lundi 9 décembre 2024

Antony Deschamps : Ophélie, Banville et le vers romantique (partie 1/2)

Petite digression entre astérisques **, vous pouvez la sauter si vous ne tenez à ne lire que l'étude sur Antony Deschamps !

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Vers 2009, même à l'Université de Toulouse le Mirail, si bien pourvue en livres anciens et de critique littéraire, par comparaison à Bruxelles, Nice, Montpellier et l'essentiel du pays, à l'exception de Paris, il n'était pas possible de lire tous les recueils de poètes secondaires du dix-neuvième siècle. J'avais repéré un maximum de périodiques anciens dans la bibliothèque municipale "Périgord" à Toulouse, j'avais même repéré des livres non répertoriés sur les fiches informatiques à la bibliothèque de la faculté de droit à l'Arsenal, des recueils de Fables de Lachamb(e)audie, le livre de Catulle Mendès sur la Commune, etc. J'avais passé du temps à fouiller les fiches manuscrites anciennes pour ça. A l'université de Toulouse le Mirail, j'ai pu lire le recueil de 1828 d'Emile Deschamps tout de même : Etudes françaises et étrangères. Pas mal d'ouvrages sont partis au pilon quelques années après, mais je peux garantir qu'ils avaient ce recueil à l'époque. L'Université de Toulouse le Mirail détenait aussi la revue dans laquelle avait été publiée la version originale de La Tentation de saint Antoine. Pour Banville, je profitais de l'édition critique en maints grands tomes de Peter Edwards, mais il s'agissait d'une édition à partir des versions définitives. Toutes les variantes étaient reportées en fin d'ouvrage, mais c'était fastidieux à consulter et il y avait un établissement parfois un peu confus. Par exemple, sur l'enjambement de mot dans le poème "La Reine Omphale", on pouvait croire à lire les variantes telles qu'elles étaient rapportées par Edwards que l'enjambement de mot "pensivement", s'il avait été publié en revue en 1861, n'avait pas été reporté dans l'édition originale de 1867, ce qui amenait une complication étrange dans le cas de Rimbaud. Comment pouvait-il s'en inspirer directement en écrivant "tricolorement" dans "Ressouvenir" sans passer par la confidence de Verlaine ou d'un autre sur la publication originale de 1861 ? En réalité, la leçon "pensivement" figurait bien dans l'édition originale et mieux Rimbaud n'a même pas connu la leçon corrigée, modérée : "d'un air pensif" : "Où je filais d'un air pensif la blanche laine," corrigeant "Où je filais pensivement la blanche laine," dans l'édition définitive. Et quand on précise les variantes en remontant du coup dans le temps il faut éviter les présentations confuses.
Pour les livres qui me manquaient, il y avait la possibilité du prêt entre les bibliothèques, mais ça passait par un service administratif qui n'est pas du tout curieux de critique littéraire et qui ne pense qu'en termes de respects scrupuleux des procédures. Vous demandiez le prêt d'un livre à Paris, il y avait une vérification si le livre n'était pas disponible à Toulouse même, et c'était restreint. Cela m'a assez vite découragé, j'étais trop susceptible, je n'aimais pas cette espèce de condescendance avec laquelle on répondait à mes sollicitations. Je me disais qu'il y avait une quantité élevée de professeurs et d'étudiants en thèse qui devaient penser à faire comme moi, et qui étaient aussi nécessairement intéressés par les mêmes livres. J'ai jamais compris pourquoi les universités françaises ne se sont pas coordonnées pour mettre en ligne un état patrimonial dans une version fac-similaire commune mise en ligne sur le réseau internet interne aux universités. On prend quelques personnes de bonne volonté à cette tâche et ça peut aller très vite. Je demandais qu'on fasse venir un livre : on me fournissait des photocopies de Vers les saules de Glatigny, ou bien j'obtenais le saint Graal. L'exemple clef c'est Melancholia d'Henri Cazalis. Cazalis est aussi connu comme poète sous le nom de plume Jean Lahor, c'est un docteur qui a eu pour patients Maupassant et Verlaine, mais surtout c'est un ami de Mallarmé. Normalement, vous le connaissez par la correspondance célèbre qu'il a entretenue précisément avec ce dernier, puisque les lettres de Mallarmé à Cazalis ont une réputation, toutes proportions gardées, comparable à celle des lettres "du voyant". Il n'y a que trois villes en France qui possèdent un exemplaire du recueil Melancholia de Cazalis, et il se trouve que l'un de ces rares exemplaires je l'ai eu en prêt personnel en l'ayant commandé à la bibliothèque universitaire du Mirail à Toulouse...
Aujourd'hui, les conditions ont changé. L'accès à la poésie du dix-neuvième siècle s'est rapidement bonifié sur le site Gallica de la BNF, et Google books fournit un agréable complément. Cela fait bien dix ans que l'accès est vertigineux, mais je constate tout de même des manques persistants. Au-delà du problème primordial de la conservation des revues, il y a le problème des rééditions de certains ouvrages avec des variantes. Si à la BNF, ils faisaient leur travail consciencieusement, ils mettraient en ligne automatiquement les versions originales et les versions définitives des recueils d'au moins les grands noms de la littérature française. Il y a trois éditions clefs des Fleurs du Mal à mettre en ligne au plan fac-similaire, et c'est pareil pour Leconte de Lisle, Banville, Musset, Vigny et Lamartine. Il faut impérativement répertorier les éditions clefs. On ne peut pas se contenter de mettre en ligne une édition définitive ou une édition des Œuvres complètes. Ce problème vaut aussi pour Belmontet ou pour Louis Veuillot. On ne peut pas se contenter de rechercher les poèmes des premiers recueils dans des éditions refondues, et il faut bien sûr pouvoir établir le contraste des versions de poèmes et de recueils dans le cas de Belmontet. Il y a une publication d'ouvrages rares sur le site Gallica de la BNF, mais il reste un problème de laxisme où on se trouve satisfait d'avoir publié une édition la plus fournie possible des œuvres d'un auteur, sans se poser des questions élémentaires d'histoire littéraire, alors même que cet énorme travail intéresse au premier chef la recherche universitaire, les études philologiques, génétiques, etc.

