Déjà
directeur d’un Dictionnaire du Romantisme,
mais avec une liste de trente-et-un autres collaborateurs qui étaient tous
différents des trente-sept nouveaux collaborateurs à ce Dictionnaire Rimbaud, Alain Vaillant annonce ses ambitions dans son
bref « Avant-Propos » (p. 7-9) et il le fait dès les premières
phrases : ce dictionnaire va fixer « le savoir académique »,
« dresser un bilan des connaissances accumulées », permettre d’opérer
un « tri indispensable », pour exhiber la science : des
« informations », des « éclairages », des « mises au
point ». Développant après Baronian tout un baratin sur les possibilités
d’un dictionnaire et les querelles de chapelles parmi les rimbaldiens, Vaillant
nous avertit qu’il a senti toute la « gravité » du projet. Il ne veut
pas que l’ouvrage soit purement dissonant entre contributeurs, mais il ne
voudrait pas non plus que nous n’entendions qu’une seule voix. Il nous est
expliqué que les contributeurs ont été libres de faire entendre leurs voix
personnelles, mais que les discours tenus ont fait l’objet d’une validation par
la direction, ce qui permettrait à l’ouvrage d’être autant un « bilan
critique » qu’un lieu de réflexion où se multiplieraient les efforts
d’interprétation.
Il va sans dire, d’abord,
que nous n’avions pas autorité pour décider quelle était la signification
« vraie » de chaque texte, et chacun de nos contributeurs était donc
libre (et responsable) de ses interprétations – à la condition qu’elles aient
été validées par nous et que nous les ayons jugées, non pas toujours conformes
aux nôtres, mais à ce qu’il nous paraissait admissible de publier.
Le
plaidoyer des bonnes intentions s’affiche un certain temps. Citons encore
l’extrait suivant :
La vocation qu’embrassent
les notices sur l’œuvre est ainsi, dans la mesure du possible, celle du bilan
critique autant que d’une interprétation qui engage les auteurs : un tel
dictionnaire doit servir aussi à ordonner et à hiérarchiser la masse
surabondante des gloses rimbaldiennes.
Et
tout cela pour nous conduire au plus heureux « consensus critique »
qui serait devenu « possible » autant que « souhaitable ».
Néanmoins, j’entends pas mal de formules qui me font dresser l’oreille :
« opérer un tri indispensable », « bilan critique » (sans
aucun doute labellisé neutre et digne du « consensus »),
« hiérarchiser la masse surabondante des gloses rimbaldiennes ». Ne
le sentez-vous pas venir que le ver est dans le fruit ?
L’ultime
paragraphe prétend nous donner un aperçu du labeur qu’a été la préparation de
ce Dictionnaire Rimbaud. Les notices
auraient fait l’objet de « discussions », de « repentirs »,
de « désaccords » qu’il aura fallu surmonter, et le Dictionnaire aurait permis des
découvertes à force de « retours aux textes » et de confrontations
d’idées. Les « discussions », « repentirs » et
« désaccords » portaient-ils réellement sur l’interprétation des
textes ou bien ne portaient-ils pas plutôt sur le formatage et calibrage des
notices ? Et si l’élaboration de l’ouvrage a permis des découvertes, ce
qui serait une bonne chose en soi, où peut-on apprendre du neuf dans les
diverses notices qui nous ont été fournies ? Je n’ai pas eu l’impression
d’avoir affaire à de la recherche rimbaldienne inédite. En tout cas, pas plus
que pour le dictionnaire de Baronian, je n’ai été consulté au sujet de ce
nouveau projet collectif de « bilan critique » dans les études
rimbaldiennes. Je n’ai aucun conflit ouvert avec Cavallaro, je ne connais pas
Alain Vaillant, mais en confectionnant ce dictionnaire, ni Vaillant ni
Cavallaro n’ont eu la curiosité de se renseigner auprès de moi sur certaines
polémiques rimbaldiennes, ni de me solliciter pour que j’évalue les notices à
produire quant à l’Album zutique ou
bien évidemment « Voyelles ». Cavallaro et Saint-Amand étaient
présents au colloque « Les Saisons de Rimbaud » en 2017, que je
sache. Que je ne participe pas au dictionnaire, soit ! Mais, si le but de
ce Dictionnaire est de dresser un
« bilan critique » honnête qui puisse se targuer d’être une
référence, je trouve assez piquante cette absence de curiosité. En renonçant à
me contacter, et même plus précisément en renonçant au fait de me connaître, les
directeurs du Dictionnaire Rimbaud
abdiquent déjà toute objectivité et n’envisagent même aucun véritable débat.
