Comme tous les autres classiques du romantisme, Musset a pu asseoir sa réputation sur une sélection de ses œuvres : le drame Lorenzaccio, ses nombreuses comédies, sa poésie en vers. Son roman La Confession d'un enfant du siècle jouit lui aussi d'une reconnaissance partielle, surtout motivée par la fresque du grand chapitre du début d'ouvrage. Et enfin, il y a les œuvres qui paraissent secondaires, puis qu'on oublie. Pourtant, Musset a écrit aussi des contes et nouvelles qui peuvent avoir de l'intérêt, l'histoire du merle blanc, Emmeline. Ces titres ne passaient toujours pas complètement inaperçus au début du vingtième siècle. Aujourd'hui encore, la maison Garnier-Flammarion ne dédaigne pas de les publier au format de poche.
Dans sa célèbre lettre à Demeny du 15 mai 1871 qui est considérée comme un manifeste de la poétique du voyant, Rimbaud a dit pis que pendre sur Musset et a fait un catalogue méprisant des ses titres les plus notoires. Les contes sont cités dans le naufrage : "Ô ! les contes et les proverbes fadasses ! ô les Nuits ! ô Rolla, ô Namouna, ô la Coupe ! " On peut d'ailleurs penser à une malice dans cette énumération se ponctuant par la mention abrégée "la Coupe", qui fait songer à l'expression : "la coupe est pleine !" Et cependant, Rimbaud semblait sans ironie avoir emprunté au premier vers de "Rolla" dans l'expression de son "Credo in unam" du printemps 1870... Ce mépris pour Musset était-il nouveau ? S'expliquait-il par la rencontre d'avis réprobateurs parisiens neufs ? Rimbaud avait-il évolué personnellement au sujet de Musset ? Le ver était-il déjà dans le fruit en 1870 ?
Dans un article de ces dernières années paru dans la revue Rimbaud vivant, j'ai développé à nouveaux frais une idée que j'avais jadis développé sur le blog Rimbaud ivre : cliquer ici pour lire l'article "Nina et Ninon" mis en ligne le 13 mai 2011.
J'ai été le premier à effectuer le rapprochement entre le poème à Nina de Rimbaud et les poèmes à Ninon de Musset. Mes rapprochements se fondent sur les contenus, mais aussi sur un aspect formel extrêmement négligé par des universitaires majoritairement indifférents aux "ornements" de la versification. Aussi étonnant que cela puisse sembler, les quatrains alternant octosyllabes et vers de quatre syllabes sont une rareté absolue qui permettent de placer deux poèmes de Rimbaud "Ce qui retient Nina" et "Mes petites amoureuses" dans la filiation directe de la célèbre "Chanson de Fortunio" de Musset, et j'ai souligné que dans les éditions des poésies de Musset qui étaient accessibles aux contemporains de Rimbaud nous avions un enchaînement des deux poèmes "Chanson de Fortunio" et "A Ninon", sachant que le second poème fait nettement écho au premier dans la composition concertée du recueil. J'ai nettement approfondi les échos des poèmes de Rimbaud aux poèmes de Musset dans l'article que j'ai publié dans la revue Rimbaud vivant, mon dernier article papier en date. Et j'avais alors exploité une nouvelle piste importante. J'avais déjà précisé en 2011 que le poème intitulé "Chanson de Fortunio" jouait un rôle important dans une pièce des plus célèbres de Musset "Le Chandelier", et je découvrais que la chanson était reprise dans une suite caricaturale à la pièce de Musset dans un opéra comique d'Ofenbach, et cerise sur le gâteau je pouvais certifier que Rimbaud le savait, puisqu'il est de notoriété publique qu'en 1870 Rimbaud s'est plusieurs fois inspiré de poésies des divers premiers recueils de Glatigny, car en 1870 même l'éditeur Lemerre des parnassiens a fait paraître une édition rassemblant la pièce "Le Bois" et les deux premiers recueils lyriques de Glatigny, et dans une préface Glatigny se comparait au personnage de Fortunio jeune dans la pièce de Musset et vieux dans la version railleuse d'Ofenbach. Et je citais un passage des vers de Glatigny qui n'avait jusque-là jamais été rapproché du vers de "Roman" sur les "bottines" de la demoiselle.
Et récemment, bien que je possède depuis des années les contes et nouvelles de Musset, je me suis rendu compte d'un point commun étonnant entre la "Chanson de Fortunio" et le poème "A Ninon". La chanson de Fortunio est récitée à quelques reprises dans la pièce Le Chandelier, puis dans la pièce d'Ofenbach, et non pas en tant qu'œuvre de Musset, mais en tant que création d'un personnage fictif, en l'occurrence Fortunio. Or, la pièce "A Ninon" est elle-même récitée en entier dans la nouvelle "Emmeline" et attribuée à l'invention d'un personnage de la fiction nommé Gilbert. Le personnage est amoureux d'une femme mariée, mais il en est d'abord inconscient, et quand cela lui devient évident il s'énerve parce qu'il a raté une occasion de la rencontrer chez elle et il pense à haute voix et bouscule une personne au coin de la rue de Buci (ni Musset en l'écrivant, ni Rimbaud en le lisant en 1870 ne devaient penser à Banville pour autant), et donc au Banville de quartier qu'il vient de bousculer Gilbert déclare : "Si je vous le disais pourtant que je vous aime..." Banville ne réagissant pas très vite, Gilbert a le temps de la fuite, mais il se met alors à composer un poème autour de cet apparent alexandrin qui l'a frappé et ça devient la pièce "A Ninon" que nous connaissons bien et qui n'est pas de Gilbert, mais comme chacun sait d'Alfred le pingouin. Et Gilbert met au défi sa belle de deviner à qui il pense.
