- David, c'est bien d'être productif, mais tu devrais ralentir : les gens n'ont pas le temps de tout lire. Regarde l'article "Le lien Silvestre entre 'Voyelles', 'Vu à Rome', etc." il est moins lu que les autres.
- Hein ? quoi ? Boah ! les gens, ils n'ont qu'à faire deux passages par mois et lire tout d'une traite les nouveaux articles, non ? De toute façon, je n'ai pas le temps, si je n'écris pas, j'oublie et je remets à bien plus tard. Là, j'ai envie de pondre vite fait un petit article avant de me boire un café.
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Dans les rapprochements entre "Voyelles" et "Les Premières communions", sujet que j'ai déjà envisagé par le passé, il y a la couleur bleue, les césures sur l'article défini, l'emploi du pluriel "mondes" à la rime, et un lien sur l'idée de communion entre "Les Premières communions" et "Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs" conforte l'importance du propos.
C'est parti !
Ah oui, je rappelle que le premier vers avec césure sur le déterminant démonstratif "ces"^et emploi de l'expression "trivial" a été réécrit par Verlaine par la suite, je l'ai déjà dit, mais c'est passé inaperçu : "Vraiment, c'est bête, ces églises des villages", je pense à "Chevaux de bois" des Romances sans paroles et à un autre poème.
Un autre truc important que j'écris ici pour le fixer quelque part avant que ça ne dure encore dix ans. Je rappelle que dans sa lettre à Demeny du 10 juin 1871 Rimbaud a envoyé le poème "Les Pauvres à l'Eglise", qui est daté évasivement de 1871, sauf qu'il entre dans une série au premier chef avec "Les Premières communions" et au deuxième chef avec "Accroupissements" qui parle d'un frère au ventre de curé. En tirant la corde, le poème "L'Homme juste" peut partiellement dans cette idée de série. Or, l'idée de série a son importance, puisque "Les Premières communions" est un poème long et vous avez un rappel de ce poème dans "Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs" avec la mention des "sujets saints / Pour de jeunes communiantes", puis le syntagme "premières communions" figure dans "Après le Déluge".
Le lien avec "Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs" a une importance réelle, puisque l'importance de la couleur bleue est précisément commune à ce poème, aux "Premières communions" et à "Voyelles". Et là, on ne fait pas dans ce qu'a déjà dit Gengoux, je ne crois pas, on se situe de toute façon à un autre niveau de réflexion.
Et ce que je ne veux pas oublier non plus, c'est que comme il y a vitraux et couleur jaune, je dirais que le poème "Les Pauvres à l'église" fait une allusion au poème "Le Vitrail" de Coppée qui est précisément dédicacé à Paul Verlaine.
Donc, ce qui m'intéresse au plan formel (comme ça plein de lecteurs renoncent à me lire sans attendre la partie sur les mots clefs plus bas), c'est le relevé des césures acrobatiques dans "Les Premières communions" (je mets un + pour identifier la césure) :
Vraiment, c'est bêtes, ces + églises des villages
Un noir grotesque dont + fermentent les souliers :
Les vieilles couleurs des + vitraux irréguliers.
Par un badigeon d'eau + bleue et de lait caillé :
Se gorgent de cire au + plancher ensoleillé.
Quelque enluminure où + les Josephs et les Marthes
Qui font du genre après + messe ou vêpres chantantes?
Mieux qu'à l'Eglise haute + aux funèbres rumeurs,
Adonaï !... - Dans les + terminaisons latines,
Qui s'est surpris autour + des célestes tuniques, (je relève cette césure non comme acrobatique, mais pour relever l'écho avec le vers 4 de "Voyelles")
[...] et s'abaisse
Le coeur, sous l'oeil des cieux + doux, en les devinant ;
Elle eut soif de la nuit + forte où le coeur qui saigne
Elle passa sa nuit + sainte dans des latrines.
Elle verra, sous les + tristesses du bonheur,
L'amant rêver au blanc + millions des Maries,
Parmi les Morts des eaux + nocturnes abreuvés ! (pas une césure si acrobatique, mais je voulais relever ce que j'appelle un pont "des eaux nocturnes").
