jeudi 7 juin 2018

Un cas "Y" dans les voyelles de l'Album zutique

Je vais parler ici des vers qui accompagnent quelques caricatures du recto d'un feuillet non numéroté.

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Digression ou note préliminaire.
Il y a une suite de six feuillets non numérotés entre celui qui porte le numéro 11 et celui qui porte le numéro 19. Le deuxième de cette suite de six est déchiré en deux. On constate aussi une anomalie. Il y a sept nombres coincés entre 11 et 19, mais nous n'avons que six feuillets en incluant celui qui est déchiré entre les feuillets 11 et 19 de l'Album zutique. Autre anomalie, après le feuillet 19, nous passons au feuillet 21. La numérotation redevient normale : 21, 22, non paginé, 24, 25, 26, 27, 28, 29. Nous n'avons pas de fac-similé au-delà du feuillet paginé 29. Pourtant, il y avait au moins un feuillet avec un dessin représentant Rimbaud dans une embarcation et nous avons des fac-similés du dessin lui-même. Il y avait aussi un feuillet contenant un poème en onze quatrains de vers de sept syllabes par Raoul Ponchon qui commence par "Vla l'hiver [...]".
Les feuillets manquants ont été arrachés ou bien il y a eu un mauvais dénombrement des feuillets sans numérotation. Mais la succession des feuillets 19 et 21, le reliquat d'un feuillet déchiré et l'existence d'un feuillet détaché avec un dessin représentant Rimbaud dans une barque, cela favorise plutôt l'idée a priori que deux feuillets ont disparu sans laisser de traces.
Dans l'édition en Garnier-Flammarion par Daniel Grojnowski et Denis Saint-Amand, une numérotation factice a été imposée : 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19. On saute par-dessus le numéro 14, mais pourquoi par-dessus le numéro 14, plutôt que par-dessus un autre numéro ? Pourquoi exiger que le feuillet manquant, si jamais il a réellement disparu, suive le feuillet déchiré ? C'est peut-être le feuillet précédant le feuillet déchiré qui a disparu, et alors le feuillet déchiré passerait du numéro 13 au numéro 14. En revanche, entre le feuillet 19 et le feuillet 21, le feuillet 20 est déclaré "inexistant". Ce n'est pas très clair.
Fin de la digression.
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J'en reviens à nos dessins.
Ils figurent sur le quatrième feuillet de la suite non numérotée. Nous avons une faible marge d'erreur. Il s'agissait donc soit du quinzième feuillet, soit du seizième. Dans l'édition en Garnier-Flammarion, mais ils ne sont pas les seuls, nous avons une affirmation : ce serait le recto du seizième feuillet.
En tout cas, dans cette l'édition de l'Album zutique, qui date de 2016, nous avons droit à un fac-similé miniature du recto de ce feuillet. La procédure est inévitable, puisqu'il y a trois dessins sur ce feuillet. Le fac-similé se trouve à la page 95 et les notes qui s'y rapportent à la page 206, avec un titre flanqué d'une parenthèse de précision : "Fac-similé f16r° (caricatures, p. 95)".
Le gros problème pour moi, c'est qu'il y a aussi trois créations en vers sur le recto de ce feuillet. Or, ces trois extraits n'ont pas été retranscrits en caractères d'imprimerie dans cette édition. En effet, nous avons à la page 94 de cette édition en Garnier-Flammarion une transcription du "Sonnet" qui est attribué à Alfred de Musset, mais contresigné "G. N" (cette parodie terminait le verso du feuillet précédent), puis à la page 95 un fac-similé très petit (format de livre de poche oblige !) de l'ensemble du feuillet qui m'intéresse, et puis à partir de la page 96 la transcription normale reprend avec un dizain à la Coppée contresigné "C. C." suivi d'un poème "Conseils à une petite moumouche".  Or, comme le verso du feuillet avec des dessins est demeuré vierge, ces deux poèmes figurent sur le recto du feuillet suivant.
Pour moi, ça ne va pas du tout. Il fallait un fac-similé pour les dessins, mais aussi une transcription des trois extraits poétiques. Les trois extraits en vers sont cités dans le paragraphe ramassé d'une demi-page du dossier de "Notes sur l'Album zutique". Il faut se reporter à la page 206 pour lire ces trois extraits en caractères d'imprimerie. Tous ceux qui voudront lire de manière suivie l'Album zutique dans cette édition seront condamnés, soit à se forcer les yeux pour déchiffrer un manuscrit miniaturisé, soit à faire le voyage aller-retour entre les pages 95 et 206.
Ce n'est pas tout. Pris dans un paragraphe en prose, les trois extraits ne sont pas cités avec une présentation en vers adéquate. Ils sont cités dans un texte en prose, avec un simple emploi de barres obliques pour repérer les passages d'un vers à un autre.
Je vais citer ces trois extraits et, dans la foulée, le poème "Conseils à une petite moumouche" et vous allez voir pourquoi il est important de bien reporter les trois extraits poétiques.

