Vers 2017, Yves Reboul a publié dans la revue Parade sauvage un article sur deux poèmes zutiques "Exil" et "Vu à Rome". Il partait d'une contestation d'un schéma de lecture propre à l'Album zutique et développait ensuite l'idée qu'il en va différemment du poème "Vu à Rome" où la "parodie" serait en "trompe-l'œil".
Je cite ce passage de l'introduction. L'auteur vient de saluer le regain d'intérêt pour les études des poèmes zutiques et poursuit ainsi :
[...] Mais le défi qu'ils portent à l'exégèse va plus loin et il se pourrait qu'il y ait là comme un piège. Le risque tient en fait à ce que l'on croit savoir de l'esprit zutique - blague, écriture foutraque, obscénité de rigueur - à quoi on est tenté de ramener la totalité des poèmes de l'Album. Or il serait peut-être sage de se retenir sur cette pente : la volonté parodique, par exemple, ostensible dans presque tout l'Album, peut fort bien dans tel ou tel poème se révéler en trompe-l'œil ; et l'obscénité n'est pas forcément le dernier mot de tous ces textes.
La parenthèse en tirets ("- blague, écriture foutraque, obscénité de rigueur -") est une claire allusion à la lettre de Verlaine sur le lancement d'un Album des Vilains Bonshommes en 1869, lettre où il insistait bien sur l'idée que l'obscénité était de rigueur dans les contributions. Je me méfie tout de même de l'expression "écriture foutraque" qui ne me paraît pas rendre la note exacte du discours de Verlaine. Ceci dit, l'Album zutique étant né de la perte de l'Album des Vilains Bonshommes dans l'incendie de l'Hôtel de Ville sous la Commune, j'estime que le discours de 1869 s'applique à ce nouveau livre jusqu'au principe de l'obscénité systématique. Et il est clair que le troisième quatrain de "Vu à Rome" a une implication obscène avec son "immondice schismatique" introduit dans les narines.
L'idée à laquelle s'arrête Yves Reboul, c'est qu'il n'y a pas de parodie de Léon Dierx dans "Vu à Rome", puisque en rendant compte de mes recherches je soulignais dans un premier temps la maigreur de la récolte.
Mais, revenons sur le contexte. Le regain des études sur l'Album zutique vient essentiellement de mes contributions. Nous avions quelques dizaines de poèmes de Rimbaud avec des cibles parodiques annoncées, mais personne n'avait recherché les extraits parodiés, sauf partiellement dans le cas des "Remembrances du vieillard idiot" et des dizains à la manière de Coppée. Même dans le cas des parodies de François Coppée, j'ai ramené une importante moisson d'éléments nouveaux. J'ai expliqué le lien des sonnets monosyllabiques à Alphonse Daudet et Amédée Pommier en citant un article de Verlaine de 1865 qui opposait l'estime due à Banville à l'intérêt absurde de Barbey d'Aurevilly pour les acrobaties bancales des vers d'Amédée Pommier, explication tout à fait absente du livre d'Alain Chevrier sur les poèmes en vers d'une syllabe. J'ai identifié quel poème précis d'Armand Silvestre avait été parodié dans "Lys" et j'ai renforcé cela par une citation de la préface de George Sand au premier recueil de Silvestre. Dans l'édition de la Pléiade en 2009, j'avais fourni la primeur d'une part de mes recherches zutiques et il était fait état de la source la plus sensible au monostiche attribué par Rimbaud à Ricard et surtout nous avions la liste des emprunts à Belmontet qui permettait d'identifier "Hypotyposes saturniennes ex Belmontet" et "Vieux de la vieille" comme des montages de citations authentiques à peine altérées.
Steve Murphy avait révélé une parodie nette de La Comédie enfantine de Ratisbonne dans "Jeune goinfre", plutôt que dans "L'Angelot maudit". Depuis, Benoît de Cornulier a fait une mise au point capital sur le "cloaque" de "L'Angelot maudit" et son allusion parodique à la traduction en vers de La Divine comédie de Dante par Ratisbonne.
