bon sens. Il est clair qu'ils ont publié "Nous sommes tes grands-parents..." par défaut, n'ayant pas accès aux deux versions manuscrites bien établies. Et là, j'ai fait une inspection rapide et j'ai trouvé une preuve.
Je n'ai pas accès à un fac-similé du numéro 7 de la revue La Vogue, mais je peux vérifier l'établissement des textes à partir d'une consultation de la plaquette.
Partons des manuscrits. Le manuscrit en trois pages de "Nous sommes tes grands-parents..." est déchiré ! Sur le lien que je vous propose, c'est le premier manuscrit que vous allez pouvoir consulter en fac-similé. La première page a une déchirure au bas qui ne contrarie pas la lecture. En revanche, la deuxième page a une déchirure importante au bas qui mange plusieurs vers d'un quintil. Je retranscris ci-dessous ce que je parviens à lire, je mets entre crochets des mots qui subissent la déchirure mais qui sont faciles à deviner, même par quelqu'un qui ne connaîtrait pas le texte du poème par ailleurs] :
Peut-être un soir m'attendOù je boirai tranquilleEn quelque b[onn]e ville,Et mourrai [p...]ontent :Puisque je s[...]ent.
Il y a des commentaires au crayon de la part du prote dans la marge gauche au poème, mais je n'arrive pas à les déchiffrer. Je peux grossir l'image, mais l'image devient floue, et je porte des lunettes et je n'ai pas envie de m'abîmer les yeux contre l'ordinateur.
Le haut des trois pages manuscrites a aussi de petites déchirures, mais j'ai cité l'unique partie problématique du manuscrit.
Qu'a publié la revue dans la plaquette de 1886 ? Selon Bardel, la revue possède aussi le manuscrit de "Enfer de la soif". Même s'ils avaient de manière aberrante privilégier le manuscrit sans titre, il leur aurait suffi de compenser la partie déchirée par une prise en considération du passage équivalent dans "Enfer de la soif". Pourtant, dans la plaquette, nous avons bien droit à une édition lacunaire du quintil en question. Je cite le texte de la plaquette :
Peut-être un soir m'attendOù je boirai tranquilleEn quelque bonne ville,Et mourrai [...]ontentPuisque je s[...]tent.
On voit qu'ils ont bien identifié "bonne" malgré la déchirure. En revanche, ils n'ont pas deviné le "p" après "mourrai" et n'ont pas du tout anticipé la leçon "plus content". En tout cas, ils ont été très prudents et n'ont pas considéré avoir identifié un "p" avant la déchirure. Ils ont oublié de prendre en considération le signe de ponctuation, un double point. Enfin, pour le dernier vers, ils ont été moins prudents : sans doute sur la foi qu'il y avait une rime à consonne d'appui à la clef, ils ont pensée identifié un "t" devant la rime "ent", alors qu'il s'agissait d'un "i" : "patient". Personnellement, bien que je connaisse le texte, je n'ai pas mis le "i" comme évident à déchiffrer et l'erreur de présomption du prote me donne raison.
Vous découvrez que pendant plusieurs années le texte de ce poème était édité de manière tronquée. Il a fallu attendre la découverte du manuscrit "Comédie de la soif" pour remédier au problème, ce qui remet complètement en question la thèse selon laquelle le manuscrit de "Enfer de la soif" faisait partie du "dossier de 1886" entre les mains de la revue La Vogue. Et le sujet a une autre importance. Bardel ne s'intéresse qu'à la question du recueil des poèmes en prose sous le titre Les Illuminations, ce qui incite à rejeter les manuscrits des poèmes en vers comme un dossier informe indûment mélangé à ce que Bardel croit un vrai recueil au sens fort du terme. Or, dans cette attitude de rejet, Bardel peut être indifférent au fait qu'il y ait un doublon dans le dossier des manuscrits en vers, puisque pour lui cette liasse manuscrite n'est pas destinée à la publication. Or, désormais il ne reste plus qu'un cas singulier à observer, celui du brouillon de "Ô saisons ! ô châteaux !" Mais, pour le reste, il n'y a plus aucun doublon dans le dossier de poèmes en vers "nouvelle manière" parvenu entre les mains de la revue La Vogue. Et ça, ça pose un problème ! On a un ensemble de manuscrits sans aucun doublon, donc le dossier était aussi constitué en vue d'une édition. Parce que Bardel escamote la question suivante : ces poèmes-là comment devaient-ils être publiés par la revue La Vogue ? Quelles étaient les directives ? Puis, où est la rigueur philologique du spécialiste bien informé que prétend être Bardel quand il nous dit que "Enfer de la soif" fait partie du dossier de 1886 ?
