Je commence par un petit rappel à la liberté à mes lecteurs (rappel à l'ordre, c'est versaillais). Je vois que sur mes quatre derniers articles, c'est l'avant-dernier "Et pendant ce temps-là sur le site d'Alain Bardel" qui passe en tête. Cet article a certes son importance, il met clairement les points sur les "i" sur une manipulation qui va au-delà du site que je pointe du doigt, puisque derrière il y a des gens que ça arrange bien et qui laissent faire, qui flattent ce genre de dérives. Le présent article va montrer que nous ne fonctionnons pas sur le principe de "passer sous silence la parole adverse", adversité qui n'est pas que de propos interprétatifs bien sûr. Mais je ne cherche pas un public qui raffole des commérages. Dans le même temps, je publie un article récapitulatif très solide sur la question de la césure dans les vers de 1872. On peut le trouver narcissique, mais dans cet article vous avez des arguments qui fixent les preuves de la lecture forcée de la césure dans les poèmes "nouvelle manière" de dix, onze et douze syllabes. Et aussi je suis un peu inquiet de voir passer à la trappe ce que je dis sur "L'Angelot maudit". J'ai précisé il y a quelques mois que le poème avait aussi une source dans la poésie satirique du XVIIIe siècle, je vais devoir le rappeler parce que ça va se perdre et être peu retrouvable par recherches à partir de mots clefs, mais je viens de souligner la présence de la rime "vaque"/"cloaque" dans une traduction en vers de La Divine Comédie qui date de 1842, par un certain Auroux, ce qui montre que Ratisbonne est assez fanfaron quand il parle de l'exclusivité de sa tentative, mais cette traduction de 1842 est bilingue, elle offre le texte italien en vis-à-vis, elle contient la rime "vaque"/"cloaque" que Rimbaud a reprise du coup à cet ouvrage. C'était l'élément intermédiaire qui manquait à l'article de Cornulier reliant "L'Angelot maudit" à un passage en italien du Chant XXVII du "Paradis". Et personne ne mentionnait jusqu'à présent l'article de Cornulier comme important, ni ne relevait la lacune évidente de sa démonstration. Personne ne s'était mis en quête d'un résultat. Je rappelle que l'article de Cornulier fait suite à une longue étude de Murphy sur le poème "L'Angelot maudit" qui s'éparpille dans plein de directions sans jamais dominer son sujet. J'identifie d'ailleurs une réécriture "accourir" du poème "Le Gourmand" de Ratisbonne dans "L'Angelot maudit". Il faut bien comprendre toute l'importance de ce qui se joue avec cette révélation de la traduction d'Auroux. Que lisait Rimbaud à son époque pour devenir poète ? La littérature étrangère occupait-elle une place ? Quelle est la part d'influence des œuvres en vers qui ne viennent pas des poètes devenus des classiques de la Littérature ? Quel est l'intérêt pour vous de vous repaître de la facticité d'un article sur le site Fabula avec des titres ronflants "Pour une herméneutique..." pour des phrases du type : "il paraît que les rimbaldiens pensent qu'il faut interpréter comme ci" et une bibliographie indigente qui demande trois heures de lecture tout au plus, avec un rappel de livres lus dans l'adolescence comme le Foliothèque de Dominique Combes, si à côté vous ne lisez pas les articles importants ?
Bardel ne cite pas les articles auxquels pourtant il réagit, auxquels il fait une guerre tacite, ceux de moi ou de Bienvenu, alors qu'il nous a cités par le passé et que son article vient un mois après mes articles du 14 et du 20 novembre. Bardel est certes un rimbaldien sans réelle importance du point de vue de son apport personnel, mais il est un peu un réseau influent sur lequel le monde la revue Parade sauvage s'appuie pour conserver son aura, pour soit la propager, soit la protéger, préserver. Très clairement, la revue Parade sauvage est passée du rimbaldisme libertaire à l'antirimbaldisme macronien. Il y a eu une transformation en Thiers-état.
Ceci dit, il y a eu récemment une remise à disposition du fonds de la revue Parade sauvage. Les éditions Classiques Garnier n'éditaient la revue qu'à partir du numéro 22. Les 21 premiers numéros étaient devenus inaccessibles.
Je m'empresse toutefois d'exprimer le souhait qu'il en aille de même pour les bulletins et les colloques. Publier les bulletins tels quels n'est pas toujours souhaitable. Il y avait un annuaire des rimbaldiens dans un numéro, mais on pourrait réunir la matière sur un seul volume. Ce qui m'intéresse encore plus, c'est la réédition des colloques. Je les ai pour la plupart, mais le cinquième est en mauvais état. Les colloques sont plus intéressants que les numéros de la revue, puisqu'ils sont les compte-rendus de conférences orales où le critique veut tout de même donner ce qu'il y a de meilleur en principe.
Passons maintenant en revue les numéros 1 à 21 qui sont de nouveau disponibles.
Le premier numéro date d'octobre 1984 (cent-trente ans de la naissance de Rimbaud). Les articles sont très courts. Il s'agit aussi d'un commencement qui porte le reflet d'une certaine transition. En effet, parmi les participants, vous relevez des noms du passés qui ne vont pas persévérer ensuite dans leur collaboration (décès ou autres voies) : René Etiemble, Cecil Arthur Hackett, Alain Borer, et j'y ajoute Corsetti, Caradec, Roger Little. Fongaro, Ascione et Chambon vont être un temps des collaborateurs fidèles de la revue, même si Chambon va se retirer et un peu après lui Ascione s'effacera aussi. Mais cela donne le ton d'articles plus sulfureux qui faisaient la marque de cette revue. On peut relever une contribution occasionnelle de Danielle Bandelier qui annonce l'ouvrage Se dire et se taire qu'elle a consacré à l'analyse formelle d'Une saison en enfer.