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Hier, je me suis penché sur le cas du poète Antony Deschamps. Mon idée était d'interroger la facture de ses alexandrins. Et ma surprise fut de découvrir une mention du nom "Ophélie" à la rime, surprise qui a été précédée par d'autres.
Antony Deschamps est un peu moins mis en avant qu'Emile Deschamps qui avait publié un recueil dès 1828. Les deux frères ont publié dans les volumes collectifs du Parnasse contemporain. Je vous propose de regarder le détail, il est assez instructif.
Dans le premier Parnasse contemporain de 1866, Emile Deschamps publie huit poèmes et Antony Deschamps, s'il ne semble n'en avoir fourni que trois d'après la table des matières, a en réalité fourni deux séries de trois poèmes et quatre poèmes respectivement, et un sonnet. Qui plus est, si Emile a publié huit poèmes à la suite, il n'a pas participé au bouquet de sonnets final. Antony a fourni deux séries de poèmes dans la partie qui lui était réservé, mais il a apporté un sonnet au bouquet final de plusieurs auteurs. Comme Victor Hugo a refusé de participer à ce volume collectif, il se peut qu'Emile Deschamps n'ait pas daigné composer un sonnet pour l'occasion, alors qu'il avait certainement été sollicité pour le faire. En clair, le sonnet d'Antony Deschamps vaut pour rappel de la collaboration des deux frères au collectif du Parnasse contemporain. Mais remarquez bien qu'en 1866, Sainte-Beuve et Lamartine étaient encore en vie et pas plus que Victor Hugo ils n'ont honoré le premier Parnasse contemporain d'une quelconque contribution. Musset, Vigny, Nerval et Desbordes-Valmore sont déjà éteins. Les frères Deschamps sont les seuls représentants dans ce volume de la poésie romantique de la décennie 1820. Antony Deschamps, bien qu'il ait surtout publié à partir de 1831, est ainsi la figure d'ancien dans ce bouquet de sonnets final. Il est né en 1800. Gautier est le seul à le suivre d'un peu près, étant né en 1811. Suivent Charles Baudelaire, Théodore de Banville, Leconte de Lisle et Louis Ménard, respectivement 1821, 1823, 1818 et 1822. Ensuite, nous avons la génération parnassienne en tant que telle, avec des poètes ici nés entre 1838 et 1844 : Léon Dierx (1838), Sully Prudhomme (1839), Albert Mérat et Henri Cazalis (1840), Léon Valade et Catulle Mendès (1841), Stéphane Mallarmé, François Coppée et Heredia (1842), Louis-Xavier de Ricard (1843) et Paul Verlaine (1844). Notez la présence précisément d'Henri Cazalis avec un sonnet qui annonce le titre de son futur recueil, si difficile d'accès de nos jours : "Devant la Melencolia d'Albert Durer". Il s'agit tout de même d'un cercle fermé de poètes parnassiens. Dans le second numéro du Parnasse contemporain, Antony Deschamps n'a participé qu'avec une seule contribution, tandis qu'Emile a remis trois compositions de son cru. Toutefois, les deux frères sont mis en vedette au début du volume, en défilant l'un puis l'autre directement après les contributions de Leconte de Lisle et Théodore de Banville. Les deux Deschamps ne participeront plus au volume de 1876.
Je vais faire une revue des contributions parnassiennes des deux frères !

Je vous conseille de lire le poème "Annonciade" en cherchant à remarquer que chaque hémistiche forme bien une unité. C'est une façon empirique d'apprécier la régularité métrique d'un auteur et ça vous imprégnera plus qu'un compte rendu statistique dont la plupart d'entre vous sont peu friands.
Je cite tout de même les premiers vers :

Elle avait dix-sept ans ; elle était blonde & belle,
Comme Vénus Victrix ou la grande Cybèle ;
Sa bouche avait ravi sa fraîcheur au Printemps,
[...]