Evidemment, il y a le poème, et puis il y a le texte de la nouvelle d'une certaine étendue. Si on se contente d'un survol rapide du récit, on peut se dire que cela n'a rien à voir avec le poème de Rimbaud et qu'il faut donc en rester aux rapprochements clairement argumentés au sujet des deux poèmes consécutifs dans les recueils de Musset, clairement argumentés aussi au sujet des pièces de Musset et d'Ofenbach et de la préface de Glatigny. Et pourtant, non ! Il y a plusieurs faits extrêmement convaincants que je vais rapporter dès à présent qui permettent d'affirmer que Rimbaud a lu ou plutôt relu le récit "Emmeline" lors de son premier séjour douaisien en septembre 1870 et que celui fut une des sources à la composition de deux poèmes rimbaldiens remis à Demeny "Les Reparties de Nina" et "Roman". La première version des "Reparties de Nina" a été envoyée par lettre à Izambard en août 1870. En réalité, Rimbaud a donc lu ou relu la nouvelle "Emmeline" au cours de l'été 1870, juste avant de composer le poème "Ce qui retient Nina", mais vu les détails précis du poème "Roman" daté de la toute fin du mois de septembre, il est clair que Rimbaud a continué d'avoir accès au même volume de Musset et a continué de relire ce récit en prose.
Le récit "Emmeline" ne ressemble pas du tout par son contenu au poème "Ce qui retient Nina", du moins jusqu'à un certain point. C'est l'héroïne Emmeline qui aime jouer dans la Nature et les gens autour d'elle qui se formalisent pour son comportement relâché. C'est non pas une femme entretenue par un bureau, mais une jeune fille de bonne famille qui ne pense même pas à l'amour et qui est aussi très riche. Ce qui a surpris tout le monde, c'est qu'elle s'est marié à un homme très pauvre qui semble avoir eu quelques frasques de son côté. En clair, c'est le mari qui est interprété comme en voulant à son argent et elle qui est perçue comme sotte et manipulée. Musset nous raconte ensuite comment est né cet amour et formule des raisons qu'il estime toutes simples : cette femme étant née dans la richesse n'a pas nettement conscience de la valeur de l'argent et cet homme lui a plu. Et la séduction est liée à une "Allée des soupirs" que pourtant Emmeline détestait en tant que sentimentale. On pense à la "promenade" de cet autre poème de Rimbaud qu'est "Roman". Et au cours de son récit qui est mené à la première personne, peut-être de loin en loin inspiré par Diderot, Musset a écrit : "[...] ce n'est pas un roman que je fais, madame, et vous vous en apercevez bien." On peut y déceler rétrospectivement une astucieuse mise en abîme. Comme le poème "A Ninon" de Gilbert est adressé à la sagacité d'Emmeline, le récit d'Emmeline n'est pas un roman pour la madame à laquelle le narrateur et auteur Musset s'adresse. Cette phrase même que je viens de citer est reprise dans une note qui suit le mot "Fin" du récit. Je cite cette note d'éditeur qui apparaissait dans les éditions en 1888, car je n'ai pas encore pu vérifier son ancienneté et si Rimbaud en avait eu connaissance ou non :
Dans le récit qu'on vient de lire, l'auteur a dit : "Ce n'est pas un roman que j'ai fait, madame, et vous vous en apercevez bien."On a dû s'apercevoir, en effet, que cette histoire n'a pas le caractère ordinaire d'une fiction. Emmeline n'est point un personnage imaginaire, et Gilbert n'est autre que l'auteur lui-même. On trouvera le récit de cette aventure dans la Notice sur la vie d'Alfred de Musset, et l'on verra que les souvenirs qui s'y rattachent occupent une place considérable dans les poésies.
On peut consulter cette note en-dessous d'une transcription du récit lui-même sur une page du site Wikisource.