De peur qu'on ne s'égare,
Cecy est ung cigarre

On diroit don Quixote
       Qui rote.

J'ai l'air ici,
      Si
Je ne m'abuse,
      Buse.
Conseils à une petite moumouche
    O Fuis la bouche,
             Mouche !
     Villemessant
             Sent.
     Fuis son haleine
             Pleine
      De l'odeur du
              Cu.
                                 (Albert Meilhan)
La première citation est un couple de vers de six syllabes. Il faudrait identifier l'écriture. Qui est l'auteur de ces deux vers ? Cette création minimale ne manque pas d'intérêt. Il y a un hiatus, ce qui est exceptionnel, même dans l'Album zutique, même si Rimbaud en a commis un également dans "Exil" : "Et qui a fait..." Nous avons deux "r" à "cigarre" et un "g" à la fin de l'article "ung", deux indices utiles à la prononciation affectée de ces vers. Ensuite, nous avons un "y" à "cecy". Ce "y" (ou cet "y" si vous préférez) implique-t-il une prononciation particulière ? Remarquez bien, si vous avez accès au fac-similé, qu'un "i" initial a été remplacé par un "y". ON a repassé à l'encre pour que le "i" devienne un "y". Il s'agit donc bien d'un fait exprès. Il peut s'agir d'une orthographe archaïque ou bien d'une façon, quoique peu évidente, d'inviter le lecteur à prononcer ce vers avec affectation, puisque suivent "ung" et "cigarre". Mais un autre détail retient mon attention. Les voyelles sont le A, le E, le I, le U et le O. Plus récemment, nous avons pris l'habitude d'y ajouter le Y, mais cela n'était pas systématique à l'époque de Rimbaud, comme chacun sait... De toute façon, le Y est une semi-voyelle et donc une semi-consonne. Il a une prononciation de consonne : "rayon de Ses Yeux" et une réalisation de voyelle : "Pythagore et physique". Dans le vers en question, je pense que la correction permet d'éviter l'hiatus. Il faut lire le "y" comme un "i" suivi de la prononciation de consonne du "y", comme à la fin du mot "famille" "Cecy[ll] est ung cigarre".
Pour la deuxième citation,la transcription me laisse perplexe. Denis Saint-Amand reprend la transcription proposée par Pascal Pia, avec une orthographe archaïsante "diroit" pour "dirait". Le problème, c'est qu'il n'est pas évident d'après le fac-similé de dire que nous avons indiscutablement affaire à un "o". Je vois bien que la forme est arrêtée, il n'y a pas la reprise vers le bas de l'écriture cursive pour repartir sur le "i", mais j'avoue hésiter quand j'essaie de déchiffrer le manuscrit. Même le "x" dans "Quixote" n'est pas clair, il ressemble à un "r". Bref, je ne sais pas s'il faut transcrire : "On diroit don Quixote" ou "On dirait don Quirote", les combinaisons offrant d'autres possibilités : "On dirait don Quixote" et "On diroit don Quirote". J'aimerais le confort d'une consultation directe du manuscrit lui-même. Je verrais nettement comment l'encre s'est imprimée dans le papier, jusqu'aux moindres détails. Il me faudrait faire des comparaisons graphiques pour les "a", "o", "x" et "r" de l'auteur de cette transcription, mais on ne sait même pas qui il est.
Ces deux premières citations sont visiblement de la même personne. En revanche, la dernière citation est de Valade lui-même. Il a donné un titre "Nuage" en-dessous de la caricature qui le représente, mais ce titre est sans doute bien plutôt le titre des quatre vers de la dernière transcription. Il s'agit d'autodérision : "J'ai l'air ici, / Si / Je ne m'abuse, Buse."
Les deux autres interventions sont d'une même personne, mais pour les commenter il faut s'intéresser aux dessins.