Le rapprochement pour "ravi" avec "Credo in unam" n'est qu'une coïncidence, mais une coïncidence liée à un lieu commun quant à l'emploi du verbe "ravir". Surtout, nous avons la rime "belle"/"Cybèle", la mention d'une Vénus particulière et le premier hémistiche avec la mention des "dix-sept ans". Je ne veux pas soutenir idiotement que Rimbaud s'inspire directement de ces deux vers dans "Roman" ou "Credo in unam". Il y a des lieux communs qui expliquent le lien entre ces vers et ceux de Rimbaud. En revanche, en mai 1870, j'imagine que Rimbaud avait déjà une idée des premières livraisons du second Parnasse contemporain, et il envoie à Banville la pièce Credo in unam dans une lettre où il met en avant son jeune âge "j'ai presque dix-sept ans", où il appelle sa poésie du "printemps". Le poème "Credo in unam" parle non seulement de Vénus, mais contient la rime "belle"/"Cybèle" pratiquée bien sûr par Banville, Leconte de Lisle et d'autres à l'époque. Rimbaud aurait eu aussi présent à l'esprit les trois vers cités ci-dessus d'Antony Deschamps lorsqu'il écrivait sa lettre à Banville. Il souhaitait que son poème termine un recueil où ces trois vers d'Antony Deschamps figuraient pratiquement au seuil de tout l'ouvrage. La résonance des titres est elle-même éloquente : "Annonciade" et "Credo in unam". Certes, les "Deschamps" sont rangés parmi "les morts et les imbéciles" dans la lettre à Demeny du 15 mai 1871, mais ça n'empêche pas une référence tactique dans l'envoi à Banville de mai 1870. Le détachement humoristique de la lettre correspond d'ailleurs au pas de côté pour ne pas être assimilé à un imbécile.
Le récit dramatique fourni par Antony Deschamps est comparable à un récit hugolien : "A cette croix de chair l'avait crucifiée", etc. Notez que ce vers peut faire écho à "Depuis qu'un autre dieu nous attelle à sa croix" !
Quels vers peuvent être relevés qui correspondent moins nettement à la partition mélodique des hémistiches ?
Le vers :
Et l'Amour, appuyé sur son arc détendu,
est pleinement classique et même facile à lire en deux hémistiches. L'antéposition d'une forme participiale (participe présent ou participe passé) est courante chez les classiques. Il faut définitivement renoncer à y prêter de l'attention dans un relevé qui cherche à cerner des enjambements plus souples.
Je relève en revanche le vers suivant :
Et comment peux-tu donc, le matin, soutenir
car s'il est régulier avec en prime une virgule et une nette "pause" à la césure, il a un infinitif partiellement tassé à la césure. Il n'est pas réellement tassé, puisqu'il mesure trois syllabes. S'il n'en faisait que deux, il pourrait être envisagé comme suspendu. En revanche, l'unité du second hémistiche : "le matin, soutenir" repose sur une juxtaposition qui est admise chez les classiques, mais qui offre un léger moment de trouble dans l'idée de régularité mélodique des hémistiches. Nous avons un élément apposé reporté en tête du second hémistiche, ce qui crée un effet souple d'enjambement, comme un sentiment que la pause de la césure n'a pas suffi et est suivie d'emblée d'une autre pause : "Et comment peux-tu donc, le matin,..." Ce type de configuration est fréquent dans les premiers alexandrins connus de Rimbaud ("Les Etrennes des orphelins", "Ophélie", "Bal des pendus", "Le Forgeron") :

Elle a donc oublié le soir, seule et penchée,

- Une vieille servante, alors, en a pris soin.

Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée,

Par la fenêtre on voit là-bas un beau ciel bleu ;

Un pauvre fou s'assit, muet, à tes genoux !

Ce n'est pas un moustier ici, les trépassés !

Des vergers quand il pleut un peu, de l'herbe rousse ?

Ce type de construction disparaît des autres poèmes de l'année 1870 et n'apparaît que rarement dans les pièces ultérieures ("Accroupissements" avec le constituant détaché "frileux") :
Or il s'est accroupi, frileux, les doigts de pied
Repliés [...]
J'y adjoins le tour classique sur l'apostrophe dans ce vers du "Forgeron" :
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes
[...]
Il faut ajouter quelques vers où un procédé similaire est déployé à l'entrevers ("Les Etrennes des orphelins", "Le Forgeron", "Le Buffet") :
Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close,
Souriante, semblait murmurer quelque chose...
Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !
C'est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,
Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ;

Voici un cas de rencontre des deux procédés dans "Le Forgeron" :
Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l'épaule,
Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,
[...]
La raréfaction est rendue remarquable par deux autres observations. D'une part, Rimbaud place aussi des constituants en suspens devant la césure, et c'est le cas dans les poèmes "Ophélie" et "Credo in unam", deux poèmes des débuts où nous relevons peu de constituants détachés juste après la césure. Cela semble indiquer que l'antéposition est plus naturelle et que la postposition nécessite soit un effort intellectuel, soit une sorte d'emportement improvisateur dans une narration au sens forme du terme. D'autre part, Rimbaud pratique de plus en plus de rejets novateurs d'une ou deux, parfois trois syllabes, et c'est un peu comme si l'attention portée à des audaces plus marquées entraînait un refoulement de ce mode assez gracieux qui consiste à déposer un constituant détaché après la virgule ou en glissant au début du vers suivant. A cette aune, nous avons des indices pour penser que "Bal des pendus" et "Le Buffet" sont soit des compositions plus anciennes remises à Demeny en septembre-octobre 1870, soit des compositions qui se ressentent par leurs sujets et leur traitement des préoccupations que Rimbaud avait en composant "Les Etrennes des orphelins". Le rejet de "sculpté" au premier vers du "Buffet" a à voir avec la chute et le rejet "gravés en or" des "Etrennes des orphelins", poème où figure précisément le développement sur l'armoire à ouvrir qui est une préfiguration évidente du sonnet "Le Buffet". Et ce vers de "Bal des pendus" :
Les fait danser, danser au son d'un vieux Noël !