Je n'ai pas encore lu la Notice à laquelle nous sommes renvoyés, mais on constate l'intrication entre la vie personnelle de Musset et ses écrits de fiction. C'est plus qu'intéressant quand on songe à la réflexion rimbaldienne sur le "Je est un autre", opposable à la paresse d'un Musset. Vous notez aussi l'implication pour reconsidérer plus finement le titre "Roman" d'un poème remis à Demeny en septembre 1870. Vous me direz que la formule à la Diderot "ce n'est pas un roman que j'ai fait" et le nom "L'Allée des soupirs", c'est bien maigre pour faire un rapprochement avec le poème "Roman" de Rimbaud. Les histoires sont de toute façon nettement distinctes. Ceci dit, le motif de la promenade est bien mis en place dans le récit en prose de Musset, il revient avec insistant, le mot "roman" revient aussi à d'autres reprises et même un peu avant notre citation nous rencontrons déjà la phrase : "[...] et pour ce qui avait précédé et amené le mariage, on en parla comme d'un caprice dont les bavards firent un roman." C'est précisément de cela qu'il est question dans le poème de Rimbaud. Le jeune de dix-sept ans qui n'est pas sérieux a un caprice amoureux pour une belle et il y renonce au moment où elle lui fait comprendre par lettre qu'il faut normaliser la relation par un mariage. Le poème rimbaldien ironiquement bavard fait le roman d'une aventure qui aurait dû précéder et amener à un mariage... Beaucoup croient que Rimbaud se met en scène lui-même dans le poème où il est question d'un jeune peu sérieux de dix-sept ans. En réalité, Rimbaud persifle le destinataire du manuscrit du poème, le douaisien Paul Demeny qui n'a pas dix-sept ans, mais qui est amoureux d'une jeune fille de cet âge-là, à tel point qu'on l'apprendra plus tard il l'a mise enceinte à peu près au moment du séjour de Rimbaud à Douai. Rimbaud n'endosse pas le rôle de Musset narrateur d'Emmeline travestissant son vécu en fiction, mais Rimbaud transforme en fiction ce qu'il voit dans la vie du prétendu poète Paul Demeny dont on sait déjà par une lettre à Izambard qu'il ne lui voue pas la plus haute estime littéraire. Mais vous me direz que je me permet de faire un développement sur le transfert vers Demeny de la passion amoureuse alors que mon rapprochement entre "Emmeline" et "Roman" vous semble encore peu probant.
Mais, à partir du moment où il est parfaitement admis que le récit "Emmeline" n'est pas le modèle suivi par Rimbaud, mais une source d'inspiration pour des thèmes, des modèles, des réflexions, vous constaterez tout de même qu'après ce que j'ai dit plus haut il est quand même extraordinaire que pour vaincre sa passion Gilbert lui-même se réfugie dans un bar et y demande à boire. Il faut même être plus précis. Dans une première phase d'éloignement et rupture, le quatrième jour, Gilbert entre dans un Café Anglais. En réalité, il y a une petite différence, il se réjouit de l'espoir qu'un entretien au moins lui soit accordé, bien qu'il ne soit nullement question de reprendre la relation amoureuse :
Le quatrième jour, un jeune homme entra vers minuit au Café Anglais. - Que veut monsieur ? demanda le garçon. - Tout ce que vous avez de meilleur, répondit le jeune homme avec un air de joie qui fit retourner tout le monde. [...]
La ressemblance est frappante avec la fin du poème "Roman", si ce n'est que dans le grinçant poème en vers l'amoureux fuit la queue entre les jambes la compromission du mariage. ici, Gilbert a un faux regain d'espoir. Vers la fin du récit, il y a une invitation au bal où Gilbert reçoit des nouvelles d'Emmeline par la soeur de celle-ci, mais je n'en parlerai pas ici. Maintenant, il y a d'autres éléments qui, du coup, deviennent intéressants à rapprocher de la création douaisienne. Dans "Roman", les vers persiflent le héros avec le vouvoiement et le don d'une lettre : "l'adorée a daigné vous écrire" et "Vous êtes amoureux. Vos sonnets La font rire." Dans la nouvelle de Musset, au départ, Emmeline est indifférente à l'amour et à Gilbert lui-même, mais comme ils sont en relation, elle lui écrit parfois et elle ajoute en italien : "vostrissima". Gilbert ne sait pas s'il doit donner du sens ou non à cette formule. Il ose l'espérer. Dans ce mot italien, nous avons les idées de Rimbaud de "l'adorée" du vouvoiement et de la déification avec la majuscule au pronom "Vos sonnets La font rire". Lorsque la relation amoureuse semble s'engager, le mari intervient et fait comprendre à sa femme qu'elle doit renoncer à l'adultère. Gilbert va attendre en vain une lettre, inversion donc de la situation du poète à la demoiselle dans "Roman".
Enfin, Rimbaud abuse de la reprise de l'adjectif "petit" dans ses poèmes de 1870 et tout particulièrement dans "Roman" : "petite et toute blanche", etc. L'ombrelle est le petit motif féminin à admirer. Dans le récit de Musset, Emmeline invite Gilbert à venir voir un "petit tabouret" et pendant que Gilbert se réjouit au Café Anglais Emmeline est décrite seule dans son désespoir assise sur une "petite chaise". Il n'y a pas à dire, les liens sensibles entre les deux oeuvres ne cessent de s'accumuler. Quelques autres ont pu m'échapper, mais ce que j'ai mis en avant est déjà bien assez suffisant.
Et le poème "Ce qui retient Nina", nous nous en sommes éloignés, chemin faisant. C'est vrai, mais alors que sur l'ensemble les deux écrits n'ont pas l'air d'entrer en résonance, outre que j'ai tout de même insisté sur l'inversion de l'intérêt pour la Nature prosaïque du poète masculin à la femme aimée à laquelle se déclarer, quand nous avons la lecture du poème "A Ninon", une relation amoureuse se confirme, nous sommes un peu dans la situation du roman L'Education sentimentale quand Frédéric est bien près de faire chuter madame Arnoux. Et ici, celui qui empêche Emmeline de réagir c'est le mari, mari qui se sent coupable d'avoir négligé sa femme, mari qui aurait eu des maîtresses ce que le narrateur laisse entendre en refusant de le certifier, mais mari qui nous pond une morale bourgeoise tordue qui convainc l'épouse de rentrer dans le rang. Il est clair que cela n'a pas convaincu Rimbaud à la lecture et que comme tout un chacun il n'y a vu qu'un mauvais artifice pour conduire le récit à une fin dramatique. On appréciera de comparer le poème de Rimbaud au plan du décalage. La Nina, autrement dit la Ninon de Lenclos, n'est pas du tout amoureuse, du moins l'argent a la priorité, et elle préfère assurer ses aises avec le bureau qui l'entretient. Contrairement à Emmeline, cette Nina connaît la valeur de l'argent.
