mardi 11 novembre 2025

Pour une anthologie épurée de recueils de poésies du XXe siècle

Le nom pompeux est lancé. Lançons-nous.
J'essaie de sélectionner ce qu'il y a de meilleur dans la poésie de langue française du vingtième siècle. Le catalogue de la collection Poésie Gallimard va me servir de base de départ.
 
Guillaume Apollinaire devrait être sur le podium, mais il faut l'avouer, ce n'est que pour un seul recueil Alcools. Je n'ai pas du tout la même considération pour Calligrammes et Poèmes à Lou.
 
Louis Aragon a lui aussi de bonnes chances de figurer sur le podium, mais là encore ça se discute. Son principal recueil n'est pas dans la collection Poésie Gallimard : Les Yeux d'Elsa. J'ignore comment il a pu se faire hypnotiser autant par Elsa Triolet, mais Le Fou d'Elsa est indigeste. Je vais bientôt me procurer Elsa, mais sans grande conviction. J'ai aussi Le Crève-coeur et Le Nouveau Crève-coeur. Mais il y a donc quelques recueils importants à trouver ailleurs que dans notre catalogue de départ.
 
Premier joker : Antoni Artaud L'Ombilic des limbes. C'est indigeste, on l'achète dans la mesure où il a eu son heure de gloire, mais bon...
 
Deuxième joker : Yves Bonnefoy, je n'en pense pas grand bien, mais comme il a eu un écho dans les études rimbaldiennes, on fait un effort le volume Poèmes préfacé par Jean Starobinski "De l'immobilité de Douve", etc. Je le répète, ça ne vaut pas tripette.
 
Doit-on acheter un volume d'André Breton ? Non.
 
Troisième joker : Blaise Cendrars. On a désormais ses poésies complètes dans le volume Du coeur du monde au monde entier, mais l'ancienne édition de ses débuts suffit amplement. Il faut connaître pour l'histoire de la poésie "La prose du transsibérien" et "Pâques à New York", après ce que ça vaut, c'est un peu léger.
 
René Char :
Cette fois, on a enfin un poète qui tient le coup sur plusieurs recueils, mais malheureusement il est plus intellectuel que lyrique en poésie. Je recommande tout de même Les Matinaux comme Fureur et Mystère, puis si on aime on poursuit.
 
Doit-on acheter un recueil de Paul Claudel ? Moi, je n'en vois pas l'intérêt.
 
Paul Eluard :
Il y a un certain charme. Capitale de la douleurL'Amour la poésieDonner à voir, ou Les Mains libres avec les dessins qui accompagnent, ou bien La Vie immédiate. Je vais le lire et relire attentivement prochainement, je réserve toujours un peu mon jugement décisif bien sûr.
 
Léon-Paul Fargue : Epaisseurs suivi de Vulturne. Je devrais mettre ça en joker, mais en gros sa prose est une bonne singerie rythmique de la prose rimbaldienne.Il n'est pas poète comme Rimbaud, mais je pense étudier de très près les ressorts prosodiques de ce qu'il a exhibé.
 
Philippe Jaccottet :
 Poète pas mal. Il pose à nouveau le problème qui est celui d'Aragon ou d'Henri Michaux de recueils qui sont à chercher ailleurs que dans la collection Poésie Gallimard. Je voudrais lire les recueils La Semaison II, etc. Je les ai déjà eus dans les mains, mais ça date.En Poésie Gallimard, il me pose problème. Il y a son premier recueil, le plus intéressant qui s'intitule Poésie (1946-1967), c'est celui qui s'apparente le plus à un recueil de poésies. Après, il y a trois volumes un peu particulier : Paysages avec figures absentesA la lumière d'hiver et Cahier de verdure. Il confond la poésie avec une prose raisonneuse, mais je goûte assez bien cette prose malgré tout. Mais je me demande où en sont les spécialistes qui commentent la poésie de Jaccottet. Cahier de verdure ne correspond pas aux sources d'inspiration qu'on signale à l'attention, il s'agit très clairement d'une démarcation du phrasé proustien d'A la recherche du temps perdu, avec un peu plus de correction grammaticale que ce pataud de Proust et finalement une sensibilité rythmique plus aboutie, mais je voudrais travailler là-dessus, parce que pour moi c'est un problème de perception de ce qu'est la poésie qui se joue là, et en même temps j'admets la force prosodique de la prestation. Le style proustien apparaît aussi dans les autres écrits en prose, mais Cahier de verdure est celui qui s'en ressent le plus nettement.
 
Henri Michaux :
Un poète qui pose problème, tout comme Jacques Prévert. Jacques Prévert a de très bons joyaux d'imagination lyrique, mais pour le plaisir de lire ce n'est pas vraiment ça. Henri Michaux pose un problème similaire. Le but en s'intéressant à Michaux, c'est d'éviter de rater une expérience particulière par sectarisme. Moi, je pense que ce n'est pas de la bonne poésie, mais il y a des textes attachants. Evidemment, on retrouve le problème de recueils qui ne sont pas tous en Poésie Gallimard et comme le tout venant je n'ai pas cherché, puisque moi ce qui m'intéresse c'est le XIXe siècle. J'ai plutôt bien aimé Plume suivi de Lointain intérieur. Là, j'ai Epreuves, exorcismes. Alors, sans trouver cela poétique en prosodie, j'aime bien le début. J'aime beaucoup la préface, je ne boude pas la curiosité du un peu grotesque "Immense voix", j'aime bien les deux poèmes encore qui suivent dans leur originalité de taré : "Lazare, tu dors ?" et "Année maudite", mais après ça tombe dans l'ennui avec des effets de manche pas toujours heureux : "oubliant les tenailles de mon mal tenace" dans "Les équilibres singuliers". Ses poèmes à base de néologismes, oui c'est pas mal parce qu'il fallait que ce soit fait, mais à un moment le masque tombe. C'est un peu un frimeur.
 