Enfin,
si le précédent dictionnaire dirigé par Baronian n’offrait pas de bibliographie
de fin d’ouvrage, cette lacune semble avoir été comblée avec le présent volume,
sauf que le diable se cache dans les détails. Citons les prétentions affichées
de l’avant-propos à ce sujet. Elles sont formulées dans son avant-dernier
paragraphe :
[…] un soin tout
particulier a été porté à l’information bibliographique : non seulement,
selon l’usage de ces dictionnaires, chaque notice est suivie d’une sélection de
références jugées les plus pertinentes, mais on trouvera, en fin de volume, une
bibliographie générale dont nous avons voulu faire un véritable instrument de
travail et de référence, au complément du dictionnaire lui-même.
A
lire ces lignes, il faudrait croire que la bibliographie a fait l’objet d’une
concertation collective. Je vais montrer qu’il n’en est rien. En effet, la
plupart du temps, pas toujours, les notices sont suivies d’une petite
bibliographie, mais celle-ci est le fait, à chaque fois, du seul rédacteur de
la notice. Or, la bibliographie finale n’est que la compilation redondante des
petites bibliographies dispersées dans l’ensemble des notices ! Un universitaire
historien s’indignerait. Il n’y a aucune bibliographie digne de ce nom. Et
surtout, n’étant que la reprise paresseuse des bibliographies des divers
contributeurs, cette bibliographie lacunaire et redondante est la preuve d’une
absence de coordination de la part des directeurs. L’illusion du travail
sérieux se fonde sur l’éblouissement quantitatif. A force de reprendre les
petites bibliographies des notices, on arrive à un filet aux mailles assez
serrées pour donner l’impression que l’essentiel a été rapporté. Pour son
unique contribution, Michel Murat n’a pas offert de bibliographie
personnalisée. Il traite pourtant un sujet sensible, celui des manuscrits des Illuminations. En fait, dans un second
article « herméneutique » sur les Illuminations,
Adrien Cavallaro fournit une bibliographie fleuve dont la dimension fourre-tout
empêche de considérer sereinement si le travail de dépouillement a été mené
consciencieusement. On ne peut pas repérer du premier coup d’œil les lacunes,
la logique et rigueur de la sélection, et certaines études ne sont tout
simplement pas mises en valeur, même quand elles sont citées. S’il existe des
références bibliographiques plus succinctes article par article, c’est
précisément pour permettre aux lecteurs de se faire sa propre idée sur un débat
plus précis.
Pour
des raisons d’humeur, Pierre Brunel décide de ne pas recenser mon étude sur « Le
Bateau ivre », alors qu’il mentionne les études de Murphy et Santolini qui
signalent que mon travail est l’un des plus importants et incontournables sur
ce poème, cette lacune se retrouve mécaniquement dans la bibliographie
générale. On remarque aussi que le dictionnaire concurrent de Baronian est cité
le moins possible dans ce nouveau Dictionnaire
Rimbaud : il y a bien une volonté de le mettre en-dehors du débat
sérieux sur la poésie de Rimbaud. Cela peut se concevoir, mais je suis tout de
même frappé par « l’entre-soi » des citations dans ce Dictionnaire. En tant que directeur de l’ouvrage,
Cavallaro a droit à une plus-value de ses articles antérieurs qui sont
volontiers cités, tandis que Bardel fait l’apologie de Steve Murphy. On peut
comprendre qu’une certaine admiration soit exprimée, mais l’ouvrage philologique
de Murphy date de 1999. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de notice sur
Mirbeau dans ce Dictionnaire Rimbaud,
alors qu’il y a la révélation d’un vers inédit des « Veilleurs » à la
clef ? Certes, je pense que Mirbeau n’a pas cité ce vers inédit par amour
de la poésie de Rimbaud, plutôt par malveillance, mais il n’en reste pas moins
que sur ces vingt dernières années c’est une information capitale. Il n’y a
même pas une notice sur le poème « Les Veilleurs » que Verlaine
disait le plus beau de Rimbaud et dont nous pouvons désormais citer un
alexandrin visiblement. Sur l’établissement du texte de Rimbaud, depuis 1999,
je suis encore une fois obligé de me citer, mais Bardel ne fait rien de mon
déchiffrement du passage prétendu illisible de « L’Homme juste », il
ne fait rien non plus de mes mises au point philologiques très précises sur « L’Orgie
parisienne ou Paris se repeuple ». Pour sa part, Michel Murat dans sa
notice sur les « Manuscrits » des « Illuminations » émet des réserves sur l’affirmation de Murphy
selon laquelle la pagination serait de Rimbaud, mais il ne cite pas l’article
en deux parties de Jacques Bienvenu qui a été le tournant décisif sur la
question.
