Je reviens sur le livre Cosme de Guillaume Meurice, mais je vais effacer le précédent article prochainement.
Ce livre est malsain. Une personne qui se décrit proche de l'état de clochard se plaint qu'on ne reconnaisse pas son génie poétique. Cet écrivain, fin amateur de grande poésie, veut prendre une revanche sur la vie. Il s'agit de se moquer finalement de la réussite à l'école et des universitaires. Apprenez à vos enfants à cracher sur ceux qui les éduquent ou les élèvent vers un savoir, vous apprécierez le résultat... De toute façon, nous en sommes déjà là. Pour Guillaume Meurice, c'est l'occasion d'élever quelqu'un, patati patata, avec reconnaissance à la clef puisqu'il fait du coup la promotion de son acte généreux qu'est son livre... Son livre et les interviews qu'il accorde à ce sujet sont aussi l'occasion pour lui de se moquer de ceux qui apparaissent comme les détenteurs du savoir, de l'autorité, d'une sagesse, etc. Sous des dehors sympathiques, Meurice pratique un humour de vachard à corrosif. C'est une façon d'essayer sa force, sa capacité à être dominant dans un groupe, même s'il n'en a pas exactement le profil.
Voilà pour le cadre que j'associe à ce bouquin.
Je passe à la suite.
Cosme Olvera traite avec condescendance les universitaires et parle beaucoup de sa très intéressante vie dans le chapitre "Y" du livre qui lui est accordé. Il a pris la plume pour une lettre à "Je" et à "Tu" avec Rimbaud qui se termine par une exclusion méprisante des lecteurs :
[...]Allée à ton célèbre :"Je est un autre."Je suis l'autre.
Au plaisir de te relire,Bien à Toi,Cosme
Je passe sur la majuscule à "Toi" et évite de rendre la lecture plus subtile qu'elle ne doit l'être. En tout cas, on voit bien que le tutoiement s'adresse à Rimbaud et qu'il s'agit d'un échange circulaire de "Je" Cosme à "Toi" Rimbaud. Je ne développe pas sur les deux citations de Rimbaud et Nerval, je m'en cague.
En gros, sur 28 pages, Cosme fait beaucoup de digressions sur sa vie privée et sur ses pensées personnelles, plusieurs aussi sur ce qu'il pense des rimbaldiens, etc. Il reste déjà moins de pages pour une lecture. Un fait important, c'est que tout au long de cet ouvrage de Meurice et Olvera il nous est répété qu'il y a une lecture à venir ou en cours de "Voyelles", bref c'est ce qu'on suggère aux lecteurs. Ils quittent le livre et comme on leur a répété sans arrêt qu'ils étaient face à une lecture du sonnet ils se disent qu'ils ont lu une lecture du sonnet.
Non ! Il n'y a pas dans cet ouvrage de lecture du sonnet.
Une lecture, ça veut dire : préciser le sens des deux premiers vers et la logique qui organise les cinq associations du premier vers. Olvera ne l'a pas fait ! Cela veut dire aussi : montrer comment "noir corset" et "Golfes d'ombre" s'articulent, puis les séries du E, puis celles du I, et ainsi de suite. Cela veut dire aussi : comment l'ensemble du "A noir" s'articule au "E blanc", comment on passe du "A noir" au "E blanc", pourquoi selon un tel ordre, quelles sont les analogies qui font qu'on peut comparer le "A noir" et le "U vert", etc. Lire, c'est commenter le sens des expressions acceptées comme telles, pas le sens des mots, le sens des expressions. C'est commenter les rimes, les assonances, les figures de style, etc. C'est commenter la forme du sonnet, les rimes, les césures, etc ?
Tout ça, Olvera n'en fait rien.
Il y a bien des éléments d'une lecture, mais Olvera les a repris aux universitaires qu'il conspue, sauf qu'Olvera joue à ne pas dire clairement si les idées qu'il formule sont de lui ou d'autrui. Olvera n'a aucun droit der revendiquer la primauté pour l'idée qu'il n'exploite même pas en plus d'une allusion à la trichromie en optique pour la suite rouge vert bleu, aucune antériorité pour les allusions à l'Apocalypse avec l'ordre de "A" à "O" qui dessine l'idée du tout, "l'alpha et l'oméga", avec la trompette du jugement dernier dans le dernier tercet.
