vendredi 14 septembre 2018

Voyelles : plus de lumière du blanc

Après un exposé sur  la forme que prennent dans l'ensemble les cinq séries d'associations, je reviens sur les vers 5 et 6 de "Voyelles" en considérant cette fois la copie de Verlaine, et je développe quelques autres idées ensuite.

Face à une adversité dont le manque d'intuition logique me dépasse, je reprends mon idée. Les associations pour chaque lettre de couleur prennent chacune la forme d'un groupe nominal. Il suffit alors de distinguer le nom noyau de tout ce qu'on appelle aujourd'hui les expansions du nom (dans disons 99% des cas : adjectifs épithètes, groupes prépositionnels compléments du nom, propositions subordonnées relatives / Il y a juste ici un cas particulier pour le vers 8 "Dans la colère ou les ivresses pénitentes", mais je ne vais pas me pencher sur sa singularité, il s'agit de toute façon d'une expansion au nom "rire", puisque la proposition ne comporte pas de verbes).

Je reprends le tableau. J'écris en rouge les trois éléments qui camouflent l'homogénéité du principe appliqué par Rimbaud :

A noir
Nom noyau : corset Expansions (3) : noir + velu + des mouches éclatantes Qui bombinent autour des puanteurs cruelles
Nom noyau : golfes Expansion (1): d'ombre

La présentation est très claire : mention de la lettre, première association sur deux vers, puis en trois mots la seconde association en début du vers suivant, en l'occurrence le vers 5.

Donc on a bien le couple "corset" et "golfes" et ce que j'appellerai un cortège de précisions.
J'ai parlé de matrice, de maternité en développant ce que pouvait communément suggérer les mots "corset" et "golfes". N'étant pas dans une impasse complète, il y a une personne qui pense que ma lecture de "Voyelles" relève du bon sens et que les autres se ridiculisent à ne pas voir ce qui crève les yeux, j'ai reçu en renfort des petites références sur l'idée d'une association entre le mot "golfe" et l'idée du sein.
D'abord, on peut consulter le Larousse du dix-neuvième siècle avec référence à la mer, mais aussi au sein dans le sens de matrice ! Je donne le lien sur le site "Gallica" de la BNF.

Lien pour lire la définition du mot "golfe" dans le Larousse du dix-neuvième siècle

Une étymologie grecque est donnée. Le nom "golfe" vient du grec kolpos signifiant "sein, giron, golfe, fond de la mer, abîme". Le lien est fait aussi avec le mot "gouffre".

Le Littré cite des vers de Lamartine, un extrait d'un poème du recueil Harmonies poétiques et religieuses. Lamartine est important en poésie avant tout pour ce recueil et bien sûr son premier Les Méditations poétiques, ainsi que pour Jocelyn.

Lien pour la définition en ligne donnée par le Littré

Lien pour lire le poème de Lamartine

J'ai déjà fait face au golfe de Gênes, il n'est sans doute plus tel que l'a connu Lamartine, malheureusement, mais il faut observer que c'est l'occasion d'un jeu entre la lumière de la Lune et les ombres du golfe bien précisément. Il faut inévitablement citer quelques passages. J'essaie de choisir le moins d'extraits suggestifs possible pour ne garder que ce qui est apte à marquer mes lecteurs. Ou plutôt, si je cite tout, je serai lu passivement, donc je choisis des extraits qui demandent aux lecteurs de faire un peu agir le cerveau.

[...]


A sa clarté tremblante et tendre,
L'oeil qu'elle attire aime à descendre
Les molles pentes des coteaux,
A longer ces golfes sans nombre
Où la terre embrasse dans l'ombre
Les replis sinueux des eaux.

[...]

Astre au rayons muets, que ta splendeur est douce,
[...]
[Nota Bene : je pense au dernier tercet de "Voyelles", je pense au dernier tercet de "Voyelles", je pense au dernier tercet de "Voyelles",... même si "Voyelles" ne parle pas de la Lune !]
Hors, un pauvre pêcheur soupirant vers le bord,
Qui, tandis que le vent le berce loin du port,
Demande à tes rayons de blanchir la demeure
Où de son long retard les enfants comptent l'heure ;
[... / Nota Bene : je pense aux "candeurs des vapeurs et des tentes", je pênse aux "candeurs des vapeurs et des tentes", je pense aux "candeurs des vapeurs et des tentes",...]

