Au programme du baccalauréat de français en 2024 et légèrement au-delà figure un recueil de Rimbaud Les Cahiers de Douai.
Ce recueil n'existe pas, ni même les prétendus cahiers. En septembre-octobre 1870, Rimbaud a remis au fur et à mesure à Paul l'élite de ses compositions personnelles. Il s'agit d'une anthologie de ses compositions connues pour l'année 1870, on peut parler de recueil au sens neutre du terme, mais certainement pas d'un recueil au sens d'un livre organisé en vue d'une lecture par un public.
Ce programme du baccalauréat est l'occasion d'une réédition d'un ouvrage ancien de Pierre Brunel : Arthur Rimbaud, Projets et réalisations, qui date de 1983. On peut penser que le choix de cette partie de l'œuvre au programme est un moyen de saluer les quarante ans de l'ouvrage jadis publié par Pierre Brunel.
Avant toute chose, je précise que j'ai publié sur le blog Rimbaud ivre de Jacques Bienvenu le 19 juillet 2010 un long article intitulé "La Légende du Recueil Demeny" qui dément avec des arguments nombreux l'idée que Rimbaud ait composé un quelconque recueil. Je ne fais pas que le démentir, je cite avec leurs références de nombreux documents de l'histoire de la critique littéraire. Je précise que le premier a avoir parlé de recueil n'est pas Brunel en 1983, mais Bouillane de Lacoste en 1939 qui opte alors pour le titre recueil Demeny. J'explique que l'idée d'un recueil vient de la croyance selon laquelle les poèmes étaient recopiés dans deux cahiers à partir d'une impression trompeuse du fac-similé du dossier publié par Messein en 1919. Il a fallu attendre une étude de Steve Murphy en 1991, lequel avait étudié les manuscrits conservés à la British Library à Londres pour qu'on apprenne enfin que les poèmes étaient recopiés sur des feuillets volants non paginés par Rimbaud.
Brunel parlait d'un "Cahier de Douai" en 1983, mais il ne s'agit ni d'un cahier ni de deux, il s'agit de feuillets manuscrits. Steve Murphy et Claude Jeancolas ont étudié ces manuscrits en rapportant la présence de pliures, en portant témoignage des différences d'encre, voire de crayon, et il n'y a pas une différence de deux types de papier utilisés, il y en a au moins trois.
Malgré sa moisson, Steve Murphy restait enfermé dans l'idée qu'il s'agissait d'un recueil.
J'ai passé en revue tous les indices et j'ai publié un article de bon sens pour mettre fin à cette légende. J'ai cité bien évidemment les témoignages d'Izambard, de Rimbaud et de Demeny eux-mêmes.
Je viens de relire cet article à haute voix, cela m'a pris une heure et douze minutes. Il s'agit d'une vraie expertise particulièrement dense, et il est sans aucun doute souhaitable de lire cette étude de longue haleine en se reportant à un fac-similé disposé à côté de l'écran de l'ordinateur.
Il n'existe aucune étude plus savante que celle que j'ai fournie sur cet ensemble de feuillets manuscrits, ce qui est aisément vérifiable puisque je cite les études antérieures et épluche le sujet sous un nombre d'angles assez considérable, avec des énigmes locales que je m'efforce de résoudre.
Voici le lien pour consulter cet article, je vais ensuite revenir sur quelques points qui ne me satisfont pas pleinement quant à mon article, et enfin j'assénerai quelques nouveaux arguments en me reportant à une publication en ligne de quelques pages du livre de 1983 de Pierre Brunel.
Mon article a été parmi les premiers publiés sur le blog Rimbaud ivre de Jacques Bienvenu et il était à l'époque signalé à l'attention par Alain Bardezl dans sa recension des sites consacrés à Arthur Rimbaud sur la toile. Notez que si vous consultez mon article en ce mois de novembre 2023 vous avez sur le côté droit du blog une liste de liens renvoyant à des entretiens avec quelques rimbaldiens connus, et vous pourrez donc lire mon article avec les mentions d'André Guyaux, de Jean-Luc Steinmetz, de Yoshikazu Nakaji, de Jean-Baptiste Baronian, d'Oliver Bivort et enfin de Pierre Brunel. Ils connaissent donc tous l'existence de ce blog et ont pu le parcourir et avoir connaissance de mes contributions. Steve Murphy est remercié pour avoir répondu à certaines de mes questions à la fin de mon article, ce qui veut dire qu'il connaît lui aussi à tout le moins les grandes lignes de l'étude en question. Jacques Bienvenu lui-même invite le public à la considérer avec attention dans les commentaires et c'est lui-même qui a choisi de la publier, malgré sa longueur conséquente.