Le principe est déjà adopté de publier les articles dans l'ordre chronologique des publications et des événements de la vie de Rimbaud, avec de derniers articles sur sa postérité littéraire. Le premier numéro a vraiment l'apparence d'une suite décousue de petites notules. Si vous l'acquérez, c'est que vous voulez faire la collection complète de la revue, ou bien que vous êtes passionné au point de tout lire, ou bien parce qu'il y a un article précis qui vous attire.
Je vous recommande la partie finale "Singularités" : le titre est une citation de "Vénus anadyomène" censée s'intéresser aux petits détails à voir à la loupe. Le prix est un peu élevé puisqu'il s'agit d'interventions très courtes d'une demi-page, de quelques lignes, etc. Toutefois, les interventions d'Ascione sont intéressantes ici, et aussi paradoxalement celles de Claude Zissmann. Ce dernier n'a aucune valeur en tant que critique rimbaldien. C'est un personnage qui délire au sens premier du terme. Il brode des interprétations, il invente la vie des poètes, et ça n'a aucune espèce d'intérêt, sauf qu'ici il cite une source éventuelle chez des Essarts pour le dernier tercet de "Voyelles" et surtout il fournissait des sources au poème "Ophélie" et soulignait la référence à l'image du romantique exilé Victor Hugo.
Le deuxième numéro est, en revanche, l'un des plus importants de toute l'histoire de la revue. Les articles demeurent assez courts. Steve Murphy qui était resté en arrière quant au premier numéro y publie un article et une "singularité". Ce numéro fourmille d'articles importants. Il contient l'article célèbre d'Yves Reboul "L'Homme juste" qui identifie celui-ci à Victor Hugo. Après, on en a fait des caisses sur cette révélation, alors que ça n'a pas lieu d'être. Personne ne publiait sur ce poème et il était évident que l'Homme juste n'était pas Jésus à la lecture de ce texte. L'article est méritoire, mais on en parle comme si personne n'avait pu voir le coup venir. Je trouve ça assez farfelu. Ceci dit, l'article se trouvait dans cette revue en 1985. Il est repris dans le livre de Reboul Rimbaud dans son temps. Il y a deux articles sur "Paris se repeuple", celui de Murphy avec son titre ludique, mais aussi celui de George Hugo Tucker qui, dans mon souvenir, était meilleur et plus en phase avec ce que je considère la signification réelle du poème. Et l'article de Tucker, vous ne le trouverez pas ailleurs cette fois.Vous avez un article d'Ascione sur le poème "Le Forgeron" avec des petites remarques de détail, dignes des "singularités". L'article de Chambon est également important et impossible à trouver ailleurs. L'article de Fongaro fait partie lui aussi des pièces importantes, mais il l'a repris dans ses publications personnelles ultérieures. Il y a article sur L'Homme qui rit qui rappelle que Rimbaud l'évoque dans sa lettre du 15 mai 1871 avec le mot "comprachicos".
Bref, ce numéro 2, c'est le numéro à acheter en priorité si vous voulez vous faire une idée sous son meilleur jour des débuts de la revue. S'il y a un numéro à acheter sur les dix premiers tomes, quatorze premiers tomes même, c'est sans doute celui-là.
D'avril 1986, le numéro 3 redevient plutôt faible, malgré les noms de ses contributeurs. On repart dans une disparate de notules d'un intérêt parfois bien relatif. Ou c'est intéressant, mais c'est tellement de l'ordre du détail qu'on se demande s'il est bon d'y investir son argent. En clair, même s'il n'y a pas de réduction de prix à acheter en lot des numéros de la revue, il est plus satisfaisant d'acheter tous les numéros et d'apprécier la multitude des détails, plutôt que de s'en tenir à l'achat d'un numéro et s'en tenir maigrement aux détails et suggestions du seul tome en question. Ou on achète tous les numéros ou on achète rien. Le volume 2 échappe à la règle, mais les débuts de la revue Parade sauvage, c'était bien une sorte de bric-à-brac. On peut relever la première intervention de Benoît de Cornulier, elle ne semble pas métrique, mais lexicale avec la question des "becs de canne", mais l'expression lexicalisée chevauche la césure et cache justement le mot "bec-de-cane" bizarrement orthographié par Rimbaud. Il me faudrait revenir sur ce sujet, parce qu'en effet Rimbaud a écrit "becs de canne" et non "becs-de-cane" qui a un sens plus évident vu qu'il est question de portes forcées. Moi, mon idée, c'est de lancer avec les techniques actuelles d'internet une recherche de "becs de canne" puisque l'idée c'est que Rimbaud a repris un mot qu'il a vu orthographié de la sorte à l'époque, non ?
C'est important. Le livre Théorie du vers date de 1982 et dès 1986 la revue Parade sauvage l'incluait dans ses ranges avec l'influence à venir que l'on sait sur les études de poèmes par Steve Murphy, puis d'autres. Les études n'étaient pas encore métriques. Jean-Jacques Lefrère, qui a contribué à ce troisième numéro, lisait des articles courts de Caradec, d'Etiemble, et ici un article liminaire de Michel Butor, romancier en vue. On relève une nouvelle intervention d'André Guyaux, trois pages seulement, mais on constate que la séparation de certaines chapelles n'avait pas encore vu le jour. Fongaro était alors le principal contributeur problématique de la revue, puisqu'il fustigeait les autres rimbaldiens par articles interposés. Fongaro était un génial dénicheur de détails et avait une bonne vue d'ensemble des poèmes grâce à son refus d'une lecture mystique des poèmes, mais il n'avait pas toujours raison et il avait en particulier des lectures réductrices à la Etiemble pour les vers "nouvelle manière".
Il y a aussi une des rares contributions de jean-François Laurent. Je ne recommande pas spécialement à l'attention ses articles, sauf un, mais contenu dans un numéro des colloques, puisque Jean-François Laurent a produit une étude remarquable sur "Le Dormeur du Val" en identifiant une métaphore de résurrection christique. Il s'agit de l'un des articles les plus importants des années 1980 sur Rimbaud, comme l'article de Reboul sur "L'Homme juste" par exemple. La différence, c'est que Reboul, Murphy et d'autres vont fournir pas mal d'articles importants par la suite, alors que Laurent est un peu l'homme d'un seul article. Voici déjà une raison de souhaiter la remise à disposition des cinq colloques eux-mêmes de la revue.