Et puis, au bout du parcours, j'ai encore cette comparaison admirable à produire entre le conte romantique et non pas un écrit littéraire de la plume de Rimbaud, mais un texte de Rimbaud tout de même, puisque sur le manuscrit de "Soleil et Chair", Rimbaud a écrit à l'intention de Demeny : "Vous m'écrirez ? Pas ?" Que Rimbaud ait écrit cela à la fin de son premier séjour douaisien ou à la fin du second, en tout cas, c'est un extraordinaire écho au fait que "Roman" s'inspire du récit "Emmeline" pour se moquer des amours réels du sieur Demeny se disant poète. En effet, dans "Emmeline", l'héroïne éponyme pousse Gilbert à voyager pour mieux rompre leur relation. Le voyage est une première phase d'éloignement forcé pour se préparer à une séparation définitive, et Emmeline promet évidemment, du fait de ses propres sentiments et par peur du comportement de Gilbert, qu'il y aura une entrevue après un certain temps, et dans une lettre où elle invite Gilbert à s'éloigner elle l'interroge en forme d'aveu : "Vous m'écrirez, n'est-ce pas?" Je ne pense pas que Rimbaud confondait Demeny et Emmeline, mais par goût et affectation littéraire Rimbaud a repris cette formule dans une situation de détresse différente, quoique tout de même bien réelle pour son jeune âge : "Vous m'écrirez ? Pas !" Rimbaud était en train de chercher à s'installer à Douai dans un abandon définitif du foyer maternel. La symétrie est frappante et je parie qu'elle était bien consciente de la part de Rimbaud.
Voilà, dites-moi merci du voyage !
Vu l'importance des révélations de cet article, je profite de la section Commentaires pour signaler à l'attention des idées que j'ai en ce moment.
RépondreSupprimer1) A propos de "L'Angelot maudit", il faut renvoyer les lecteurs à l'article de Murphy dans La Poésie jubilatoire, mais aussi à l'article de Cornulier qui le suit immédiatement avec cette réécriture évidente de la traduction de La Divine Comédie. J'ai signalé qu'un vers réécrivait le dernier de "L'Heure du berger" de Verlaine. Mais j'ai une autre idée concernant ces vers. Piron, poète du XVIIIe siècle, est cité dans l'Album zutique et l'Album zutique doit être rattaché aux volumes du Parnasse satyrique. Or, dans l'immense naufrage de la poésie du XVIIIe siècle, il survit tout de même l'intérêt et la manière des poésies épigrammatiques ou des descriptions d'ivrognes. Je vais me répondre à moi-même en citant deux ou trois exemples de poèmes que je rapproche de la manière de "L'Angelot maudit". Je possède tout simplement une anthologie poétique française du XVIIIe siècle parue chez GF en 1966, ce qui veut dire que je ne sors pas des poésies résolument inattendues, inconnues. La plupart des poèmes de cette anthologie me font tomber le volume des mains tant je m'ennuie, mais quand Rimbaud voulait voir ce qui s'était fait en-dehors de son siècle, il parcourait de tels chantiers.
2) J'ai annoncé un lien entre les quintils de Baudelaire et ceux de Marceline Desbordes-Valmore et dans l'anthologie que je viens de citer, j'ai trouvé un poème en quintils baudelairiens ABABA, ce qui m'a fait dire que c'était l'origine insoupçonnée des quintils de Baudelaire. Or, en cherchant quintil de Baudelaire et origine de la strophe sur Google, je suis tombé sur un fichier PDF de Cornulier qui parle des quintils, qui cite l'influence possible de Desbordes-Valmore, mais qui brocarde la source du XVIIIe car ce serait un poème en sizain corrompu, sauf que la corruption elle-même a pu avoir de l'influence directe sur Baudelaire. Il faut un historique de cette corruption même par les éditeurs de poésies avant Baudelaire. C'est complètement évident si on veut trancher la question.
Premier poème, épigramme de Jean-Baptiste Rousseau, lequel est plutôt connu pour ses prestations lyriques, encore que ça ne vaille pas tripette. Nous avons un dizain avec une organisation des rimes un peu étonnante. Jonction de deux quintils, le premier étant à l'envers de l'autre, mais aussi anormalement à l'envers tout court. Les vers sont des décasyllabes classiques, littéraires (4-6). On appréciera aussi les enjambements verbaux renforcés par une ponctuation forte à la césure, rien là de chahuteur au plan métrique, mais c'est tout de même le fait d'enjambement le plus frappant que laissait pratiquer les contraintes métriques serrées du classicisme.
SupprimerCertain ivrogne, après maint long repas,
Tomba malade. Un docteur galénique
Fut appelé. "Je trouve ici deux cas,
Fièvre adurante, et soif plus que cynique.
Or, Hippocras tient pour méthode unique,
Qu'il faut guérir la soif premièrement."
Lors le fiévreux lui dit : "Maître Clément,
Ce premier point n'est le plus nécessaire.