En
tout cas, à la fin des fins, malgré ce que dit Vaillant dans son « Avant-propos »
qui tient en peu de mots, il n’y a eu aucun travail d’équipe poussé et
rigoureux. La bibliographie de fin d’ouvrage en est la preuve : elle ne
fait que double emploi avec les références bibliographiques des divers
contributeurs. Mais, un travail a été revendiqué également au plan des notices.
En réalité, le travail doit être plus ardu pour un premier dictionnaire. Ceux
qui suivent ont déjà un modèle à reprendre ou dont s’inspirer, un modèle dont
ils peuvent constater les qualités comme les lacunes. N’ayant pas accès au Dictionnaire Rimbaud de Jeancolas, je
vais me contenter d’une comparaison entre l’ouvrage dirigé par Baronian et
celui dirigé par Vaillant, mais au-delà de cette comparaison je vais cibler
quelques lacunes qui demeurent dans le cas du nouveau dictionnaire.
Dans
le Dictionnaire Rimbaud conçu par
Baronian, il y avait une notice par poème. Ce principe a été repris par le Dictionnaire Rimbaud de 2021. Cela est
allé plus loin. Dans l’ouvrage de 2014, il existait des entrées du dictionnaire
pour les différents titres d’un même poème et parfois, selon le procédé de l’incipit, nous avions droit à une notice
sur des versions sans titre des poèmes. Parfois, plusieurs variantes sont à la
suite les unes des autres : « Le Cœur du pitre », « Le Cœur
supplicié », « Le Cœur volé ». L’équipe d’Alain Vaillant a
radicalisé l’expérience. Nous avons droit à des entrées pour tous les titres ou
pour toutes les versions sans titre que l’équipe de Baronian a pu négliger :
« A Samarie », « Bethsaïda », « Ce qui retient Nina »,
« De ce siège si mal tourné… », « Enfer de la soif », « Fausse
conversion », « L’Histoire splendide », « L’air léger et
charmant… », « Mon pauvre cœur… », « Nous sommes tes
grands-parents… », « Ô la face cendrée… », « Obscur et
froncé… », « Rêve », « Vieux Coppée »,… Ce n’est pas
toujours mal venu, mais je trouve ce principe assez lourd. Qui va ouvrir le
dictionnaire à l’entrée « Nous sommes tes grands-parents… » ou à
celle-ci « Loin des oiseaux… » ? Le débat sur les titres a d’évidence
là encore des implications polémiques. Le vrai titre de « Plate[s-]bandes
d’amaran[t]e… » est donné « Juillet », ce qui est normal, mais
on a aussi une réponse au louvoiement du dictionnaire de 2014 : « Notice
sur l’Ogadine », « Ogadine », « Rapport de l’Ogadine »,
avec une entrée où les guillemets sont inclus dans le dictionnaire
lui-même : « Rapport sur l’Ogadine ».
Evidemment,
dans cette minutie, l’équipe de Vaillant s’est exposée à la critique, puisqu’il
manque une entrée sur une au moins des pièces inédites citées par Delahaye :
« J’ai mon fémur ! » C’est une lacune aussi importante que l’absence
d’entrée au poème « Les Veilleurs », surtout quand on voit qu’il y a
une entrée sur du feuillet déchiré de l’Album
zutique où que ça nous plaise ou non il n’y a plus rien à lire.
Puisque
le dictionnaire de 2021 polémique de manière feutrée, je ferai observer qu’en
2014 le dictionnaire dirigé par Baronian comportait des entrées « Cahier
de Douai » et « Recueil Demeny ». Ces entrées n’apparaissent pas
dans le dictionnaire de 2021. Il n’y a pas non plus de « Dossier Verlaine »
ou « Recueil Verlaine » pour la suite paginée de manuscrits de poèmes
de Rimbaud. Alain Bardel fait une notice sur les « Manuscrits » de
Rimbaud où il nous certifie que les projets de constituer des recueils relèvent de l’évidence en 1870 à Douai, ou lorsque Verlaine établit une suite paginée,
mais le dictionnaire avoue sa faillite en n’envisageant pas de notices pour un quelconque de ces prétendus beaux projets. Rappelons que l’idée du « Recueil
Demeny » est une invention de Pierre Brunel et Steve Murphy dont nous
avons dénoncé avec force l’illusion dans un article paru au début du blog de
jacques Bienvenu Rimbaud ivre, ce que
Bardel n’ignore pas, puisqu’il l’avait signalé à l’attention à l’époque. Dans
des actes de colloque à paraître ce 9 juin (je les ai lus à l’avance en tant
que contributeur), Yves Reboul cite précisément cet article du blog de Bienvenu
au sujet du caractère fallacieux de l’appellation « Cahier de Douai ».