Je remarque que le prix pour acheter au format PDF les "Singularités" monte vie : de 4 euros pour le premier numéro à 6 euros pour le numéro 3. C'est excessif, je trouve. On n'a pas affaire à des articles. Pourquoi un tel prix ?
Le numéro 4 de la revue affiche son sujet Les Illuminations. Cette écriture du titre était contestée par Fongaro, et Murphy a répondu à Fongaro par un article, mais en 1986 le titre sur l'édition original de ce numéro de la revue n'était-il pas Illuminations ? Je pense que réellement le titre exact doit être Les Illuminations, malgré la tradition suivie. Mais ce n'est pas si clair que ça non plus. Je ne peux pas considérer le débat comme tranché puisque de 1986 à 1995 Verlaine n'a pas réfuté la version sans article, que je sache ! Ce problème n'est pas du tout évident, d'autant qu'il est lié à l'absence d'article des titres de la plupart des poèmes en prose. Je penche tout de même pour une transcription Les Illuminations, parce que, dans la prose, effectivement l'article n'est pas un objet de débat au dix-neuvième siècle. Il n'y a pas ce normatif du vingtième siècle à séparer à tue-tête "Illuminations" et "Les Illuminations". L'article est un épiphénomène au dix-neuvième. Il n'est pas intégré à une réflexion philologique réelle sur les titres des ouvrages. C'est ce que je pense.
Les articles sont toujours aussi courts, parfois très courts. Après Michel Butor, l'article liminaire est confié à un poète en vue à l'époque Michel Deguy, ventes dérisoires comparées à celles de La Modification, mais j'ai possédé en Poésie Gallimard mon volume de Fragments du cadastre. Je n'ai jamais acheté un recueil de poésies plus récent que celui-là je pense. Oui, je n'achète jamais depuis près de trente ans un quelconque recueil de poésies contemporain...
L'article de Cecil Arthur Hackett rappelle que les contributions célèbrent le centenaire de la publication initiale du recueil.
Nous relevons une première contribution de Sergio Sacchi. Il mourra assez précocement à la fin des années 1990, ou au milieu des années 1990, et ses amis rimbaldiens assureront la publication d'un volume collectif des études qu'il a consacrées au recueil des Illuminations. C'était un critique italien qui privilégiait tout particulièrement les poèmes en prose de Rimbaud. Après, il a plus publié des articles suggestifs que de vraies mises au point. Si on veut se créer une bibliothèque d'ouvrages méditant le sens des poèmes en prose de Rimbaud, on achètera son volume, comme on achètera Fabrique d'Illuminations d'Antoine Raybaud ou Pour une poétique de la violence de Pierre Brunel, mais il s'agit d'ouvrages où les réflexions sont en roue libre et où il y a à boire et à manger.
Michel Murat publiait alors une étude sur "Mouvement", à cause surtout de sa forme en vers libres. On voit à quel point le sens des poèmes était perçu comme énigmatique à cette époque.
Steve Murphy publie pour sa part une de ses rares études sur un poème des Illuminations, mais il s'agissait de la pièce fort explicitement politique "Démocratie". "Démocratie", je rappelle que son contenu ironise par anticipation sur le discours du parti démocrate américain, sur l'évolution de la France (Sarkozy-Hollande-Macron) et... sur les pratiques actuelles des rimbaldiens qui refoulent bien peu rimbaldiennement les discours qui ne les brossent pas dans le sens du poil. je préférais la revue quand Fongaro y était publié. C'était plus vivant, il se passait quelque chose ! Il fait une intervention sur "Nocturne vulgaire" où il met en avant Michelet par-dessus Vigny...
Ascione était encore pas mal impliqué, ici il publie une étude sur "Dévotion" où il cite en titre un vers célèbre du Tartuffe.
Dans le numéro 5, Etiemble, toujours présent, prend la place tenue par Butor puis Deguy auparavant en fournissant l'article liminaire. Nous sommes déjà en juillet 1988, le rythme de la publication a accusé un petit retard. Olivier Bivort fournit sa première contribution ensuite. Les articles de Bivort ont cette tendance à prendre un sujet et à le traiter. On n'a pas avec lui des études d'un seul poème. Il a un sujet et il le traite. Et ça peut être un sujet thématique ou un sujet linguistique, ça dépend. Tous ses articles n'ont pas le même intérêt constant, et on n'est pas toujours d'accord, mais ça fait partie des rimbaldiens à lire, et dans son cas il n'y a pas de volumes réunissant tout ce qu'il a fait, et bien sûr tout n'est pas dans Parade sauvage. Il faut partir à la chasse aux papillons pour retrouver tous ses articles, il y en a qui me sont restés inaccessibles.
A noter que dans son article de 2024 du volume collectif sur Rimbaud et le romantisme, que je viens de relire, il précise qu'Antony Deschamps a été le premier romantique à parler des trains dans un poème ! Quand je vous dis qu'Antony Deschamps est peut-être plus important à lire que son frère Emile...
Vous remarquez que dans ce numéro certains contributeurs appellent leurs articles des "Notes", cela apparaît dans les titres d'Olivier Bivort, P. S. Hambly et de Pierre Délot. C'est ce que je vous disais, les articles sont vraiment un ensemble de notules disparates. Vous avez une nouvelle intervention d'Albert Henry, contributeur que je n'ai pas cité plus tôt, parce que je ne me suis jamais intéressé à ce qu'il écrivait, même si par acquit de conscience j'aurais voulu lire le livre qu'il a plus tard consacré à Rimbaud.