Guérissez-moi ma fièvre seulement ;
Et pour ma soif, ce sera mon affaire."
C'est le moins pertinent des trois poèmes que je vais rapprocher, mais on a le jeu du passé simple, la concision et le mouvement heurté : "Tomba malade". J'observe aussi que le "ayant trop mangé de jujube" rimbaldien est un tour grammatical goûté au XVIIIe dans les vers satiriques concis comme le montre le premier vers de cette autre épigramme du même Rousseau : "Le vieux Ronsard, ayant pris ses bésicles [...]"
Je passe au second poème beaucoup plus évident à rapprocher de "L'Angelot maudit", il s'agit du poème intitulé "L'ivrogne" de Grécourt. Il s'agit d'un ensemble de seize vers sans aucun blanc, mais la disposition des rimes croisées permettrait de les découper en quatrains, découpage conforté par la délimitation des phrases.
SupprimerLe rapprochement s'est imposé à mon esprit dès les deux premiers vers, et ce n'est qu'après coup que je suis revenu sur la lecture du poème cité plus haut de Rousseau, les deux premiers vers condensent les échos "dans la rue" et "borne", puisque Rimbaud attaque deux vers par la mention "La Rue" et deux vers après nous avons l'expression "vers une borne". Nous avons aussi une variation sur la rencontre d'ivresse de cette borne, l'un la heurte, et puisque c'est déjà fait, car je sens bien que Rimbaud a ce poème à l'esprit quand il compose "L'Angelot maudit", notre Rimbaud trouve l'idée distincte de l'enivré qui essaie de se raccrocher au repère fixe. Les deux poèmes sont en octosyllabes et le rythmé rapide lié au passé simple et à la concision du récit renforcent l'air de famille des créations.
Enfin, la mention "constipée" à la rime conforte l'intérêt du rapprochement.
Un maître ivrogne, dans la rue,
Contre une borne se heurta :
Dans l'instant sa colère émue
A la vengeance le porta.
Le voilà d'estoc et de taille
A ferrailler contre le mur.
"Ou bien il a sa cotte maille,
Disait-il, ou bien il est dur."
En s'escrimant donc de plus belle,
Et pan, et pan, il avançait,
Lorsqu'ils sortit une étincelle
De la pierre qu'il agaçait.
Sa valeur en fut constipée :
"Oh ! oh ! ceci passe le jeu ;
Rengainons vite notre épée :
Le vilain porte une arme à feu."
Je n'ai pas les dates des compositions des poèmes que je cite, mais dans l'anthologie les deux premiers de Rousseau et Grécourt sont plutôt vers le début, tandis que le troisième de Pons de Verdun est plutôt vers la fin, il s'intitule "L'ivrogne prudent", il s'agit d'une nouvelle version du poème de Grécourt dont il partage certaines caractéristiques formelles : des vers de sept pour Pons de Verdun et non de huit syllabes comme Grécourt et Rimbaud, mais comme Grécourt nous avons seize vers d'un seul bloc qu'on peut par les rimes découper en quatre quatrains. Il y a tout de même une différence : Pons de Verdun alterne quatrain de rimes croisées et quatrain de rimes embrassées. Plusieurs reprises évidentes du poème de Grécourt apparaissent ici, "mur" à la rime, "Donna du front contre un mur" est un mixte entre "contre une borne" et "A ferrailler contre le mur". Pons évite maladroitement la reprise au premier vers "dans la rue" en optant pour la variante "dans une taverne", sauf que au troisième vers nous sortons déjà de la taverne si on peut dire... L'interjection "Oh ! oh !" est reprise. La mention "jeu" à la rime également, le mot clef "vengeance" est repris et porté cette fois à la rime. Nous avons la même base au récit : l'ivrogne confond l'obstacle avec un ennemi et se bat à l'épée contre lui, dans un cas la borne fait une étincelle et on a la feinte de la peur de l'homme armé, dans l'autre l'épée se brise et on a une feinte moins évidente de la peur d'un homme bien cuirassé.
SupprimerMais, fait frappant, si Rimbaud a clairement en tête le poème de Grécourt (octosyllabes, primat de la borne), il a aussi ce second poème en tête, vu que le second vers est clairement la source de "Ayant mangé trop de jujube". Rimbaud a lu une anthologie où les deux poèmes figuraient et étaient peut-être même rapprochés, et je n'exclus même pas qu'il y ait un lien d'influence dans un sens ou l'autre entre les poèmes de Rousseau et Grécourt déjà. La mention de Piron par Verlaine dans l'Album zutique renforce l'intérêt d'une telle hypothèse de recherche, le volume consulté par Rimbaud ou la famille de volumes est désormais à rechercher !
Sans-Peur, dans une taverne,
Ayant bu trop de vin pur,
De nuit gagnant sa caserne,
Donna du front contre un mur :
"Oh ! oh ! celui-ci me berne ;
Nous allons avoir beau jeu !
Ami, tu sauras sous peu
Comme un dragon se gouverne !
Cornes de bouc !" Et soudain,
Ne respirant que vengeance,
Sans-Peur fait, le sabre en main,
Des prodiges de vaillance ;
Mais au dernier coup poussé
Son acier se rompt en quatre :
"Cessons, dit-il, de nous battre :
Le poltron est cuirassé."