Lien : "La Légende du Recueil Demeny"
En
revanche, on a droit à une nouvelle entrée sur le « Cahier des dix ans ».
Mais une notice « Recueil Demeny » ou « Cahier de Douai » n’était-elle
pas plus importante qu’une notice « Cahier des dix ans », quitte à
contester le bien-fondé de telles désignations trompeuses ?
Le
premier Dictionnaire Rimbaud
insistait beaucoup sur la biographie rimbaldienne, et donnait une certaine importance
à sa vie africaine notamment. Le dictionnaire de 2021 ne retient que très peu
de notices sur la partie africaine de la vie de Rimbaud, mais Vaillant n’a pu s’empêcher
d’intégrer une notice sur « Dubar » qui manquait à l’ouvrage de 2014.
Le problème, c’est que, dans l’économie de l’ouvrage de 2021, cette notice n’est
pas à sa place ce qui révèle pleinement sa nature polémique.
Je
n’ai pas le courage de me pencher sur une comparaison poussée des rubriques sur
différents écrivains du vingtième siècle. Le dictionnaire de 2014 comportait un
grand nombre de notices sur des contemporains de Rimbaud ou sur des gens du
vingtième siècle ayant écrit sur Rimbaud (écrivains reconnus ou non). Cette
part du dictionnaire est significativement allégée elle aussi dans le présent
dictionnaire, mais ce qui est un peu étrange c’est que de nouvelles notices
apparaissent. Elles sont sans doutes dues aux centres d’intérêt personnels des
nouveaux contributeurs, avec un rôle clef d’Adrien Cavallaro, mais en comparant
les deux listes on en vient à se demander ce qui justifie les choix en
profondeur. Le nouveau Dictionnaire
Rimbaud livre des notices sur Tel
Quel (Jean-Lousi Baudry, etc.), Thomas Bernhard, Aimé Césaire, Michel
Deguy, Isidore Isou, Max Jacob, Le Clézio, Charles Maurras et Marcelin Pleynet,
tandis que plusieurs autres disparaissent : Antoine Adam, Akakia-Viala,
Guillaume Apollinaire, Nicolas Bataille, Samuel Beckett, Albert Béguin, Suzanne
Bernard, Maurice Blanchot, Antoine Blondin, Bouillane de Lacoste, Paul Bourget
(tout de même une connaissance des connaissances de Rimbaud), Joë Bousquet,
Suzanne Briet, Jean-Marie Carré, Céline, Marcel Coulon, Daniël de Graaf, André
Dhôtel, Drieu la Rochelle, Georges Duhamel, Edouard Dujardin, Marc Eigeldinger,
André Fontainas, Hugo Friedrich, Michel de Ghelderode, André Gide, Jean
Giraudoux, Robert Goffin, Henri Guillemin, Philippe Jaccottet, Francis Jammes,
Jack Kerouac, Atle Kittang, Larbaud, Michel Leiris, Pierre Louÿs, Henri
Matarasso, Thierry Maulnier, François Mauriac, Marguerite-Yerta Méléra, Henri
Michaux, Henry Miller, Octave Mirbeau, Bruce Morrissette, Jules Mouquet, Roger
Munier, Maurice Nadeau, Emilie Noulet, Michael Pakenham, Pierre Petitfils,
Pascal Pia, Ezra Pound, Pierre Reverdy, etc., etc.
Des
remarques similaires peuvent être faites sur les contemporains de Rimbaud. Le
dictionnaire de 2021 évite de faire des notices sur différents poètes de l’époque,
mais nous avons droit à une notice sur le recueil même Les Glaneuses de Demeny. Plusieurs notices sautent : Camille
Pelletan, etc., etc. On en fait apparaître de nouvelles sur Ilg, Labarrière ou
Nerval, Descartes, Jules Michelet, Jean Reboul, mais l’appauvrissement en
notices sur les connaissances littéraires de Rimbaud me paraît clairement nuire
aux prétentions d’un tel projet qui voulait se recentrer sur l’appréciation de
l’œuvre poétique elle-même. Les notices sur Catulle Mendès, Léon Dierx, sont
qui plus est grandement insuffisantes.
