mercredi 10 janvier 2024

Compte rendu d'un article sur la prose liminaire et le poison de Daniel Verstraëte (Rimbaud vivant, 2014)

 Dans le numéro 53 de la revue Rimbaud vivant paru en juin 2014, vous avez deux articles sur Une saison en enfer : une lecture de "Alchimie du verbe" par Yosuke Fukai, et une "Introduction à Une saison en enferde Rimbaud" consistant en une lecture du "Prélude", autrement dit la prose liminaire, par Daniel Verstraëte.
L'article de Verstraëte commence par une citation amusante de l'ancienne édition de la Pléiade des écrits de Rimbaud par Antoine Adam :

La saine méthode [...] est d'étudier Une saison en enfer partie par partie..., d'éviter toute vue systématique. C'est le texte même qu'il est nécessaire d'interroger.
En fait d'analyse partie par partie, Verstraëte nous propose de commencer par le prologue sans titre, seul sujet de l'article. Ce sera tout de même légèrement faussé par une étude attentive du "poison" du début de "Nuit de l'enfer". On s'attend également à une lecture alinéa par alinéa, phrase par phrase, mais pas du tout. Verstraëte suit le déroulement du texte certes, mais il choisit de commenter certaines phrases seulement. Il a choisi un nombre de difficultés préalablement repérées et il propose ses lectures.
Il commence par commenter la phrase : "Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce." Le dégagement des références chrétiennes n'échappe pas du moins pour moi à un certain côté "enfonçons des portes ouvertes", mais ça reste bien conduit et on a un développement intéressant où la phrase est comparée aux actions du "Prince" dans "Conte" des Illuminations. Verstraëte commenter ensuite une phrase qui permet des prolongements similaires : "Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine." Nous avons toujours des rapprochements avec "Conte", mais aussi avec la lettre du "voyant".
Puis, enfin, nous avons une lecture en survol de toute la prose liminaire.
Et c'est ici que l'effort du critique connaît un premier effondrement significatif qui vaut aussi pour les essais récents d'Alain Vaillant et d'Alain Bardel. Verstraëte pense lui aussi que le "Jadis" renvoie à l'enfance, mais je vais citer son commentaire pour coincer le moment de surinterprétation (page 151) :
[...] Le locuteur déclare avoir connu une vie heureuse, dans un passé suffisamment lointain pour en estomper les contours ("si je me souviens bien"), mais dont la conscience reste encore vivace en lui.
Pour moi, quand je lis : "si je me souviens bien", il y a une hypothèse de lecture selon laquelle le poète pourrait se tromper et se faire un faux souvenir. Verstraëte, Vaillant et Bardel s'alignent sur une lecture erronée de ce passage. Le "si je me souviens bien" signifierait que le poète est sûr de son passé, mais c'est tellement lointain que le souvenir ne s'en maintient pas. Non, le texte dit en toutes lettres que ce souvenir n'est peut-être pas vrai.
Du coup, vu qu'ils ferment ainsi leur lecture, Verstraëte, Vaillant, Bardel et d'autres vont affirmer que le "Jadis" est nécessairement une époque de l'enfance révolue, une époque de la petite enfance même pour expliquer que le souvenir se soit effacé. Resterait alors à expliquer la consommation des vins... Et en s'enfermant dans cette idée, Verstraëte dans une note de bas de page donen une fin de non-recevoir à l'identification par Brunel dans son édition de 1987 à une allusion à une parabole du festin des noces de l'évangile selon saint Mathieu. En réalité, c'est Brunel qui a raison, puisque le festin représente la vie chrétienne prénatale à laquelle nous sommes destinés. Vous connaissez quand même un peu la religion, vous connaissez aussi un peu les discours des sectes, genre Les Témoins de Jéhovah ou le suisse Freitag. Le discours, c'est que nous sommes destinés à retourner en Dieu. C'est de ça que se moque Rimbaud, ici, bien évidemment. Quand, dans "L'Eclair", Rimbaud parle de "Vie éternelle" et de récompenses, mais c'est le langage du christianisme, et même c'est le langage des sectes dérivées du christianisme. C'est le b.a-ba.