Je précise aussi que dans cette étude je rapporte des arguments pour contester l'idée que ce soit un recueil qui n'étaient pas de moi, mais de gens qui acceptant l'hypothèse consensuelle du recueil ne s'empêchait pourtant pas d'émettre une réserve. Par exemple, je citais une remarque de Jean-Jacques Lefrère qui, dans sa biographie parue chez Fayard, trouvait incompatible avec l'idée d'un recueil que Rimbaud ait signé systématiquement chaque composition.
La réunion des arguments en un tout permet et l'historique qui souligne les erreurs initiales ayant permis l'émergence d'une telle hypothèse font de mon article un ensemble difficilement réfutable.
Je rappelle tout de même la force des témoignages des trois intéressés eux-mêmes que furent Izambard, Rimbaud et Demeny. Demeny ne parle pas à Darzens d'un recueil de Rimbaud, Izambard ne parle pas d'un recueil que préparait Rimbaud, il recopiait des poèmes. Il existe parfois des éditions allégées du livre Rimbaud tel que je l'ai connu d'Izambard. Vous remarquerez que j'ai pris la peine de me référer aux articles initialement publiés dans la presse par Izambard et que j'ai cité un ouvrage où ne manquaient surtout pas les notes de bas de pages et bien sûr les dates de cachets de la poste faisant foi. Ces précisions sont indispensables pour bien prendre la mesure du témoignage d'Izambard quarante ans après les faits dont il cherche à se souvenir.
Il est quelques points sur lesquels j'aimerais revenir quant à mon article.
Sur l'emplacement du "Dormeur du Val" son emplacement initiale dans l'agencement des manuscrits est définitivement inconnu.
Ensuite, pour une partie de mon raisonnement, j'ai argumenté à partir d'un paradoxe. Les rimbaldiens comme Murphy et Brunel qui prétendent que Rimbaud a composé un recueil parlent d'une transmission en fonction de deux séjours douaisiens, tandis qu'André Guyaux qui ne croit pas qu'il y ait composition concertée d'un recueil parle d'une seule transmission en octobre. Mon article s'appuie sur le fait, admis par Murphy et Jeancolas à partir des pliures des manuscrits, que Rimbaud a remis ses poèmes en plusieurs fois, et plus de deux. Et, en tout cas, vu les pliures, les différences d'encre et les papiers utilisés, il y a eu plus de huit séances de recopiages. Peu importe alors les transmissions, les pliures ne sont pas compatibles avec l'idée d'un recueil, puisque les feuillets n'étaient pas paginés et les ensembles pouvaient être mélangés, et l'enquête montre qu'ils l'ont été, et qu'ils l'ont été au-delà de la remise des manuscrits par Demeny à Darzens.
Toutefois, mon remords vient de ce qu'il est possible que toutes les copies aient été faites en octobre seulement. L'étude pourrait être à éprouver à cette aune. Un sonnet en particulier "Rages de Césars" peut inviter à penser que tous les poèmes ont été remis à Demeny en octobre seulement, puisqu'il semble contenir une allusion à l'incendie du château de Saint-Cloud le 14 octobre par les prussiens comme l'a fait remarquer Marc Ascione dans une notice au poème dans l'édition du centenaire dirigée par Alain Borer et publiée sous le titre l'Oeuvre-vie en 1991. Rimbaud parle de vers remis à Demeny en citant "mon séjour à Douai". Cet emploi du singulier invite à considérer que Guyaux et Ascione ont plutôt raison. Le premier passage à Douai fait suite à une libération de prison, le terme "séjour" convient mieux à la seule seconde fugue d'octobre. Toutefois, Rimbaud peut éviter avec le singulier "mon séjour" de s'appesantir sur les rebondissements des deux fugues.