Et tu guides ses yeux, de miracle en miracle,
Jusqu'au seuil éclatant du divin tabernacle
Où celui dont le nom n'est pas encor trouvé,
Quoique en lettres de feu sur les sphères gravé,
Autour de sa splendeur multipliant les voiles,
Sema derrière lui ses portiques d'étoiles !

[... / Nota Bene: je pense au dernier tercet de "Voyelles", mais aussi à mon rapprochement entre les "pâtis semés d'animaux" et les "Silences" traversés ou semés de Mondes et d'Anges.]

 [...]
La lumière éblouit leurs cimes,
[....]
De brillants glaciers les couronnent ;
[...]
Tout fond dans le vide des cieux ;
Ce n'est plus qu'un troupeau candide,
Qu'un pasteur invisible guide
Dans les plaines de l'horizon,
[... / Nota Bene : je songe aux "candeurs" comme aux "pâtis semés d'animaux" ici mis au plan de "célestes campagnes.]

[....]

Je suis loin d'avoir tout cité sur la lumière, la langue inconnue, les insectes humains des orageuses cités, le golfe comme lieu d'ombre pour dormir bien, etc.



E blanc
Nom noyau : candeurs (variante frissons copie Verlaine) Expansions (2) : des vapeurs + et des tentes
Nom noyau : Lances Expansion (1) : des glaciers fiers
rois blancs (variante : "rais blancs" copie Verlaine)
Nom noyau : frissons Expansion : d'ombelles

I rouge
pourpres (variante : pourpre pour la copie Verlaine)
Nom noyau : sang Expansion (1) craché
Nom noyau : rire Expansions (2) : des lèvres belles + Dans la colère ou les ivresses pénitentes

U vert
cycles
Nom noyau : vibrements Expansions (2) : divins + des mers virides,
Nom noyau : Paix Expansion (1) des pâtis semés d'animaux
Nom noyau : paix Expansion (1) des rides Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux (variante des rides qu'imprima l'alchimie aux doux fronts studieux)

O bleu-violet
Nom noyau : Clairon Expansions (2) : Suprême + plein des strideurs étranges
Nom noyau : Silences Expansion (1) traversés des Mondes et des Anges
[Reformulation du "O bleu" en "Oméga" avec reprise de l'expansion "Suprême" précédente]
Nom noyau : rayon Expansions (2) violet + de Ses Yeux

Dans le cas du tercet du O bleu, l'alignement vers pas vers soutient nettement l'évidence d'une analyse nom noyau et expansions.

Ô Suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

Mais remarquez un autre fait troublant. Comparez les vers 9 et 14, le premier et le dernier vers des tercets ! Tous deux sont caractérisés par un rejet d'épithète, mais il s'agit à peu près de l'unique cas dans la poésie classique où étrangement les rejets d'adjectifs épithètes sont tolérés. Il s'agit de cas assez rares dans la poésie classique, mais ils existent.
En effet, "divins" et "des mers virides" sont deux expansions du nom "mers" qui forment un second hémistiche, mais cela ne forme pas un tout stable au plan du rythme. La remarque sera exactement la même pour "violet" et "de Ses Yeux" par rapport à "rayon".
Vibrements divins et vibrements des mers virides peut donner vibrements des mers virides
Rayon violet et Rayon de ses yeux peut donner rayon violet de ses yeux.
Mais comparer avec les seconds hémistiches des vers suivants inventés pour la circonstance

U, cycles, vibrements divins et qui font vivre
U, cycles, vibrements divins et infinis,
U, cycles, vibrements divins, époustouflants,
Ô, l'Oméga rayon violet et divin,
Ô l'Oméga rayon violet, tout intense,