Olvera n'apporte qu'un élément de lecture. Il prétend que la suite noir blanc rouge vert vient de la succession dans le même ordre de ces quatre couleurs pour les quatre cavaliers de l'Apocalyspe, et, pour le bleu, il propose une béquille, ce serait la corruption du nom "Dieu" comme dans les injures "Parbleu", etc. Le raisonnement n'est pas sérieux. Du coup, il ne reste rien. Olvera propose ensuite une liste de considérations sur des mots du poème, mais je passe plus vite sur ce type de billevesées, en précisant qu'il faudrait expliquer en quoi il a fait moins hypothétique que les nombreux travaux antérieurs du même acabit.
Bref, Cosme Olvera ne peut plus désormais défendre comme apports personnels que des contributions qui n'ont strictement rien à voir avec la lecture, ni même avec la poésie.
Cosme Olvera fantasme sur "vibrements divins des mers virides" Il est convaincu que c'est le chiffre de la Bête derrière les trois "vi" alignés. Mouais ! Ils sont séparés par d'autres lettres, mais ce n'est pas grave. Sur le manuscrit autographe lui-même, l'écriture cursive en lettres minuscules ne permet pas d'identifier une allusion aux chiffres romains V et I. Bref, l'idée est assez foireuse. Cosme Olvera est également convaincu que Rimbaud graphie volontairement ses "d" comme des 6 à l'envers, et comme les prépositions et déterminants commençant par "d" sont inévitablement nombreux, Olvera ne peut que signaler à notre attention un 666 vertical si on tient à l'envers le manuscrit au centre des vers 3, 4 et 5. Sans commentaires ! Il revoit le 666 à l'horizontale comme à la verticale dans le dernier tercet, en alignant certains "d", mais pas les autres, car il il y a deux "d" dans le seul second hémistiche du vers 12, trois "d" dans le seul second hémistiche du vers 13, un "d" dans le seul second hémistiche du vers 14. Les "d" sont essentiellement dans les seconds hémistiches parce que quatre compléments du nom sont introduits par une préposition banale, deux "d" sont compris dans les mots "strideurs" et "Mondes" (je transcrits avec le point-virgule au vers 13 au lieu du double point, puisqu"Olvera croit légitime de transcrire ainsi ce signe de ponctuation :
plein des strideurs étranges,des Mondes et des Anges ;violet de Ses Yeux !
Je suppose que vous avez admiré la disposition en croix, très étudiée, puisque je vous ai dit à l'avance de repérer les "d" et les 666 à lire le texte à l'envers. Non ? C'est bizarre, moi non plus !
En plus, les "d" les mieux centrés sur la copie autographe ont une système de boucle très enveloppée qui s'éloigne précisément du dessin d'un "6". Pour qu'un "d" ressemble à un "6" à l'envers il faut le dessiner ou graphier sommairement, non ? Pourquoi des arabesques si Rimbaud veut qu'on lise un "6". Ces "d" ne sont même pas tous graphiés de la la même façon.
Tout ce que j'ai rappelé jusqu'à présent, il faut bien voir que c'était soit la préparation minutieuse du terrain pour donner un air saisissant à la grande révélation de la clef, soit un petit renforcement bidon, l'histoire de "d" à lire comme des 6 à l'envers.
On le voit, il ne reste rien, rien que les mises au point des conspués rimbaldiens. De fait, il y a deux allusions à l'Apocalyspe avec l'intertexte de "La Trompette du Jugement dernier" pour "Suprême Clairon" et avec l'ordre anormal de "A" à "O" et la mention "Oméga" pour citer l'expression de la totalité qu'est "l'Alpha et l'Oméga". J'ajouterais que l'idée de Lumière Verbe divin de saint Jean, l'auteur supposé de l'Apocalyspe, est derrière les associations "A noir, E blanc", etc.
On le voit, il ne reste rien, rien que les mises au point des conspués rimbaldiens. De fait, il y a deux allusions à l'Apocalyspe avec l'intertexte de "La Trompette du Jugement dernier" pour "Suprême Clairon" et avec l'ordre anormal de "A" à "O" et la mention "Oméga" pour citer l'expression de la totalité qu'est "l'Alpha et l'Oméga". J'ajouterais que l'idée de Lumière Verbe divin de saint Jean, l'auteur supposé de l'Apocalyspe, est derrière les associations "A noir, E blanc", etc.
J'en arrive à la révélation. Le poème comporte 666 caractères selon un principe de dénombrement sur le plan des caractères typographiques propres à l'impression, et si on inclut les espaces, mais au sens typographique du mot.