Passons au numéro 8 de la revue La Vogue : Nous avons droit à la publication de poèmes en prose suivis de poèmes en vers sous le titre Les Illuminations dans ce qui se déclare la suite de cette publication. Les poèmes en prose sont "Promontoire", "Scènes" et "Soir historique" avec la pagination 1 et 2 du manuscrit allographe de "Promontoire", le manuscrit autographe n'étant pas paginé, puis nous avons le manuscrit de "Scènes" paginé 3 et le manuscrit de "Soir historique" paginé 4.
Dans son très long article "La FAQ des Illuminations" souvent remanié depuis sa mise en ligne en 2019 comme nous l'apprend la note de page internet, Bardel à la question 7°) qui porte sur les "filets de séparation" fournit un tableau synthétique où il écrit à côté de "Promontoire"/"Scènes"/"Soir historique" : "Feuillets non numérotés La Vogue n°8.
Intellectuellement, c'est problématique. Les feuillets sont paginés. Seul le manuscrit autographe ne l'est pas. Et sur cette synthèse, Bardel omet systématiquement de citer les poèmes en vers "nouvelle manière" publiés par la revue La Vogue qui ont une pagination commune avec les poèmes en vers. Bardel ne mentionne pas le contenu, exclusivement des poèmes en vers, de la série Les Illuminations du numéro 7 de la revue, et il ne cite pas les poèmes en vers "nouvelle manière" des numéros 8 et 9 de la revue, ne mentionnant que les poèmes en prose et "Mouvement".
Ce n'est pas une approche philologique rigoureuse.
Bardel prétend que les manuscrits publiés dans le numéro 9 ne sont pas numérotés non plus, ce qui concerne "Démocratie" et "Dévotion" pour lesquels il est impossible de vérifier, mais aussi "Mouvement", "Bottom" et "H". Le fac-similé connu de "Mouvement" a été toiletté et n'a pas privilégié la mise en avant d'éléments annexes. La question du toilettage peut se poser pour "Bottom" et "H", mais on dirait bien que le manuscrit n'a pas été paginé. Par coïncidence, Bardel en fournit un fac-similé à la suite du tableau que nous commentons. La revue n'aurait pas paginé les manuscrits de poèmes en prose publiés dans le numéro 9. Toutefois, les manuscrits des poèmes en vers ont pour leur part été paginés comme on peut le vérifier pour certains sur le catalogue de la vente des manuscrits de la collection Pierre Berès.
Mais, Bardel considère également que les feuillets publiés par Vanier en 1895 n'étaient pas paginés. Il écrit à côté des titres "Fairy", "Guerre", "Génie", "Jeunesse" et "Solde" : "Feuillets non numérotés Vanier 1895". C'est faux, les manuscrits sont paginés en chiffres romains de I à V, mais l'emplacement des chiffres romains est parfois déconcertant, sauf que leur emplacement déconcertant favorise l'idée que ce sont les seuls poèmes que Rimbaud ait lui-même classés dans une suite de feuillets paginés sur l'ensemble de ces poèmes en prose. C'est le seul ensemble organisé dans tout le dossier manuscrit des poèmes en prose (en incluant "Mouvement"). Il y a des suites "Enfance", "Vies" et "Veillées", mais pour le reste il n'y aucune indication de classement. S'il y en avait, il n'y aurait pas ce grand débat sur l'ordre du recueil !
Bardel nie le seul travail de classement qui relève probablement d'une initiative rimbaldienne dans tout l'ensemble, le seul élément qu'il peut brandir pour dire que Rimbaud préparait un recueil où l'ordre des poèmes importait.
Et face à cela, il y a donc le dossier des vers "nouvelle manière" où les poèmes n'existent qu'en un seul exemplaire. Le dossier n'est pas nécessairement un recueil, mais le fait qu'il n'y ait qu'une version de chaque poème veut bien dire que c'est un dossier représentatif sous forme d'anthologie d'une période de la création rimbaldienne.
Ces manuscrits en vers partagent la pagination avec plusieurs poèmes en prose, et les paginations de tout ce que la revue La Vogue sont juxtaposables !
Ce fait n'a pas à passer à l'as !
Ensuite, il faut reprendre le dossier des poèmes en vers "nouvelle manière".
Au vingtième siècle, nous avons eu la chance de retrouver des manuscrits du côté du chansonnier Millanvoye. Il y avait le dossier de vingt-quatre pages de vers première manière, l'ensemble en prose "Les Déserts de l'amour", et un groupe restreint de poèmes "nouvelle manière" datés du mois de mai 1872 : "Comédie de la soif", "Bonne pensée du matin", "Larme" et "La Rivière de Cassis". En parallèle, nous avons eu la révélation de manuscrits détenus par Jean Richepin qui formaient une série réunie sous le titre "Fêtes de la patience", le manuscrit contenait même un sommaire.