Il faut ajouter que j'ai mis en avant une chronologie resserrée dans le temps des contributions zutiques dont Bernard Teyssèdre avec l'appui de son commanditaire probable, Jean-Jacques Lefrère, a tenté de s'emparer. J'ai sauvé de justesse certaines de mes antériorités connues des contributeurs Lefrère, Murphy et Pakenham au livre de Teyssèdre en publiant un article sur la chronologie de l'Album zutique dans la revue Rimbaud vivant. Le livre de Bernard Teyssèdre a été écrit dans l'urgence pour contrecarrer mes avancées fulgurantes dans la connaissance de l'Album zutique. Je n'avais pas le droit moral pour un rimbaldien de poser en spécialise de cet album. J'attaquais à l'époque la photographie du Coin de table à Aden. Bertrand Degott a fait la recension pour la revue Parade sauvage du numéro spécial Rimbaud de la revue Europe paru en 2009 et j'ai été le seul contributeur non mentionné. En clair, en 2010, il y a eu une politique de discrédit de moi et de Jacques Bienvenu parce que nous contestions la présence de Rimbaud sur la photographie du Coin de table à Aden. Et aussi parce nous n'étions pas contrôlables au plan des relations mondaines et diplomatiques. Mais jamais les rimbaldiens ne se sont demandé si leur volonté de m'empêcher de percer n'allait pas trop loin.
J'étais accepté dans un premier temps, mais à condition de rentrer dans le rang. J'ai participé au volume collectif La Poésie jubilatoire, je n'étais pas encore persona non grata, mais il s'agissait de donner une certaine idée d'une profusion d'articles divers pour ne pas que je ressorte avec trop d'évidence. On le voit par la suite, il y a toute une stratégie pour citer préférentiellement le livre de Teyssèdre, pour citer un petit tous les rimbaldiens au sujet de l'Album zutique, puis on met en avant la thèse Sociologie du Zutisme, etc.
Il se trouve que bien après 2009 je fais encore des découvertes fortes au sujet de l'Album zutique.
C'est ça le contexte du regain d'intérêt pour l'Album zutique. Et je dis haut et fort qu'attribuer mes progrès à Bernard Teyssèdre sur la chronologie des contributions zutiques, c'est une imposture intellectuelle. Je rappelle que mes trois premiers articles sur l'Album zutique sont par la force des choses recensés dans la bibliographie du livre de Teyssèdre, et je fais remarquer que dans le cas du poème "Lys" Teyssèdre ne signale qu'en note de fin d'ouvrage que l'identification de la source vient de moi. Celui qui ne lit pas les notes attribuera naturellement la découverte à Teyssèdre, cela est éloquent sur la stratégie de nuisance à mon égard que représentait le livre Arthur Rimbaud et le foutoir zutique.
Maintenant, en-dehors du cas particulier du poème "Exil" qui est faussement signé "Napoléon III", ce qui ne renvoie pas à un poète directement parodié, il y a le cas du poème "Vu à Rome". Il est signé "Léon Dierx", il doit y avoir une raison.
Je rappelle que Steve Murphy avait publié des commentaires des "Hypotyposes... ex Belmontet" et de "Vieux de la vieille" sans identifier une quelconque citation de Belmontet. Il en allait de même pour le quatrain "Lys" : Murphy a publié une étude de ce quatrain où il n'y a ni l'identification des livres parus sous le pseudonyme de Ludovic Hans, je crois que je suis le premier rimbaldien à l'avoir relevé, et en tout cas j'ai fait cette découverte tout seul, et évidemment j'ai identifié le sonnet païen parodié par Rimbaud. Au passage, j'ai aussi identifié une réécriture d'un vers de Verlaine du poème "L'Heure du berger" dans "L'Angelot maudit". Personne n'avait jamais cité un vers de Ricard pour apporter du sens au monostiche que lui attribuait Rimbaud.