Il existe deux versions manuscrites du poème. Cosme Olvera prétend que la version de Verlaine n'offre par le bon nombre de 666 caractères, mais il ne précise pas le nombre qu'il a compté de caractères. Ensuite, l'autographe compte 666 caractères. Mais, là encore, Olvera nous explique que le poème est mal édité et qu'il n'y a pas 666 caractères..
Tenez-vous les côtes ! La copie de Verlaine comporte 667, la copie autographe telle qu'elle est imprimée 666.
Olvera ne sait pas compter. Selon son système de dénombrement, le poème tel qu'il est imprimé offre bien un ensemble de 666 caractères. Il existe 21 différences concernant le décompte entre la copie de Rimbaud et celle de Verlaine. Mais comme il y a dix signes en moins et onze en plus, la copie de Verlaine permet d'arriver à 667 caractères.
Au lieu de considérer qu'il doit y avoir une coquille, Olvera préfère penser que Verlaine ne connaissait pas l'astuce des 666 caractères, ni même le sens profond du poème. Sacré Olvera ! Quel tacticien avisé ! Il n'a pas peur de faire rire de lui. A un signe près, on a le chiffre de la Bête dans la copie Verlaine, malgré les nombreux remaniements.
De surcroît, Olvera laisse planer l'idée que Verlaine modifie tranquillou tranquillette l'état du texte qu'il recopie. Allez, je change 21 signes du poème, c'est open bar ! D'accord !
Enfin, ne nous plaignons pas. Olvera a raté une occasion de présenter avec plus de force son code hypothétique, et c'est tant mieux !
Mais, ce n'est pas fini.
Olvera n'a pas précisé le nombre de caractères qu'il attribuait à la leçon autographe, mais il a proposé sa version imprimée. Elle nous est transcrite au milieu de la prose de Guillaume Meurice, page 17.
Même si vous ne comptez pas patiemment les 666 caractères, ce que j'ai pourtant fait par acquis de conscience, il suffit de prendre la version officielle et la version proposée par Olvera, et d'évaluer les différences. Il faut relever les différences, et à chaque considérer si on a des signes en moins, des signes en plus, ou un changement avec le même nombre de signes.
Pour les treize premiers vers, il n'y a qu'une différence, carrément le signe de ponctuation à la fin du vers 13. Au lieu du double point évident du manuscrit, Olvera opte pour un point-virgule. Sans doute parce que le point du bas est plus gros que l'autre. Mais, cela ne change pas le nombre de caractères, ça c'est un signe pour un autre.
En revanche, il y a deux différences pour le dernier vers qui cette fois implique suppression ou accroissement du nombre de caractères.
Voici la version correcte, suivie de la version prônée par Olvera :
- Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !-Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !-
Pour ceux qui ont déjà compris ce que pesait le génie de la révélation d'Olvera, notez bien que la différence ne porte pas sur les lettres, mais sur un espace et un signe de ponctuation ! Déjà, ça vaut son pesant de cacahuètes !
Mais ce n'est pas tout. Olvera transforme le tiret initial en une ouverture de parenthèse, et c'est tout le dernier vers qui devient une parenthèse. La pointe du sonnet est une parenthèse. Chapeau, l'artiste !
Je donne évidemment la leçon de la copie faite par Verlaine qui coïncide avec la leçon correcte, juste que Verlaine ne flanque pas d'accent circonflexe sur le "O" et ne met pas de majuscules du divin à "ses yeux".
- O l'Oméga, rayon violet de ses yeux !
Mais, pour le calcul, qu'est-ce que ça change, Olvera enlève un espace et ajoute un tiret sans ajouter d'espace, puisqu'il le pense comme une parenthèse : 1-1=0. Même si on ne sait pas combien le poème compte de caractères, les deux seules différences qui modifient le décompte s'annulent entre elles. Olvera a pourtant apporté ces corrections dans le but de changer le nombre de caractères. Il le dit que la version officielle n'est pas satisfaisante. Quoi ? La version autographe n'était pas publiée comme ça avant 1997. Qu'est-ce que c'est que ce délire ? En tout cas, moi j'ai pris les éditions de référence. J'ai pris le texte dans l'édition de la Pléiade de 2009. Je crois juste me rappeler qu'il y a de grosses erreurs dans le volume de La Pochothèque par Pierre Brunel en 1998. De mémoire, je sais qu'il y a une partie d'une version qui se retrouve dans l'autre. Mais, pour le reste, les éditions de l'autographe donnent un texte avec 666 caractères. Où était le problème pour la thèse d'Olvera ? Où était l'impossibilité pour le lecteur d'un jour découvrir que le texte comportait précisément 666 caractères ?