Je passe à l'autre révélation de cette anthologie. On le sait, Rimbaud a pratiqué le quintil ABABA, et ça vient de la pratique de Baudelaire du quatrain prolongé par la répétition du premier vers. On a les variantes ABABA et ABBAA.
SupprimerOr, voici ce que j'ai eu la surprise de découvrir dans l'anthologie publiée en 1966, et j'ai tout de suite fait le rapprochement bien évidemment, et je ne doute pas de son importance, d'autant dans la notice sur l'auteur il est aussi question des chansons.
Il se trouve que Cornulier en traitant des quintils de Baudelaire a évoqué cette source, mais il raille l'erreur commise, les éditeurs auraient dû allonger par la reprise des deux premiers vers, on aurait un sizain formé d'un quatrain et de la reprise des deux premiers vers, ce qui structurellement passe mieux au plan des rimes. Toutefois, si le poème a été mal édité, ça appartient aussi à l'histoire littéraire, et il faut donc à tout prix évaluer la possibilité d'une influence sur Baudelaire des mauvaises éditions... Moi ça me semble d'ores et déjà évident que c'est la source du style des quintils de Baudelaire ! Il y a un caractère de fin abrupte des vers repris tant dans la forme tronquée par erreur du président Hénault que dans les quintils de Baudelaire voulus tels ! Cornulier a clairement raté le scoop ! Et les thèmes des climats, du voyage, du parfum de l'air,... Boudiou, du con !
Précisons que personnellement lecteur adolescent nous éprouvions beaucoup de mal à cerner le nombre de vers à répéter dans les abréviations des rondeaux "etc."
Poème donc du président Hénault avec un titre à la Musset, une adresse et des abréviations d'un nom à rallonge "A Monsieur de L. D. D. G. qui était allé aux eaux de Forges"
Quatre quintils ainsi édités !
Quoi ! vous partez, sans que rien vous arrête,
Pour aller plaire en de nouveaux climats ?
Pourquoi courir de conquête en conquête ?
Nos coeurs soumis ne suffisaient-ils pas ?
Quoi ! vous partez, sans que rien vous arrête ?
Peuples heureux, qui verrez tant de charmes,
Vous ignorez le sort qui vous attend ;
Le Dieu qui cause aujourd'hui nos alarmes
Vous vendra cher le plaisir d'un instant,
Peuples heureux qui verrez tant de charmes !
Père du jour éclaire son voyage,
Et peins les cieux des plus belles couleurs ;
Mais ne la vois qu'à travers un nuage
Et laisse-lui deviner tes ardeurs.
Père du jour éclaire son voyage !
Que de ses dons, Flore faisant usage,
Parfume l'air, les plaines les plaines et les eaux ;
Pour l'amuser, faunes, sur son passage,
Venez danser aux chansons des oiseaux.
Que de ses dons, Flore faisant usage.
Oui, le dernier vers confirme la raillerie tout de même de Cornulier à l'égard des éditeurs, car là il faut clairement reprendre un vers de plus sous peine de phrase incorrecte.
Baudelaire l'avait sans doute compris, mais il a surtout compris que si l'erreur s'était ainsi glissée c'est que l'allure des quintils séduisait énormément. Lisez ça en sizains, ça ne rend pas du tout pareil. C'est ça qui est intéressant.
Cornulier sur les quintils, j'ai trouvé un fichier PDF de la 2e partie de "Métrique de Baudelaire" :
RépondreSupprimer[Début de citation, page 59, premier passage]
Restent les "strophes" du type quintil. Il s'agit principalement de sept poèmes rimés en (ababa) ou en (abbaa), pour lesquels une décomposition du type "4 vers plus 1" est indiquée, soit par une structure de répétition dans six poèmes sur lesquels nous reviendrons, soit par la disposition en paragraphes ("Le goût du néant" [...]). Ces "strophes" ne s'écartent du modèle (abab) ou (abba) que par le fait que le quatrain est prolongé par un écho de son premier vers. Ceci n'a pas grand-chose à voir avec les poèmes en [authentiques quintils ABAAB du genre "La Chevelure"].
[Fin de citation]
Cornulier revient sur les six poèmes en quintils qui ont une répétition du premier vers à la page 67 et au-delà, il a remarqué tout comme je l'ai annoncé récemment sur ce blog qu'il y avait un rapprochement à faire entre des quintils de Desbordes-Valmore et ceux de Baudelaire, je constate que le sujet est déjà soulevé : "On trouve chez Marceline Desbordes-Valmore un modèle plus proche : d'une manière générale, elle a pratiqué les équivalences structurales de répétition dans plusieurs types de strophes dont certaines reprennent le schéma rimes-répétitions des chansons du type "J'ai du bon tabac" (exemple "Qu'en avez-vous fait ?" dans Pleurs et Pauvres fleurs) [Nota bene : poème que je vous ai déjà cité, non ? mais pour d'autres raisons encore...] ; et au moins "Le Bouquet" dans ses Romances présente une série de quintils monométriques, dont le schéma métrique est (abba a) et le schéma de répétition (A....A). Baudelaire a donc pu l'imiter directement."
[Fin de citation mais inclure une note 14 après directement que je traite plus bas : il se trouve que je prévoyais précisément d'évoquer ce poème comme source à la pratique baudelairienne, mais je restais étonné du passage plus volontiers de Baudelaire à la forme ABABA]
Cornulier dit qu'il est possible que Baudelaire se soit inspiré d'un texte de chant non encore retrouvé, et faute de mieux signale à l'attention une chanson en portugais, sauf que la pépite est dans la note 14 de fin de chapitre.