Je ne sais pas si Margaret Jones-Davies et la Margaret Davies qui publiait sur Une saison en enfer, une étude de référence que je suis le seul à avoir dépassé. Je suppose que oui, mais à part son étude sur Une saison en enfer je n'ai pas été marqué par ce qu'elle écrivait. Sur Une saison en enfer, c'est moins que son étude soit méritoire qu'il y a eu pour je ne sais quelles raisons une accumulation d'études soit un peu vaines, un peu vaporeuses (Bandelier, Nakaji, Brunel, Frémy, et sans doute Coelho), soit un peu trop portées sur la forme (Bandelier, Murat), soit aux interprétations complètement problématiques (Brunel, Molino en un article, Bardel, Vaillant), à quoi ajouter des articles à thèse forcée (Richter) ou des articles intéressants et philosophiques, mais pas assez dans la chair littéraire (Hiroo Yuasa).
Benoît de Cornulier contribue à nouveau et toujours pas sur le terrain métrique. Mais le numéro vaut surtout pour les premières publications de Bruno Claisse, deux en un seul volume : deux pages sur "Métropolitain" et une étude mettant en résonance "Les Soeurs de charité" et "Dévotion". Il n'y aurait pas eu le numéro 2 de la revue, on pourrait dire qu'enfin les choses sérieuses commencent.
Le numéro 6 est un "Hommage à Pierre Petitfils", rimbaldien d'un autre temps aux apports du coup assez maigres, il a même eu une conséquence fâcheuse puisque c'est à cause de lui que tout le monde croit que Rimbaud a lu "Le Bateau ivre" lors d'un dîner des "Vilains Bonshommes". C'est une conviction qu'il a lancée comme ça, et qui passe aujourd'hui pour une vérité en l'absence de tout témoignage.
Je passe sur les pages nécrologiques, je serais directeur de revue, je les rendrais à la portion congrue.
Le principe de publication annuel reprend puisque nous sommes en juin 1989 et la taille du volume augmente, mais c'est paradoxalement le moins intéressant des numéros de la revue depuis sa création je dirais. Il y a beaucoup de sujets biographiques et les études datent, elles sont souvent dépassées, souvent démenties par des études plus récentes. Il y a un article de Chambon sur Izambard et Richepin tout de même. Michael Pakenham se fait un peu abuser par le cas de Jules Mary. On peut acheter ce numéro pour les éléments biographiques et assimilés tout de même. Pour l'analyse des poèmes, c'est un volume quasi inutile. Je ne me rappelle plus rien sur l'article de Watson à propos du "Traité du docteur Venetti". L'article est peut-être un peu intéressant au plan zutique.
Le volume numéro 7 a attendu l'année du centenaire de la mort de Rimbaud pour paraître (janvier 1991).
Il s'agit à nouveau d'un numéro d'un intérêt très faible. Il doit souffrir de la concurrence des autres publications autour du centenaire. Il contient une étude linguistique indigeste rare pour une telle revue : "Structuralisme et motivation du signe poétique" par Kingma-Eijgendaal. On dirait un nom scandinave, il y a aussi deux contributions néerlandaises de Ruud Verwaal. En tout cas, ça fait des contributions sans lendemain dans les études rimbaldiennes. Malgré le peu d'intérêt du numéro, on a l'exception d'une étude du sonnet "Le Buffet", poème jamais étudié à ma connaissance. Il y a surtout la contribution de Bernard Meyer qui va se spécialiser sur les vers "nouvelle manière" et produire des analyses d'une assez grande rigueur méthodologique où il se fera le nez de Fongaro à l'occasion. Malheureusement, les études de Meyer sont prudentes et en restent à un sens littéral peu profitable en soi. Malgré tout, c'est un livre indispensable à tout rimbaldien, puisque, par sa rigueur, c'est un vrai catalogue de mises en garde, de cadrage des efforts à fournir à la lecture.
Olivier Bivort opte pour un article linguistique : "les syntagmes nominaux démonstratifs" et leur relation à la référence.
Enfin, le pus éclate avec l'article de Jacques Plessen qui réplique à Fongaro, lequel a critiqué les somnolences des rimbaldiens qui lui étaient contemporains. Cela n'ira pas très loin, puisque ça n'a débouché sur aucun débat constructif.
Le numéro 8 paraît lui aussi l'année du centenaire en septembre 1991. Il joint deux parties, un hommage à Albert Henry (lequel n'est pas décédé à l'époque) et un "Rimbaud au Japon".
André Guyaux est toujours un contributeur de la revue Parade sauvage. On a perdu René Etiemble en route à ce moment-là, lequel n'a pas non plus reçu d'hommage. Ou alors c'était son article liminaire pour le numéro 6.
Ce numéro 8 offre enfin à nouveau des articles intéressants. Vous pouvez découvrir la manière particulière d'Hiroo Yuasa avec un article sur "Vierge folle". Nakaji fournit une étude d'un poème des Illuminations, il sort du cadre sa thèse sur Une saison en enfer. Même s'il travaille avec une thèse interprétative forcée, Mario Richter est un critique italien important à lire et je recommande son article sur "race" et "sang" dans Une saison en enfer. Avant 2009, il manquait tellement d'études rimbaldiennes sérieuses sur Une saison en enfer. Les articles d'Hiroo Yuasa et de Mario Richter sont à rassembler si possible et ça ne vaut pas moins que les livres qu'on n'arrête pas de hisser au rang de références incontournables : Nakaji, Brunel, Frémy, Bandelier, ou le collectif "Dix études sur Une saison en enfer".
Yves Reboul intervient sur la chronologie des "Déserts de l'amour", ce qui me rappelle que je n'ai toujours pas acheté le livre de Bataillé sur ces poèmes en prose. Mais il faut dire que la table des matières n'est tellement pas un encouragement à l'investissement.
On voit qu Murphy gardait ses études de poèmes pour ses livres. Il fournit à nouveau une étude de lettre ici, à nouveau une étude plutôt sur les documents avec un fac-similé aussi de "La Rivière de Cassis".
Olivier Bivort poursuit sur les sujets linguistiques avec le cas du tiret.
Je vous laisse consulter le sommaire pour le reste.
C'est un numéro qui en vaut la peine en gros. Mais nous sommes encore à l'ère des études disparates, souvent de détails qui ne sont pas les plus excitants pour commencer la recherche et on a toujours ce principe des articles courts.