Voilà, on en remet une couche. Olvera qui lance des défis aux mathématiciens fait décidément bien rire.
Mais ce n'est pas tout.
Je passe sur son idée de parenthèse qui justifierait de faire sauter l'espace après le tiret initial, ce que contredisent les deux manuscrits, le "Ô" autographe lui-même n'est pas collé au tiret.
Voici maintenant la dernière clownerie dans cette histoire de cosmétique des lettres.
Je suis allé consulter les fac-similés du manuscrit autographe pour vérifier cette histoire de tiret final à ajouter. Il y a deux fac-similés dans le livre de Meurice : il y a une reproduction du manuscrit sur le bordereau bleu qui entoure le livre pour sa promotion et il y a un autre fac-similé à la page 8.
Je me disais : "Mais aucun éditeur n'a vu ce tiret, c'est quoi cette idée ?"
En fait, il y a après le point d'exclamation final une tache qui prend la forme d'une virgule à l'envers. Il s'agit d'une tache à hauteur d'un point final comme si le poète avait voulu ajouter des points de suspension, c'est plutôt une tache due à la fébrilité de la fin de transcription.
En tout cas, ce signe est bref, fort ramassé sur lui-même, et on ne peut en aucun cas le confondre avec un tiret. D'ailleurs, le tiret qui lance le vers 14 est assez long et il est épaissi par l'encre, Rimbaud ayant appuyé avec la plume à ce moment-là. Du coup, l'idée de rabattre un tout petit machin sur un long tiret me paraît débile et n'appelle plus aucun commentaire.
Sauf que... Olvera y croit et d'autres avec lui. Cela me surprend, parce que si quelqu'un croit que cette tache est un tiret c'est qu'il n'est pas très malin. Pourquoi donc des gens s'attachent-ils à cette idée de tiret ? Comment est-ce possible ? Je n'avais pas de réponse et je tranchais par un constat que la bêtise était assez répandue chez les gens.
Mais, du coup, je me suis dit que j'allais vérifier dans l'édition philologique de 1999 fournie par Steve Murphy (Arthur Rimbaud, Oeuvres complètes I Poésies, Honoré Champion), surtout qu'avec sa minutie je sais qu'il commente parfois des trucs insignifiants. Eh bien, ça n'a pas raté ! Je vais maintenant vous donner la transcription du vers 14 de la copie autographe de "Voyelles" par Murphy et la note qui l'accompagne (excusez-moi si sur ce blog les tirets sont assez courts).
14 - Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! - A. Rimbaud
14 On pourrait proposer un second <-> en fin de v., mais ce trait semble plutôt être une sorte de paraphe, compte tenu de sa position très basse sur la ligne.
Quand j'ai vu ça, ma première réaction a été d'effroi. Après, je me suis un peu calmé et j'ai essayé de comprendre. Je me suis dit : "Mais il est fou ? (Note : il me faut du temps pour me calmer après un tel choc !) Ce signe ne peut pas être confondu avec un tiret ?" J'ai lu plus attentivement la note. Cette virgule à l'envers ne peut pas passer non plus pour un paraphe. Que veut dire Murphy par une "position très basse sur la ligne", puisque cette tache comme une virgule à l'envers est à hauteur du point d'exclamation final. Pire, la transcription du dernier vers gondole vers le haut. L'écriture montre jusqu'à "violet" puis relle redescend un peu. Bref, le soi-disant "signe" n'est pas plus bas. En revanche, bien en-dessous du "A", il y a un long trait oblique qui monte de gauche à droite, et ce trait à peine plus long que le tiret initial aurait pu passer pour un tiret, quoique ? (pas pour moi, en tout cas), s'il avait été à peu près à hauteur du vers 14. Le signe est même en-dessous du "A" de la signature, donc aucun risque qu'on le prenne pour un signe ponctuant le vers 14. C'est pourtant ce qu'a fait Murphy qui, à mon avis, a étudié ce manuscrit, un jour où il était très fatigué. C'est évidemment à ce signe oblique que songe Murphy, puisque d'une part c'est un trait droit long qui occupe une "position très basse" et puisque c'est effectivement un paraphe. Murphy avait-il le manuscrit sous les yeux quand il a rédigé cette note, la mention "très basse sur la ligne" a l'air de confondre les deux traces du manuscrit, d'un côté une ridicule tache miniature en forme de virgule à l'envers qui est en "position très basse sur la ligne" et de l'autre un trait droit long très en-dessous de la ligne.