Vous ne connaissez pas Freitag ? Il a une page qui lui est consacrée sur Wikipédia. Il est né en 1870, il a créé une branche doctrinale qui s'est éloignée des Témoins de Jéhova, "Les Amis de l'Homme". Il s'agit d'une secte où les écrits de Freytag finissent par être considérés comme plus importants que les Ecritures saintes, une secte en perte de vitesse depuis longtemps, réduite à peau de chagrin. J'ai récupéré un livre de Freytag dans une aubette à livres. Le livre s'intitule "La Vie éternelle", il fait partie d'une collection : "Le Rétablissement de toutes choses" que j'identifie spontanément à un retour au "festin ancien". La première de couverture affiche des slogans assez creux, le premier étant de l'ordre du pléonasme, mais le second peut être comparé à ce que dit le poète de sa vie dans Une saison en enfer : "La loi universelle vécue donne comme résultat la vie" et "La destinée de l'homme, c'est la vie". On sent l'idée de la vie comme trésor. On sent que la vie est du côté de la religion et donc s'opposer au festin c'est prendre la voie de la mort.
Le livre "La Vie éternelle" porte un sous-titre : "Le Tabernacle au milieu des Hommes", le tabernacle, c'est l'habitation de Dieu mais aussi l'endroit où on met le ciboire. Par jeu de mots, on pense aux vins qui coulaient, et on n'en pas si loin, le ciboire contient les hosties.
Vous avez une citation des psaumes sur la fausse page de titre : "La lumière est semée pour le juste, la joie pour ceux dont le coeur est droit." Psaumes 97:11. Sur la quatrième de couverture, on rappelle que ce livre "La Vie éternelle" va avoir une suite : "La Vie éternelle introduit Le Règne de la Justice sur la Terre". Vous vous rappelez dans "Matin" "Noël sur la terre" ? Vous vous rappelez dans "Adieu" : "La justice est le plaisir de Dieu seul" ?
Et après ça, vous allez croire avec Michel Murat et d'autres que la métaphore du festin elle est surtout dans la tradition païenne antique de Lucrèce et compagnie, et pas tellement dans la Bible ?
Bien sûr que le festin renvoie au discours de l'église pour s'assurer des fidèles, et les sectes n'ont rien de plus pressé à faire que d'exploiter cet aspect séducteur. Freytag ne s'est pas arrêté à penser que "la justice est le plaisir de dieu seul", il s'est fait gourou en remplaçant la parole des écritures par la sienne.
Freytag parodie la devise Liberté Egalité Fraternité par celle-ci : Justice Liberté Vérité.
Freytag a écrit d'autres livres parmi lesquels ce titre : "Le Mystère de l'enfer dévoilé".
Je ne l'ai pas encore lu le livre La Vie éternelle, j'ai repéré l'alliance récompenses et vie éternelle quelque part. Dans la préface, on a l'ouvrage est présenté comme "le pouvoir central, la clé de voûte d'un édifice qui se forme actuellement sur la terre".
Evidemment, je cite ce que j'ai de frappant sous la main, mais Rimbaud ne vise pas les sectes, il attaque directement la religion chrétienne dont les discours militants sont déjà ceux des sectes. Freytag, il pompe un discours chrétien qui lui préexiste.
Enfin bref, j'en reviens à mon analyse de l'article de Verstraëte.
On pourrait croire qu'il va corriger sa lecture quand il commente : "Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !" Pas du tout, si Verstraëte lie correctement "songé à rechercher la clef du festin ancien" et "rêvé", si Verstraëte dit avec raison que "j'ai songé à rechercher" cela manque "singulièrement de vigueur", il soutient que le poète a rêvé de croire que la charité est la clef, mais pas qu'il a rêvé du festin.
Personnellement, ce que croit lire Verstraëte n'a aucun sens : l'inspiration que la charité est la clef prouve que je rêve quand je crois que la charité peut être la clef. Le seul sens logique, c'est que l'identification de la charité à une clef du festin prouve que le festin n'était qu'un rêve. Le poète enfin dit qu'il ne se souvenait pas bien.
Et donc Verstraëte croit que le poète cherche encore un moyen de renouer avec le "festin".
Ben non !
Je cite : "Pour sortir de cette impasse, retrouver l'harmonie des coeurs, le locuteur renonce à l'issue entrevue mais aussitôt rejetée, celle de la charité ; elle n'est pas très sérieuse [...]."
