Désolé pour vous si vous trouvez mes derniers titres farfelus. Moi, j'adore dire : "et si on Cantel". Je partage avec Rimbaud le don du titre étonnant, accrocheur et poétique, je vois aucun rimbaldien qui sait faire des trucs pareils.
Je suis toujours dans des conditions difficiles qui m'empêchent de bien m'organiser pour écrire le truc définitif, mais vous le voyez je suis hyper productif.
Alors, je vous ferai un article sur Silvestre où je rassemblerai la matière, mais je suis tellement impatient, et j'ai tellement d'angles d'attaque que me voilà à disséminer mes biens tel le Petit-Poucet.
J'ai relu en intégralité le poème "La Gloire du souvenir" de 1872, j'ai deux ou trois trucs à dire, que j'ai déjà oubliés, mais ce n'est pas un point important pour débattre sur le cas "Voyelles". Je n'ai pas à poser des billes pour dire que Rimbaud connaissait ou non le projet déjà échafaudé bien avant que Silvestre y mette le point final en août 1872.
Notez tout de même que Silvestre est très présent dans les premiers numéros de La Renaissance littéraire et artistique, ce qui suppose qu'il se faisait bien connaître des rédacteurs et dirigeants de la revue et donc de toute le groupe avec lequel Rimbaud et Verlaine ont posé sur le tableau du Coin de table de Fantin-Latour.
J'ai une édition Lemerre des premiers recueils de Silvestre, mais les feuilles se détachent. Je dois le lire à partir des fichiers PDF du site Gallica de la BNF ou à partir de ce qui est partiellement mis en ligne sur Wikisource.
Alors, je suis maximaliste, vous n'y couperez pas, je vous citerai une césure sur "autour" dans le premier recueil de Silvestre à comparer avec le vers 4 de "Voyelles".
Mais, surtout, je voulais déjà l'écrire la dernière fois et j'ai oublié, c'est un écho entre le "Sonnet du Trou du Cul" et un poème des Rimes neuves et vieilles, et pas n'importe lequel.
Je rappelle que le sonnet où figure le mot "latents" à la rime n'est pas dans la section des "Sonnets payens" du premier recueil de Silvestre, mais dans la troisième "Les Primesaults", section fourre-tout avec des sonnets d'alexandrins, des chansons aux vers courts, des rondeaux, etc. Silvestre s'est adonné aux triolets enchaînés, à la forme du poème "Harmonie du soir" de Baudelaire également et aux quintils baudelairiens où le cinquième vers reprend le premier. Et donc après le sonnet "Eloge de la Mort" où figure le mot "latents" à la rime, nous avons successivement le pas trop mal "Premier rondeau de la Gaîté", le "Sonnet d'Isabelle" sur lequel je vais m'arrêter et puis une chanson dédicacée "A Henri Cantel". Je vais donc citer le "Sonnet d'Isabelle" qui est coincé entre "Eloge de la Mort" et la chanson adressée à l'auteur du recueil Amours et priapées étroitement lié à L'Idole d'Albert Mérat dans la parodie de Rimbaud et Verlaine.
La plupart du temps, si je ne m'abuse, les rimes des tercets de sonnets dans les poèmes de Silvestre ont l'une des deux organisations classiques, plutôt l'organisation dominante même aab cbc. Or, le "Sonnet d'Isabelle" a des tercets rimés ABA BCC, sachant que A est la cadence masculine qui correspond à la cadence féminine B : "clartés", "année", "voluptés", "née". Je passe sur la consonne d'appui ou l'opposition rime au singulier ou au pluriel. Et je précise au passage que Silvestre a produit aussi un poème en quintils où certains ont le même principe de correspondance : "ois"/"oie", et cela fait songer au dernier quatrain de "Tête de faune" : "écureuil" et "bouvreuil" croisés avec "feuille" et "recueille".
Et la rime C réunit les deux mots : "sanglots", "clos", ce qui coïncide avec la rime conclusive des tercets du "Sonnet du Trou du Cul". La différence, c'est que "sanglots" et "enclos" sont aux vers 11 et 14, les fins de tercets, quand "sanglots" et "clos" sont à la rime des vers 13 et 14, les deux derniers. Ce fait m'a spontanément frappé. Je rappelle qu'ultérieurement nous avons eu un ensemble de trois sonnets intitulé "Les Immondes" par Verlaine, Les Stupra par les surréalistes qui sont un peu plus précieux et pédants. Le premier sonnet est la parodie de L'Idole par Verlaine et Rimbaud, et les deux autres sonnets sont admis du seul Rimbaud. Les deux autres sonnets n'ont pas de cible connue parmi les poètes, à ceci près qu'ils imitent dans les tercets l'organisation à la Pétrarque ABA BAB affectionnée par Mendès dans Philoméla. Or, le premier de ces deux sonnets se termine par la rime des vers 12 et 14 : "repos" et "sanglots".
Evidemment, il faut d'abord se reporter aux rimes de Mérat et Cantel, mais j'estime que la réflexion a engagé la lecture des recueils de Silvestre, d'autant que son premier recueil s'intitule non pas "Vers", ou "poésies," mais Rimes neuves et vieilles. Silvestre est du coup très proche du discours de Banville si on peut dire.
En ce qui concerne "Lys", Rimbaud a emprunté au troisième des "Sonnets payens". Et ce qui est frappant, c'est que les deux poèmes suivants parlent de lèvres closes, et même le cinquième sonnet met en vedette dans son dernier vers cette mention précise "lèvres closes", avec une petite variation, et comme Léon Dierx n'a publié son recueil qu'en 1867, Silvestre lui fait un écho par anticipation finalement.
Je suis en train de travailler à bien parler des poèmes de Silvestre et de leur métaphysique, je prends mon temps. Je vais produire un travail poussé, bien réfléchi et surtout bien communiqué aux lecteurs.
Je citerai aussi plus longuement la préface de George Sand, parce qu'il y a des choses à dire, et justement dans le rapprochement avec Les Contemplations de Victor Hugo, je rappelle que le "Je est un autre" de Rimbaud fait inévitablement écho avec le discours de la préface des Contemplations où le je du poète revendique l'individualité de tout homme, tandis que la préface de George Sand dénonce l'illusion d'attribuer une personnalité aux vers particuliers de Silvestre.
Il y a tant de choses qui se jouent souterrainement, et dont les rimbaldiens se contre-fichent éperdument, puisque de toute façon ils ne lisent pas tous ces divers recueils du XIXe, et surtout ils ne les relisent jamais, ils ne les méditent jamais.
Parce que sur "Voyelles", je trouve ça ahurissant leur incapacité à comprendre les enjeux du poème, d'autant que Barrère et d'autres ont parfois tapé juste, ils ont bien entrevu où ça allait. C'est quand même visible qu'il y a un plan terrestre dans le premier tercet et un plan céleste dans le second. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi les rimbaldiens n'y trouvent pas une raison suffisante pour considérer qu'il y a une logique rigoureuse dans la distribution de ce sonnet, et pourquoi ils hésitent autant à la nommer quand elle est à moitié dégagée par quelques remarques évidentes.
Et donc comme entre le Sonnet du Trou du Cul, Lys et Vu à Rome, on se prend des rimes en "-ine" plein la narine, je remarque c'est aussi le cas dans la zone de sonnets païens que je viens de délimiter, et Silvestre emploie lui aussi le mot "narine" à la rime.
Que de "senteurs énergiques" dirait George Sand.
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