Et, à ma grande surprise, Teyssèdre dans son livre Arthur Rimbaud et le foutoir zutique a profité de mon identification de la source d'Armand Silvestre au quatrain "Lys" pour soutenir que "Vu à Rome" parodiait aussi des poèmes d'Armand Silvestre. J'étais stomaqué. Au contraire, si quelqu'un a montré à quel point Rimbaud avait lu des passages précis de Belmontet, Silvestre et Ricard avant de produire des contributions zutiques, il devient intéressant de justifier la signature "Léon Dierx", autrement que par une pirouette du genre "Léon Dierx, ça sonne comme le pape Léon X !"
Alors, que ce soit moi ou Bernard Teyssèdre, il y a aussi l'idée d'une allusion à un sujet d'actualité qui est celle du schisme des vieux-catholiques en Allemagne. Il y a bien une actualité schismatique à l'époque, et l'article que je cite d'Yves Reboul défend et approfondit cette piste de lecture.
Mais il n'en reste pas moins que ce poème en trois quatrains a une fin obscène avec cette "immondice schismatique" fourré dans les narines et qu'il est signé "Léon Dierx" pour qu'il y ait à la fois un sujet d'actualité et un traitement ironique d'un confrère poète.
On peut envisager deux problèmes principaux. Le premier problème vient de ce que Rimbaud a été minimaliste en fait de réécritures dans "Vu à Rome". Dierx écrit plus souvent en alexandrins, et même si quelques poèmes sont en octosyllabes, Rimbaud ne joue pas sur les tours poétiques propres à Dierx. L'autre problème vient aussi de l'idée d'une cassette reliquaire contenant des nez momifiés dans la chapelle Sixtine. A ma connaissance, cette cassette n'existe pas, et on comprend seulement entre les lignes que la cassette a la couleur des vêtements des cardinaux ("cassette écarlatine") et que ces nez sont ceux de cardinaux fossiles. Le démenti de la réalité historique à l'anecdote du poème est très certainement un aspect déconcertant qui bloque la recherche d'une lecture parodique. On perçoit avant tout le caractère saugrenu du sujet.
Mais, ce qui prime, c'est le sentiment qu'il n'y a pas de réécriture en tant que telle, et j'ai fait un compte rendu qui a l'air de dispenser tout le monde de chercher plus loin. Par ailleurs, Yves Reboul conteste aussi les réécritures de Catulle Mendès dans "Les Chercheuses de poux", alors qu'elles sont d'une évidence absolue.
Et justement, je citais plus haut un passage de l'article de Reboul où il était sous-entendu que l'écriture foutraque des zutiques, "foutraque" en lien au titre "foutoir" de feu Teyssèdre, était distincte de la production poétique sérieuse de Rimbaud.
Mais je ne me situe pas dans cette opposition tranchée. Il est vrai que je n'irai pas jusqu'à mettre les poèmes zutiques sur un pied d'égalité avec "Voyelles" ou "Les Chercheuses de poux", mais un esprit ne crée pas une frontière mentale si facilement entre des productions secondes et des productions premières, et surtout je pose depuis quelque temps que la théorie du "voyant" a partie liée avec l'esprit du Zutisme. Rimbaud a rencontré André Gill à Paris en février 1871, et le 17 avril il associe Vallès et Vermersch. Donc Rimbaud connaissait très bien la revue La Parodie d'André Gill avant d'écrire les lettres "du voyant" à Izambard et Demeny. Je ne cesse de souligner l'importance zutique de Daudet dans "Le Cœur supplicié" et "Mes petites amoureuses". On l'a dit avant moi, mais le "mouron" dans "Mes Petites amoureuses" renvoie à un poème du recueil Les Amoureuses de Daudet, et en revanche, je suis le premier à le dire à ce que je sache, mais les "caoutchoucs" viennent du roman Le Petit Chose de Daudet, roman paru peu d'années auparavant en 1868. La forme des triolets enchaînés dans "Le Cœur supplicié" renvoie à Banville, mais aussi au poème "Les Prunes" de Daudet.