[Début de citation de la note 14, page 75]
Martinon (1912 : 202) , là encore non cité mais pour une fois en défaut, cite comme modèle du quintil à schéma de répétition (A....A), une "chanson fameuse de Hesnault" du XVIIIe siècle, Quoi ! vous partez sans que rien vous arrête, la partie répétée se renouvelle en effet de couplet à couplet, mais les prétendus quintils sont en réalité des sizains à schéma de répétition (AB.... AB) [...] Martinon ou plutôt les intermédiaires qu'il semble utiliser, ont dû prendre l'expression "Quoi vous partez &c" abrégé d'un distique répété ; comme quoi on se trompe facilement, quand on n'analyse pas les paroles de chant à la lumière d'un air qu'elles habillent. Il se trouve de plus que Martinon s'est peut-être trompé de "Hénault" me signale F. de Lussy qui m'a documenté sur ce point.
[Fin de citation]
Cornulier ne cite même pas comme ici la pièce in extenso soit en quintils, soit en sizains, soit dans la forme abrégée qui fait hésiter.
SupprimerIl commet ici l'erreur type de l'universitaire spécialiste de son sujet, il est tellement concentré sur la logique des formes qu'il rate l'intuition de bon sens. Baudelaire a bien évidemment parcouru un ouvrage où le poème d'Hénault est en quintils et vu le dernier vers grammaticalement incorrect, bien sûr qu'il y a une erreur, mais Baudelaire a exploité ce qu'il a vu. Cornulier a plusieurs fois le défaut de privilégier sa spécialisation métrique et il rate pour moi plus d'une fois les enjeux créateurs de Rimbaud, Verlaine ou Baudelaire à cause de ça, il manque d'intuition. Il privilégie son cadre de recherche. Bobillot offre un exemple de ce problème de spécialisation métrique quand il rejette l'évidence d'un lien entre les vers de onze syllabes de Desbordes-Valmore et "Larme" de Rimbaud, sous prétexte que la césure n'est pas à la même place si jamais une peut s'imposer. Mais il suffit d'envisager que Rimbaud est parti du modèle de Valmore et de ses effets propres de nouveauté pour tout de suite faire autre chose. La spécialisation du métricien ne doit pas tuer les évidences de la démarche d'historien de la littérature qui sait ce qu'implique une influence de lecture. L'histoire littéraire doit reprendre ses droits sur la question des influences devant parfois la logique stricte de la métrique. Gouvard fait aussi des considérations qui n'ont ni queue ni tête dans Critique du vers parce qu'il cloisonne les vers de théâtre et les vers de la poésie lyrique. Oui, il y a un cloisonnement mais au point que les audaces de Musset et Hugo soient sans intérêt pour l'historique des audaces de la poésie lyrique, puisqu'elles existent et sont lues par Baudelaire et consorts !?
Et pour finir sur cette série à partir d'une anthologie poétique du XVIIIE, je me demande s'il n'y a pas aussi des modèles au poème "Michel et Christine", il y a un côté "il pleut, il pleut bergère" le célèbre poème de Fabre d'Eglantine, partisan aussi de la Révolution, poèe composé à Maastricht ville qui a failli être belge, qui devait être liée au tracé ferroviaire et qui nous rapproche de "Malines", poème en liaison avec "Michel et Christine", mais à cette époque-là, au XVIIIE, on avait aussi des églogues du genre "L'Orage" de Saint-Lambert, et je n'exclus pas une démarcation comique. Je rappelle que Delille ne fut pas si vain que ça, son poème "L'Automne" est nettement précurseur de Lamartine.
SupprimerA suivre.
Je prévois évidemment de replacer tout ce que je viens d'écrire sur "L'Angelot maudit" dans un article à part entière, tout comme ce que j'écris sur les quintils.
RépondreSupprimerEn particulier, je reviendrai sur l'intérêt de ces sources. Ratisbonne a écrit une "Comédie enfantine" où nous avons des sortes de contes ou de fables pour enfants, des récits en vers humoristiques avec une morale à la clef. Les trois épigrammes de Rousseau, Grécourt et Pons de Verdun peuvent être considérés comme des formes poétiques proches de l'esprit de la comédie enfantine, à ceci près que le ton est plus satirique. Pons de Verdun retravaille le poème de Grécourt en en explicitant la donnée moralisatrice, il donne le titre "l'ivrogne prudent" et non "l'ivrogne", il offre un nom à son personnage "Sans Peur" qui entre en écho avec la fin poltronne du poème. Le nom de Sans Peur entre sans problème dans l'idée d'une comptine pour enfants.
Voilà qui rend assez naturelle l'idée que Rimbaud se soit inspiré de ces épigrammes du XVIIIe pour brocarder l'auteur de la Comédie enfantine, et il y aura à revenir sur la chute de la fin du poème à cette aune.
Quant à ce que j'écris sur "Emmeline", je rappelle que c'est un écrit d'un poète, Musset, mais un écrit en prose étranger en principe à la poésie. Non seulement je révèle une source insoupçonnée à deux poèmes en vers très connus des débuts de Rimbaud, confirmant l'importance des références à Musset pour l'un d'eux, mais en plus je mets en avant une inspiration avec des faits de réécriture remarquables qui vient de la prose et passe dans un poème en vers, ce n'est pas l'influence des vers de Coppée, Victor Hugo, Glatigny sur la poésie en vers de Rimbaud, c'est une influence majeure d'un texte en prose sur les vers de Rimbaud.