Le numéro 9 date de février 1994. Il y a de nouveau une perte de vitesse, une fois passé le centenaire. Il y a une des rares contributions de Paul Martin, ici sur l'origine du poncif des "soeurs de charité". J'avais un autre article court de lui, mais je ne me rappelle plus à quel sujet. Il y a un article aussi sur le manuscrit autographe de "L'Homme juste". On y apprend qu'il peut être consulté par les universitaires et rimbaldiens depuis 1986. La première page de l'article est consultable sur le site des éditions Classiques Garnier. Je ris beaucoup en songeant aux difficultés de déchiffrement des rimbaldiens qui publient encore récemment l'article drolatique de Marc Dominciy. Enfin, ce serait drôle si la mauvaise foi n'avait pas des conséquences toxiques.
Il y a plusieurs articles intéressants de Murphy, Meyer et même d'Albert Henry. Il y a une section comptes rendus, je n'ai pas fait attention à son moment d'apparition dans les précédents numéros, mais il s'agit aussi d'une rubrique qui va prendre de l'ampleur avec des comptes rendus longs, qui opposent parfois des arguments ou qui glissent en passant une idée nouvelle, puis ça permet de repérer l'existence d'époque de certains ouvrages.
Au fil du temps, les comptes rendus vont devenir un centre de mise au point sur la parole d'évangile de Murphy et de la revue Parade sauvage, cela était favorisé au départ par le fait qu'ils avaient sur pas mal de sujets, mais à la longue...
L'article de Fongaro sur "Les Premières communions" s'inscrit dans une grande fresque épique de débats opposant Fongaro seul à Murphy, Ascione et Cornulier. Fongaro a fini par perdre. Il faut dire qu'il soutenait que, par défaut de mémoire, Verlaine avait confondu en un deux poèmes distincts de Rimbaud.
En fait, Fongaro était carrément illogique : il soutenait que Verlaine se souvenait de deux pièces vers par vers, mais pas qu'elles étaient distinctes. Il faut avouer que ça n'a pas de sens. Sa façon d'admettre sa défaite fut un peu lâche, il n'a pas avoué, il a juste abandonné le combat en ne parlant plus de ce poème, en gros.
Dire qu'il m'avait envoyé son livre et qu'à cause d'une faute d'adresse, "rue de l'espinasse" au lieu de "rue Espinasse" le livre ne m'est jamais arrivé. Je n'ai jamais eu d'échanges avec Fongaro. Je ne sais même pas ce qu'il m'avait écrit à l'envoi de son volume. Et en septembre 1994, il n'était déjà plus professeur d'université à l'université de Toulouse le Mirail. Je l'ai raté de peu avec une régularité consternante, ç'aurait été marrant que je m'empoigne avec lui.
Le numéro 10, paru en juillet 1994, confirme une volonté de ne pas perdre pied sur le rythme de publication annuelle, mais c'est aussi le temps de la riposte. Murphy qui a publié en 1990 et 1991 deux volumes d'études de poèmes publie une étude de poème dans la revue et c'est une riposte immédiate à l'article de Fongaro, ça polémique sévèrement. Les métriciens s'invitent : Bobillot et Gouvard apportent chacun une contribution, ils ont fait chacun une thèse sous la direction de Cornulier. Bobillot est également poète. Ses articles sont un peu confus. Henriette Chataginé qui a déjà contribué pour une "singularité" fournit une étude sur "Jeune ménage", qui va de pair avec celle de Benoît de Cornulier dans une autre revue si je ne m'abuse.
Ce n'est pas le numéro de revue le plus mémorable, malgré son début.
Le numéro 11 paraît lui en décembre 1994, je ne m'étais jamais rendu compte que trois numéros étaient sortis en cette seule année 1994. Nous sommes toujours dans les articles courts qui partent dans tous les sens. Les intervenants sont variés, mais avec aussi pour conséquence un lot d'articles assez faibles. André Guyaux est toujours un contributeur de la revue à ce moment-là : huit pages sur la "mécanique des vers". Agnès Rosenstiehl publie un article, je ne sais plus ce qu'il vaut. J'ai son livre aussi (petit fascicule je dirais), elle a fait quelques remarques de détail intéressantes, mais dans des formes de considérations qui sont un peu déconcertantes, ça part dans tous les sens et ce n'est pas uniquement de la critique littéraire.
L'article sur "Voyelles" de Bruno Claisse est décevant et court. On attendait plus que ça de son grand retour.
Les études importantes sont celles de Steinmetz et Reboul. C'est très rare que Steinmetz ait dit un truc important sur Rimbaud. Ce n'est pas un rimbaldien très compétent, même s'il est un éditeur bien installé chez Garnier-Flammarion, puis en Livre de poche. Il est à peu près nul en réalité. Mais il publie une étude importante sur "Il faut être absolument moderne" commenté par l'inénarrable Henri Meschonnic, et c'est sans doute à partir de ce moment-là que Claisse dont l'article sur "Voyelles" montre qu'il cherchait à passer d'articles sur le sens à des articles sur la poéticité a probablement découvert les ouvrages pourtant déjà anciens du linguiste Henry Meschonnic, et il en a fait un gourou qui a eu une incidence assez fâcheuse sur sa manière d'écrire et sa conception des poèmes, dans le temps même où pourtant pour l'interprétation Claisse devenait de plus en plus remarquable.
L'étude de Reboul est une des plus importantes à son actif, il montre clairement que Rimbaud cible Renan et sa Vie de Jésus dans ses parodies des proses évangéliques. Bizarrement, les rimbaldiens ont réagi mollement à cette mise au point, ils ont eu du mal à l'accepter, à s'en emparer et à en faire quelque chose.
Gonou Lee me fait mentir sur l'importance éminente pour les rimbaldiens du sonnet "Le Buffet".