En tout cas, même dans l'optique d'un recopiage lors du seul second séjour, les différences de papier utilisé, les encres, le recours au crayon, la mention "Soleil et Chair (suite)", le mot d'adieu à Demeny et bien sûr les pliures permettent d'affirmer avec certitude que Rimbaud remettait ses poèmes au fur et à mesure qu'il les recopiait à Demeny sans se soucier de la composition d'un recueil. Notons aussi que dans le cadre d'un recopiage par étapes lors du seul mois d'octobre, une étude graphologique s'imposerait pour déterminer si les sept sonnets du prétendu deuxième ensemble ne furent pas au contraire les premiers recopiés, puisque le recopiage au crayon d'une partie de "Soleil et Chair" et des mentions en tête du "Forgeron" inviteraient alors à penser que "Soleil et Chair" et "Le Forgeron" furent les deux derniers poèmes copiés pour Demeny et non "Le Dormeur du Val", "Ma Bohême", etc. Et surtout, ce recopiage au crayon signifie que les dons manuscrits cessent parce que Rimbaud doit partir et non parce qu'il a terminé un recueil.
J'ai pu faire d'autres découvertes. Demeny aura un enfant neuf mois après la composition de "Roman" et le mot d'adieu "Bonne espérance" laissé sur le manuscrit de "Soleil et Chair", ce qui veut dire que "Roman" persifle sous les traits d'un jeune de dix-sept ans, Paul Demeny, lequel courtise une femme qui a en effet dix-sept ans, et le mot "bonne espérance" est probablement lié à ce mariage prévu par Demeny, sachant que le 17 avril 1871 Rimbaud fait mine de le féliciter d'avoir trouvé sa "sœur de charité".
Je vais revenir aussi sur la lecture du "Dormeur du Val" d'ici quelques jours, pas pour modifier ma lecture du sonnet, mais pour mieux préciser ma pensée sur ce poème face à un consensus.
Maintenant, je vais vous offrir le lien d'une page internet qui cite, en remerciant l'éditeur de l'autorisation, quelques pages du livre de 1983 de Pierre Brunel, et précisément les pages qui affirment que Rimbaud avait achevé un recueil. Je citerai ensuite quelques extraits et commenterai le caractère péremptoire problématique de l'argumentation.
Brunel parle d'un manuscrit et non de feuillets manuscrits, et il fait précisément état d'un "recueil poétique complet", avant même de procéder à l'analyse !
Il admet qu'il manque un titre et une table de matières, mais c'est pour se proposer d'y suppléer.
L'analyse est divisé en sous-parties aux titres éloquents : "Un recueil achevé", "Un recueil cohérent". En fait de recueil cohérent, l'ensemble nous fait passer sans arrêt à des thèmes variés, parfois bien distincts, sans s'interdire des retours, et les formes sont variées. Qu'on m'explique la méthode pour définir la cohérence de l'ensemble, cohérence au sens de matière organisée !
Brunel affirme sans raison et en passant que Rimbaud a supprimé "Les Etrennes des orphelins" considéré comme périmé. Oui, le Rimbaud qui se promène dans la tête de Pierre Brunel a très bien pu penser ainsi et procéder de la sorte. Pourquoi pas ? Et pourquoi pas autre chose ?
Brunel parle de "variantes mineures", comme s'il s'agissait d'un argument pour définir un établissement définitif du texte. Mais Rimbaud a toujours effectué de menues variantes quand il a recopié ses poèmes à plusieurs reprises. Les variantes sont mineures donc Rimbaud admettait l'état de quasi perfection du poème "Trois baisers" publié dans La Charge, et si un poème a de nombreuses variantes, on soutiendra tout aussi aisément que c'est la preuve qu'il compose un recueil, il prend le temps de refondre "Credo in unam" en "Soleil et Chair". Le présupposé d'une préparation de recueil biaise clairement l'analyse. Les variantes mineures ou nombreuses ne prouvent rien ni en faveur du recueil, ni en défaveur du recueil. C'est des variantes. Point.