Non, mille fois non ! Le poète ne dit pas "j'ai rêvé de croire que la charité est la clef", ce serait une réflexion débile, absurde ! Il n'a pas rêvé qu'il se disait : "La charité est cette clef !" Ce n'est pas un rêve, c'est une idée ! Le poète ne va pas dire que d'un côté "il cherche une clef" et que de l'autre il a rêve une solution qu'il a rejeté la solution, ça n'a aucun sens. En revanche, le festin, souvenir incertain, peut être qualifié de rêve. J'ai rêvé que j'avais une idée, ça ne veut rien dire, mais avec cette idée je réalise que mon prétendu souvenir était un rêve, ça ça a un sens !
Et puis, nous passons à une analyse des derniers alinéas que Verstraëte intitule bizarrement le "dialogue final", titre de sous-partie qui apparaît à la page 153.
Verstraëte prétend répondre à trois questions : "Pourquoi Satan est-il irrité ?", "Que vient faire l'interruption "j'en ai trop pris" ? Quelles sont les "lâchetés en retard" ?
Alors, il y a un renvoi à un colloque de Cerisy de 1965 dirigé par Max Milner, mais sans précision du nom de l'auteur cité par Verstraëte, ni nom de l'article cité...
Verstraëte commet un nouveau contresens sur la phrase : "Cette inspiration prouve que j'ai rêvé", il pense que le trompeur Satan fait dire au poète : "Cette inspiration prouve que j'ai rêvé", et donc le poète croirait que c'est sa pensée, alors que c'est une pensée de Satan.
N'importe quoi !
Le poète rejette en son nom l'inspiration. Point barre. Si Rimbaud avait voulu l'attribuer à Satan, il l'aurait mise entre guillemets dans des propos rapportés, ou le poète aurait expliqué aux lecteurs que Satan avait parlé à sa place, ce qui n'est bien sûr pas le cas. Le contresens est important, puisque Verstraëte veut croire que la charité est réellement la clef, puisque c'est selon lui un mensonge de Satan de prétendre que c'est ridicule comme idée.
De plus, si certes Satan n'aime pas la "charité", Satan ne se récrie pas parce que le poète a envisagé la "charité" comme clef. Il aurait pu, mais le poète ne lui en a pas laissé le temps. Avec la phrase : "Cette inspiration prouve que j'ai rêvé", le poète a rejeté la charité comme clef et le prétendu souvenir du festin, ce qui met fin à la tentation d'une quête de ce côté-là. Si Satan se récrie, c'est qu'en revanche il y a un reste : le poète ne veut pas mourir. Et Satan l'invite à gagner la mort précisément. C'est le refus de la mort qui scandalise Satan. Point barre.
Pour la deuxième question, l'article de Verstraëte est plus intéressant.
Verstraëte rejette l'idée que le poison soit une métaphore pour désigner la conversion pour une lecture littérale : le poison est une absorption de drogue sous forme liquide, et Verstraëte essaie d'étayer l'idée que le poète a bu une concoction liquide d'opium. Il souligne que le poison est "avalé" sous forme de "gorgée" et que le brouillon parlait même d'un "verre". Verstraëte cite aussi l'arrière-plan des paradis artificiels avec Baudelaire et Gautier, puis un écrit de la soeur de Rimbaud commentant à la fin de la vie du poète une consommation effectivement d'opium à l'état liquide qui ont fait délirer le moribond à l'hôpital.
Verstraëte reconnaît lui-même que sa lecture est réductrice, le poète ne boit qu'un poison, point. Il faudra y revenir évidemment dans une étude ultérieure.
Il reste qu'il souligne bien le motif d'un poison consommé sous forme liquide, même s'il néglige la lecture métaphorique qui en dériverait. ,Et surtout, Verstraëte cite un poème de Gautier "Au sommeil" duquel Rimbaud aurait reprise l'expression "couronna de si aimables pavots", puisque Gautier a écrit : "couronné de pavots". En clair, Rimbaud citait une expression d'époque ou reprenait directement ce passage de Gautier. Verstraëte commente plus discutablement l'emploi du passé simple peu importe, mais Verstraëte cite aussi un autre passage de Gautier à propos de l'opium : "ce séduisant poison", sans faire le lien directement avec la formule "aimables pavots" au sein même de l'expression dérivée de la lecture de "Au sommeil" de Gautier.
