Dans mon précédent article, j'ai précisé ma lecture de la prose liminaire pour les derniers alinéas, ceux qui font débat. Et, du coup, j'ai pu dire que toutes les difficultés de compréhension étaient levées après ma mise au point.
En réalité, j'ai oublié de parler d'un point important. Pour le second alinéa, plusieurs rimbaldiens, dont Mario Richter, Christian Moncel (autre pseudonyme : Alain Dumaine), Michel Murat, etc., pensent que la Beauté renvoie à Baudelaire, auteur de deux poèmes partiellement contradictoires sur cette notion "La Beauté" et "Hymne à la Beauté", sauf que, dans le recueil des Fleurs du Mal, les deux Beautés envisagées par Baudelaire ne sont pas du côté de Dieu et des valeurs établies. La Beauté que cible Rimbaud, c'est celle de l'équation platonicienne reprise par le christianisme du Beau qui équivaut au Vrai et au Bon, c'est ce qui explique les variations entre "bonté" et "beauté" des brouillons d'Une saison en enfer au livre imprimé que nous connaissons. Je pense bien évidemment à la clausule de "Alchimie du verbe" : "Cela s'est passé. Je sais aujourd'hui saluer la beauté."
Pour ce qui concerne la prose liminaire, identifier la "beauté" à l'une ou l'autre des figures troubles de Baudelaire est un contresens. Mais je vais bien sûr réagir ensuite pour ce qui concerne la clausule de "Alchimie du verbe" où, après moi, Michel Murat, Adrien Cavallaro, et maintenant Alain Bardel qui les cite, s'ingénient à faire des comparaisons avec le brouillon comme je l'ai fait, mais pour dire tout autre chose. Je vais revenir sur ce petit problème.
J'en profite au passage pour signaler à l'attention qu'en 2018 j'ai ouvert un blog parallèle à celui-ci pour y rassembler mes écrits sur Une saison en enfer. Je vais le reprendre, mais il y a déjà de quoi lire.
Cliquer ici pour consulter ce blog
Je vais moi-même prendre le temps de relire ce que j'y ai publié.
Maintenant, je voudrais aussi indiquer que mon prochain article ne portera pas uniquement sur la notion de "beauté". Je vais m'intéresser aux occurrences des mots "charité" et "amour", ainsi qu'aux occurrences du mot "vie" au singulier ou au pluriel, je vais me pencher sur le rapport à la mort, sur le fait d'avoir l'esprit endormi, et j'ai plein d'autres idées encore que je vais développer.
Par exemple, je comparerai l'alinéa : "La charité est cette clef. - Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !" avec l'alinéa de "Mauvais sang" : "De profundis domine, suis-je bête !" Je comparerai aussi : "Le malheur a été mon dieu !" et "L'ennui n'est plus mon amour!"
Je vais m'intéresser aussi à ces idées de faire se rencontrer le trésor richesse et la boue, le trésor et le cœur, etc. Je vais faire entrer en résonance la faim de bonté de la Vierge folle avec les poèmes de la faim et de la soif de 72 de Rimbaud dont quelques-uns sont cités dans Une saison en enfer.
Je vais m'intéresser aux rapprochements avec des poèmes en prose des Illuminations, telles que "Vies", "Génie" et "Conte".
Pour "Vierge folle", il paraît qu'il est indéniable que c'est une transposition biographique de Verlaine qui exclut que le poète puisse parler à son âme. J'interrogerai cela.
Pour le passage : "Dieu fait ma force, et je loue Dieu[,]" je démentirai l'analyse de Cavallaro citée par Bardel qui l'interprète comme un octosyllabe.
Pour la citation de Lefrère au sujet de la prose liminaire, citation qui mobilise le séjour chez madame Pincemaille, rappelons que sur son blog Jacques Bienvenu a montré que le tableau de Jef Rosman était un faux et il a rappelé que les chercheurs rimbaldiens avaient constaté que madame Pincemaille n'avait habité rue des Bouchers que quinze à vingt ans après l'incident rimbaldien de Bruxelles.