Le dessin tout à gauche représente Valade. Nous avons une borne rectangulaire, deux bras qui sont des brindilles minuscules avec deux mains grisées bien ouvertes, chacune ayant bien cinq doigts. Une des mains ouvertes tient, par la grâce du dessin, un énorme cigare qui fume abondamment. Si nous reconnaissons Valade, c'est que sa tête barbue est représentée plus soigneusement et fidèlement, avec deux yeux que je dirais en amande, un nez marqué aux narines assez dilatées. C'est aussi parce que le caricaturiste a ajouté son nom à la verticale en traçant à main levée des majuscules d'imprimerie.A côté de ce dessin, nous avons un corps sans tête monté sur des échasses. Le corps est monté sur des échasses, ce qui pour filer la métaphore animale fait que nous avons à côté de cette buse de Valade un grand échassier. Ce corps sans tête est habillé d'une jupe bien trop courte pour l'énorme sexe qui dépasse et pendouille. Au niveau du cou, nous avons une giclée de sang (c'est ainsi que j'interprète le haut du dessin) et enfin un bras musclé désigne le cigare que le Valade caricaturé tient dans une main. Et c'est juste au-dessus de cette main qu'est placé le couple de vers de six syllabes : "De peur qu'on ne s'égare, / Cecy est ung cigarre". Les propos sont donc attribués à ce corps sans tête et l'altération de la prononciation pourrait s'expliquer par le fait que ce corps parle par le cou.
Enfin, nous avons un troisième personnage représenté. Nous avons un corps bien habillé, les mains dans les poches, de profil, avec la tête d'Albert Mérat coiffée d'un chapeau haut de forme.
La tête de Mérat est dessinée avec le même soin et le même style que celle de Valade. Une flèche relie le corps sans tête au nez ou à la tête d'Albert Mérat, comme si celui-ci reniflait d'odorantes aisselles. Cette flèche favorise une déduction facile, la tête d'Albert Mérat est passée du corps sans tête représenté de profil à celui du bourgeois respectable. Mérat échappe ainsi à la représentation obscène. Et si nous revenons au dessin de Valade, nous comprenons que la représentation de son corps n'est pas fixée ou ne lui importe pas. Nous avons en quelque sorte, au centre un corps décapité, et de chaque côté l'imaginaire de Valade qui se préoccupe peu de son corps et l'autre celui d'apparat social de Mérat. Finalement, deux visions différentes de la décapitation.
A côté du Mérat bien habillé, nous avons donc la citation comique qui fait allusion au héros de Cervantès. Nous avons un jeu de mots et une espèce de rime riche "Quixote / Qui rote", je dis "espèce de" car la variation "x"/"r" fait que la rime n'est qu'en "ote". Il s'agit tout de même d'une rime calembour et le second vers se prononce comme toute la fin du précédent. Pardon aux hispanisants pour qui nous prononçons trois consonnes distinctes en les ramenant toutes à notre [R] français. Le rot peut avoir été inspiré par la giclée de sang au cou du corps décapité ou par la forme d'imbrication en goitre du cou de l'énorme tête de Mérat dans le corps de plus petites proportions d'un bourgeois bien habillé. Cette dernière hypothèse est la plus probable vu l'emplacement de la citation.
Etrangement, dans l'édition en Garnier-Flammarion de l'Album zutique, Saint-Amand identifie Valade, une cantinière et propose Blémont. En réalité, Pakenham a depuis longtemps identifié la tête de Mérat dans ce dessin et l'allusion à un tableau de H.-L. Lévy intitulé Hérodiade où c'est Mérat lui-même qui a posé pour représenter la tête décapitée de Jean-Baptiste portée sur un plateau par Hérodiade. Saint-Amand a simplement repris le texte inattentif de Bernard Teyssèdre dans le livre Rimbaud et le foutoir zutique. Informé correctement par Pakenham, Teyssèdre a corrigé son erreur depuis sur une page internet. Je la donne en lien, mais je ne suis pas forcément d'accord avec le détail de ce texte, d'autant qu'il y a des maladresses dans la rédaction de cette mise au point.