Et Vermersch est capital dans le débat. Non seulement il y a le numéro de La Parodie qui offre à la fois un traitement sévère de Daudet par Gill et des parodies de poètes du Parnasse contemporain par Vermersch dont plusieurs futurs zutistes : Verlaine, Valade et... (zutiste est un peu pas le mot pour lui) Mérat, mais en 1868 Vermersch a publié un volume intitulé Les Binettes rimées où il y a déjà une parodie de Daudet, et pas n'importe laquelle, la pièce "Trois jours de vendange" qui est aussi une source aux parodies de Daudet dans l'Album zutique.
Et pendant que les rimbaldiens sont là à dauber superbement les allusions clairement zutiques à Daudet dans deux poèmes des lettres dites "vu voyant", je vous offre encore à l'instant un argument massue. Le titre "Le Cœur supplicié" pour des triolets enchaînés n'est-il pas une transposition du titre "Martyre de saint Labre" pour un sonnet "extrêmement rhythmique" en vers d'une syllabe.
Vermersch se réclame de Banville dans ses Binettes rimées où la préface parle d'une "Occidentale", de modèles chez Victor Hugo, et aussi chez Banville, et parle aussi de "douce folie funambulesque".
Vous commencez à comprendre la nature zutique du "Coeur supplicié" et de "Mes Petites amoureuses" ? Ce sont des poètes qui se réclament de l'esprit parnassien à la Banville par opposition aux idées de Barbey d'Aurevilly, Daudet et Pommier, non ? Les deux autres poèmes des lettres du 13 mai et du 15 mai, on a une parodie de Coppée à travers un sujet d'actualité, comme par hasard la principale cible parodique de l'Album zutique à venir ("Chant de guerre Parisien" pour "Chant de guerre circassien"), et on a un poème inspiré nettement de Baudelaire, avec une reprise d'une forme de strophe (le quintil ABABA), en s'abandonnant à un registre obscène de rigueur.
"Oraison du soir" et "Les Chercheuses de poux" sont des poèmes en partie liés à l'esprit zutique. Et le "Zut alors" de "Michel et Christine" et le "C'est trop beau" de "Juillet" sont aussi des avertissements aux lecteurs du caractère zutique de telles compositions.
Il y a un esprit zutique aussi dans "Voyelles" et dans "Le Bateau ivre".
J'en reviens à "Vu à Rome". Je cite les critiques de Reboul sur mes premiers comptes rendus :
[...] on ne trouve dans ces douze vers ni repiquage évident ni parodie clairement identifiable, sans compte que le poème repose tout entier sur la mise en scène burlesque de "différents nez conservés à la chapelle Sixtine" alors qu'il n'y a quasiment pas trace de nez dans Les Lèvres closes. A tout le moins, Vu à Rome n'est donc pas la parodie d'un texte précis de Dierx et David Ducoffre avait d'ailleurs suggéré naguère, non sans vraisemblance, que si "Rimbaud p[ouvai]t se permettre d'évoquer l'auteur des Lèvres closes à l'horizon de son poème", c'était simplement parce que "les mises en scène de la mort et de la vie dans l'au-delà" se trouvaient être des "motifs courants" chez ce poète - ce qui suffisait à créer un lien, certes ténu, avec les reliques de Vu à Rome. Il est vrai que dans une contribution plus récente, il a viré de bord et proclamé qu'il ne "p[ouvai]t accepter en définitive "de déclarer insignifiante la signature 'Léon Dierx' au bas du poème" ; mais les rapprochements qu'il a tentés avec deux poèmes des Lèvres closes qui, d'après lui, "rassemblent certains mots clefs du poème de Rimbaud" peinent à convaincre.