Je vais aussi tenter de résoudre les difficultés de la section "Nuit de l'enfer". Mais, précisons au moins qu'à la fin de "Nuit de l'enfer" le poète reproche bien à Satan de vouloir le dissoudre et pour ne pas mourir le poète réclame paradoxalement une "goutte de feu", un "coup de fourche".
Pour le passage de "Mauvais sang" avec les deux amours, il y a une petite ambiguïté. On peut considérer que le poète parle de l'amour divin et de l'amour terrestre puisqu'il les dissocie, mais en réalité les deux amours sont dans la définition unique de la charité "amour de Dieu et amour des prochains par amour de Dieu". Or, cette dissociation qu'opère Rimbaud ne se fait pas au profit de l'amour terrestre contre l'amour divin. Du coup, il faut voir si c'est réellement pertinent de considérer que Rimbaud prend soin de distinguer les deux notions, il semble plutôt attaquer la notion de charité sous ses deux aspects.
Je relève aussi la phrase : "les climats perdus me tanneront" qui fait écho à la rime "tanna" deux fois reprises à Gautier dans Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs et Les Mains de Jeanne-Marie.
J'ai été critiqué par Murat dans son livre L'Art de Rimbaud au sujet de l'arrière-plan biographique que j'ai envisagé pour le récit de "Alchimie du verbe", récit biographique ostentatoire pourtant avec une succession chronologique, etc. En fait, je ne pense pas me tromper. Les poèmes en vers de 1872 sont contre les règles, ont souvent un côté idiot ou désordonné fait exprès, et au lieu d'être des contre-argumentations partiellement lisibles comme des poèmes antérieurs ("Paris se repeuple", "Le Bateau ivre", "Les Mains de Jeanne-Marie", etc.), ils sont une exploration des impasses de la poésie primesautière dans laquelle les vainqueurs de la Commune et les mainteneurs d'un bon ordre pour une littérature saine ont voulu le maintenir. Ces vers de 1872 font souvent la satire de ce côté primesautier, mais ils supposent aussi une réflexion sur la soif et la faim en tant que désirs de vie. Comme par hasard, la "Vierge folle" a faim de la bonté qu'elle trouve dans l'Epoux infernal, comme par hasard les fêtes de la patience sont des adieux au monde que le poète qui ne veut plus mourir finit par dénoncer comme ses propres impasses. Je ne vois pas très bien pourquoi on me reproche cette lecture simili-biographique, car je ne dis pas que le texte est biographique exactement. Quant à la boue, on pense à l'alchimie et dans Une saison en enfer nous avons le croisement avec le thème du trésor; Dans "Mauvais sang", la boue devient comme un trésor et les richesses flambent. Dans "Mémoire", nous avons le dépit du poète avec l'interrogation finale "à quelle boue ?" Savez-vous que, dans un texte certes bien ultérieur, son Histoire de la Commune, Lissagaray parle de la boue qu'est ce monde après la répression de la Commune, le même Lissagaray qui dans le même livre parle de la Commune comme d'une grande marée, etc., le même Lissagaray qui montre encore une fois que Rimbaud a une conception du magistère du poète en lien étroit avec Hugo, puisque si Louise Michel a déjà une veine hugolienne abondante dans ses poésies, il se trouve que Lissagaray était un correspondant du journal Le Rappel, organe hugolien, et on pense au passage à Camille Pelletan le zutiste, qui écrivait aussi dans Le Rappel, et quand à la fin de l'année 1871 Lissagaray publie un écrit sur la Commune, les "huit journées sur les barricades" (je vous laisse retrouver le titre, je ne l'ai plus en tête), c'est avec sur la première page une épigraphe d'un vers de Victor Hugo.