Brunel parle d'un véritable "scrupule d'écrivain" à "corriger" tous ses poèmes et il salue le fait que toutes les versions remises à Demeny sont systématiquement meilleures que les versions remises auparavant à Banville, Izambard et la revue La Charge. En-dehors du poème "Les Effarés", les versions remises en 1870 à Demeny sont systématiquement les plus récentes de l'artiste, les plus fraîchement remaniées, et Rimbaud est pour l'histoire de la littérature véritablement entré en poésie en 1870 : en partant de là, le discours sur l'amélioration des versions va de soi et ne prouve bien évidemment pas l'élaboration d'un recueil. Rimbaud a composé ses poèmes avec le plus grand investissement dès leurs compositions initiales. Il les améliore parce qu'il mûrit, et Brunel prend un très mauvais exemple en comparant les versions du poème "Le Forgeron", puisque la version remise à Izambard était inachevée. La version manuscrite du "Forgeron" remise à Izambard est incomplète, ce qui indique que la composition était encore en cours à ce moment-là. Brunel tire argument de la comparaison pour soutenir que la première transcription est pleine de faiblesses désinvoltes et les améliorations de la version remise à Demeny viendraient du soin plus grand à apporter en vue d'une publication. Est-ce que Pierre Brunel sait ce que c'est que de composer des poèmes, et surtout ce que c'est que la première année de labeur d'un poète précoce ?
Brunel prétend que la preuve de l'achèvement du recueil vient de ce que Rimbaud n'a plus jamais retouché ses poèmes, sauf "Les Effarés". Les poètes, Baudelaire et Banville compris, ont publié des recueils à plusieurs reprises, en remaniant leurs poèmes dans le temps. Si l'argument de Brunel est à prendre en considération, il faut revoir les dates de maints recueils de l'histoire de la poésie française. Et c'est pareil pour les romans, il existe deux versions du roman de Stendhal Le Rouge et le Noir. Rimbaud n'a pas lu le recueil Les Cariatides de 1842, mais celui de 1862 postérieur aux Odes funambulesques de 1857, à moins qu'il n'ait jamais lu les Odes funambulesques avant la version remaniée de 1873 flanquée d'un commentaire. En réalité, Rimbaud a renié ses poèmes en demandant à Demeny de les brûler. L'argument de Brunel n'aurait d'intérêt que si plusieurs jeux manuscrits postérieurs nous étaient parvenus et qu'aucune variante n'apparaissait. Le poème "Les Effarés" est tout de même dans ce cas, et ce que Brunel admet comme une exception est précisément la preuve que Rimbaud remanie ses poèmes à chaque fois qu'il les recopie, indépendamment de toute idée de publication d'un recueil.
Il y a des poètes qui n'aiment pas de retoucher leurs productions, ce n'est pas le cas de Rimbaud. C'est la seule conclusion à tirer.
Brunel prétend que les poèmes sont rangés dans un ordre chronologique, ce qui est faux, puisque Brunel lui-même précise que le dossier s'ouvre par le poème publié en août dans la revue La Charge : "Trois baisers" devenu "Première soirée". Les poèmes envoyés à Banville en mai ne sont pas en tête du dossier et sont même éparpillés dans l'ensemble. Les sonnets ne sont pas rassemblés, les sonnets satiriques contre Napoléon III et la guerre franco-prussienne ne sont pas rassemblés non plus. Ni au plan de la chronologie, ni au plan des thèmes abordés, nous n'avons affaire à un recueil organisé.
La cohérence de création que relève Brunel n'est pas celle de l'organisation en recueil, mais elle relève d'une évidence d'un autre ordre. Tous ces poèmes ont été composés à une même époque avec des préoccupations littéraires qui n'ont pas été bouleversés, encore que la guerre franco-prussienne ait ouvert la voie à une nouvelle expansion thématique. Il s'agit de poèmes composés sur un espace de huit mois, peut-être six si on écarte les deux quatrains de "Sensation". Certains poèmes sont datés, d'autres non, et datés du 20 et du 29 septembre "Les Effarés" et "Roman" ne sont pas rassemblés.
Brunel affirme une cohérence et les exemples qu'il commente amènent tout un lot de preuves contradictoires qu'il ignore superbement ou minimise sans vraisemblance logique.
Affirmant avoir affaire à un recueil, Brunel ponctue son analyse par une interrogation sur le bouclage du premier au dernier poème du dossier :
En plaçant Première soirée au début du Premier Cahier et Ma Bohême à la fin du second, Rimbaud voulait-il affirmer, malgré les injustices de l'histoire et les malheurs du temps, la permanence de son credo et la victoire d'une insouciante souriante ?
Comment une étude qui est signalée à l'attention pour avoir établi que les manuscrits remis à Demeny correspondaient à une organisation concertée de recueil peut-elle se terminer par une pareille question ouverte ?
Il va de soi que la démonstration aurait permis à Brunel de répondre à sa propre question. Cette question est la preuve même que la démonstration fait défaut.