Je vais faire une recherche du côté du poème de Gautier.
Après, pour le poison, le poète parle d'une nuit qui roule dans les yeux dès la fin de "Mauvais sang" et d'entrailles qui se tordent. Toute la difficulté c'est de déterminer si Rimbaud s'est ingénié à donner l'idée au lecteur que le poète a ingéré du poison à la fin de "Mauvais sang" ou si les douleurs de la fin de "Mauvais sang" et celles du début de "Nuit de l'enfer" supposent une solution de continuité, une douleur étant causé par la punition de l'en marche, et l'autre par la volonté de se suicider du poète.
Sur un autre plan, la "gorgée de poison" est à mettre en relation avec le caractère implicite de la solution apportée par le poète à son séjour infernal.
Dans "Nuit de l'enfer", le poète dit avoir avalé une fameuse gorgée de poison et s'en félicite jusqu'au bout de la section malgré les souffrances. Puis, après quelques poèmes de bilan sur différentes expériences "Vierge folle", "Alchimie du verbe", "L'Impossible" et "L'Eclair" le poète dit qu'il se révolte désormais contre la mort, et tout en s'inquiétant de la perte de la vie éternelle le poète passe directement aux étapes de sortie de l'enfer avec deux sections "Matin" et "Adieu", ce qui en principe n'a guère de sens, puisque le poète était dans l'impasse à la fin de "L'impossible" et il a rejeté le travail. Il n'a pas dit : "Maintenant, je vais travailler pour éviter la mort". Rimbaud a simplement dit qu'il refusait la mort, et du coup dans le récit la seule idée qui s'impose c'est que le poète a renoncé à avaler du poison, et donc les pavots de Satan, etc.
Le problème, c'est que les lecteurs qui prennent au sérieux le discours d'Une saison en enfer cherchent désespérément à trouver dans l'argumentation un discours fouillé du poète justifiant qu'il sorte de l'enfer, alors que tout se déroule subrepticement par des propos marginaux : j'ai avalé du poison, je me révolte désormais contre la mort. Il suffisait d'arrêter de boire du poison : c'est trop simple ! C'est pourtant bel et bien ça qu'il faut identifier le texte ! Mais, à partir de là, il faut bien sûr s'éloigner de la lecture réductrice d'un simple poison liquide pour identifier le poison dans les idées suborneuses.

A suivre donc...









4 commentaires:

  1. Bon, les articles sur ce blog permettent de rôder mon discours de mise au point qui deviendra un article, en principe je vais l'envoyer à la revue Rimbaud vivant, ma voie la plus simple et la seule disponible au sein du monde rimbaldien. Il n'est pas question de laisser passer un consensus sur la lecture d'Une saison en enfer et de laisser ignorer les anomalies que je pointe du doigt et les éléments d'élucidation du sens que je fais remonter.
    Il y aura une mise au point sur la prose liminaire bien sûr, en approfondissant ce que j'ai déjà fait, et peut-être que je vais une revue d'un maximum d'interventions pour bien montrer pourquoi c'est important et pour bien montrer pourquoi les contresens sont une évidence.
    "si je me souviens bien", lu comme un souvenir vague et non comme un doute, d'où une thèse de l'enfance bénie qui fausse plusieurs niveaux de lecture de la Saison.
    "j'en ai trop pris" : certaines lectures sont bonnes, mais assumer la grammaire, pronom "en" renvoyant aux pavots.
    "rêvé" : on ne rêve pas avoir songé chercher une solution, on ne rêve pas une idée de solution, on peut avoir rêvé un prétendu souvenir en revanche. Désolidarisé "rêvé" et "pavots", il y a le sommeil à cause de la chute satanique, il y a le sommeil des illusions de la religion. Décroiser religion et pente satanique.
    "Se récrie le démon" : j'ai le texte de Molino relu hier soir où il dit explicitement que le démon se récrie à cause de la phrase précédente, donc bien poser le rapport des alinéas, on peut réagir à une phrase précédente comme à trois phrases précédentes. Le découpage en alinéas et les mots en rappel "couac" et "mort" permettent d'évaluer la construction du discours.