Vous pouvez constater que les seconds hémistiches forment un tout avec son autonomie rythmique : "divins et qui font vivre", "divins et infinis", "divins, époustouflants", "violet et divin", "violet tout intense", alors que les deux hémistiches de Rimbaud ont une forme discontinue adjectif plus complément du nom : "divins des mers virides", "violet de Ses Yeux" (ne pas lire "le violet de ses yeux"). Je n'ai plus d'exemple en tête dans les poésies de Mathurin Régnier ou même d'un poète de l'époque de Boileau, mais il s'agit d'un cas particulier de rejet d'épithète toléré dans la poésie classique. Il faut noter que c'est le même principe qui est appliqué pour le second hémistiche du vers 3 : "velu des mouches éclatantes".
Je remarque également au passage que Cosme Olvera est un sacré cachottier. Non seulement son idée farfelu de considérer le dernier vers du sonnet "Voyelles" comme une parenthèse en ajoutant un second tiret s'inspire d'un mauvais déchiffrement du manuscrit et d'un cafouillage dans l'édition philologique de Steve Murphy, mais ce second tiret apparaît également dans l'édition du Centenaire dirigée par Alain Borer. J'ai l'exemplaire sous les yeux, page 255. Je n'ai pas vu d'explication dans les notes.
Ce tiret est aberrant, n'en déplaise à Cosme Olvera. En tant que spécialiste de l'Album zutique, je vous conseille de consulter la fin manuscrite du vers 14 du sonnet "Propos du Cercle", vous y verrez la même tache qui n'est pas un tiret que pour la copie autographe de "Voyelles". Hahahahaha hahahahaha hahahaha! Hahhahahah Hahahahahaha!

J'en viens enfin à mes vers 5 et 6.
Prenons la leçon de la copie Verlaine (je n'ai pas le texte sous les yeux, la ponctuation sera peut-être un peu inexacte, mais ce n'est pas un problème ici pour mon propos :

Golfes d'ombre, E, frissons des vapeurs et des tentes,
Lances de glaçons fiers, rais blancs; frissons d'ombelles,

Je vous explique ce que je vois d'important. On constate bien sûr le bouclage "Golfes d'ombre" et "frissons d'ombelles". On comprend bien que "Golfes" correspond à "frissons" et "d'ombre" à "d'ombelles", avec un jeu malicieux, puisqu'une partie du mot "ombre" se retrouve quelque dans la désignation du blanc par une fleur "ombelles". Ce bouclage confirme bien sûr que le premier hémistiche du vers 5 : "Golfes d'ombre, E frissons" orchestre le passage de la nuit au jour, de l'ombre à la lumière. Mais on voit aussi que si "Golfes" est sur le même plan que "frissons", j'ai mille fois raison d'insister sur les noms noyaux comme les éléments directeurs des associations, mille fois raison de dire que finalement les séries sont les suivantes : corset - golfes / frissons - lances - frissons / sang - rire / vibrements - paix - paix / Clarion - Silences - rayon.
La copie de Verlaine apporte un plus, car la reprise de "frissons" si elle semble bien maladroite souligne nettement une structure commune au "A noir" et au "E blanc". Il y a deux associations dans un cas, trois au moins dans l'autre, mais il y a une longue association précise suivie d'une conclusive pour le "A noir" et quelques associations précises et une conclusive pour le "E blanc".

A, noir corset velu des mouches éclatantes Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ;

E, frissons des vapeurs et des tentes, Lances de glaçons fiers, rais blancs,
Frissons d'ombelles ;

