mardi 14 novembre 2023

Foutre la paix à Rimbaud ou se foutre de Rimbaud ? Quels autels et quels outils ?

L'actualité pour les 150 ans du livre Une saison en enfer est conséquente et j'ai découvert ce matin l'article de Jacques Bienvenu à propos du livre consacré par Jean-Paul Vaillant à Une saison en enfer.  J'ai constaté aussi que le livre de Patti Smith fait grincer  des dents. Je vais donc réagir à ce qui est livré au public.
Alors, je commence par le cas de Patti Smith. C'est une femme américaine et, malgré sa notoriété, c'est une "groupie". Je n'ai pas encore  feuilleté son ouvrage, mais en gros c'est une fan qui s'exprime personnellement sur son idole. On aime ou on n'aime pas. Personnellement, je possède quelques albums de Patti Smith, les trois premiers "Horses", "Easter" et "Radio Ethiopia" et l'album de reprises "Twelve ".  J 'ai aussi quelques 33 tours en concert, mais merci de ne pas me dénoncer aux autorités. Il  me manque le premier 45 tours "Hey Joe". Elle s'est mariée avec un musicien qui portait le même nom qu'elle, Fred Smith, artiste dont je possède une partie de la discographie aussi, les trois albums du MC5, et un 33 tours et un coffret  du Sonic rendezvous band. Je suis content qu'en tant qu'artiste elle fasse la promotion de Rimbaud aux Etats-Unis. Et puis ça s'arrête là.
Moi, elle ne me dérange pas dans le paysage. Son truc est peut-être trop commercial, oui, mais bon, c'est pas l'enjeu de la bataille. La photo du Coin de table à Aden, ça n'a dérangé personne, à part moi et  Bienvenu. La photo de la partie de chasse à Aden liée à Jeancolas, elle  ne dérange personne non plus. Au nom de  quoi peut-on affirmer que Rimbaud  fait  partie des personnes sur la photographie ? Au nom de quoi ? Et la photographie prétendue d'Isidore Ducasse ?
 Foutre la paix à Rimbaud, ça veut dire quoi de toute façon ?  Cela veut dire le laisser entre les mains de l'émission d'Enthoven sur France  Culture ? C'est ça que ça veut dire ? Parce que de toute façon on nous impose un Rimbaud officiel.
Ou alors, foutre la paix à Rimbaud, ça veut dire : "donnons-en une image neutralisée où la plupart des gens s'y retrouvent" ?
Le premier respect de Rimbaud, c'est l'établissement du texte.
Que fait-on ?
Malgré la signature "PV", on lui attribue le dizain "L'Enfant qui ramassa les balles..."
On lui attribue trois organisations de ses poèmes en recueil, le premier de ses prétendus recueils est au programme du baccalauréat de français en 2024. On lui attribue un "Recueil Demeny" en 1870,  un "Recueil Verlaine" en 1872 et on lui attribue l'ordre de publication définitif de la revue La Vogue de la partie en prose des Illuminations. Non, aucun de ces trois recueils n'a été créé par Rimbaud ! Que ça plaise ou non, c'est ainsi ! On a donné les arguments, mais les rimbaldiens officiels ont fait  semblant de rien.
On retire de ses poésies les extraits cités par Delahaye, autrement dit on estime Delahaye capable d'inventer des poèmes rimbaldiens, surtout l'extrait de quintils avec le trimètre : "J'ai mon fémur  ! [...]"
On spécule généreusement sur l'idée que Germain Nouveau aurait écrit tout ou partie des poèmes en prose des Illuminations. Il est vrai que sur ce plan-là il s'agit d'une activité marginale d'hurluberlus, mais on aime bien d'en parler.
Quand j'ai souligné que la version de "Voyelles" recopiée par Verlaine ne comptait pas 666 caractères comme le prétendaient Guillaume Meurice et son ami farceur Cosme Tic des lettres Yann Frémy a soutenu qu'il manquait une virgule au premier vers exprès pour que le décompte de 666 signes y soit ! Je n'invente rien, c'est sur la collection de réactions réunies par Lauren Malka sur son blog.
Dans le cas de "L'Homme juste", on veut  que deux vers soient indéchiffrables à jamais alors qu'ils ne sont même pas raturés et que le  mouvement de transcription lettre par lettre est parfaitement lisible...  et compréhensible.
Mais, les rimbaldiens ne sont pas gênés de croire à des impasses pareilles. Ce principe d'incertitude qu'ils appliquent à "L'Homme juste", il vaut pour toute l'oeuvre tant qu'on y est. Peut-être que nous avons mal déchiffré "Sensation" et que si nous reprenons le travail signe par signe nous arriverons à tout autre poème que seul Banville avait lu correctement.
J'ajoute d'ailleurs encore un argument cruel sur le sujet. Rimbaud a laissé le manuscrit en l'état, parce que malgré  le cafouillage il estimait que c'était assez lisible en soi. Il s'est bien trompé, il n'imaginait pas qu'il existait des Steve Murphy, des Paul Hartmann, des Marc Dominicy, des Jean-Luc Steinmets, des Louis Forestier, des André Guyaux et Aurélia Cervoni et quantité de gens qui ne savent pas déchiffrer des écritures manuscrites. Du coup, le public est privé des deux bonnes transcriptions : "- Ô j'exècre tous ces yeux de chinois ou daines" et "Nuit qui chante..." Les rimbaldiens sont particulièrement bigleux, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
La dernière plaisanterie en date, c'est de mettre en doute que Rimbaud ait écrit : "autels" sur les brouillons de "Mauvais sang".
Les brouillons de "Mauvais sang" sont connus depuis longtemps et édités depuis au moins trois quarts de siècle. Tous ceux qui ont offert une transcription des manuscrits ont écrit "autels" quand bien même le texte imprimé portait "outils". Le truc amusant, c'est qu'il a fallu attendre David Ducoffre pour constater que "outils" et "autels" sont deux mots qui se ressemblent étrangement au plan de la forme et en déduire que la leçon authentique du manuscrit était sans aucun doute la bonne et permettait d'identifier une coquille du texte imprimé, et j'ajoutais, croyant naïvement mettre un terme avec une preuve thématique d'un tel ordre, que la suite "les armes ! les autels  !"  était une allusion à l'union pour le pouvoir du sabre et du goupillon. J'ignorais que la moyenne du quotient intellectuel des rimbaldiens était si nettement inférieure à 100. Je ne pouvais pas savoir. J'ai eu le tort de croire ma démonstration suffisante.
Maintenant, nous en sommes à l'idée que rien n'est sûr quand nous lisons le manuscrit : est-ce un "a" . est-ce un "o" ?  SAO ? Sword Art Online ? Non, mais il faut arrêter le délire. Tout le monde a toujours édité le manuscrit en transcrivant "autels" et non "outils", alors même que les éditeurs pouvaient être influencés de manière décisive par le texte imprimé. Ils avaient tous lus mille fois le texte imprimé avant de découvrir les brouillons. Et  soudainement, parce que David Ducoffre puis André Guyaux modifient le texte imprimé pour imposer l'évidence de la leçon "autels" on prétend de manière invraisemblable que pendant des décennies tout le monde avait la berlue en croyant lire "autels" sur les brouillons.
Et je vais mettre les deux pieds dans le plat. Steve Murphy a publié quantités d'études sur les manuscrits, il a travaillé à l'établissement du texte, à déchiffrer des passages discutés, il a révisé des passages passés inaperçus, et ça nous valait des articles où il se moquait des leçons erronées antérieures, et il les pourfendait.
Là, sur "L'Homme juste", silence radio de Steve Murphy et tous les inféodés qui en choeur disent que ce n'est pas encore résolu ou proposent une solution facétieuse. Sur le mot "autels", même refus obtus, et même silence radio de Steve Murphy. Sur les preuves que la pagination des Illuminations n'est pas de Rimbaud même silence radio. En revanche, les inféodés prennent en charge de soutenir que rien ne fera jamais tomber l'attribution de la pagination à la main de Rimbaud.
Moi, à un moment donné, et les rimbaldiens commettent une énorme erreur de croire que je suis hors-circuit, mais je vais envoyer un bêtisier des rimbaldiens sur l'établissement du texte et des prétendus recueils. J'envoie ça à Honoré Champion, aux Editions Classiques Garnier, à quelques autres éditeurs et à quelques universités, ainsi qu'à quelques experts en graphologie, il n'y a pas de problème, je vais le faire, vous ne serez pas déçus. Après, vous aurez peut-être des remords, mais il sera trop tard. Mais ce dossier, il devient de plus en plus nécessaire de le faire, et il faut arrêter  de parler de la courtoisie des rapports. On n'en est pas là, ok ?
Vous avez perdu sur ces sujets, passez à autre chose. D'urgence ! Vous admettez vous être trompés, ce n'est pas grave, et on passe à autre chose, mais persévérez diaboliquement comme vous le faites, je balance le dossier à pas mal d'instances. Ils jugeront sur pièces, et croyez-moi je sais comment bien bâtir mon dossier... Il y aura des citations, et de celles que vous n'attendrez pas !
Pour Une saison en enfer, je n'ai pas encore payé 10 euros pour un exemplaire du volume de Jean-Paul Vaillant. A la base, j'en ai marre de lire par acquit de conscience tout ce qui se produit, je paie tout ça de ma poche que je fasse des photocopies, que j'achète les volumes, que je me déplace pour les acheter, que je les remplace quand j'ai un dégât des eaux...
Je précise que sur la page liminaire d'Une saison en enfer le meilleur spécialiste c'est moi. J'ai fait s'effondrer l'étude de Jean Molino. Je constate que beaucoup de gens depuis s'ingénient à redire à peu près ce que j'ai dit sans me citer et surtout sans évoquer l'événement qu'a été l'article de Molino et ses conséquences sur la lecture du nom "charité" : Michel Murat, un intervenant dans Rimbaud vivant, Paul Claes dans l'hommage à  Frémy (que je n'ai pas lu), Yan n Frémy lui-même lors d'une intervention radiophonique. Les brouillons de la fin de "Alchimie du verbe", celui qui a expliqué que le salut à la beauté était de l'ordre du rejet en montrant  que c'était la leçon explictie du brouillon et que le brouillon offrait vu ses répétitions quatre essais de clausule, c'est David Ducoffre en 2009 ou 2010. Je ris quand je vois Jean-Paul Vaillant soutenir que le brouillon dit quelque chose, mais ne prouve rien, parce que l 'auteur peut changer d'avis à la dernière minute,  je ris beaucoup de même quand Jean-Paul Vaillant nous explique qu'au lieu du mot "autels" Rimbaud a glissé consciemment et volontairement sur un autre mot "outils", comme si c'était courant de  remplacer un mot par un autre de forme très proche mais de sens complètement  distinct...
Donc, sur Une saison en enfer, il y a deux pointures David Ducoffre et quelque peu aussi Bruno Claisse. Après, vous avez les ouvrages de Margaret Davies qui sont pas mal. Yoshikazu Nakaji, il faut lire uniquement son livre de 1987, pas ce qu'il a fait ultérieurement, vous pouvez lire aussi pour leur dimension dialectique les articles d'Hiroo Yuasa, il y a un peu à prendre dans les livres de Christian Moncel alias Alain Dumaine. L'édition de Pierre Brunel, c'est pas plus que ça, Murat pas plus que ça. Les livres de Bandelier  et Frémy, et sans doute de Vaillant, c'est sans intérêt.
Voilà pour parler sans langue de bois.

