Tout est dans le titre.
Avec l'actualité de deuil du Dictionnaire Rimbaud, je ne vais pas poursuivre dans l'immédiat ni une série de pointages des insuffisances sur les articles autour de l'Album zutique, ni parachever ma critique de l'ouvrage par une étude de synthèse sur les interprétations des poèmes. Je finirai cette recension à la fin de l'année toutefois.
Les autres années, l'été, la fréquentation du blog est moindre. En plus, je suis dans l'idée de rédiger sur le papier les articles qui concernent les sources dans Baudelaire, Mendès, Silvestre, Daudet et quelques autres pour des poèmes comme "Oraison du soir", "Les Chercheuses de poux", "Accroupissements", "L'étoile a pleuré rose...", "Voyelles", etc.
Je ne prévois pas non plus dans l'immédiat de rédiger des articles sur la Commune et la guerre franco-prussienne. Enfin, en 2022, je reprendrai sans doute l'étude poussée des textes en prose de Rimbaud, mais, pour l'instant, je les laisse encore un peu de côté.
Pour cet été, je vais me consacrer à un autre projet. Je vais faire la recension de divers ouvrages importants sur la versification. Je ne vis plus à proximité de la bibliothèque universitaire de Toulouse qui m'était bien commode (les habitants de Nice, Bruxelles, Montpellier, etc., n'ont pas à leur disposition une bibliothèque rimbaldienne fournie comme l'était celle de Toulouse). Je rendrai compte de livres que je possède : La Vieillesse d'Alexandre de Jacques Roubaud et Théorie du vers de Benoît de Cornulier. Il conviendra en parallèle de parler du livre d'Henri Meschonnic Critique du rythme, mais cela risque d'être compliqué dans ma situation actuelle. J'aurais aussi beaucoup aimé rendre compte en binôme de Critique du vers de Jean-Michel Gouvard et de L'Art poétique de Cornulier. Je possède en revanche le livre Le Meurtre d'Orphée de Jean-Pierre Bobillot. Je n'ai plus l'édition originale du livre L'Art de Rimbaud de Michel Murat (destruction par les eaux), ce qui m'agace profondément, mais j'ai l'édition remaniée et augmentée. Je souhaitais rendre compte aussi de l'article de Cornulier sur les décasyllabes de Verlaine et il y a certains articles divers dont je souhaite rendre compte.
En parallèle, j'envisage de citer des traités anciens, de donner à lire des extraits pour bien montrer quelles étaient les conceptions du vers et de la césure dans les siècles passés. J'aurais bien aimé rendre compte des publications de George Lote consultés à l'Université de Toulouse le Mirail, mais ce ne sera pas possible.
Enfin, je souhaite en parallèle faire des recensions des configurations de vers particulières à travers les siècles. Montrer par des listes d'exemples le caractère reconnaissable d'une métrique à l'époque de Villon, de Marot, de Ronsard, du Bellay, puis le mètre classique de Malherbe au début du dix-neuvième siècle, puis le mètre employé des années 1820 à 1860, puis le modèle parnassien, puis revenir sur ce qui est déjà pas mal balisé la révolution métrique à partir de Verlaine, Mallarmé et surtout Rimbaud, et poursuivre avec certaines mises au point sur ce qu'il se passe à la toute fin du dix-neuvième siècle, au-delà des seuls faits et gestes de Rimbaud et ses comparses.
Nous sommes encore dans une époque que dénonçait Roubaud en 1978 : la plupart des gens qui lisent de la poésie sont indifférents à la question du vers. Ils commenteront de la même façon un poème des Fleurs du Mal et un poème en prose des Flaques de verre, ou plus significativement encore, indifférents à l'idée de mesure du vers ils analyseront le rythme d'un poème de Verlaine ou Hugo comme on étudie le rythme du dernier Prix Goncourt. Roubaud dénonce cette étrangeté au début de son livre La Vieillesse d'Alexandre et parle de "surdité métrique".
Puis, si je parle d'évoquer aussi les travaux de Meschonnic, c'est que nous retrouvons dans Roubaud ces débats alors très prégnants faisant contraster les notions de vers et de poésie.
Les gens admirent la poésie en vers de Victor Hugo, de Charles Baudelaire, d'Arthur Rimbaud et de bien d'autres, mais écrire en vers comme eux l'ont fait est devenu un anachronisme, tandis que commenter une césure, une tournure des hémistiches, indispose (et non pas "insupporte") l'écrasante majorité du public, et du public universitaire ou littéraire même.
Or, le nœud que je veux affronter est le suivant : Rimbaud pratiquait la césure forcée dans les poèmes de 1872 qu'on a dits sans césures pendant tant de décennies. Même à l'école de Cornulier, il n'a jamais été dit que "Tête de faune" avait une seule césure et que les poèmes "Mémoire", "Qu'est-ce...", "Jeune ménage", "Juillet", "Conclusion" (de "Comédie de la soif"), "Tête de faune" avaient chacun une césure fixe. Toutefois, on le voit, dans le Dictionnaire Rimbaud de 2021, Cornulier commence à envisager cette thèse qui est en fait la mienne et depuis quelque temps. Or, je prétends également que certains indices invitent à penser que "Larme", "La Rivière de Cassis", "Michel et Christine" et "Est-elle almée ?..." offrent des vers de onze syllabes qui ont eux aussi une césure fixe, et elle serait après la quatrième syllabe.
Mais mon raisonnement n'est pas limpide à tout un chacun, et il va falloir que je trouve des moyens efficaces de les y amener, tout en sachant qu'ils ne m'écoutent pas plus de deux phrases.
J'ai de sacrées mises au point à faire. Mais il faut bien comprendre que si la métrique n'a aucune importance dans "Larme" pourquoi alors ne pas écrire directement un poème en prose ? Quelle sera la différence de nature entre la versification de "Larme" et un poème en prose, s'il n'y a rien d'autre à dire sur la versification que ses règles ne sont pas respectées. Ne pas respecter les règles de versification n'est pas une prouesse en soi.
Il y a d'autres zones du débat qui m'intéressent comme la question des quantités syllabiques dans les poèmes en prose de Rimbaud ou dans "Mouvement". Meschonnic, avec à sa suite Dessons, a donné un modèle d'analyse rythmique, exploité notamment par Claisse, mais ce modèle fait fi de l'histoire du vers et ne s'interroge pas sur l'hypothèse d'un Rimbaud qui donnerait à sa prose quelque chose de sa réflexion sur les quantités syllabiques dans le vers. Puis, le modèle fonctionne-t-il vraiment, n'aboutit-il pas parfois à des vérités de La Palice ? Le modèle meschonnicien est-il stable ou est-il destiné à se diluer dans la diversité des approches qui y recourront ? Je n'irai sans doute pas moi-même très loin dans la réflexion sur le modèle meschonnicien, je n'en fais plus un projet important dans ma vie, j'ai dû faire des choix, mais je sais que je suis à la croisée de réflexions essentielles sur l'étude de ce qui fait la spécificité du souffle poétique. Je vais en profiter un peu cet été, malgré les maux de tête qui ne me quittent pas.
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