Vous allez me répliquer que l'emploi du mot "boue" dans un ouvrage paru en 1896, éventuellement dans la version initiale de 1876, c'est postérieur aux poésies écrites par Rimbaud, sauf que Rimbaud a fréquenté Lissagaray à Londres visiblement et tous les deux appréciaient les métaphores de poètes pour parler de la Commune en tant que marée. Je ne fais évidemment aucune difficulté à envisager que le mot "boue" servait à désigner bien des déceptions des communards Rimbaud ou Lissagaray dans les années qui ont suivi la répression...
Je prends les paris que je vais continuer de sortir des études impressionnantes sur les écrits de Rimbaud.
Pour ce qui concerne la prose liminaire, identifier la "beauté" à l'une ou l'autre des figures troubles de Baudelaire est un contresens. Mais je vais bien sûr réagir ensuite pour ce qui concerne la clausule de "Alchimie du verbe" où, après moi, Michel Murat, Adrien Cavallaro, et maintenant Alain Bardel qui les cite, s'ingénient à faire des comparaisons avec le brouillon comme je l'ai fait, mais pour dire tout autre chose. Je vais revenir sur ce petit problème.
J'en profite au passage pour signaler à l'attention qu'en 2018 j'ai ouvert un blog parallèle à celui-ci pour y rassembler mes écrits sur Une saison en enfer. Je vais le reprendre, mais il y a déjà de quoi lire.
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Je vais moi-même prendre le temps de relire ce que j'y ai publié.
Maintenant, je voudrais aussi indiquer que mon prochain article ne portera pas uniquement sur la notion de "beauté". Je vais m'intéresser aux occurrences des mots "charité" et "amour", ainsi qu'aux occurrences du mot "vie" au singulier ou au pluriel, je vais me pencher sur le rapport à la mort, sur le fait d'avoir l'esprit endormi, et j'ai plein d'autres idées encore que je vais développer.
Par exemple, je comparerai l'alinéa : "La charité est cette clef. - Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !" avec l'alinéa de "Mauvais sang" : "De profundis domine, suis-je bête !" Je comparerai aussi : "Le malheur a été mon dieu !" et "L'ennui n'est plus mon amour!"
Je vais m'intéresser aussi à ces idées de faire se rencontrer le trésor richesse et la boue, le trésor et le cœur, etc. Je vais faire entrer en résonance la faim de bonté de la Vierge folle avec les poèmes de la faim et de la soif de 72 de Rimbaud dont quelques-uns sont cités dans Une saison en enfer.
Je vais m'intéresser aux rapprochements avec des poèmes en prose des Illuminations, telles que "Vies", "Génie" et "Conte".
Pour "Vierge folle", il paraît qu'il est indéniable que c'est une transposition biographique de Verlaine qui exclut que le poète puisse parler à son âme. J'interrogerai cela.
Pour le passage : "Dieu fait ma force, et je loue Dieu[,]" je démentirai l'analyse de Cavallaro citée par Bardel qui l'interprète comme un octosyllabe.
Pour la citation de Lefrère au sujet de la prose liminaire, citation qui mobilise le séjour chez madame Pincemaille, rappelons que sur son blog Jacques Bienvenu a montré que le tableau de Jef Rosman était un faux et il a rappelé que les chercheurs rimbaldiens avaient constaté que madame Pincemaille n'avait habité rue des Bouchers que quinze à vingt ans après l'incident rimbaldien de Bruxelles.
Je vais aussi tenter de résoudre les difficultés de la section "Nuit de l'enfer". Mais, précisons au moins qu'à la fin de "Nuit de l'enfer" le poète reproche bien à Satan de vouloir le dissoudre et pour ne pas mourir le poète réclame paradoxalement une "goutte de feu", un "coup de fourche".