Or, "Comédie de la soif", "Larme" et "La Rivière de cassis" ont été publiés dans des versions sans titre par la revue La Vogue. Nous avons parlé plus haut du manuscrit déchiré de "Nous sommes tes grands-parents..." publié dans le numéro 6 de la revue. "Loin des oiseaux..." et "La rivière de cassis..." ont été publiés dans le numéro 9 de la revue La Vogue. La version sans titre "A quatre heures du matin..." est un cas particulier, c'est l'unique poème qui d'évidence faisait partie du "dossier de 1886" qui a attendu le vingtième siècle pour être publié, il l'a été en 1912 par Paterne Berrichon. Et ce qui plaide pour sa présence dans le dossier de 1886, c'est qu'il partage avec "Nous sommes tes grands-parents...", "Loin des oiseaux..." et "La rivière de Cassis..." l'absence de titre et l'usage de minuscules en début de vers.
Ce choix est opposable au cas des quatre versions alternatives des "Fêtes de la patience". Les rimbaldiens pensent que dans le dossier de 1886 la série n'existe plus. Il est vrai que rien n'en indiquait l'existence particulière aux protes et dirigeants de la revue La Vogue. Toutefois, les quatre poèmes ont un titre, même s'il change parfois par rapport à ceux des "Fêtes de la patience" : "Patience" ou "Patience d'un été", car la suppression de "d'un été" mériterait un débat face à "Bannières de mai", "Chanson de la plus haute Tour" qui ne change pas de titre, "LEternité" qui varie à peine en "Eternité" et "Âge d'or" qui conserve son titre. Pour ces quatre poèmes, les majuscules au début des vers sont maintenues.
C'est tout de même un constat important. Il y a un contraste strict entre les manuscrits des versions alternatives des "Fêtes de la patience" et les manuscrits des versions alternatives de poèmes immédiatement antérieurs remis à Forain. Je rappelle que trois des "Fêtes de la patience" sont datée du mois de mai, une seule du mois de juin, tandis que du côté de la transmission "Forain"/"Millanvoye" "Comédie de la soif", "Larme", "La Rivière de cassis" et "Bonne pensée du matin" sont tous datés de mai 1872. J'ai déjà indiqué qu'en tête de la série et en cinq poèmes internes "Comédie de la soif" pouvait facilement dater du mois d'avril et être daté du moment de sa mise au point. Et j'ai déjà insisté sur l'idée probable que les poèmes remis à Forain étaient antérieurs à la composition des "Fêtes de la patience". En tous cas, dans le dossier de 1886, il y a une opposition qui demeure entre les deux ensembles. Et cela inviterait à publier les quatre "Fêtes de la patience" ensemble si les éditeurs tenaient compte des recoupements entre les manuscrits. Et comme la revue La Vogue a publié les poèmes dans le désordre sans tenir compte de ces recoupements, on comprend qu'ils n'étaient pas paginés et surtout qu'en l'absence d'une pagination ils n'ont pas hésité à mélanger les manuscrits, et cela dès les numéros de la revue qui contiennent l'édition originale des Illuminations. Je rappelle qu'à propos des seuls poèmes en prose le discours de Bardel, éditeur fac-similaire, c'est que la revue a respecté l'ordre canonique dans les numéros 5 à 9 de la revue, surtout au plan de la suite paginée pour les numéros 5 et 6, alors que l'ordre des poèmes a été bouleversé dans la plaquette. Le mélange de la plaquette suppose une mise en ordre et on part du principe que ce n'est pas une nouvelle mise en ordre. Par miracle, la revue aurait respecté l'ordre de recueil des poèmes en prose dans les numéros de la revue. C'est le discours de Steve Murphy, qui ne s'exprime plus dans le débat, et d'Alain Bardel. Or, nous avons des indices sérieux pour considérer que les poèmes en vers publiés dans les numéros 7, 8 et 9 de la revue ont été publiés dans un ordre inventé par la revue, avant qu'ils n'en changent à nouveau dans la plaquette. Et ajoutons que la plaquette n'a pas tenu compte de la pagination des manuscrits des poèmes en vers !
Cela jette un sérieux doute sur la pagination des poèmes en prose où tout coïncide avec les délimitations de la revue La Vogue dans les numéros 5 et 6 de la revue. Mais, Bardel et Murphy ont déconsidéré l'analyse des manuscrits en vers du "dossier de 1886". Puisqu'ils ne font pas partie du recueil, il n'y a pas à les prendre en considération, sauf que c'est pourtant rendu nécessaire par le fait que les manuscrits ont été mis en commun lors de l'édition originale des Illuminations par la revue La Vogue. On ne peut pas réfléchir sur le recueil des poèmes en prose en s'interdisant l'étude en parallèle des manuscrits en vers.