Rermarquez que selon ce découpage on a bien à chaque fois une formule conclusive sur le même moule, mais aussi que les mentions "noir" et "blancs" sont prises dans l'élan descriptif précis qui précède la formule concise de conclusion. Dans le cas du "A noir", c'est le fait qu'il n'y a que deux associations qui favorise le découpage, dans le second cas, c'est la reprise de "frissons".
Pourtant, le "E blanc" contient plus d'associations. Je suis parti sur une base de trois associations à partir des noms noyaux candeurs ./ Lances / frissons (version autographe) ou frissons / Lances / frissons (copie Verlaine), et j'ai considéré que "rois blancs" dans la copie autographe était en apposition à "glaciers fiers". Mais le découpage binaire que je propose me fait considérer que "rois blancs" peut être en apposition à "glaciers", "vapeurs" et "tentes", sauf pour les débiles qui prônent l'écriture inclusive (jusqu'à plus ample informé, un groupe de "chanteurs-ses", ce n'est pas une écriture qui plaît aux femmes, seulement aux viragos!).
Or, une variante de la copie Verlaine me fait revenir sur ce problème d'apposition. A la différence du mot "rois", le mot "rais" s'harmonise parfaitement dans la série "frissons" / "Lances" / "rais" / "frissons"  Je ne suis pas encore à trouver comme pouvant aller de soi la série "candeurs" / "Lances" / "rois" / "frissons", mais pour la copie Verlaine l'idée de quatre associations avec une homogénéité patente pour les quatre mots directeurs ça marche ! Ceci dit, je comprends plutôt que "rois blancs" comme "rais blancs" sont finalement en apposition non pas à "glaciers" ou "glaçons fiers", etc., mais à "frissons" et "Lances". Les "frissons" ou les "lances" sont des "rais blancs", des "rois blancs" et se transposent encore en "frissons d'ombelles".
Les trois expressions "rois blancs", "pourpres" et "cycles" sont toutes les trois, dans tous les cas, proches des séries de noms noyaux. J'ai déjà dit que "vibrements" et "paix" était deux visages des "cycles", le "sang" et le "rire" sont deux images de la "pourpre", puisque deux images de la bouche colorée.
Enfin, il y a bien sûr un problème de spiritualisme posé par "Voyelles". En gros, les martyrs communards sont morts. Pour un esprit matérialiste, ils ont servi une cause, mais leur mort est cruelle et avec un peu de cynisme ils auraient pu éviter de servir une cause aussi dangereuse. On fait de Rimbaud un matérialiste pour plusieurs raisons. Il a adhéré à la Commune et ce mouvement a été pendant une bonne partie du vingtième siècle récupérer par une idéologie marxiste qui revendique une pensée matérialiste, alors que les communeux n'étaient pas forcément matérialistes. Gustave Lefrançais le rappelle, il existait une pensée spiritualiste parmi les communeux. Ensuite, il y a le mot de Rimbaud sur la certitude que l'avenir sera matérialiste, mot à mettre en relation avec les triomphes de la science face au recul de la religion, mot à mettre en relation avec le développement à l'époque du positivisme.
Je suis désolé, mais quand je lis le dernier tercet de "Voyelles", on a une évocation d'un jugement dernier. Pour certains, le poème date carrément de l'été 1871, ils sont encore plus près que moi des lendemains de la Semaine sanglante. Ma conviction, c'est que ce sonnet date du début de l'année 1872. Les rimbaldiens sont de plus en plus nombreux à penser en ce sens. Mais, au début de l'année 1872, comme le rappelle un poème daté de février "Les Mains de Jeanne-Marie", l'actualité communarde est encore bel et bien là dans la presse, en particulier avec les procès des femmes de la Commune, etc. Comment Rimbaud ne pourrait-il pas penser au martyre de la Semaine sanglante quand il parle d'un jugement dernier sept mois ou huit mois après les faits, et en même temps que se déroulent les procès des condamnés qui ont survécu et ont été faits prisonniers ?
Il a foi dans un jugement dernier, c'est une attitude spiritualiste, et il se moule pleinement dans le style prophétique chrétien, sauf que comme le monde est atroce depuis que ce Dieu nous attelle à sa croix il  y a toute la pirouette érotique du "rayon violet" d'un regard de Vénus.
On peut toujours qu'il écrit cela sans y croire, que c'est juste pour faire beau, mais c'est ce qu'il écrit. Quant à dire que ce qui est ironique, ça n'a aucun sens ici. Ou les signes de l'ironie sont visibles, ou c'est uniquement le lecteur qui peut transformer un beau poème en bouillie ironique. Il y a bien une raillerie dans ce sonnet, l'érotisation du "rayon violet" nous détourne de Dieu et du christianisme. Mais, pour le reste, c'est une célébration où il est impossible d'observer la moindre raillerie manifeste. Il n'y a aucun travail de style sensible pour nous prévenir de la moindre dérision.