Il va de soi que Pakenham a fait une découverte importante. C'est dans le même numéro du 18 mai 1872 de la revue La Renaissance littéraire et artistique que nous avons la suite de quatre sonnets de Valade réunis sous le titre "Don Quichotte" (page 28) et une description par Jean Aicard du tableau Hérodiade exposé au "Salon de 1872" (page 27). Les deux pages sont le recto et le verso d'une même feuille de la revue. Toutefois, Jean Aicard ne dit rien du rôle de modèle joué par Mérat. Remarquons enfin que la série "Don Quichotte" fait suite à la première publication de Verlaine dans cette revue avec le titre "Romance sans paroles" pour ce qui deviendra la première des "Ariettes oubliées" dans le recueil de 1874. Le tableau de Lévy a été exposé à partir du 10 mai. Ainsi, ces dessins ont été reportés dans l'Album zutique, quand Rimbaud venait fraîchement de revenir loger à Paris. Mais Rimbaud ne contribue plus à l'Album zutique et nous ne nous empresserons surtout pas de prétendre que ces caricatures ont été faites en sa présence, ni même en la présence de Verlaine. En revanche, on peut penser que les visites au salon et la publication d'un poème de Verlaine ont favorisé une relative détente dans certaines relations. Valade et Mérat peuvent rire ensemble de caricatures à leur égard en prenant dans leurs mains un volume où figurent nombre de facéties rimbaldiennes obscènes.
Personne ne croira que ces dessins furent nettement postérieurs à la publication du numéro du 18 mai 1872 de la revue La Renaissance littéraire et artistique.
Dans l'article de mise au point que nous avons donné en lien, Bernard Teyssèdre explore plusieurs pistes pour trouver des sources à ces caricatures, mais elles sont loin d'être satisfaisantes (Burty, Silvestre, etc.). Il reprend aussi une hypothèse de Pakenham selon laquelle le corps en jupe représenterait Cabaner en cantinière, ce qui nous sceptique autant que Teyssèdre. Pourquoi Cabaner serait-il décapité ?
En fait, nous avons essayé de trouver des intertextes pour ces caricatures dans les quatre sonnets intitulés "Don Quichotte", ce qui est la démarche la plus logique.
Le premier sonnet est suggestif, les deux suivants n'ont pas l'air de fournir de matière, mais la fin du quatrième est éloquente. J'y vois la raison des échasses et la raison de cette jupe qui a fait songer à une cantinière :

Et veuille le destin, plus clément que Cervantes,
Epargner à l'horreur de nos derniers instants
L'édification des sots et des servantes.
De part et d'autre du mot au pluriel "sots", nous avons les mentions "édification" et "servantes". Le dessin représente un homme avec une jupe de servante et d'édifiantes échasses.
Le premier quatrain du sonnet reste suggestif également :

Où sont les hauts projets et les rêves de gloire
Qui te gonflaient le coeur, sublime aventurier ?
Ton front, qui paraissait attendre le laurier,
Penche, hélas ! alourdi d'une tristesse noire.

[...]

Si, dans le sonnet, le front penche, sur les caricatures, une tête a été décapitée. Les "rêves" sont représentés aussi dans la fumée du "cigarre" sur lequel une mise en garde nous invite à ne pas s'égarer. Il est question de "corps débile et vieux" également, ce qui correspond aux jambes de l'échassier, d'un "bras" qui "eut beau combattre", ce qui fait songer au bras musclé de ce personnage central. L'assimilation de Mérat à Don Quichotte est rendue possible par la lecture malicieuse du premier tercet du sonnet final de la série créée par Valade, à cause du mot "chimères" à la rime qui rappelle le titre du recueil le plus connu d'Albert Mérat :