    Autre point fort, la sortie de l'enfer, à travers des phrases incidentes : "j'ai avalé une fameuse gorgée de poison", "à présent, je me révolte contre la mort". Du coup, réévaluer ce qu'est le poison au plan métaphorique.
    L'influence de Quinet sur la "position assurée", mais pas que, et l'explication reliant "enfer des femmes", "enfer de la caresse", "caresses parasites".
    Expliquer pour le festin comme pour "Mauvais sang" que plusieurs souvenirs sont des conditionnements culturels.
    Réagir à une identification plate, la Vierge folle est Verlaine, avec pour conséquence de lecture une charge de Rimbaud contre lui. Les nuances ont volé en éclats, et ce n'est pas acceptable.
    Revenir sur le caractère démiurgique objet d'ironie notamment dans l'alinéa sur les voyelles et les consonnes.

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  2. Je n'ai pas le début de l'article de Molino et j'ai déjà sur ce blog même commenter la prose liminaire à nouveaux frais en citant Molino dont j'avais mal rendu compte dans mes articles publiés dans revues ou volumes collectifs sur Rimbaud.
    J'ai en photocopies les pages 20 à 30de l'article de Molino. Il me manque les points 1 et 2 de son développement. Page 20, son point 3 est du blabla sur le diable et l'enfer avec des rapprochements du côté du Melmoth réconcilié de Balzac. Les citations de Balzac sont bien, mais c'est du blabla de Molino dans la mesure où il parle à un tel haut degré de généralité que ça ne transparaît pas comme une lecture du texte de Rimbaud. Le point 4, c'est la Vierge folle et l'Epoux infernal, Molino se moque de l'interprétation de fermeture pudique de deux facettes de l'âme de Rimbaud, ce qui est normal, et soutient l'identification à Rimbaud et Verlaine, mais pas au point cru de Vaillant et Bardel en 2023. Toutefois, il y a un problème de la démarche à deux niveaux. Les indices pour identifier Verlaine sont supposés, mais pas énumérés. Or, le style mièvre de la Vierge folle, c'est archi-faux que ce soit une imitation de Verlaine, ou alors le poète de Nuit de l'enfer et de L'Eclair, c'est aussi Verlaine... Les rapprochements avec les poèmes diaboliques de Verlaine sont très mal conduits, contradictoires et subissent une influence d'une datation tardive erronée. Enfin, encore du blabla théorique sur Rimbaud peut imaginer un Verlaine, mais aussi un Rimbaud vu par Verlaine, et patati et patata.
    Le point 5 "Quelques énigmes enfin de la première section" est évidemment celui qui intéresse les mises au point sur la prose liminaire. Je vais le citer dans la prochaine réponse en commentaire, ce message étant déjà long. Seulement 5 pages de texte à raccourcir sur prose liminaire et notion de charité.

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    1. En intro à son point 5, Molino dit de manière ronflante qu'il a jusqu'ici traiter de questions d'ensemble sur l'oeuvre ou une section, maintenant il veut s'intéresser aux "significations locales", on appelle ça analyser les détails du texte. Et ce qui est savoureux, et c'est pareil avec l'essai de Vaillant en 2023, c'est qu'il annonce un travail méthodique d'explication de l'enchaînement des phrases, alors qu'en fait il va échouer dans les grandes largeurs : "que veulent dire les phrases, l'une après l'autre, quels enchaînements les relient les unes aux autres ?" Et il commence par "Tu resteras hyène..." En fait, il n'y aura pas plusieurs exemples, sauf "j'en ai trop pris". Le deuxième exemple l'alinéa de la charité comme clef va être intégré à son commentaire de "Tu resteras hyène" Et le troisième exemple "j'en ai trop pris" leur est subordonné. Bref, sa présentation est bancale. Il ne commente pas trois exemples. Il commente le dialogue avec Satan en présupposant avoir compris comment ça s'articulait.
      Et puis si quatrième exemple, il traite des "facultés descriptives ou instructives".
      Alors toujours du blabla : "[il y a ici présomption de sens, dit-il, on comprend un sens immédiat mais] on ne comprendra vraiment [...] que lorsqu'on aura trouvé quelque part une 'source', un parallèle qui nous permettra de reconstituer plus ou moins de vraisemblance ce que voulait dire Rimbaud en même temps que les 'décisions poïétiques' qui l'ont conduit à s'exprimer comme il l'a fait : reprise variée d'une expression toute faite ou allusion."