Parler des "Cahiers de Douai" en 2024, ça pose le problème de l'imposture intellectuelle. Et c'est très grave, puisque les lycéens sont invités à penser l'ordre des manuscrits en tant que recueil. Les enseignants leur parlent de deux cahiers. Je vais citer les publications actuelles des poèmes de 1870 avec le titre Les Cahiers de Douai, dont une édition de référence de Jean-Luc Steinmetz encore en lui en Garnier-Flammarion, en collaboration avec Henri Scepi qui est lié aussi à la préparation des concours d'Agrégation de Lettres.
Moi, je lance le mot, il y a un gros problème qui est en train d'enfler et qui relève de l'imposture intellectuelle. Oui, on peut être naïfs, avoir cru sincèrement à un recueil. Les non spécialistes de Rimbaud se font avoir parce qu'établissent comme discours relais les rimbaldiens, mais depuis que j'ai mis en ligne l'article "La Légende du Recueil Demeny" en 2010, qu'on m'explique comment on peut officialiser le titre encore plus erroné "Les Cahiers de Douai" en 2023 ?
A propos de la question finale de "l'analyse" de Pierre Brunel, je relève que dans un ouvrage de préparation au bac 2024 (une édition des prétendus Cahiers de Douai en vue des lycéens), nous avons une page de questions sur "Ma Bohême" avec une reprise évidente de la réflexion de Brunel : " 'Ma Bohême' clôt le second ensemble de feuillets des Cahiers de Douai. Quelle importance peut avoir une telle place dans le recueil ?"
RépondreSupprimerCeux qui ont lu mon étude "La Légende du Recueil Demeny" et se sont attardés sur la citation de la lettre de Demeny à Darzens q ui fait la liste des manuscrits a uron t remarqué : 1) que Demeny en 1887 a eu le scrupule de l'ordre des poèmes qu'il possédait, il raie le titre " Le Forgeron" pour le reporter après "Soleil et Chair", les tenants du recueil pourraient se servir de cela comme argument, mais la thèse de l'ordre adopté par les éditions va être contredit par la contrainte de cet argument, puisque vous aurez remarqué aussi que 2) le second ensemble suit cet ordre Rêvé pour l'hiver, Ma Bohême, Buffet, Sarrebruck, Maline, Cabaret-Vert, et place inconnue du Dormeur du Val parmi ces six !!!!
Ma Bohême n'a aucun statut conclusif dans l'ordre mis en avant par Demeny, le seul ordre susceptible de se rapprocher de la remise en mains propres à Demeny par Rimbaud !
Bam ! Attendez-vous à la suite de mes interventions sur les éditions actuelles des Cahiers de Douai, et je vais même faire une grande mise au point sur la lecture des 22 poèmes.
J'ai acheté au format PDF pour 10 euros l'étude sur Une saison en enfer de Jean-Paul Vaillant. Je me disais que ça pouvait être sérieux par aspects et quelque peu stimulant. Je trouve ça hélas inférieur à ce que je croyais pouvoir m'attendre au vu de travaux plus anciens de cet universitaire. Je croyais que j'allais assister à une montée en puissance par rapport à ses anciennes publications. Pas du tout. Bon, je n'ai encore que survolé.
RépondreSupprimerPour la partie sur "outils" / "autels", j'ai vérifié. En fait, Vaillant ne fait même pas l'effort de consulter les éditions des brouillons. Il dit en tout cas en toutes lettres dans une note dédaigneuse de bas de page que c'est moi qui croit déchiffrer "autels" au lieu de "outils" sur les brouillons, alors que jamais personne n'a lu "outils" sur les brouillons. Tout le monde lit "autels" sur les brouillons, tout en ne réagissant pas à "outils" sur le texte imprimé. Bref, Vaillant a négligé la vérification, il n'est ni très sérieux, ni très vif, ni très compétent, il réagit sans s'être bien informé et traite cela par-dessus la jambe et il exerce fatalement comme Dominicy son extrême pouvoir de nuisance. Les gens qui le liront considéreront qu'il est écrit " outils" sur le brouillon aussi et que j'ai inventé un conflit de lecture qui n'existe pas.
Bra-vo !
On n'en voit jamais la fin de tous ces dénis d'évidence !
Autre exemple des insuffisances :
Vaillant s'aligne sur ceux qui pensent que le couac c'est le coup de feu à Bruxelles. Et il fait du détail biographique un autre truc indispensable ailleurs.