Paru en décembre 1995, Le numéro 12 est toujours acquis au principe des articles courts qui partent dans tous les sens, il est l'occasion de l'entrée en scène de Jacques Bienvenu avec une mise au point sur "Alcide Bava". Fongaro réagit immédiatement à l'étude de Murphy sur "Les Premières communions" dans le numéro 10. Vous voyez l'importance de cette polémique qui parcourt plusieurs numéros de la revue. Bruno Claisse continue de chercher sa voie sur une forme d'analyse plus poéticienne avec son article sur "Le Bateau ivre". Il mentionne le titre de recueil de Joseph Autran Les Poèmes de la mer, découverte qu'on lui attribue depuis, mais j'avais l'impression que ce titre avait déjà été mentionné auparavant, par Ascione ou un autre. Peu importe, le titre d'Autran en valait la peine, même si l'article en soi reste plus faible. Claisse était nettement plus un spécialiste des poèmes en prose que des poèmes en vers.
La contribution de Jean Donat, dispensable dans mon souvenir, cache une intervention sous pseudonyme de Christian Moncel, connu aussi sous le nom Alain Dumaine. Il s'agit d'un auteur à thèse : influence prédominante de Baudelaire sur Rimbaud. Mais il a fait quelques apports intéressants dans ses brochures, notamment celle mise en avant par Fongaro sur les "formes monstrueuses de l'amour".
Bruno Claisse produit un second article dans ce numéro, cette fois sur "Ornières" où (pardon du jeu de mots) il est plus à l'aise.
Paru en mars 1996, le numéro 13 nous maintient dans cette zone où on peut hésiter à acheter les numéros de la revue. C'est là que Murat a publié la première version de son étude du "sonnet" chez Rimbaud. Jean-Louis Aroui s'intéresse aux rimes de "Larme", c'est intéressant, mais les conclusions sont trop ouvertes et je trouve que le repère de la forme ABAB manque trop à l'analyse.
Michel Arouimi fait des articles étranges. Il tient des propos dérisoires et absurdes sur la signification des poèmes, et il se trompe dans ses décomptes, mais il souligne un fait déjà quasi entrevu par Antoine Raybaud : Rimbaud compose à partir de répétitions qu'il dose exprès.
Cela n'a jamais intéressé les rimbaldiens, pas même Murat. Je suis le seul à en avoir considéré l'importance factuelle évidente. Malheureusement, Arouimi en fait une exploitation complètement perchée. Il a fumé la moquette pour le dire poliment.
Claisse changera d'opinion sur "Solde", on a droit ici à sa première lecture, à sa première version interprétative, celle donc qu'il reniera par la suite. Il a fait la même chose avec "Matinée d'ivresse", deux articles dont l'un renie le premier.
Reporté à mai 1997, le numéro 14 montre que la revue n'arrive pas à tenir son rythme annuel à l'époque. C'est un des volumes les moins marquants qu'il m'ait été donné de lire dans toute la série.
Paru en novembre 1998, le numéro 15 est lui aussi particulièrement faible. Il contient pourtant deux études sur "Le Coeur volé" par Murphy et Dominicy, celle de Dominicy est très longue : pages 109 à 188. L'étude de Dominicy est très mauvaise sur de nombreux points, notamment sur la "Muse des méphitiques" d'Izambard. L'étude est un étalage énorme qui accouche souvent d'une souris, mais j'ai quand même bien aimé un aspect précis de son travail, c'est quand, en comparant linguistiquement les variantes des deux versions connues il oppose une version plus dans l'approche cérébrale, conceptuelle et une autre privilégiant la perception. Il faut au moins lire l'article pour ça. Au plan de l'analyse métrique, ça ne vaut rien. Dominicy s'inscrit dans la perspective erronée et contradictoire avec les principes de la métricométrie de l'inventeur de la méthode métricométrique Benoît de Cornulier.
L'article de Dominciy ouvre une boîte de Pandore. On sait que Murphy aime s'épancher dans ses analyses, mais il n'en faisait pas profiter la revue Parade sauvage. Ce numéro s'inscrit dans une période de transition des articles courts aux articles longs pour la revue, et il est même provocateur sur le sujet, l'article fait 80 pages tout de même. Et ce n'est pas aussi dense qu'un article de Steve Murphy pourtant.
Cornulier écrit un court poème dans ce numéro intitulé "Tombeau d'Ophélie".
Le numéro 16 est un nouveau numéro exceptionnel de la revue, il dépasse les numéros 2 et 8. Pour la première fois, un volume contient deux études qui fournissent aisément des lectures de deux poèmes des Illuminations. Qu'on soit d'accord ou non avec ces deux lectures, au moins, pour la première fois, deux intervenants font des lectures complètes d'un poème en prose de Rimbaud comme quelque chose qui peut et doit aller de soi. Il y a un article, le premier publié, de David Ducoffre sur "A une Raison", et il est suivi d'un article sur "Nocturne vulgaire" par Bruno Claisse, lequel remet complètement en cause l'interprétation au coin du feu qui faisait consensus auparavant. Il se trouve que j'avais moi-même déjà à l'époque un long article sur "Nocturne vulgaire" où je n'identifiais pas le "foyer" à une cheminée. Je n'ai malheureusement jamais publié cet article, il aurait fallu le remanier après l'étude de Claisse. Ceci dit, j'ai plein d'éléments qui ne sont pas dans l'article de Claisse, des réécritures de Baudelaire, Vigny, etc. Je relevais que Rimbaud réécrivait des vers de "Horreur sympathique" et "Rêve parisien", que Rimbaud s'inspirait de Vigny pour "l'aboi des dogues", que "panneaux bombés" figurait tel quel dans "Le Beau navire" des Fleurs du Mal, toutes révélations encore inédites aujourd'hui en décembre 2024. Reboul et Murphy connaissaient mon article sur "Nocturne vulgaire" au moment de la publication de l'article de Claisse.
L'article de Claisse est l'un des meilleurs qu'il ait produit. Il va avoir une suite prodigieuse dans la revue Parade sauvage si on inclut les colloques avec ses lectures de "Nocturne vulgaire", "Mouvement", "Villes (Ce sont des villes)" et "Soir historique", mais dans ce cas, il m'a piqué la découverte de l'intertexte de Leconte de Lisle "Ce ne sera point un effet de légende." Je lui ai fourni cela dans une discussion privée à Paris en juin 2003 et je peux prouver mon antériorité puisque j'avais publié cela sur le forum du site canadien Poetes.com qui doit avoir des archives.