Pour le passage de "Mauvais sang" avec les deux amours, il y a une petite ambiguïté. On peut considérer que le poète parle de l'amour divin et de l'amour terrestre puisqu'il les dissocie, mais en réalité les deux amours sont dans la définition unique de la charité "amour de Dieu et amour des prochains par amour de Dieu". Or, cette dissociation qu'opère Rimbaud ne se fait pas au profit de l'amour terrestre contre l'amour divin. Du coup, il faut voir si c'est réellement pertinent de considérer que Rimbaud prend soin de distinguer les deux notions, il semble plutôt attaquer la notion de charité sous ses deux aspects.
Je relève aussi la phrase : "les climats perdus me tanneront" qui fait écho à la rime "tanna" deux fois reprises à Gautier dans Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs et Les Mains de Jeanne-Marie.
J'ai été critiqué par Murat dans son livre L'Art de Rimbaud au sujet de l'arrière-plan biographique que j'ai envisagé pour le récit de "Alchimie du verbe", récit biographique ostentatoire pourtant avec une succession chronologique, etc. En fait, je ne pense pas me tromper. Les poèmes en vers de 1872 sont contre les règles, ont souvent un côté idiot ou désordonné fait exprès, et au lieu d'être des contre-argumentations partiellement lisibles comme des poèmes antérieurs ("Paris se repeuple", "Le Bateau ivre", "Les Mains de Jeanne-Marie", etc.), ils sont une exploration des impasses de la poésie primesautière dans laquelle les vainqueurs de la Commune et les mainteneurs d'un bon ordre pour une littérature saine ont voulu le maintenir. Ces vers de 1872 font souvent la satire de ce côté primesautier, mais ils supposent aussi une réflexion sur la soif et la faim en tant que désirs de vie. Comme par hasard, la "Vierge folle" a faim de la bonté qu'elle trouve dans l'Epoux infernal, comme par hasard les fêtes de la patience sont des adieux au monde que le poète qui ne veut plus mourir finit par dénoncer comme ses propres impasses. Je ne vois pas très bien pourquoi on me reproche cette lecture simili-biographique, car je ne dis pas que le texte est biographique exactement. Quant à la boue, on pense à l'alchimie et dans Une saison en enfer nous avons le croisement avec le thème du trésor; Dans "Mauvais sang", la boue devient comme un trésor et les richesses flambent. Dans "Mémoire", nous avons le dépit du poète avec l'interrogation finale "à quelle boue ?" Savez-vous que, dans un texte certes bien ultérieur, son Histoire de la Commune, Lissagaray parle de la boue qu'est ce monde après la répression de la Commune, le même Lissagaray qui dans le même livre parle de la Commune comme d'une grande marée, etc., le même Lissagaray qui montre encore une fois que Rimbaud a une conception du magistère du poète en lien étroit avec Hugo, puisque si Louise Michel a déjà une veine hugolienne abondante dans ses poésies, il se trouve que Lissagaray était un correspondant du journal Le Rappel, organe hugolien, et on pense au passage à Camille Pelletan le zutiste, qui écrivait aussi dans Le Rappel, et quand à la fin de l'année 1871 Lissagaray publie un écrit sur la Commune, les "huit journées sur les barricades" (je vous laisse retrouver le titre, je ne l'ai plus en tête), c'est avec sur la première page une épigraphe d'un vers de Victor Hugo.
Vous allez me répliquer que l'emploi du mot "boue" dans un ouvrage paru en 1896, éventuellement dans la version initiale de 1876, c'est postérieur aux poésies écrites par Rimbaud, sauf que Rimbaud a fréquenté Lissagaray à Londres visiblement et tous les deux appréciaient les métaphores de poètes pour parler de la Commune en tant que marée. Je ne fais évidemment aucune difficulté à envisager que le mot "boue" servait à désigner bien des déceptions des communards Rimbaud ou Lissagaray dans les années qui ont suivi la répression...
Je prends les paris que je vais continuer de sortir des études impressionnantes sur les écrits de Rimbaud.
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