      Quel tissu de conneries ! Oui, une source peut avoir un caractère éclairant, c'est même arrivé plus d'une fois, mais là on a une théorie de la nécessité d'identifier la source, une théorie de l'impasse de la lecture, une théorie de la manière de dire,... Stop, quoi !
      Bref, Molino cite le célèbre alinéa : "La charité est cette clef. - Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !" Et il prend acte que la plupart des interprètes "affirment" un "reniement immédiat" entre les deux phrases. Il n'est pas sûr pour sa part ? Moi, si. Mais, Molino confond les plans d'analyse. Pour montrer le reniement immédiat, Molino cite l'édition de 87 de Brunel où la charité est assimilée à une séduction du démon. Molino cible aussi à Adam. Et comme il roule des mécaniques le Molino il déclare non seulement que la lecture de Brunel fait nager en plein non-sens, ce qui est juste, et ce qui concerne aussi quelque peu la lecture de Vaillant en 2023 du coup.
      Mais Molino il croit génial de nous expliquer qu'il y a second rejet de phrase à phrase dans la réplique de Satan qui, vous savez, se récrie. Là oui ce n'est pas un tiret qu'on interprète aléatoirement, il se récrie, man ! Et évidemment, Molino se plante en beauté : il soutient que Satan reproche au poète de croire avoir rêvé. Quant à la charité ça devient une notion laïque, réellement désirée par Rimbaud.
      Mais, je vous cite dans un prochain message le raisonnement de Molino qui consiste à tenter une hypothèse de lecture qu'il réfute, puis à passer à une deuxième hypothèse contaminée par des biais de la première lecture proposée.

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    2. Pour identifier le rêve, Molino passe par l'argument suivant : ""l'inspiration par laquelle [ ]a été révélée la clef de la charité [ ] est celle qui prouve que le poète a rêvé !" Vous allez me dire que c'est du pléonasme qui redit quasi le texte tel quel. Et Molino le dit : "La signification n'est pas claire." Et loin de s'expliquer, il passe au commentaire de "Tu resteras hyène..." sans crier gare. Mais, on comrpend que Molino, loin d'identifier la blague sur l'inspiration chrétienne, voire divine, prend cette "inspiration" pour un mécanisme mystérieux des véritables tourments de pensée de la démarche personnelle propre à Rimbaud, démarche qui est du côté de Satan. C'est pour ça qu'on échappe de peu au pur pléonasme, sauf qu'on voit à l'oeuvre un contresens en marche.
      Alors, attention, cela est pris dans le test d'une alternative de lecture, et donc des idées sont formulées dans une première hypothèse qui va être partiellement réfutée pour laisser place à une seconde hypothèse.
      Et l'erreur qui concerne les deux hypothèses est formalisée ici : se récrier signifie "protester avec indignation" et "Il y a donc l'indication nette d'un lien d'opposition entre cette phrase et la précédente", le démon proteste selon Molino contre "prouve que j'ai rêvé". Et là on tombe dans la lecture de Brunel qui est déclarée avec raison un non-sens. Le démon reprocherait au poète de ne pas vouloir de l'inspiration de la charité. Rejet de la première hypothèse.
      Molino reprend la lecture selon une autre possibilité d'élucidation du sens, et là de but en blanc sans justifier il affirme que l'inspiration que la charité est la clef du festin ancien "prouve que la période intermédiaire entre les jours anciens et l'inspiration nouvelle, n'a été qu'un rêve." Le raisonnement est absurde : pourquoi la charité comme clef prouverait la vie intermédiaire non charitable comme rêve ? Il faudra m'expliquer la pensée de Molino si lui-même la connaît. Il croit normal de dire que maintenant on comprend pourquoi Satan se récrie. Satan veut maintenir le poète dans un mauvais rêve... Partant de là, Molino est convaincu que la charité est la clef pour sortir du mauvais rêve et que cette notion n'est jamais prise en mauvaise part dans la Saison contrairement à ce qu'on croit, et l'article de Steinmetz sur la charité de 1985 est cité, référencé en note.

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