Le
principal apport de ce nouveau Dictionnaire
relève d’une certaine abondance de nouvelles entrées thématiques qui concernent
tout particulièrement Une saison en enfer
et le caractère sulfureux des textes rimbaldiens : Alcool,
Anticléricalisme, Beauté, Bonheur, Boue, Calembour, Caricatures, Charité, Contre-culture,
Crime, Damnation, Déserteur, (S’)Encrapuler, Enfer, Errances et voyages, Folie,
Fumisme, Grèce antique, Hallucination, Histoire, Humour, Idolâtire, (L’) « inconnu »,
Invention, Jésus-Christ, Justice, Liberté, Magie, Mai 68, Mer, Misère, Morale,
Nature, Nègre, Occident / Orient, Païen, Peuple, Race, Raison, Religion,
Révolte, Rhétorique, Salut, Satan, Satire, Soif, Soleil, Style, Vice, Zutisme.
Il reste toutefois à évaluer les prestations article par article, mais ces
mentions suffisent à souligner déjà un certain profil rimbaldien ici mis
nettement en relief. Toutefois, dans ce procédé des entrées thématiques, les
auteurs ont pris certains risques en dressant des citations en entrées de
dictionnaire. Le principe apparaissait ponctuellement dans le dictionnaire
dirigé par Baronian, en tout cas avec la notice « Main à plume »,
mais ici elle prend une certaine étendue : « Dérèglement de tous les
sens », « Facultés descriptives », « Il faut être
absolument moderne », « Je est un autre », « Poésie
objective » et « poésie subjective » et « Vieillerie
poétique ». Tous ces choix n’ont pas le même degré de pertinence. La
notice « Romantisme » est évidemment la bienvenue, elle manquait
cruellement au Dictionnaire Rimbaud
de 2014 et Vaillant, nous l’avons dit, a dirigé un Dictionnaire du romantisme auparavant.
Un
autre point fort du nouveau Dictionnaire,
ce sont les notices sur les problèmes de versification. Et il y a des
contributeurs de choix à ce sujet : Cornulier, Bobillot, Murat, Rocher,
etc. Nous avons des entrées « Rime », « Métrique », « Sonnet »,
mais aussi « Vers libre », « Poème en prose », « Style ».
Malheureusement, la notice sur le « Vers libre » ne fait aucun
historique de la notion de vers libre et il manque une rubrique « Strophe »,
sujet déjà explicitement délaissé par Murat dans son livre L’Art de Rimbaud, alors que l’identification des strophes permet d’affiner
de manière considérable notre compréhension des poèmes de Rimbaud et de leurs
sources : « Les Reparties de Nina » et « Mes petites
amoureuses » en regard de Musset, les sonnets en vers courts en regard d’Alphonse
Daudet et Amédée Pommier, le lien de « Rêvé pour l’hiver » à « Au
désir » de Sully Prudhomme, etc. Pour ce qui est de l’article « Métrique »,
je prévois des remarques critiques du contenu dans la prochaine partie de cette
recension.
J’ai
pu remarquer en comparant les deux dictionnaires qu’il y avait un petit
flottement dans les mentions entre guillemets de titres ou d’incipit commençant
par un article défini. En 2014, l’article sur le dizain « L’Enfant qui
ramassa les balles… » figure à la lettre E, et en 2021 il figure à la
lettre L, mais il y a d’autres distributions particulières encore à observer
qui distinguent les deux ouvrages dans ces cas de figure. J’observe aussi avec
amusement que figure une entrée « Zutisme » alors que quand je
propose à la publication la leçon authentique manuscrite « Cercle du
Zutisme » je subis la correction « cercle zutique ».
Dans la prochaine partie de ma recension, je vais me pencher sur des problèmes de contenu, mais je voulais aussi insister au moment de confrontation formelle entre les deux ouvrages sur un point important. Le Dictionnaire Rimbaud de 2014 était un ouvrage plutôt descriptif. C’est sensible dans le cas des rubriques sur les différents poèmes. Les notices sont plus courtes que celles de 2021 et se contentent la plupart du temps d’exposer les termes du débat interprétatif. Le Dictionnaire Rimbaud de 2021, tout en polémiquant avec l’ouvrage précédent, crée une confrontation factice, puisque les rubriques sont moins des notices de dictionnaires que des articles rimbaldiens à part entière. Prenez les notices sur les poèmes en prose, vous avez des développements dont la construction est quelque peu semblable à celle d’un article publié dans la revue Parade sauvage ou dans diverses revues universitaires. Le résultat du Dictionnaire de 2021 est clairement bâtard, puisqu’il échoue à s’en tenir dans des limites descriptives et puisqu’en se prétendant à la pointe de la recherche rimbaldienne il offre d’une part peu d’idées neuves article par article, mais surtout la manière d’écrire ces articles fait plus sentir aux lecteurs les insuffisances de l’état de la recherche actuelle que les mises au point. En ce sens, ce nouveau dictionnaire est un échec patent.
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