qui a un écho dans le quatrain d'octosyllabes qui ouvre et clôt la composition : "Dansent, dansent les paladins[,]" fait clairement écho par sa répétition au rêve d'un son de Nouvel an dans "Les Etrennes des orphelins" :
Tourbillonner, danser une danse sonore[.]
Tout ce raisonnement est parti d'un vers cité plus haut du poème "Annonciade" d'Antony Deschamps. Il est vrai que je médite depuis plusieurs jours le cas de ces vers rimbaldiens, qu'il y a évidemment d'autres sources romantiques plus évidentes à l'inspiration de Rimbaud à ce sujet (Hugo, Banville, etc.), et vous vous doutez que le poème "Annonciade" n'est pas du tout suffisant pour considérer qu'il y a eu une influence directe. Au contraire, le poème "Annonciade" est trop régulier par ailleurs, donc il n'est pas le modèle suivi par Rimbaud. Mais j'ai lu les premiers recueils publiés par Antony Deschamps hier soir et j'ai fait une moisson de tels vers. Puis, le vers que j'ai cité de "Annonciade" contient aussi le mot "donc" à la césure qui me renvoie à son emploi dans ce vers des "Etrennes des orphelins" :
Ils murmurent : "Quand donc reviendra notre mère ?"
Cet emploi de "donc" à la césure a quelque chose d'un registre familier et intime qui peut éventuellement se rencontrer dans les comédies classiques, je n'ai pas encore effectué de recherches en ce sens, mais qui correspond aussi à l'intimité ou à la tendance à une relative familiarité des poèmes en vers romantiques. J'ai relevé plusieurs mentions "donc" à la césure ou non, mais je me garde le sujet pour une autre occasion. En revanche, Antony Deschamps va être très intéressant à citer pour les "là" qu'il emploie à la césure. Dès son mince recueil de 1831 qui ne contient que quatre poèmes en vers : trois satires et un prologue, Deschamps a une tendance à revenir au mot "là" qui tombe très souvent à la césure, parfois employé seul, parfois attaqué à un nom ou un pronom comme dans "celui-là". Rimbaud a accumulé ce genre d'emplois dans le poème "Le Forgeron" dont la manière d'écrire est précisément hugolienne, cette espèce de dramatisation lyrique un peu enfantine. Antony Deschamps est de cette école-là et en témoigne dans ses Satires de 1831, puis encore dans son recueil plus lyrique de 1835 Dernières paroles, poésies. Je ne perds pas de vue que Molière a pratiqué cela dans ses comédies, mais l'important c'est de dégager des éléments convergents qui montrent que quand Rimbaud compose "Les Etrennes des orphelins" ou "Le Forgeron" il s'inspire de poèmes qui ont une forte marque romantique d'époque, de poèmes dramatiques dont Victor Hugo a mis au point le mode d'écriture, et ce mode d'écriture devient prégnant par le fait d'être employé par un certain nombre d'artistes : Antony Deschamps, Banville, etc., et cela dans des configurations thématiques ou dramatiques plus précises. Et on voit que la conception du vers va plus loin qu'une simple observation de ce qui se passe ou non à la césure, sinon à l'entrevers.
Dans "Annonciade", je rappelle le vers cité plus haut et je l'accompagne de ce vers voisin avec une apostrophe :

Et comment peux-tu donc, le matin, soutenir

Alors que tu les vois, vieillard, au point du jour

Trois vers seulement séparent les deux cités dans la pièce de "Annonciade" et remarquez l'écho "le matin" et "au point du jour". Les deux vers font partie d'un même discours rapporté, et j'ajoute une anaphore d'un hémistiche entier à mon relevé :
Alors que tu les vois les regarder en face,
Alors que tu les vois, vieillard, au point du jour,
parce que mon intuition me fait considérer que les anaphores ne s'étendent pas ainsi chez les poètes classiques qui ne s'autorisent guère la reconduction à l'identique d'un hémistiche d'un vers à l'autre. Je n'ai pas mené d'enquête, mais c'est la conviction qui ressort chez moi. Je pense que ces répétitions sont plus propres, au-delà d'un cas particulier avec "La Jeune Tarentine" de Chénier, à faire ressortir une référence à la chanson, à la romance, dans le cadre de la poésie du dix-neuvième siècle.
En revanche, le vers :