Pour le reste, les articles du numéro 16 sont plus faibles, cas à part de Meyer et Fongaro qui se tiennent. Je signale à l'attention l'étude de Paul Claes sur "Fairy". Il fait une lecture erronée, il avait un principe interprétatif systématique délirant : tous les poèmes décrivaient hermétiquement des nuages. Mais, il avait un mérite pour certains détails, il soulignait l'importance de la périphrase, ou bien avant les articles de Reboul et Claisse sur "Mystique" il identifiait la métaphore de lumière pour les "herbages d'acier et d'émeraude". Paul Claes a publié un livre entier d'interprétations par les nuages des poèmes en prose de Rimbaud. Même les études délirantes ont leurs apports parfois.
Il y a eu ensuite un double numéro 17-18 en un volume, je trouve ça un peu débile de faire ça, mais bon. Je n'y ai pas participé, alors que j'aurais pu. J'avais déjà attendu un certain temps avant d'être dans le numéro 16 de l'an 2000. Jacques Bienvenu y répond à des remarques de Fongaro. Philippe Rocher y publie un article sur "Chant de guerre Parisien", il va devenir un contributeur régulier de la revue. Et Benoît de Cornulier envoie l'étude qui met au tapis Fongaro au sujet des "Premières communions". Vu le prix fixe, le volume étant assez épais, il est intéressant à acheter. Il contient de bons articles, celui de Reboul sur "Les Douaniers", un article sur "Tête de faune" par Christophe Bataillé, un étude de synthèse de Claisse sur les Illuminations, et puis après celui de Bivort un article sur le tiret de Michel Murat. Bienvenu entre alors dans le club fermé de ceux qui ont publié deux articles dans un seul volume de la revue (même si c'est un double numéro). Fongaro est toujours là pour ses petits articles de détails minutieux. Paul Claes part en vrille dans les nuages à propos de "Villes" II. Il y a tout de même toujours un lot d'articles anecdotiques qui déjà peu motivants à leur sortie sont difficiles à vendre en 2024.
Le numéro 19 est l'un des meilleurs numéros jamais sortis de la revue. Il contient le très long article "Consonne" de David Ducoffre sur le sonnet "Voyelles". Le titre vient d'une connaissance qui avait parlé d'écrire "Les Consonnes", j'ai adapté ça avec l'idée d'une explication qui "consonne" avec son objet. Il y a des points que j'ai remis en question de mon étude de 2003, mais c'est le début de ma lignée de travaux de référence sur le sonnet "Voyelles", sujet sur lequel aucun rimbaldien ne rivalise de près ou de loin avec moi. Enfin, le sonnet "Voyelles" sort de la dimension de poème inexplicable dans laquelle on l'a enfermé. Reboul échouera à produire une contre-étude importante sur ce sonnet. Lors d'une réunion des amis de Rimbaud, il recommande plusieurs articles de son livre Rimbaud dans son temps, mais pas celui sur "Voyelles". Des articles publiés dans la revue Parade sauvage par Philippe Rocher et Benoît de Cornulier s'inspirent cette étude de 2003. Une autre étude décisive de ma part a été publié dans la revue Rimbaud vivant autour de 2011-2012. Puis j'ai rayonné sur ce blog. Cet article de 2003 a des défauts, il a aussi ceux de mon écriture universitaire mal digérée d'époque. Mais c'était le début.
Le volume contient aussi une étude essentielle de Bruno Claisse sur le poème "Mouvement", étude décisive pour le sens et plus souvent citée que mon article sur "Voyelles". Christophe Bataillé y a publié l'article de sa vie sur "Roman". Jacques Bienvenu émet l'idée impressionnante que le texte de "La Chasse spirituelle" n'existe pas. C'est très intéressant et convaincant, mais il y a quand même un degré d'assimilation du texte "La Chasse spirituelle" avec "Les Déserts de l'amour". Il est clair que les proses des "Déserts de l'amour" auraient à tout le moins joué le rôle écran pour faire croire que les lettres de Rimbaud à Verlaine lues par quelques-uns étaient un texte littéraire. C'est un peu l'aspect nuancé qui manque à cet article, la place des "Déserts de l'amour" dans le raisonnement tactique de Verlaine.
Paru en décembre 2004, le volume 20 doit être la fin de transition pour les articles courts et disparates. J'y ai fait deux interventions, une pas terrible hâtivement écrite dans la continuité de mon étude sur "Voyelles", puis une longue étude sur les poèmes de bilan : Vies, Guerre, et le poème liminaire d'Une saison en enfer, article mal écrit, peu digeste peut-être, mais dont je reste assez content avec le recul. Depuis, j'ai fait une lecture de "Vies" où à la suite d'une étude de Brunel rappelée à l'attention par Bardel, j'ai montré que l'intégralité de "Vies" réécrivait des passages de la conclusion des Mémoires d'outre-tombe, en allant beaucoup plus loin que Brunel et Bardel. Cela se trouve sur mon blog, ça date de mes derniers échanges viables avec des rimbaldiens, donc d'il y a quelques années.
Le volume contient la révélation du manuscrit "Famille maudite". Je trouve quand même que Murphy a eu beau jeu de pondre un article si détaillé sur un manuscrit dont il a eu connaissance avant la plupart des rimbaldiens eux-mêmes. J'avais remarqué aussi à l'époque que, dans les comptes rendus, Murphy citait des idées personnelles. On a un peu le début d'une revue qui sert à garantir des antériorités. Malgré tout, rien de grave à l'époque, ça restait un numéro de qualité de toute façon que ce numéro 20. Mur^phy publiait aussi un article sur les caricatures de Félicien Rops pour l'édition sous le manteau des Joyeusetés galantes de Glatigny. C'est marrant, ça coïncide avec le fait qu'un peu auparavant j'avais signalé à l'attention à Steve Murphy lui-même la vente à 600 euros d'un exemplaire sur eBay. J'ai peut-être encore les courriels d'époque à ce sujet. Cette acquisition n'était pas à portée de ma bourse à l'époque.