Puissions-nous, traversant mille épreuves amères,
Mourir du moins sans vous renier, ô chimères,
Obstinés pour le beau, justes impénitents !
Les échasses remplacent le fait de monter "sur un cheval superbe et piaffant" , se substituent à l'idée que le "cheval" du héros de Cervantes ne soit "plus qu'une rosse honnie". Il est question aussi d'une Dulcinée transformée par la malchance en une "vachère indigne de tes voeux". Et on peut comprendre que la tête de Mérat a rejeté un corps indigne de ses voeux dans les caricatures du feuillet zutique. Je n'insiste pas sur le coeur gonflé qui met en tension le jet de sang par le cou avec l'intumescence visible sous la jupe du décapité.
Teyssèdre n'a pas exploité ces passages, mais il transcrit en intégralité les quatre sonnets sur le lien que nous donnons ici. J'ai utilisé directement une reproduction Slatkine de la revue.
Je ne vais pas essayer de renforcer mes rapprochements, on peut très vite exagérer et s'imaginer que Valade est dessiné en forme de moulin.
Il me manque encore des éléments pour affiner le commentaire, mais cela suffira pour cette fois en ce qui concerne les dessins. Pour les deux premiers extraits en vers, Teyssèdre les attribue à Charles Cros. Personnellement, je ne me suis pas penché sur le sujet. La graphie des "g" est déconcertante. Je ne trancherai pas pour l'instant. Pour le personnage qui se prend pour une "Buse", Teyssèdre se trompe. Le poème accompagne le titre "Nuage" et désigne le premier dessin, celui qui représente Valade, et c'est Valade lui-même qui l'a écrit. Il s'agit d'autodérision sur la caricature le représentant comme je l'ai déjà dit plus haut.
Ce qui m'intéresse maintenant, c'est la forme poétique des deux derniers extraits en vers accompagnant ces caricatures.
Quelqu'un, éventuellement Charles Cros, a composé deux vers de six syllabes, puis il a composé un couple d'un vers de six syllabes et d'un vers de deux. Il ne s'agit dès lors que d'un fragment, puisque la réunion d'une ligne de quatre syllabes et d'une de deux syllabes ne fait pas un vers. Il faut supposer que c'est un fragment d'un texte plus long.
En fait, cette pratique du vers acrobatique a pris son essor à partir des exemples de Victor Hugo dans les années 1820, dans les Odes et ballades. Nous avons un premier vers long et un second très court d'une, deux ou trois syllabes. Cette pratique permet les calembours, permet de créer une sorte d'écho, de caisse de résonance. Amédée Pommier a composé de tels types de poèmes, avant de composer des poèmes qui n'étaient qu'en vers d'une syllabe. L'allusion à Hugo, Banville, peut-être à Pommier, est évidente dans les deux vers "On dirait don Quixote / Qui rote", l'allusion à Pommier un peu moins. En revanche, le poème de Valade est une allusion évidente et à Hugo et à Pommier, et une allusion tout aussi évidente aux nombreux sonnets monosyllabiques déjà parsemés dans le corps de l'Album zutique. Pommier a composé, tout comme Hugo, des poèmes où un vers long est suivi d'un vers d'une syllabe.
Sur le recto du feuillet suivant, Camille Pelletan a transcrit, sans le signer de son nom, un court poème sur le même principe. Comme pour le quatrain de Valade, un vers sur deux est un vers d'une syllabe. L'orthographe "cu" de "cul" s'explique par les règles de la rime et l'allusion à Pommier est confirmée par le recours à la forme contractée "du" à la rime à l'avant-dernier vers. Je remarque qu'un autre monosyllabe employé par Pelletan est "Sent", l'odorat étant impliqué dans les caricatures du feuillet précédent, et je relève aussi le monosyllabe "Mouche" qui rime avec "Bouche".
La création de Pelletan est faussement attribuée à Albert Millaud, contributeur en rimes au journal Le Figaro dont le directeur était Villemessant. Un sondage dans les numéros d'époque de ce journal permettrait peut-être de dater la contribution de Pelletan et d'en expliquer la motivation. On peut penser à un ajout postérieur aux caricatures, après le 10 mai, sinon après le 18 mai 1872.
Quelques pages plus loin, un sonnet monosyllabique a été ajouté qui s'intitule "Sur Bouchor" et qui évite pourtant la mention "Mouche", mais pas la mention "Bouche". En revanche, si le sonnet "A un Caricaturiste" a bien été ajouté longtemps après les autres contributions au verso du feuillet 3, nous avons la reprise pour une même rime de "Bouche" et "Mouche". Y a-t-il un lien qui permettrait de relier "Conseils à une jeune moumouche" au sonnet "A un Caricaturiste" ? Telle est la question.

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