Ainsi l'Olympe : ainsi dans leur cour éternelle 
offre une répétition classique typique de la forme "ainsi" en tête de vers, puis à la césure. C'est une forme d'insistance bien connue dans les vers de Racine, Corneille, Molière et compagnie.
Le passage suivant du poème "Annonciade" offre un intérêt à nouveau évident de rapprochement avec "Credo in unam", non pas pour sa versification, mais pour ce qu'il dit, à quoi ajouter un écho au poème de Catulle Mendès "Les Fils des anges" :
Ainsi l'Olympe : ainsi dans leur cour éternelle
Les Dieux s'entretenaient de la chose mortelle,
Car ils se souvenaient, sous leurs sourcils divins,
D'avoir aimé jadis les filles des humains :
L'errante Io fuyant à travers les campagnes
Le céleste chasseur, aux cris de ses compagnes,
Europe s'attachant au col de son taureau
Quand elle ne vit plus que les astres & l'eau,
Et l'enfant Ganymède enlevé par la serre
Du formidable oiseau qui porte le tonnerre,
Et Danaé captive & succombant encor
Au Dieu qui l'inondait sous un déluge d'or.
Plus loin, Antony Deschamps nous surprend, puisque le fameux "là" qu'il aimait placer à la césure glisse en attaque de second hémistiche :
Il te laissait mourir là, sans avoir aimé !
Dans "Les Etrennes des orphelins", Rimbaud place ostensiblement un "Là" isolé à la rime, et il en place un autre à peine plus loin en attaque de vers :
- Les enfants tout joyeux, ont jeté deux cris... Là,
Près du lit maternel, sous un beau rayon rose,
Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose...
J'observe une préoccupation contemporaine de Rimbaud et d'Antony Deschamps pour le placement de l'adverbe "là" isolé tantôt à la césure (ou à la rime), tantôt juste après la césure ou au début d'un vers. Il s'agit de jeux sur le trouble de la perception des limites métriques que sont la césure et l'entrevers. Précisons que dans le cas de Rimbaud, le placement de "Là" en tête de vers n'est pas ce qui est intéressant, ce qui est intéressant c'est la succession des deux "Là" bien évidemment.
La suite du poème "Annonciade" confirme son statut de source pour "Credo in unam" avec une nouvelle répétition qui donne une sorte d'oralité familière au poème. Et le rapprochement va au-delà, puisque nous avons l'idée d'une femme souillée par l'hymen arrangé avec un vieillard et la découverte d'un Amour sensuel est considéré comme une guérison, une "rédemption" pour parler comme Rimbaud :
Enfant, réveille-toi, peut-être que demain
L'Amour purifiera ce qu'a souillé l'hymen.
C'est l'Amour, C'est l'Amour ! ouvre donc ta paupière
[...]

Rimbaud écrit :
 Verse l'amour brûlant à la terre ravie ;

Est d'amour comme Dieu, de chair comme la Femme,

Et tout vit ! et tout monte !.... [...]

Dieux qui mordaient d'amour [...]

Où tout naissait, vivait, sous les longs pieds de chèvre ;

Murmurait sous le ciel le grand hymne d'amour ;

C'est qu'il n'a plus l'Amour, s'il a perdu la Foi !

Le Rossignol aux bois et l'amour dans les cœurs !

Je crois en Toi ! Je crois en Toi ! Divine Mère !

Et monter lentement dans un immense amour

Oh ! les temps reviendront ! les temps sont bien venus !

Montera, montera, brûlera sous son front !

Tu viendras lui donner la Rédemption sainte !...

L'Amour infini dans un infini sourire !

- Le Monde a soif d'amour : tu viendras l'apaiser !....

Il y a encore plusieurs autres mentions du mot "amour" dans le poème, et le poème "Soleil et Chair" offre une variante avec une répétition verbale "aimaient, aimaient en Dieu." Les traitements sont différents, mais j'ose croire que je n'ai pas à justifier l'intérêt évident de ces rapprochements.
Je pourrais citer d'autres vers du poème "Annonciade", une césure sur la forme "là même" ou la chute : "& l'amour est la vie", avec le mot "vie" à la rime du dernier vers comme il est le premier mot à la rime du poème de Rimbaud. Je pourrais rapprocher aussi la mention "pauvre enfant" du poème "Ophélie".
Les trois poèmes d'Emile Deschamps qui suivent cette "Annonciade" dans l'économie du second Parnasse contemporain ont plus d'enjambements marqués, y compris les octosyllabes. Je vous laisse vous y reporter. Sans conviction, je relève la mention "Aladin" à la rime pour comparaison avec "saladin" dans "Bal des pendus".
Je passe aux contributions d'Antony Deschamps dans le premier Parnasse contemporain de 1866. Le sonnet "Après  la mort de Laure" a une organisation des rimes rigoureuse : mêmes rimes embrassées pour les quatrains abba abba et une construction sur le modèle le plus traditionnel : ccd ede. Notons tout de même l'assonance en "oi" des trois rimes des tercets, sachant qu'une des deux rimes des quatrains est en "a" et que la séquence "je vois" a deux occurrences d'un vers à l'autre lors de la bascule entre les deux tercets, deux occurrences qui ne sont pas à la rime, ce qui augmente la prégnance phonétique du digraphe "oi". On peut même aller plus loin avec un "â" à l'hémistiche suivi au vers suivant d'un "é" masculin à l'hémistiche quand l'autre rime des quatrains était sa correspondante féminine : "-ée" :
Cliquer ici pour lire "Après la mort de Laure" d'Antony Deschamps !
Les hémistiches sont bien réguliers, et timidement on soulignera un écho possible avec "Le Bateau ivre" dans le cliché suivant : "Je vois ma nef sans mâts".
Je tiens à passer rapidement sur les autres poèmes d'Antony Deschamps. Les titres font penser plus volontiers au recueil de son frère en 1828 : "Etudes grecques et latines", "Etudes italiennes", mais il faut tout de même savoir qu'Antony Deschamps est obsédé par l'Italie, et il le martèle non seulement dans son recueil de 1835 Dernières paroles, poésies, mais aussi dans son recueil de 1831qui contient pourtant des "Satires" en lien avec l'actualité politique française.
Le mot "études" vous invite à déprécier ces poèmes en exercices de style, et c'est malheureusement l'impression qu'il donne à la lecture. Pour un rimbaldien, et vu sa dimension politique, les poèmes des "études italiennes" peuvent présenter un tant soit peu d'intérêt. Le premier contient un vers à ne pas analyser en trimètre :
Les assassins cuvant du sang au lieu de vin,
puisque les deux hémistiches ont une construction classique autant l'un que l'autre : "Les assassins cuvant" et "du sang au lieu de vin[.]"
Notez un adjectif traité comme un constituant détaché, mais l'absence de virgule pourrait tromper le lecteur et le faire lire comme un rejet d'épithète :
Le cadavre noyé de l'illustre amiral
Livide se dressant sous le balcon royal,
[...]
Je relève pour sa collection de mots le vers suivant qui peut faire songer à Rimbaud :