Il y a un article intéressant de Bienvenu sur Taine, sujet toujours resté souterrain dans les études rimbaldiennes et qui n'a toujours pas été pris complètement à bras-le-corps.
Je passe directement au numéro 21, paru en 2006. C'est encore un numéro exceptionnel de la revue, avec mon article magnifique à lire, ma manière d'écrire amorçant une première phase de mutations, sur "Le Bateau ivre", j'ai publié la même année l'étude métrique "Ecarts métriques d'un Bateau ivre" dans les cahiers du centre d'études métriques de Nantes dirigé par Benoît de Cornulier. Mon article était en gestation depuis 2004, il était question oralement entre moi, Murphy, Ascione et Claisse lors du colloque qui s'est tenu vers septembre 2004. Steve Murphy m'a demandé l'autorisation de publier un article sur "Le Bateau ivre" dans la revue Littératures, article qui est sorti un peu avant le mien, mais qui précise qu'il m'a lu. De manière éhontée, les rimbaldiens ont mis tout l'honneur sur l'article de Murphy et ont évité la mise en avant du mien, alors que j'avais non seulement l'antériorité, mais relisez les deux articles et c'est le mien qui va rester au plan de l'interprétation.
C'est un paradoxe, il y a des chapelles de croyants chez les rimbaldiens en principe antireligieux, et aussi des crimes de lèse-majesté. Pas question dans le milieu rimbaldien de citer favorablement mes études sur "Voyelles" et "Le Bateau ivre". Il fallait minimiser mon impact.
Jacques Bienvenu était en forme aussi à ce moment-là avec son article sur Banville, Cros et Mallarmé. Il a souligné l'influence du traité de Banville sur Rimbaud à l'époque, mais les rimbaldiens et aussi les spécialistes de versification n'ont visiblement rien compris à l'importance décisive de cette information, preuve que les métriciens sont dans une illusoire recherche de scientificité au détriment de la démarche historienne essentielle à l'enquête littéraire.
Le numéro 21 est un épais volume qui n'a rien à envier au double numéro 17-18. C'est le déut des articles fleuves, je m'inscris dans les responsables de cette nouvelle tendance. Il y a d'autres articles intéressants dans ce volume de Fongaro, Chevrier etCandice Nicolas. A 42 euros, c'est un volume à acquérir en priorité.
Les numéros 2, 8, 16, 19 et 21 vous avez cinq tomes plus importants que les autres je dirais.
Il reste le volume dit "Numéro spécial" "Hommage à Steve Murphy" paru en octobre 2008.
Il s'agit là encore d'un épais volume avec des contributions intéressantes. Il peut compléter les cinq numéros sortis du lot ci-dessus.
Roger Little y parodiait I like Ike en Vive Steve dans un propos d'introduction. Philippe Rocher se préoccupait déjà de la présence du motif d'Ophélie en allant inspecter les Romances sans paroles, démarche paradoxale puisque Verlaine est supposé n'avoir pas connu de version du poème, ce qui il est vrai n'est pas garanti.
Les articles partent tout de même dans tous les sens, même s'ils sont plus étoffés que ceux des premiers numéros. Alain Vaillant commence à contribuer à la revue. On retrouve un article du latiniste George Hugo Tucker, ce qui est toujours bon à prendre. Benoît de Cornulier amorce une évolution dans ses zones d'intérêt ou du moins dans ses habitudes de publication en s'intéressant au style de chant chez Baudelaire et Rimbaud. Taliercio y publie sur sa découverte du "Rêve de Bismarck" qui était alors d'actualité.
J'y publie un article dont je ne suis pas pleinement satisfait mais qui reste à l'heure actuelle l'étude la plus poussée du poème "Les Assis". On voit que plusieurs intervenants réagissaient aux articles de 2006 sur "Le Bateau ivre", mais il y avait de toute évidence un droit d'hommage privilégié au directeur de la revue Parade sauvage. Je ne trouve pas ça très élégant, mais bon...
Jacques Bienvenu intervenait sur "Chanson de la plus haute Tour" avec un propos intéressant, des sources, mais j'avoue que les difficultés ne m'ont pas semblé ainsi toutes résolues.
Michel Murat amorce la préparation de son complément sur Une saison en enfer à son livre L'Art de Rimbaud. Claisse répudie son ancienne lecture de "Matinée d'ivresse" par une nouvelle, il ose dire qu'il n'y a aucune allusion étymologique évidente dans l'inscription en italique du mot "Assassins", l'étymologie supposée "haschichin" étant erronée dans tous les cas. Il met en doute qu'il soit question d'une expérience de hachisch dans ce poème, ce qui était aussi mon cas.
Yves Reboul fournit quatre notes sur le poème "Dévotion", mais je n'ai pas compris pourquoi il soutenait Fongaro à propos d'une prétendue anomalie du possessif dans "A ma sœur". L'article ne m'a pas convaincu sur d'autres points également. Il faudrait reprendre tout cela à tête reposée.
Fongaro contribuait pour l'une des dernières fois à un numéro de la revue.
Moi-même, j'allais tourner le dos bientôt à cette revue dont je constatais trop la mise sous cloche, le doigt sur le pantalon en faveur de personnes à plus privilégier que d'autres.
Je trouvais aussi anormal que certains rimbaldiens aux écrits pas spécialement percutants se retrouvaient dans des postes intéressants pour contrôler le réseau des rimbaldiens et avoir des facilités de publications.
J'arrête là ma recension, puisque à partir du numéro 22 les tomes ont toujours été disponibles aux éditions Classiques Garnier.
Je n'ai pas tellement commenté les articles, donc si vous n'êtes pas d'accord avec moi en tout cas ça vous donne une idée de ce qui doit être lu dans mon optique.
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