Dans la suite de son article, Reboul rejette un rapprochement à partir de deux mots en commun "livide" et "sépulcre" pour "sépulcral", il rejette aussi le rapprochement pour le mot "couvert".
Je ne voudrais pas que cette fin de non-recevoir nuise à ce que je viens d'établir, puisque j'ai approfondi la même piste.
Il est vrai que dans mes deux premières interventions je n'ai pas poussé très loin la recherche et on peut se dire que je ne fais que rapprocher superficiellement des mentions communes, mais dans un article tout récent sur ce blog on voit que la présentation des faits n'a plus du tout la même allure. Ensuite, je n'ai jamais "viré de bord". On voit au contraire que je suis tourmenté par la question. En 2009, je suis tellement déçu par la moisson que je minimise l'intérêt de la parodie, mais on voit bien que je sens que quelque chose ne va pas, et quand je suis revenu sur le sujet je ne l'ai toujours pas suffisamment creusé. Je n'ai pas relu mes articles pour pondre celui-ci mais peu importe.
Fixons ce qu'il y a à poser de manière absolue : ce n'est pas moi, mais c'est Rimbaud lui-même qui a invité les lecteurs à identifier "Vu à Rome" en tant que parodie des Lèvres closes de Léon Dierx. Rimbaud a fait deux gestes explicites en ce sens. Il a mis un surtitre "Lèvres closes" et il a apposé la fausse signature "Léon Dierx". Il n'a pas mis de titre de recueil à son quatrain "Lys", se contentant de la signature "Armand Silvestre", pareil pour "L'Angelot maudit", pareil pour le monostiche attribué à Ricard, voire pour des parodies de Coppée dont "Les Remembrances du vieillard idiot". Là, Rimbaud a fait le symétrique exact de la parodie avoisinante de L'Idole de Mérat. Comme on pourrait ajouter le "Sonnet du Trou du Cul" au recueil L'Idole, on pourrait ajouter "Vu à Rome" au recueil Les Lèvres closes, donc j'en conclus par la force des choses que "Vu à Rome" a quelque chose du prototype de pose poétique appliqué par Dierx dans tout ou bonne partie des poèmes des Lèvres closes.
Ensuite, il se trouve que le 7 octobre 1871 a été mise sous presse la plaquette Paroles du vaincu qui est en octosyllabes. Il s'agissait d'un poème d'une certaine importance pour Dierx un sujet politique sensible, son refus de laisser l'Alsace-Moselle à l'Allemagne et de faire la paix avec elle. La plaquette reprend aussi le poème publié dans le journal des hugoliens Le Rappel le 14 mars 1871, et parmi les membres du Zutisme en octobre 1871 il y a Camille Pelletan, journaliste au Rappel en même temps donc qu'il contribue à l'Album. Le poème "Vu à Rome" contient la mention "écarlatine" à la rime, reprise sensible d'une rime du recueil Philoméla de Catulle Mendès. Mendès et Dierx sont deux amis, Mendès est cité dans "Propos du Cercle", le poème liminaire de l'Album. Dierx et Mendès partageaient le fait d'avoir publié plus tôt que les autres parnassiens que sont Coppée, Verlaine et d'autres. Dierx a publié Poèmes et poésies en 1861, recueil du répertoire Lemerre, et auparavant il a publié en 1858 un recueil renié Aspirations poétiques. Rimbaud, il sait très bien ce qu'il fait dire. Et il ne faut pas dire : "Oui, mais l'octosyllabe c'est un peu maigre comme rapprochement avec l'actualité de la plaquette Paroles du vaincu, les sujets n'ont rien à voir et les strophes ne sont pas des quatrains dans la plaquette du 7 octobre. Mais on s'en fout. La plaquette est en octosyllabes, Rimbaud fait une parodie en octosyllabes d'actualité dierxiennes, mais le poème s'inspire des pièces des Lèvres closes, c'est tout. Il y a mort d'homme parce que Rimbaud a procédé de la sorte ? L'octosyllabe est problématique pour un sujet sérieux et donc pour Paroles du vaincu. Il ne faut surtout pas croire que l'ironie peut être légère à ce sujet. Le choix de l'octosyllabe est de l'ordre du persiflage aussi, j'en suis convaincu.