Et le ciel étoilé, splendide et radieux,
et à des fins de digression, je ne citerai plus que celui-ci :
Silencieux et calme à l'horizon lointain,
puisqu'il me fait songer au "silencieusement" que partagent en hémistiche Banville dans "La Source" du recueil Les Exilés et Rimbaud dans "Les Etrennes des orphelins". Je rappelle que le premier enjambement de mot à la césure de Banville sera sur "pensivement" dans le recueil Les Exilés, et Rimbaud va précisément pratiquer un premier enjambement de mot, en tout cas c'est son premier connu, sur l'adjectif "silencieux" au dernier quintil initial du poème "L'Homme juste". J'ai relevé pas mal d'emplois d'adverbes en "-eusement" chez Banville et Rimbaud, ce qui contraste avec leur absence quasi totale sinon totale chez Hugo, et tout à l'heure j'ai encore repéré "Fort sérieusement" dans "A la Musique" de Rimbaud. Le couplage avec "calme" m'intéresse également, mais je n'ai pas le temps d'effectuer des recherches. Je relève le vers en passant, je verrai peut-être un jour ce que je peux en faire.
Je n'ai pas le temps de vérifier si "pâlissants" est une coquille pour "pâlissant", c'est un cas troublant sinon au plan métrique. Pour le reste, les vers sont très réguliers. Antony Deschamps adopte une manière de versifier très rétrograde et par rapport aux parnassiens qui l'avoisinent dans le recueil, et par rapport à bien des grands noms de la poésie romantique.
La dernière étude italienne s'inspire de "La Jeune Tarentine" avec une versification plus classique aussi qu'un Chénier.
Il me semble avoir oublié de relever une césure entre auxiliaire et participe passé, mais ça doit être la seule. Même sur ce plan-là, les poèmes "parnassiens" d'Antony Deschamps sont en-dessous des critères du vers romantique comme l'entend la théorie de Gouvard.
En réalité, nous allons voir qu'Antony Deschamps a esquissé un mouvement vers une versification plus souple dans la décennie 1830, et qu'à la fin de sa vie cette propension s'est éclipsée.
André Chénier est cité à la fin de la série des "Etudes grecques et latines", il est tout de même un repère admiré dans l'optique du poète Antony Deschamps. Dans les "études grecques et latines", je relève à peine le vers suivant comme intéressant, puisque thématiquement il est peut-être un peu romantique pour figurer dans une évocation antiquisante : "Le front pâle et pensif sous leur verte couronne[.]"



Revenons maintenant au passé littéraire romantique d'Antony Deschamps. Il a précédé Louis Ratisbonne dans l'édition d'une traduction en vers de La Divine Comédie de Dante en 1829. Cela lui a valu une certaine notoriété, mais elle n'est pas complète comme l'a persiflé Ratisbonne.
En 1831, Antony Deschamps a publié une plaquette Trois satires politiques, précédées d'un prologue. Je ne vous surprendrai pas si je vous dis qu'elles sont inscrites dans le cadre de la révolution des Trois glorieuses. Elles sont d'une médiocrité affligeante, puisque l'auteur ne semble pas assumer ses positions politiques, il se love dans un discours abstrait où on ne sait pas clairement ce qu'il attaque et ce qu'il défend. Il faut plus de fermeté et de précision de pensée quand on produit une satire.
Ce recueil peut être consulté sur Gallica, le site de la BNF. Les autres recueils de Deshcamps semblent aussi figurer sur le site Gallica, mais pas l'édition originale de 1835 du second ouvrage intitulé Dernières paroles, poésies et paru en 1835. J'ai pu le consulter en intégralité sur Google books. Le problème de Google books, c'est qu'il a tendance à restreindre l'accès à certains documents qu'il fournit. Pour l'instant, ce n'est pas le cas en ce qui concerne le recueil de 1835 d'Antony Deschamps.
Alors, j'ai lu et j'ai noté plein de vers.
Je vous offre le relevé brut au sujet du premier recueil :

Antony Deschamps

Trois satires politiques précédées d’un prologue

« Aux hommes du passé – Prologue »

Se disputant à qui prendra soin d’un berceau.

[la forme "à qui" une banalité à la césure et non une audace romantique]

« L’amour d’aujourd’hui – Satire I »

Or, aujourd’hui je veux élever sur l’autel

[Régulier en 1831, loin des effets à la Chénier, malgré ses hommages à Vigny, Chénier et Hugo, pourtant Antony pratique pas mal de césures au milieu de telles modalisations verbales, ce qui me fait dire que cela n'est pas perçu du tout comme audacieux, même si cette tendance serait une renaissance à l'ère du romantisme.]

Ces femmes qui, sans prendre un petit air malingre,

Battent naïvement des mains à l’Opéra ;

[Les deux vers s'enchaînent, je voulais attirer l'attention sur le double suspens à la césure et le lien avec le vers suivant, tout cela est régulier, classique, mais je prévois d'étudier aussi ces effets d'enchâssements sur plusieurs vers avec plusieurs éléments syntaxiques, que ce soit dans des vers classiques ou non !]