En gros, Rimbaud a commencé à écrire Une saison en enfer en mai 1873, en anticipant ce coup de feu. OK !??
En gros toujours, Rimbaud a voulu publier un texte où il faut être au courant de sa relation avec Verlaine et surtout de ce coup de pistolet où Rimbaud et Verlaine doivent lutter à empêcher que l'enquête ne dévoile leurs rapports homosexuels. Verlaine et Rimbaud font tout pour éviter cette rumeur, sauf dans Une saison en enfer.
Bra-vo !
Le dernier couac, le lecteur ne connaît pas Rimbaud ni Verlaine, il le comprend en fonction de ce qu'il lit, de ce qui précède. C'est de l'intelligence de b ase à la lecture.
Le v ice, d ans une section qui s'intitule "Mauvais sang", un lecteur intelligent de base qui ne connaît pas la vie de Rimbaud il comprend q ue c'est le mauvais sang lui-même qui est un vice, vice perçu comme tel par la société, mais vice qui est lié à l'exercice de la raison, pied-de-nez à l'affirmation selon laquelle ce serait un vice.
En lecture littérale, ce vice n'est pas une énigme. C'est les rimbaldiens compliqués de rapport à la biographie qui ont inventé l'énigme.
A part ça, je fais des enquêtes à propos de poèmes des Illuminations, j'essaie de cerner l'influence de la poésie de langue anglaise.
RépondreSupprimerLe terme "romantisme" est problématique à plusieurs égards, même si Rimbaud est un romantique tardif. En France, le terme coexiste avec l'émergence des poètes sinon écrivains affublés de ce titre. Pour le domaine allemand, nous classons en France dans le romantisme tout ce qui en provient depuis environ 1770, sauf que les allemands eux-mêmes divisent en trois mouvements ce qu'on appelle romantisme, il y a le Sturm und Drank, le classicisme allemand (Goethe, Schiller, Holderlin) et le romantisme allemand (Novalis, Hoffmann, Tieck). Et enfin, il y a le domaine anglais où le mot "romantisme" n'a jamais été employé à l'époque. Coleridge, Wordsworth, Byron, Keats, Shelley, ils n'étaient pas désignés comme romantiques de leur vivant. Byron est le seul véritablement connu en France parmi ces poètes au dix-neuvième. Pour moi, l'influence anglaise sur le romantisme français vient de poètes du dix-huitième, à commencer par Thomson pour Les Saisons, Young pour les Nuits, et on peut compléter avec Burns, éventuellement Chatterton à cause de Vigny, et on peut s'intéresser aux ballades et romances anglaises, compléter le tout avec MacPherson et son Ossian. Telle est la base. Après, lorsque Rimbaud est en Angleterre avec Verlaine, je me dis qu'ils apprennent aussi l'anglais en lisant des poèmes, il y a ceux de Poe en tout cas selon le témoignage de Verlaine, il y a Longfellow, et Swinburne est à ne pas négliger vu la masse anormale de ses contributions au Tombeau de Théophile Gautier, il y a un certain Payne et Bonaparte-Wyse qui écrivent des poèmes en anglais dans l'hommage à Gautier.
J'étudie les relations possibles de "Being Beauteous" au Tombeau de Théophile Gautier. Quant à "Fairy", je suis convaincu qu'il faut élargir, il n'y a pas que To Helen, Rimbaud tient compte de plus de textes de Poe que ça. Et le mot "fairy", il peut renvoyer à un constat que les poèmes anglais sont saturés d'emplois des mots distincts mais proches "fair", "faerie", "fairy", il y a un truc. Dans "Fleurs", le mot "digitale" traduit l'anglais "foxglove" qui est très présent dans les poèmes anglais (Keats, Lady Winchesley, etc.)", mais pour "digitale", je pense que ce n'est pas une piste directe, c'est relayé par de la prose française sur les décorations d'intérieur.
Après, "Enfance", etc., je médite l'influence des poèmes contemplatifs anglais. On assiste au délestage des références bibliques, mythologiques, à des emplois locaux non explicités, etc., et on a des méditations sur des éléments triviaux non symboliquement perceptibles à la lecture immédiate, sauf que les poèmes anglais du XVIIIe restent fades, tandis que Rimbaud ça reste animé d'une puissance sensible. Je dois creuser le sujet, voilà.