Joker : Francis Ponge La Rage de l'expression et Le Parti pris des choses. Je n'aime pas vraiment, je lis les poèmes et je comprends plein de finesses, c'est très travaillé, c'est plein d'esprit, mais je me dis à un moment donné que c'est un peu un jeu assez vain. Je me confronte à du bricolage génial, mais du bricolage à la fin.
 
A réexplorer Jacques Réda : je l'ai lu il y a tellement longtemps qu'il faut absolument que je me refasse une opinion sur Les Ruines de Paris ou Amen, Récitatif, La Tourne. Il ne sera pas sur le podium, mais faut que je m'y replonge quand même.
 
Pierre Reverdy :
Il n'est pas parfait, mais j'ai eu beaucoup de plaisir jadis à lire Flaques de verre en Garnier-Flammarion, je l'ai toujours, et en Poésie Gallimard Plupart du temps et Sable mouvant. Mais aujourd'hui que je suis plus exigeant et plus fixé sur les questions de poésie, il faut que je reprenne ça à bras-le-corps. De fait, c'est un poète du vingtième siècle que j'ai lu plus souvent que la plupart des autres.
 
Joker : Saint-John Perse. Il a une certaine cote parmi les lettrés. On est bien dans un bain de poésie. Moi, je ne suis pas dedans. Il me laisse perplexe, je vais reprendre ça, mais je n'en fais pas une priorité. Je pense surtout à Eloges et Anabase.
 
Saint-Pol Roux : La Rose et les épines du chemin. Je n'ai plus ce recueil, mais j'ai plutôt un bon souvenir de ce poète.
 
Victor Segalen : Stèles. C'est assez intéressant dans l'idée, il y a une conduite, ça en vaut la peine. Je l'ai aussi en gros volume chez Robert Laffont avec d'autres textes.
 
Jules Supervielle : ce n'est pas l'expérience la plus intense, mais j'aime bien les deux recueils que je connais de lui Le Forçat innocent et Gravitations.
 
Paul Valéry : le recueil Poésies avec Charmes. On le dit artificiel et qui veut trop en faire, mais moi je trouve qu'il a ce qu'il manque à l'histoire de la poésie du vingtième siècle une maîtrise prosodique époustouflante.
 
Il y a pas mal de jokers, mais que fait Batman ?
Alors, vous allez me demander ce que je pense d'autres poètes. J'ai déjà fait entendre que Prévert me posait problème, même s'il y a des jeux de l'imagination savoureux, faites-vous un joker avec Paroles, mais sinon non je ne vous recommande pas spécialement les poètes suivants : Jacques Audiberti, Georges Bataille, Christian Bobin, Alain Bosquet, Joë Bousquet, Michel Butor, Roger Caillois, Aimé Césaire, François Cheng, Georges-Emmanuel Clancier, Jean Cocteau, Jean-Paul de Dadelsen, René Daumal, Michel Deguy, Robert Desnos, André du Bouchet, Jacques Dupin, Jean Follain, Maurice Fombeure, André Frénaud, Lorand Gaspar, Jean Genet, André Gide, Edouard Glissant, Guy Goffette, Jean Grosjean, Guillevic, André Hardellet, Edmond Jabès, Max Jacob, Ludovic Janvier, Alain jouffroy, Pierre jean Jouve, Patrice de La Tour du Pin, Valéry Larbaud, Michel Leiris, Henry Jean-Marie Levet, Georges Limbour, Pierre Louÿs, Pierre Mac Orlan, Jean-Michel Maulpoix, Gaston Miron, Bernard Noël, Marie Noël, Norge, Benjamin Péret, Georges Perros, André Pieyre de Mandiargues, Catherine Pozzi, Raymond Queneau, Pascal Quignard, Lionel Ray, Denis Roche, Jules Romains, Jacques Roubaud, Claude Roy, Robert Sabatier, André Salmon (je l'ai acheté à nouveau, mais je n'en pense pas moins), Philippe Souplaut, Jude Stéfan, Jean Tardieu, André Velter, Jean-Pierre Verheggen, Louise de Vilmorin.

Il y en a un petit nombre que je n'ai pas lu ou dont je ne me souviens de rien.
J'ai lu aussi Anna de Noailles, Léopold Sedar Senghor, etc., chez d'autres éditeurs, ce n'est pas l'extase non plus. Henri de Régnier, je devrais le lire à cause d'un poème en vers libres avec l'anaphore "je veux" qui m'avait marqué dans le Lagarde et Michard. Paul Morand, j'aime bien sa plume dans un récit Venises qui n'est pas de la poésie, mais je n'ai pas lu ses poèmes. Charles Péguy, c'est un peu répétitif, faudrait que j'essaie vraiment. Maurice Maeterlinck, sa poésie non, mais j'ai eu la surprise de trouver ses pièces de théâtre intéressantes avec une valeur de précurseur sur Beckett, Ionesco et consorts, une intitulé Intérieur je crois. Verhearen, je l'ai laissé dans la poésie du XIXe siècle, c'est pas trop mal. Faudra que je creuse Toulet et Jammes sinon.
Je trouve le bilan accablant. Et en Orphée La Différence, je vous allongerais considérablement la liste des poètes du vingtième siècle que je ne veux pas lire. Actuellement, il y a le poète ouvrier Thierry Metz qu'on nous vend, mais bon je le mets dans la liste au rebut. Houellebecq, pareil. Un jour, on m'a dit qu'il était plus poète que romancier : je n'ai pas répondu.

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