Pour elles ont réduit tout jusqu’aux sentimen[t]s !

[Pour un poète d'une grande régularité, on a ici un effet intéressant]

Et les montre à la fin sans masque et tels qu’ils sont ?...

[Attention, la coordination fait qu'il n'y a pas un rejet à la Chénier de "sans masque", l'effet d'enjambement est suggestif, mais sans aller jusqu'au rejet]

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Et ces yeux languissants et fermés à moitié

Vont s’ouvrir, et ces mains, froides à l’amitié,

S’allonger et montrer à qui voudra les peindre

[Ici, Deschamps esquisse un mouvement du côté de la versification à la Chénier, et il faut apprécier l'ensemble des trois vers pour le voir. Le premier vers est régulier "et fermés à moitié" est uni, donc aucun rejet. Ce qui m'intéresse, c'est la distribution des sujets et des vers : un sujet en tête de vers, un autre tassé à la césure, mais les infinitifs séparés par des éléments insérés sont tous deux en tête de vers. Sans être irrégulier vu sa juxtaposition, l'hémistiche "Vont s'ouvrir, et ces mains," fournit un début de relief à la Chénier pour l'attaque verbale : "Vont s'ouvrir". Deschamps reste toutefois dans les limites du classicisme, il arrive à cerner la formule où il ne passe pas dans le mode du rejet pur et simple.


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Demandent par vertu cris la tête des ministres !...

[Je n'ai pas compris, il faut que je confronte avec d'autres éditions du poème pour voir s'il n'y a pas une coquille. Quelque chose m'échappe !]

« Les Flatteurs de populace – Satire II »

Et, comme un homme ayant regardé le soleil,

[On le voit, ce n'est pas différent du vers des "Etrennes des orphelins" : "Un nid que doit avoir glacé la bise amère..." Reste à poursuivre l'enquête, puisque d'un côté ça peut indiquer que Rimbaud s'inspire d'une certaine habitude d'écriture en vers romantiques, et de l'autre vu que Deschamps est très modéré dans les effets métriques le fait qu'il se permette ce tour invite aussi à considérer que le tour n'était pas perçu comme nouveau, moderne, en 1831, et Corneille ou Molière sont certainement des étalons à prendre en considération sur le sujet.]

Et puis j’ai toujours là, présent devant mes yeux,

[Je vous préviens, je ne vais pas tous les relever !]

Accomplissant, muet, son divin ministère,

[Relevé pour le vocabulaire, l'emploi de "muet", rien de métrique ici]

Et je sens tous mes nerfs se tendre, et chaque jour,

[Ici, on tient notre effet à la Chénier, non ?]

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Laissez Napoléon dans son île lointaine

Dormir tranquille, au bruit de la vague africaine.

[Pas de rejet, mais un effet d'attente du verbe "Dormir" repoussé au vers suivant.]

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Depuis que nous avons conquis nos libertés,

[A nouveau une césure sur l'auxiliaire "avoir"]

Eh bien, silence donc ! faiseurs de vaudevilles,

Car à ce métier là on gagne aussi sa vie,

Certes, si vous avez à répandre du fiel,

[Je relève ce vers pour l'avoir sous le coude, le jour où j'étudierai un peu plus en avant les césures sur auxiliaire "avoir"!]

Et qu’avons-nous besoin, fat, de ton amitié ?

[Rejet à la Corneille (car il en a fait de tels avant Hugo, avec le mot "moi" notamment) d'un monosyllabe d'apostrophe]

Donc la religion, l’art, la philosophie,

[Ce vers vient peu de temps après le rejet "fat" et le mot "art" contient un "a", il ne m'en faut pas plus pour comparer les deux vers. Peut-être à tort ?]

Vu que ces choses-là ne se peuvent chiffrer.

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C’est à ceux qui s’en vont prodiguant de leurs mains

Une manne céleste aux profanes humains,

[Ces deux vers m'ont paru curieux au plan syntaxique. Rimbaud emploie lui aussi la tournure aller plus participe présent, mais ici cela chevauche la césure, ce qui est inattendu de la part d'un poète régulier. Le verbe principal n'est pas "vont", mais "prodiguant". Ou alors il faut lire "vont" comme le verbe principal suivi d'un gérondif "en prodiguant une manne..." Je n'ai pas le temps ni l'envie d'y réfléchir tout de suite. Je relève la configuration, j'y reviendrai plus tard. Ne croyez pas pour autant à une irrégularité métrique, sous prétexte que j'ai besoin de m'y arrêter pour l'analyser.

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Immobile et muet dévora son affront,

[Il est beau, le premier hémistiche, non ? Je l'ai déjà vu quelque part.]

« Les Hommes politiques – Satire III A M. Alfred de Vigny »

C’est que le peuple admire et craint les hommes forts,

[Aucune irrégularité, le second hémistiche est uni : "et craint les hommes forts", mais il y a tout de même une conception de balancement : "admire et craint", sachant que "les hommes forts" est complément des deux verbes.]

Et tenez-vous toujours fermes sur l’étrier ;

[Aucune irrégularité puisque "fermes sur l'étrier" est uni, mais on a quand même un attribut du sujet assez nettement détaché et mis en relief. Les classiques admettent de tels vers, en jouant sur l'allongement du complément prépositionnel.]