Il me bonda jusqu'à + la gorge de dégoûts ! (Césure de "Force des choses" des Châtiments, reprise par Mendès dans Philoméla et Verlaine va précisément la décaler "jusqu+au coeur de son ourlet" dans le Sonnet du Trou du Cul").
- Ils auront couché sur + ta Haine inviolée,
Il y a plusieurs césures acrobatiques. Vous voyez que je pense aussi au "Sonnet du Trou du Cul". Quand Verlaine et Rimbaud l'ont-ils composés à deux ? Peut-être que c'était en juillet même. Je note que le poème "Les Premières communions" est en plus d'un passage d'une obscénité digne des tercets du "Sonnet du Trou du Cul".
Ce qui me frappe, c'est que Rimbaud va revenir aussi souvent aux césures après l'articles défini : "les + terminaisons latines", "Les vieilles couleurs des + vitraux irréguliers" (contraction de + les), "sous les + tristesses du bonheur". Cette configuration nous vaut la seule césure acrobatique dans "Voyelles" : "Dans la colère ou les + ivresses pénitentes", et on peut citer des vers similaires dans "Le Bateau ivre" ou "Les Remembrances du vieillard idiot", je pense que cet air de famille est à creuser au plan d'intentions éventuellement communes à tous ces poèmes.
J'ai relevé aussi plusieurs rejets d'une syllabe, et je rappelle le cas du poème "Réponse à un acte d'accusation" avec le numéral "un" à propos de Corneille : "Si Corneille en trouvait + un blotti dans son vers"...
Passons à un relevé plus rapide.
Dans la section numéroté VII, l'unique quatrain offre une rime "immondes"/"mondes". Le pluriel "mondes" figure dans "Voyelles" tandis que "immondes" est le titre retenu par Verlaine pour trois sonnets obscènes de Rimbaud dont un écrit avec Verlaine qui est le "Sonnet du Trou du Cul" :
Qui dira ces langueurs et ces pitiés immondes,
Et ce qu'il lui viendra de haine, ô sales fous,
Dont le travail divin déforme encor les mondes,
Quand la lèpre à la fin mangera ce corps doux ?
L'adjectif "doux" mériterait aussi un relevé étendu à des pans des recueils hugoliens, sachant que dans "Voyelles" la leçon initiale était "doux" et non "grands fronts studieux".
L'expression "ô sales fous" fait penser à "Paris se repeuple", poème proche en idée de "Voyelles", et le "Qui dira" avec son verbe et son futur de l'indicatif est aussi à rapprocher de "Voyelles", ce qui étoffe considérablement la pertinence sensible d'un rapprochement dans le cas de "mondes" déformés par un "travail divin".
J'en profite au passage pour indiquer que dans le passage de la partie campagnarde à la partie citadine du poème "Les Premières communions", il y a un élément capital, le singulier "l'enfant" qui apparaît tant dans la partie campagnarde que dans la partie citadine, sauf que dans la partie campagnarde cela semble une généralité pour les enfants opposables aux garçons et garces plus âgés, sinon l'unique enfant du village faisant sa première communion, tandis que dans la partie citadine la même expression l'enfant reprend la jeune fille dont les parents sont des portiers. Ou bien alors "l'enfant se doit" est un commentaire en mention qui vaut finalement pour garçons et garces.
Et il y a ce traitement verbal : "l'enfant se sent", "l'enfant se doit" qu'il faut comparer aux "Chercheuses de poux".
Jamais les rimbaldiens ne semblent s'être attaqué à ces comparaisons transversales.
Je passe à la dernière série sur la couleur bleue :
Ces arbrisseaux brûlés où bleuit la prunelle,
Par un badigeon d'eau + bleue et de lait caillé :
[Notez à proximité la reprise de "grotesque" "Un noir grotesque dont + ..." et "Si des mysticités + grotesques..."
La mention du "bleu" est remarquablement ramassée dans les vers suivants avec une reprise décalée du nom "rideaux" :
[...] cambre
Les reins et d'une main ouvre le rideau bleu
[...]
Devant le sommeil bleu des rideaux illunés,
[...]
J'aurais d'autres éléments à citer, mais, en tout cas, la réflexion des rimbaldiens est inexistante sur tous ces points, sauf à citer les élucubrations de Gengoux quand il prend toutes les mentions de couleurs afin de leur supposer une signification alchimique stable fondée sur ses choix arbitraires.
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