Vous imaginez que les universitaires rimbaldiens attendent un seul volume par an de la revue Parade sauvage et que cela ne se complète que par un volume collectif publié de temps en temps d'un colloque, d'un séminaire, etc.
RépondreSupprimerici, en quelques jours, vous avez "Emmeline" source des poèmes "Ce qui retient Nina" et "Roman" de Rimbaud, source en prose qui plus est et réévaluation de la relation à Musset dans la foulée.
Vous avez des sources nouvelles au poème "L'angelot maudit" dans les commentaires.
Ces derniers temps, vous avez eu un énorme dossier accablant sur l'influence de Desbordes-Valmore sur plusieurs "ariettes oubliées" de Verlaine et sur plusieurs poèmes de 1872 de Rimbaud, et ce n'est pas encore fini. Vous avez des compléments sur l'influence de Banville sinon Musset sur "Larme".
Vous avez l'annonce d'un dossier sur les quintils. Certes, je remarque que Cornulier en a parlé, mais je reviens sur certains points délicats, le poème d'Hénault, et aussi sur Desbordes-Valmore, il y a tous les poèmes en quintils non repris dans le volume de 1830 dont Cornulier ne dit rien. En plus, j'ai une petite subtilité à mettre en avant repérée dans les poèmes de Valmore.
En fait, je peux faire un numéro de la revue Parade sauvage à moi tout seul, chaque année.
Vous voulez d'autres sujets. Tout simple, je peuc vous faire ce qui se fait dans les études rimbaldiennes, une notice sur Heny Murger, son influence sur Banville et bien revenir sur Les Nuits d'hiver, sur les poèmes qui parlent de bohémiens et signaler à l'attention le poème en décasyllabes (je crois) et sept quatrains intitulé "Ophélia" et du coup faire un historique complet des poèmes sur ce motif shakespearien.
Puis, on peut parler de métrique. J'ai enfin acheté Critique du vers de Gouvard. Le seul truc qui me manque, c'est L'Art poëtique de Cornulier paru vers 1996, édité à Lyon je crois, les occasions coûtent près de 200 euros... Mais j'ai Théorie du vers, La Vieillesse d'Alexandre de Roubaud, Le Meurtre d'Orphée de Bobillot, et j'ai déjà travaillé sur quantité de trucs que je n'ai plus mais qui m'ont formé. J'ai des idées très originales à formuler. A raison, Cornulier et Gouvard montrent un modèle d'analyse supérieur à celui de Roubaud, lequel retombe à un moment donné, mais le problème se pose aussi pour les travaux de Gouvard et Cornulier, gros problème du semi-ternaire.
Gouvard donne la liste des recueils sur lesquels il a fondé un corpus pour son analyse, je peux souligner les manques : Desbordes-Valmore, Vigny, etc. Je peux remettre le discours sur le théâtre en perspective. Je peux souligner qu'au plan historien, il manque une étude plus précoce avec des critères élargies (rejet de l'épithète) ou une prise en considération culturelle plus fine du trimètre. Il y a plein de conséquences, je suis le seul à travailler dessus. Il y a aussi un problème théorique sur le fait que l'étude des conceptions du vers a remis en cause les analyses du vingtième mais le discours initié par Scoppa, Quicherat, au XIXe, n'a pas été étudié dans ses incidences sur les poètes du XIXe eux-mêmes, comme s'ils avaient été épargnés ou n'étaient pas concernés.
Et j'ai encore d'autres trucs. Dont un extrait de Veuillot prévu.
Ajoutons que pour "La Rivière de Cassis", il y a une idée métrique à relier au poème "Larme".
SupprimerEn gros, "Larme" en vers de onze syllabes avec une allure ternaire nette pour le premier puis une sorte de tendance pas tout à fait assumée à souligner une césure à la 4e syllabe ou un assemblage ternaire irrégulier vers par vers est un jeu avec les reconnaissances concurrentes de l'alexandrin et du décasyllabe littéraire 4-6v. Sa base césurielle la plus plausible est le 4-7v.
Or, le poème "La Rivière de Cassis" est contemporain de "Larme", même mois de mai 1872 pour la composition, même ensemble manuscrit d'origine (queue du dossier Forain-Millanvoye) et il comporte des vers de onze syllabes mais en alternance avec des vers de cinq syllabes puis des vers de sept syllabes. Autrement dit, la base serait le poème alternant alexandrins et hexasyllabes, sauf que ce sont des vers de onze syllabes délicats à césurer et des vers courts de cinq et sept syllabes, une syllabe de moins que l'hexasyllabe comme l'hendécasyllabe est une syllabe en-dessous de l'alexandrin et puis une syllabe de plus l'heptasyllabe dans les 2e et derniers sizains du poème.
Faut que je vérifie si Bobillot, Cornulier ou un autre ont jamais souligné ce fait ludique.
A noter que du coup, au moment où on s'attend à trouver la césure d'un alexandrin, on a le mot "Cassis" où on entendre "casse": "La ri viè re de Cass... is" Mais que se passe-t-il ???