Murphy a mis un trait long devant le nom "A. Rimbaud", ce qui confirme qu'il confond les deux traces d'encre.
En réalité, il aurait dû transcrire ainsi le vers 14 (désolé si la barre est trop verticale) :
14 - Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! A. Rimbaud/
Olvera prétend que sa découverte date de 1997. Il n'aurait rien fait depuis. Je trouve bizarre que cette idée saugrenue de tiret de fin de vers ait été formulé avec maladresse par Murphy. J'ai plutôt l'impression qu'Olvera, qui de toute façon ne le cite pas en 2018 !!!, a lu le texte de Murphy, a mis les pieds dans la confusion et a mordu à l'hameçon.
Ri-di-cule !
Il faut dire que nous étions prévenus. Les sonnets d'Olvera qui nous sont offerts en pâture dans le livre de Meurice sont d'une nullité accablante. Je ne parle même pas de la présentation typographique qui est glauque, pire encore que celle de l'édition dans la Pochothèque en 1998.
Olvera pratique des vers qui ne respectent pas les règles traditionnelles. Il se croit peut-être dans la continuité de Rimbaud pour le traitement des césures, des "e". Au vers 5 de "Genèse", il écrit "Célestement gemmées de pensées et de sèves", avec un "e" de "gemmées" à la césure et avec du coup deux "e" languissants, puisque "gemmées" et "pensées" se suivent. Il doit penser prolonger Rimbaud qui écrivait dans "Fêtes de la faim" : "Pains couchés aux vallées grises!"
Trois remarques : 1) Imiter cela en 2018, c'est juste mécanique : qu'Olvera fasse cela ou un autre, ça n'engage pas le futur de la poésie, il suffit de singer le truc désormais ! 2) on me répliquera que dans ce cas les poètes qui innovaient se sont souvent singer eux-mêmes, mais sans avoir besoin de rappeler que les contextes n'étaient pas les mêmes et maintenaient la valeur sulfureuse d'une innovation pour un temps, au moins les vers de Rimbaud, comme celui que je viens de citer, on les lit avec délectation. 3) J'ignore si Olvera a pu songer à ce vers de "Fêtes de la faim", je parie que non, mais notez que le vers de Rimbaud relève sa licence par un trait de perfidie "couchés", "vallées", "grises" avec un effet prosodique dans l'enchaînement "vallées grises" pour avoir le compte exact. Qu'on rehausse ou non les "e" languissants du vers d'Olvera, on a quelque chose de plat sans effet sensible.
Olvera abuse aussi des assonances naturellement abondantes en français, les "é" et les "an". Aucun poète ne s'interdit de jouer avec de telles assonances, mais aucun vrai poète ne prend le risque de les associer aussi platement : ils n'ont pas envie de braire comme des chèvres, ils veulent faire de la poésie, séduire par la difficulté vaincue et par des effets prosodiques inattendus. Le jeu sur les assonances en "é" demande aussi d'éviter que ça ne coïncide sans arrêt avec une forme participiale ou d'origine participiale : "entremêlés", "cernés", "scellé", "gemmées", "pensées", "cendrés", "gréées", etc. Je ne dis rien que de très connu !
Qu'est-ce que vous pensez de ceci ?
L'Eternelle Mer s'engendre, en l'effervescenceDes enchevêtrements entremêlés... Elle est,-Extrême envers des Temps cernés- le Sens scellé :[...]Célestement gemmées de pensées et de sèves-Tels les reflets, cendrés d'ébènes, de Nefs grééesEnflées de vents cléments !...- secrètement créées...Et le Vent, en de tendres bercements de rêves,[...]
Je vous prie encore de lire avec sensibilité : "En le Centre des Sept Sphères" ou "Le Ventre est l'Emblème des Présents de l'Eden..." ou "L'Eternelle / Ensemence Les Terres désertées de ses Âmes..."
Les vers d'AmédéE Pommier, Verlaine appelait cela des "choses".
Ah ! pour la poésie de Cosme Olvera, ce sont les cuisiniers qui en parlent le mieux.
Jean-Pierre Coffe, qu'en pensez-vous ? "Mais, c'est de la Meer-de !"
Jean-Pierre Coffe, qu'en pensez-vous ? "Mais, c'est de la Meer-de !"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire