vendredi 24 mai 2024

Pot-pourri de réflexions rimbaldiennes en mode détente

Alain Chevrier a publié un article conséquent sur les particularités de versification du recueil Les Nuits persanes d'Armand Renaud. J'ai moi-même rédigé un article sur les subtilités de versification de ce recueil, mais les mots clefs "Renaud", "persanes" et autres ne m'ont pas permis de retrouver cet article sur ce blog. Je ne pense pas qu'il figure sur le blog "Rimbaud ivre" de Jacques Bienvenu. C'était sur les forums de discussion du genre "mag4.net" ? Bizarre !
Peu importe, je ferai un compte rendu de cet article.
Chevrier est l'un des principaux rimbaldiens à lire pour une raison toute simple, il est à peu près le seul avec moi à lire massivement les recueils de poésies du dix-neuvième siècle en partant dans toutes les directions, et en s'intéressant autant à des faits métriques qui en principe intéressent les métriciens Cornulier, Gouvard ou Bobillot, sauf que les métriciens ne sont pas tellement historiens de la littérature, même si Cornulier y correspond quelque peu et à une connaissance étendue d'oeuvres plus obscures avec de forts appoints encyclopédiques de sa part.
Prendre le recueil d'Armand Renaud et en faire un compte rendu systématique, c'est la bonne démarche, et c'est à refaire pour quantité de poètes, d'écrivains, d'ouvrages.
Je prévoyais de lire la traduction en vers de La Comédie de Dante par Ratisbonne, et j'ai été devancé par un article de Cornulier au sujet de "L'Angelot maudit".
Je reviens vite sur le cas d'Armand Renaud. Il est cité dans la célèbre lettre dite "du voyant" à Demeny datée du 15 mai 1871, et comme moi Chevrier souligne l'étrange accord au féminin, il le cite en le flanquant d'un "(sic !)". "Rompue aux formes nouvelles", Rimbaud devait avoir en tête une phrase du genre : "la poésie d'Armand Renaud".
C'est intéressant à observer de près, parce qu'effectivement l'expression correspond à Renaud qui expérimente, mais pas du tout à Grandet qui suit, et c'est fort aléatoirement que "Rompue aux formes nouvelles" peut correspondre à chaque parnassien cité, tandis que le singulier "Rompue" prouve que Rimbaud pensait à un seul auteur.
Chevrier a également publié un article sur les vers de quatorze syllabes de Verlaine, et là étonnamment il m'a cité, mais pour épingler une bévue bouleversante de ma part que le monde doit apprendre. Mais, tout ce que ça me remue, c'est que j'ai la preuve que Chevrier me lit, et puis il faudra que je reprenne l'histoire de ce qu'il me reproche, je n'aurais pas vu la diérèse à "pieds" ce qui me dépasse un peu, mais de toute façon ça doit aller de pair avec une réévaluation de la césure que j'avais déterminée.
On verra ça plus tard.
Enfin, il y a l'excellent article sur Murger qui fait écho à ce que j'ai moi-même pondu récemment. L'antériorité d'étude du recueil Les Nuits d'hiver vient donc de Chevrier, et je ne l'avais pas en vue quand j'ai écrit mon article récent, d'autant que je n'avais pas lu l'article en question faute de posséder le volume de la revue. Les développements de Chevrier sont distincts des miens et complémentaires.
Je reviens toutefois sur deux problèmes d'approche.
A propos de "Tête de faune", Chevrier prend pour argent comptant l'hypothèse de Cornulier, développée ensuite par Philippe Rocher et d'autres, selon laquelle le poème changerait de mètre de référence quatrain par quatrain. Je m'inscris en faux contre cette lecture clairement erronée. Cornulier s'est trompé et n'est simplement jamais revenu sur cette erreur, et l'étoffement de contributions critiques n'y change rien. On se retrouve dans cette situation où on relaie une conclusion fausse sans en rappeler les arguments. J'ai dénoncé la faiblesse argumentative et les contradictions flagrantes de la thèse de lecture métrique de Cornulier, et j'ai argumenté une lecture qui elle n'a forcément jamais reçu le moindre démenti puisque jamais commentée.
Un autre problème similaire est posé par l'étude de "Mouvement" et "Marine". Dans son article sur Murger, Chevrier souligne avec raison que le procédé du retour à la ligne après un signe de ponctuation faible à la fin de paragraphe (et même il est question de retours à la ligne sans ponctuation du tout parfois), chez Cros, puis Chez Rimbaud, vient de l'influence de trois ballades en prose de Murger, mais que cette influence est rendue diffuse par sa réalité matérielle dans les traductions qui prétendent rendre compte de constructions séquentielles ou strophiques de textes à l'origine en vers, en gros. Les antériorités de Judith Walter sur Cros me paraissent aussi incontestables et ne doivent pas passer à l'as sous prétexte qu'elle ferait dans la traduction, vu que son oeuvre revendique un lyrisme personnel et rend ostentatoire le procédé. Notons que Chevrier révèle qu Murger s'est inspiré de Nodier, mais sans l'affirmer alors que c'est l'évidence même, puisque Murger a fait précéder d'une note sienne une réédition dans la revue L'Artiste d'un texte de Nodier initiant le procédé que Murger allait faire sien.
Mais, Chevrier en arrive à l'étude du retour ligne après ligne de "Marine" et "Mouvement", et là je ne peux en aucun cas être d'accord avec lui. Chevrier prétend que Mouvement" est un poème en prose qui aurait pu avoir le formatage en paragraphes d'autres pièces du recueil, et sa disposition ligne par ligne ne serait que superposée pour ressembler à une traduction d'un poème de langue étrangère.
Faux !
D'abord, il faut méditer le problème de la scansion dans "Marine" et "Mouvement", il faut aussi évaluer la relation entre syntaxe et retour à la ligne. Mais, surtout, dans la revue La Vogue, les deux poèmes furent distingués : "Marine" est une prose, et "Mouvement" un poème en vers. Cette opposition paraît artificielle, et les rimbaldiens ont rangé "Mouvement" parmi les poèmes en prose dans le recueil Illuminations compris comme celui des seuls poèmes en prose. Cependant, Rimbaud a explicitement séparé "Marine" et "Mouvement" dans sa présentation typographique manuscrite, puisqu'il utilise le crochet pour identifier les lignes de Mouvement à des vers, alors que "Marine" pratique le retour à la ligne du type alinéa.
A part ça, j'ai d'autres horizons de recherche. J'ai enfin lu le poème de 1863 "La Résurrection de la Pologne", oùj'aurai pas mal de vers à citer contenant le mot "l'humanité". J'ai de nouvelles idées pour parler du monostiche "L'humanité chaussait le vaste enfant Progrès" dans l'Album zutique, notamment le vers isolé et répété qui lance deux parties chiffrées du poème de 1863.
Enfin, je remarque qu'à propos de l'adjectif "abracadabrantesques" la thèse circule toujours que ça viendrait d'un mot de Gautier pour se moquer des écrits fleuves de l'amie de Balzac la duchesse d'Abrantès. Gautier épinglait "Les Mémoires de la duchesse d'Abracadantès" et de fait, l'adjectif "abracadabrantesques" a l'intense mérite de transformer le nom propre ainsi déformé de la duchesse en adjectif. Ce bon mot est déjà cité au début des années 2000 par l'universitaire Berchet.
Cependant, j'aimerais avoir des attestations du jeu de mots avec des références livresques d'époque. Je veux une citation datée, même une citation où quelqu'un dirait rapporter cela indirectement.
En attendant, Mario Proth est l'inventeur de l'adjectif dans son livre Les Vagabonds, puisqu'aucune attestation n'existe de la part de Gautier, puisque les mémoires de la duchesse datent des années 1830 et que lorsqu'elle était tombée dans l'oubli Gautier louvoyait entre "abracadants" et "abracadabresque". Il y a fort à parier que Gutier a effectivement pratiqué le jeu de mots, mais pourquoi aucune attestation écrite ?
En tout cas, faute d'attestation écrite, il me semble définitivement évident que Rimbaud a lu le mot dans le livre du douaisien, je dis bien douaisien !!! Mario proth.
Point barre comme je dis souvent.







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