3 commentaires:

  1. A la fin de "Mauvais sang", on ne remerciera jamais assez Jean-Paul Vaillant d'avoir identifié le "en marche" de la 7e compagnie. "Chef, j'ai glissé ! " Oui, j'ai glissé de "autels" à "outils". Oui, j'ai glissé... Je t'en ficherai des glissades.

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  2. D'ailleurs, j'enfonce le clou sur l 'absence de langue de bois.
    Même si on veut que je me mette entre parenthèses sur le palmarès des commentaires officiels d'Une saison en enfer, et même si je dégage les deux articles de Claisse, je peux faire un sort à la bibliographique qui fait consensus.
    Donc, normalement, le consensus, c'est deux livres parus chez José Corti la même année 1987. Une édition critique de Pierre Brunel (pas toujours cité dans les ouvrages de référence d'ailleurs) et la thèse publiée en livre de Yoshikazu Nakaji Combat spirituel ou immense dérision ? La réalité, c'est que c'est un consensus par défaut. Les deux ouvrages sont déjà considérés comme de la bibine. Frémy ne fait pas partie du consensus, et lui son ouvrage est considéré comme de la bibine en tant que telle, à 100%. Il est cité pour des raisons diplomatiques en tant qu'il était directeur de publications dans Parade sauvage et Revue Verlaine.
    Margaret Davies est parfois citée en référence, mais elle a été éjectée. Moi, je prétends que c'est meilleur que les ouvrages de Brunel et Nakaji. Il y a deux ouvrages, un article de la Revue des lettres modernes et au même format l'ouvrage entièrement d'elle consacré à Une saison en enfer.
    L'ouvrage de Bandelier Se dire et se taire est un ouvrage de déploiement d'analyses par items typique des années 80 et très démodé aujourd'hui, c'est un travail daté, et surtout qui n'arrivait pas à des conclusions sur les significations du texte, ce qui est un peu ballot, il fait partiellement consensus, mais vous lisez un ouvrage qui n'approfondit pas votre lecture, quel intérêt ?
    Aprèsz, vous allez à la pêche aux articles. Vous avez un ensemble d'articles de Mario Richter avec des thèses forcées, mais ça reste intéressant, même s'il se trompe, vous avez des articles d'Hiroo Yuasa qui ne maîtrise pas les significations, mais qui tout de même passe par une réflexion dialectique assez intense, vous ne perdez pas votre temps. Vous avez quelques éléments dans les petits livres de Christian Moncel alias Alain Dumaine.
    Vous avez de très rares volumes collectifs réunissant des études sur Une saison en enfer. Le volume Dix études sur Une saison en enfer de 1991 contient un article désastreux de Jean Molino qui a eu un impact considérable et que j'ai dû démentir savamment pour remettre la critique rimbaldienne sur pied. Vous avez autour de 2009-2010 un volume collectif de Frémy et un volume collectif de Murphy (celui-ci sur les Poésies et Une saison en enfer).
    Vous avez l'ajout au livre L'Art de Rimbaud de Michel Murat qui fera bientôt consensus.
    Voilà le panorama.
    Je précise que à côté de mon présent blog, j'ai ouvert un blog depuis longtemps en repos réunissant des articles exclusivement sur Une saison en enfer, je mets le lien dans une réponse ci-dessous.

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