Une prochaine grande étape sera de consolider la lecture communarde que je fais du sonnet. Je sais de toute façon ce que j'ai à faire, ça viendra.
Maintenant, il faut un mot sur ces questions d'aléatoire des associations et sur la vérité du dire poétique.
Personnellement, je n'ai jamais compris la prétention du réalisme en Littérature. Les mots sont des idées. Opposer deux chaises, ça se fait en un coup d'oeil, mais il y a faut des milliers d'heures et de mots pour le dire. Et encore, les chaises sont décrites à travers un regard, et on pourra regarder selon plusieurs angles variés une chaise qu'il faudra encore confronter quantité de façons d'aborder cette chaise par les mots, et on peut encore ajouter que quand on regarde une chose on est attentif ou on ne l'est pas, on pense en même temps à autre chose ou pas, etc., etc.
Les mots sont au plan des idées, et la volupté de la poésie va consister sur ce que la langue peut faire au plan de la vue et de l'ouîe, puis au plan des idées, jamais il n'y aura de rendu des choses. Quand je lis "frissons d'ombelles" ou "lances des glaciers fiers", je dois l'avouer, je ne me fais pas des images en tête aussi belles que je pourrais les avoir avec un film ou une peinture. Et pourtant, j'ai une énorme puissance de rêveries pour ce qui est des images. Je sais qu'on pourrait s'extraire des visions que je peux avoir j'aurais des chefs-d'oeuvre à exposer dans des salons artistiques. Je sais que j'ai cette force là en moi, mais il n'en reste pas moins que ma lecture de poèmes ne s'accompagne pas de flashs visuels aussi forts que ce que je peux avoir quand je cherche le sommeil, quand je rêve ou quand je fais jouer mon imagination rêvasseuse. Quand je vois certains commentaires sur la poésie, je me dis qu'ils n'ont pas les mêmes organes. Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? Et je vois même très bien qu'ils n'ont pas l'air d'avoir réellement toutes ces visions qu'ils prétendent le sel de leurs lectures poétiques. Tout ça, c'est du pipeau ! Lire de la poésie, c'est une activité cérébrale. Mieux encore, plus on veut créer des images en lisant de la poésie, plus on se concentre sur ce qu'on lit, plus on réfléchit au-delà de la lecture passive du poème pour provoquer notre propre jeu de l'imaginaire. Si on lit passivement, on n'a qu'une petite compréhension immédiate. C'est l'activité cérébrale qui fait qu'on frissonne et qu'on a de grands développements en lisant de la poésie.
Ce qui me dépasse, c'est cette histoire d'une poésie qui nous dévoile des mondes. Le mot "table" n'est pas une vision, le mot est un média, un intermédiaire entre la réalité et nous. D'ailleurs, le seul mot "table" dans toute sa nudité n'impose pas une seule image. Le lecteur va l'associer à une série de tables de son environnement, à une série de tables qu'il a emmagasiné dans son imaginaire. Plus loin,, une description plus précise des pieds de cette table va l'amener à corriger ce qu'il avait d'abord cru pouvoir concevoir, etc. Les mots en s'assemblant ne créent pas des réalités, ils créent des assemblages qui peuvent nous faire envisager ce qui n'est pas dans la réalité : la vache carnivore qui parle, ou que sais-je ? mais il faut arrêter avec ce cirque de visions rapportées telles quelles par les mots.
C'est pareil quand je lis le Manuel d'Epictère, il prétend opposer ce qui est à notre portée et ce qui ne l'est pas, et en fait cette séparation je n'y crois, je ne crois pas qu'on puisse avoir à notre portée le désir, l'aversion, le jugement, à condition de savoir les dissocier des représentations, etc. Je n'y crois pas un instant que Dieu ne peut pas nous retirer l'exercice dynamique de la raison. Tout ça, c'est du charabia. On a exercé correctement la raison, mais c'est la même chose pour un oiseau qui exerce correctement son vol. On enlève ses ailes à l'oiseau, c'est fini. L'homme peut voir se détériorer son cerveau. Moi, je ne perds pas mon temps avec ces croyances en une raison qui nous fait égal à Dieu ou en une poésie qui ramène d'autres mondes. C'est absurde, je veux bien analyser les discours tenus en ce sens, mais je ne vais pas faire semblant de prendre ça au pied de la lettre. C'est absurde et c'est tout ! J'en reparlerai, j'ai encore de gros combats à mener pour me faire entendre, je pense.

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