Reprenons l'étude des groupements de poèmes en vers du "dossier de 1886".
Il y a un seul poème qui vient rejoindre la série "Nous sommes tes grands-parents...", "Loin des oiseaux...", "A quatre heures du matin..." et "La Rivière de cassis...", il s'agit du poème "Entends comme brame..." Ce dernier poème n'a pas de titre et a des attaques de vers par des lettres en minuscules. Il ne fait pas partie des poèmes dont une autre version a été remise à Forain, mais il mentionne le mois d'avril. Les rimbaldiens poussent des cris d'orfraie si on croit y déceler un indice de sa période de composition. Or, ce poème qui mentionne "avril" est le seul à coïncider avec l'ensemble de poèmes datés de mai 1872 remis au seul Forain, sachant que les cinq parties de "Comédie de la soif", le nombre conséquent de poèmes envisagés et le contraste avec "Fêtes de la faim" invite à penser qu'ils peuvent avoir été pour partie composés dès avril. En clair "Entends comme brame..." serait un poème anormalement absent du dossier Forain/Millanvoye. Il ne faut pas dire "anormalement" qui est un bien grand mot, mais pour des raisons inconnues Rimbaud n'aurait pas remis à Forain cette pièce pourtant contemporaine en principe.
Un poème ne rejoint pas complètement ce groupe, mais s'en rapproche. Il s'agit de "Mémoire", c'est le seul autre poème où les vers commencent par des minuscules dans le dossier, sauf que le poème a un titre. En 2004, la révélation de la version antérieure détenue par les héritiers de Verlaine, "Famille maudite", a fait considérer comme probable que "Famille maudite" était antérieur à la fugue des poètes Verlaine et Rimbaud du 7 juillet 1872. Cela n'est pas prouvé, mais cela permet l'explication la plus naturelle à la survie de ce manuscrit entre les mains des Mauté et du fils de Paul Verlaine.
Nous avons ensuite un groupe de poèmes sans titre, mais avec des attaques en majuscules des vers : "Qu'est-ce...", "Est-elle almée ?..." et "Ô saisons ! ô châteaux !" puis nous avons un ensemble où nous avons à la fois un titre et des attaques des vers par des majuscules : "Jeune ménage", "Honte", "Juillet" intitulé "Bruxelles" par erreur de lecture, et "Michel et Christine". Notons que Jeancolas a montré que "Bruxelles" et "Michel et Christine" allaient de pair au plan manuscrit avec une tache commune aux deux feuillets manuscrits notamment.
Et j'en arrive à un dernier fait important : comme nous avons pour les poèmes en prose des manuscrits sur des papiers divers avec quelques recoupements à la clef, des manuscrits avec des états contrastés, l'opposition en particulier de la série homogène avec des feuillets plus épars, moins soignés, nous avons un assemblage étonnant de copies qui ne répondent pas aux mêmes critères d'établissement manuscrit : titre ou absence de titre, respect du principe des majuscules en tête de vers ou non, etc.
Par l'étude des poèmes en vers, nous avons l'illustration que Rimbaud rassemblait de manière hétéroclite ses copies manuscrites, que ce soit pour les poèmes en vers "nouvelle manière" ou pour les poèmes en prose.
Voilà l'étude dont se sont dispensés les tenants d'un recueil de poèmes en prose bien ordonné de la part de Rimbaud. Notez aussi que les informations sur les manuscrits des poèmes en vers "nouvelle manière" avec les recoupements a pas mal de valeurs suggestives pour la recherche rimbaldienne.
Je n'ai pas traité le cas de la pagination des poèmes en vers dans les numéros 8 et 9 de la revue La Vogue, je m'en garde sous le coude, mais vous pouvez vérifier sur les fac-similés disponibles sur internet.
Je vous mets le lien de l'article "La FAQ des Illuminations" du site de Bardel et je vous annonce que je vais me pencher sur un recensement des filets de séparation sur les manuscrits rimbaldiens.
Je fais une dernière remarque, il existe bien sûr une différence intéressante entre les manuscrits des vers et les manuscrits des poèmes en prose. Les manuscrits des poèmes en vers privilégient une transcription poème par poème, l'exception étant "Comédie de la soif". Dans le cas des poèmes en prose, il y a plusieurs transcriptions en continu. Rimbaud ne change pas forcément de feuillet après la transcription d'un poème.
Mais vous vous en doutez, on ne part pas ici bille en tête avec le préjugé qu'il faut prouver l'existence d'un recueil ordonné de la part de Rimbaud.
A suivre !
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