De toute façon, j'ai montré que Rimbaud privilégiait la sélection quasi anthologique des poèmes des Lèvres closes retenus pour le premier Parnasse contemporain, avec mise en valeur du sonnet "Journée d'hiver" dans le bouquet final de sonnets des différents parnassiens.
Nous avons trois mentions de l'adjectif "livide(s)" par Dierx dans la poignée de contributions qu'il a remises au premier Parnasse contemporain. Trois ! Et nous avons les sépulcres. Je montre l'importance de "Journée d'hiver" pour le segment "plain-chant sépulcral", et je souligne que Dierx transpose à la Nature une sorte de chant liturgique qui a précisément les caractéristiques de ce qui définit un plain-chant musicalement.
Quant aux "nez", mais la réécriture n'impose pas de reprendre un motif identique. Le recueil s'intitule "Lèvres closes" et là on introduit de force de quoi sentir dans des narines asséchées, en gros dans des narines qui voudraient rester closes.
Tous ces liens sont de pur bon sens entre les poèmes des Lèvres closes et "Vu à Rome", à partir du moment où Rimbaud lui-même a explicitement invité le lecteur à procéder de la sorte.
C'est au contraire mon immense mérite de chercheur rimbaldien de ne pas se décourager face aux apparences décevantes. Avec un peu de réflexion, on voit bien qu'on a raison de ne pas lâcher l'affaire et de croire tenir le bon bout.
Verlaine a écrit une notice sur Léon Dierx dans Les Hommes d'aujourd'hui et il met en avant le poème "Les Yeux de Nyssia", et je n'ai pas attendu Verlaine pour sentir que c'était une composition phare de Dierx. Le poème parle des "yeux" et le mot est répété, martelé, j'ai souligné qu'il y avait un partage entre deux voix, celle de Nyssia et celle du poète, pour souligner que la répétition du mot "yeux" était accentuée dans la bouche du poète. Je précise que les répétitions de mots ont une mauvaise presse en poésie classique, et que ça reste encore prégnant à l'époque de Rimbaud. Alors, pour les "nez", Rimbaud reprend trois fois le mot en trois vers consécutifs, mais il ne disperse pas les deux dernières mentions qu'il dresse en anaphore de début de second quatrain. La pièce s'intitulant "Vu à Rome", je ne résiste pas au rappel des quatre vers célèbres de la tirade fatale de Camille dans Horace de Corneille : "Rome, l'unique objet de mon ressentiment, Rome à qui vient ton bras d'immoler mon amant, etc."
Evidemment que Léon Dierx est égratigné et mobilisé dans "Vu à Rome". Relisez l'article qui précède sur ce blog.
Pour le sens du poème, on en reparlera ultérieurement, mais je ne peux pas accepter les fins de non-recevoir sur le caractère parodique de "Vu à Rome". Rimbaud s'est déclaré là-dessus, et il ne nous a pas menti !
Et je parlais de Vermersch, mais Gill signalait à l'attention combien Vermersch était complètement obnubilé par l'esprit parodique. Or, ce dont on se rend compte, c'est que Rimbaud est très proche de cette "tare" de Vermersch (je dis "tare" avec de l'ironie bien sûr). Et si Rimbaud lisait déjà en 1869 les poèmes parodiques de Vermersch, sinon en 1870, et en tout cas à partir de février 1871, je vous laisse imaginer la lacune flagrante des études rimbaldiennes quand elles analysent les conceptions poétiques profondes du jeune carolopolitain.
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