mercredi 16 octobre 2013

Dire et suggérer

Alors, il vous a plu l'article intitulé "E blanc"? Vous savez que vous pouvez le plébisciter. Vous cliquez sur "recommander cet article sur google" en bas.

Vous remarquerez aussi que, dans le fond, mes commentaires sont peu appuyés. Je fais confiance au sens littéral et j'étaie ma perception du texte en me contentant de dire que telle approche est plus logique que telle autre et en donnant des sources pour renforcer la lecture première la plus évidente.
J'essaie de ne pas vous présenter des inférences, mais des déductions.
Je reviens sur le "I rouge", pour lequel j'avais dit encore autre chose dans mon article de 2003, et cela me permet de traiter du problème de la dénotation et de la connotation, autrement la différence entre ce qui est dit et ce qui est suggéré. Ne me dites pas que c'est difficile, les notions de dénotation et connotation sont actuellement enseignées en sixième à des enfants qui, à la différence ce que vous étiez à six ans, ne savent ni lire ni écrire, sans doute à vie, puisqu'à douze ans les automatismes pris, l'ignorance de la lecture syllabique, l'appauvrissement des cours de grammaire, la simplification des exercices et leur manque, les mépris du par coeur et des exceptions de la langue française, l'assistanat de la consigne consommée dans l'instant, la peur d'humilier un enfant par la note et les reproches, l'apprentissage par le ludique, l'absence de climat de discipline qui devient normale, l'absence de respect dans les classes, les bons points donnés à la facilité, la prise en considération de l'enfant sur un pied d'égalité avec l'adulte, le culte de l'échange, la diffusion d'abstractions massives à des enfants qui ne maîtrisent pas les fondamentaux, et j'en passe, font qu'il est déjà trop tard pour les 99% qui ne feront jamais l'effort individuel de se reconstruire sévèrement.
Je sais bien que mes articles seront lus par moins de personnes encore qu'ils ne le sont aujourd'hui. C'est certain pour les quarante prochaines années en tout cas. Peut-être que je devrais écrire en anglais ou en vietnamien ou en japonais, si je veux faire vivre la culture?

Bon, je reviens au couple dénotation/connotation.

Les rimbaldiens ont identifié une allusion érotique dans "rire des lèvres belles", laquelle expression commandait la signification du groupe prépositionnel du vers suivant "Dans la colère ou les ivresses pénitentes". Cette suggestion est sans doute consolidée par la rime entre "frissons d'ombelles" et "rire des lèvres belles".
Ils ont rencontré à proximité l'expression "sang craché" qu'ils ont automatiquement associée à une maladie qui fait cracher le sang ou bien, et là ils pensaient à Tête de faune, à une morsure érotique cause de ce sang qui coule.

Ce que dit le poème, c'est la présence de lèvres belles dont le rire symbolise quelque chose de fort pour le poète, qu'il verse dans la colère ou dans une débauche qui confine au sacrifice de soi.
Le mot "lèvres" est féminin, ce qui commande l'accord au féminin, mais il n'est même pas dit explicitement que ce sont des lèvres de femmes. Culturellement, la suggestion "belles lèvres de femmes" s'impose plus nettement que l'idée de lèvres appartenant indifféremment tant à des hommes qu'à des femmes.
Mais, le texte n'impose pas la suggestion la plus forte et son sens littéral n'exclut pas les hommes.
Ensuite, le texte ne dit pas que les femmes sont belles, ni que les hommes et les femmes sont beaux, il se concentre sur la beauté des lèvres.
A proximité, nous avons l'image d'un "sang craché", ce qui impose un champ lexical de la communication orale "craché", "rire des lèvres". Idée cette fois qui relève de la suggestion : la rencontre entre "craché" et "rire" oriente la lecture et anticipe l'occurrence du mot "colère". Et, autre idée suggestive, ce sang craché sort-il des lèvres de la bouche? Ou sort-il de plaies qui pourraient être assimilées à autant de bouches de victimes d'un conflit?
Dans tous les cas, je m'en tiens au sens littéral du poème qui parle d'un "sang" qui est versé, et même "craché" par connotation de défi, cette suggestion-là étant clairement commandée par le texte, texte qui parle aussi d'un rire dans la colère et d'un rire dans un dévouement martyrique. Le texte ne parle de rien d'autre, si ce n'est qu'il évalue cela comme "beauté" et "pourpre".

Le mot dit une variété de rouge et suggère, mais automatiquement, sans que nous ayons à être réservés, une idée de puissance souveraine.
La colère et le don enthousiaste de soi sont le moyen de parvenir à cette grandeur souveraine. La copie de Verlaine est au singulier. Rimbaud n'a pas repris les mentions "A noir" ou "A, noir". Le mot "noir" sert d'adjectif à "corset" au vers 3. L'adjectif au pluriel "blancs" n'apparaît qu'au vers 6 pour qualifier les "rois", alors que les associations du "E blanc" sont déjà bien entamées. Dans la version finale, le choix du mot "candeurs" est une façon nouvelle de rappeler la couleur en jeu. Dans la suite du poème, Rimbaud ne reprend plus les mentions de couleurs. Le vert sera rendu par le mot "virides" à la rime, mais le rouge est spécifié en "pourpre" et le bleu non mentionné s'altère en violet dans le tercet final qui lui est consacré (j'y reviendrai). Employé isolément, le mot "pourpre" au singulier semblait la simple caractérisation du I, avec une connotation symbolique en renfort. Dans la leçon finale au pluriel, le mot "pourpres" fait image à part entière et on peut concevoir une équivalence "(plaies ou taches) pourpres", "sang craché (que tout cela)", "rire des lèvres belles (que tout cela)". On peut être réfractaire à cette identification systématique à des plaies, mais on ne saurait nier la liaison du pluriel entre "pourpres" et "rire des lèvres belles".
Les femmes ont sans doute des lèvres purpurines ou écarlatines dans la poésie de Catulle Mendès, mais alors il faudra expliquer impérialement le "sang craché", les "ivresses pénitentes", sans ouvrir la voie de ma lecture littérale qui prend les mots dans leur signification guerrière pour ce qu'ils sont, en phase dans tous les cas avec le charnier érotique (puisque "corset" il y a) du "A noir" aux "puanteurs cruelles". Le premier quatrain se termine par des "puanteurs cruelles", le second par des "ivresses pénitentes". Ou on admet le sens littéral et les suggestions qui en découlent, du moins les suggestions immédiates, ou alors on explique l'érotisme torride qu'il y a à comprendre dans "ivresses pénitentes". Des "ivresses érotiques sadiques", oui, mais "pénitentes", non!

1 commentaire:

  1. Rose pourpre, visage qui s'empourpre, Comme je l'ai dit pour le "A noir", Voyelles est un poème de célébration, il ne situe pas sa répugnance pour les mouches, il célèbre quelque chose à travers cette répugnance. Le "sang craché" avoisine le symbole pourpre et le rire qui articule colère et ivresses. Raison de plus pour ne pas penser à la maladie, mais à la célébration d'un sang qui est, c'est le mot du texte, donc son sens littéral, "craché" par défi, colère et ivresse pénitente.

    RépondreSupprimer