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Il faudra, cavaliers, le mater rudement,

Arrêter, et non pas régler son mouvement.

[régler est en italique dans l'édition, on appréciera la distribution ostentatoire en fonction des attaques des hémistiches. Aucune irrégularité pour un classique en tout cas !]


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La corde que le peuple, en sa brute colère,

Attacha hardiment à la croix séculaire.

[Je n'ai pas tant voulu avoir sous le coude le détachement tout à fait classique du sujet et du verbe de la subordonnée "corde" et "attacha" que relever la suite de quatre "a", avec un "h" pour les deux derniers qui, entre deux mots, forment dans l'absolu un hiatus : "Attacha hardiement".


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Ses enfants bien-aimés, en pleurs, et leurs cerveaux

Se creusant à chercher remède à tant de maux ;

[Je relève le constituant détaché après la césure "en pleurs", voir mes remarques plus haut à ce sujet, et je note la dislocation de l'unité verbale "chercher remède". Pour l'instant, je dis rien sur ce sujet que j'ai repéré depuis longtemps, je dois en parler dans mon article de 2006 "Ecarts métriques d'un Bateau ivre".]

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Contempler, à travers leurs rosaces gothiques,

[Hugo, sors de ce corps. Césure sur la séquence préposition "à travers" en 1831, combien d'exemples hugoliens antérieurs ?]

Puis, traînant l’aile, vieux, dans une solitude,

[Verluyten et Dominicy vous diront que ce vers est peu classique, puisque nous avons un monosyllabe à la césure après une virgule et un "e" de fin de mot juste avant. Je ne crois pas à ce principe en tant que tel, il souffre des contre-exemples jusque dans les tragédies de Racine, voir mon article "Ecarts métriques d'un Bateau ivre", mais bon il faut relever tout ça, rester vigilants, et voir à la longue le parti qu'on pourra en tirer.]

Non, non, ce n’est pas là le poste du poète :

J'ai fini mon relevé pour ce recueil, il y avait d'autres "là" à la césure.
Prochaine étape, le recueil de 1835.
Pour vous tenir en haleine, vous aurez des sonnets sans aucune séparation par un blanc entre les quatrains, entre les tercets, entre les quatrains et les tercets, et vous aurez des rimes plates inattendues dans ces sonnets (il n'y en a pas qu'un). Vous aurez la mention "Ophélie" dans un poème qui a inspiré directement "La Voie lactée" de Banville. Vous aurez un poème conséquent qui imposera un rapprochement plus qu'évident avec le poème de Victor Hugo "Rêverie d'un passant à propos d'un roi". Vous constaterez aussi une versification plus audacieuse de la part d'Antony Deschamps, ce qui est en phase avec mon discours selon lequel les césures acrobatiques de Victor Hugo ont eu un temps de succès et d'imitation de 1828 à 1835 avant une certaine retombée d'intérêt, lequel ne reprendra qu'à partir de 1855 avec Baudelaire, thèse étonnamment non envisagée par Gouvard et Cornulier malgré des éléments de leurs relevés qui auraient dû les y inviter.
Je précise que le recueil Les Destinées de Vigny contraste avec les audaces de ses poèmes des décennies 1820 et 1830. Je rappelle que Sainte-Beuve a très tôt freiné les ardeurs de Victor Hugo en fait d'enjambements provocateurs. Mais, il y a aussi un sujet de l'évolution poète par poète. Rimbaud évolue en audaces, Deschamps évolue ici d'un recueil à l'autre, Leconte de Lisle a évolué de même. Deschamps et leconte de Lisle ont des débuts classiques par rapport à leur époque, tandis que Rimbaud jusqu'en mai 1870 n'est pas complètement à l'unisson de son époque, en dépit des apparences. Chacun de ces poètes témoigne d'un besoin initial d'acclimatation aux procédés.
Je précise qu'il n'y aura pas que la rime "Ophélie" à rapprocher du poème de ce nom de Rimbaud. J'ai une autre idée que je vais développer la prochaine fois. Préparez-vous à la suite, ça ne manquera sans doute pas d'intérêt !

1 commentaire:

  1. Vous avez déjà une idée de la suite sur Antony Deschamps, mais j'ai relevé aussi un hémistiche adverbe en "-ment" de 1832 chez le frère Emile Deschamps "impitoyablement". Ce repère m'invite à chercher les adverbes hémistiches antérieurs... J'ai une date limite qui resserre idéalement le terrain d'enquête.
    J'ajoute que sur Wikisource j'ai des infos de premier plan. Prenons la page Emile Deschamps de Wikisource. J'ai des renvois aux deux premiers numéros du Parnasse contemporain, mais aussi à une anthologie de van Bever des Poètes du terroir, à l'anthologie des Poètes français de Crépet, à celle de Lemerre de 1887, à celle de Fournier : Souvenirs poétiques de l'école romantique (1880). Toutes ces anthologies ne sont pas systématiquement en ligne sur Wikisource, mais on a une base de noms de poètes à rechercher sur Gallica, des poèmes considérés comme importants, une base statistique intéressante en soi pour ceux qui ne veulent pas tout lire... Je vais faire encore un travail d'abattage considérable dans les deux à trois mois à venir. Et j'ai déjà opéré des sondages, bien évidemment. Je sais où je vais. Je vois le profil de ce que je vais donner en conclusion après tout ça.

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