mardi 5 novembre 2013

Six poèmes saturés de renvois aux Châtiments (Tartufe)

Parmi les articles les plus importants de Steve Murphy, on trouve une étude fondamentale du poème Vénus Anadyomène qui est vraiment l'un des commentaires de poèmes les plus riches de conséquences pour les approches rimbaldiennes Il y a toutefois un article remarquable qui semble un mal-aimé de la critique rimbaldienne, c'est celui sur Le Châtiment de Tartufe
Quand on lit Le Châtiment de Tartufe, on voit que nous avons affaire à une sorte de prêtre, un personnage tout droit sorti de la nouvelle Un coeur sous une soutane qui est contemporaine
Steve Muphy a noté la présence clef du mot "châtiment" dans le titre et il a tout aussi bien noté la mention clef insistante du mot "Châtiment" au début du premier tercet, donc à une position charnière
Le titre d'Hugo s'imposait à l'esprit et Murphy a trouvé les sources du sonnet de Rimbaud dans plusieurs poèmes des Châtiments, avec notamment le poème Fable ou histoire
Et ce rapprochement suffisait pour faire envisager que Le Châtiment de Tartufe a à voir avec le second Empire et la chute de Napoléon III
Et, cerise sur le gâteau, Steve Murphy a repéré un acrostiche très subtil
Rimbaud a inscrit Jules César en se concentrant sur le coeur du poème, les deux strophes internes à savoir le second quatrain et le premier tercet
La majuscule du prénom "Jules" orne la fin du premier quatrain Le prénom Jules se trouve du côté des quatrains et l'initiale du nom "César" est placé à la charnière du sonnet et à l'initiale du mot "Châtiment"
Mais le nom César comporte cinq lettres et les tercets comptent six vers
La subtilité a consisté à ne se servir que d'un tercet joint à la signature du poète à la suite de sa transcription pour retrouver un système justifié d'acrostiche à cinq lettres
Remarquons par ailleurs à quel point l'acrostiche est bien centré puisque symétriquement les trois premiers vers et les trois derniers sont les seuls vers exclus de la construction de l'acrostiche
Bien sûr, on peut penser que le procédé est tout de même bancal Pas du tout, car Rimbaud a su donner du sens à cette déchirure Comme le C de César est attaché au nom "Châtiment", cet acrostiche déchiré est associé à un discours de dénuement On comprend que l'habit de César n'est que rabats, et que figure substitutive du "Méchant" Rimbaud déchire le faux nom, la tartuferie de César Le A et le R dans la signature d'Arthur Rimbaud, c'est la morsure
Les gens qui ne veulent pas comprendre ne me paraissent pas très intelligents Je parlerais même de bêtise
On a un truc de génie, et les gens vont trouver cela improbable
En outre, les probabilités que la suite "Jules Cés" apparaissent sont extrêmement faibles en soi Or, ce sonnet est contemporain d'un autre Rages de Césars qui est lui clairement une caricature de Napoléon III et qui s'inspire lui aussi des Châtiments (j'y reviendrai)
Le calcul suivant ne pourra pas être considéré comme fiable en termes de probabilités, car les lettres qui reviennent au début d'un poème sont en fonction de la langue parlée, en fonction des natures de mots qui se retrouvent plus volontiers en tête de vers, etc
Je ne pourrais pas donner une probabilité exacte, mais l'ordre de grandeur que je vais donner est suffisamment éloquent pour clore les débats

Il y a 26 lettres de l'alphabet : A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
Supprimons les quatre dernières lettres peu courantes W X Y Z, nous aurons toujours 22 lettres
Qu'on fasse le calcul à partir de 25 ou 22 lettres, l'ordre de grandeur est tellement vertigineux que le calcul à partir du nombre 22 suffira à faire sentir que cet acrostiche ne relève pas du hasard

Laissons aussi de côté la signature A R, et laissons de côté les six vers du poème non concernés Jules Cés, cela fait 8 lettres
Imaginons donc que le J est une parmi les 22 lettres possibles Comme il n'est pas exclu que la même lettre revienne, et c'est le cas du E, c'est comme au Loto une lettre doit surgir sur 22, et l'événement se répète huit fois Quelle est la chance d'avoir la combinaison Jules Cés? - Une sur 22 puissance 8 ou une sur 26 puissance 8
A vous de finir le ou les deux calculs
Evidemment, il faut relativiser, car il ne s'agit pas d'un emploi libre des lettres, mais d'un emploi conditionné par la langue, la grammaire
Ceci dit, l'idée de relativiser un tel ordre de grandeur a des limites
On comprend pertinemment que cet acrostiche n'est pas le fruit du hasard, et tous les gens un peu sensibles à la poésie ont bien compris, sans que cette idée de calcul ne leur effleure l'esprit, que Steve Murphy avait visé juste
Maintenant, il reste à renforcer la démonstration, je prends du retard car je veux être exhaustif et vraiment bien citer tous les éléments qui forment un tout dans Les Châtiments pour avoir un tel reflet dans le sonnet de Rimbaud
Cela me demande du travail
Ce travail exhaustif va me permettre aussi de revenir sur ce qui explique les réticences, le poème parle d'un personnage d'hypocrite dévot comme Molière et ne dresse pas le portrait direct de l'empereur
C'est vraiment là qu'il est important de pousser jusqu'au bout la question de l'influence du recueil d'Hugo
Et cela obligera ceux qui, bien à la légère, osent prétendre que cet acrostiche est une illusion que se construit un critique à revenir sur le coeur du rapprochement qui est la symétrie d'histoire entre ce sonnet et des poèmes précis et nombreux des Châtiments dont Fable ou histoire est le plus évident
Car le caractère étonnant de cet acrostiche est devenu le prétexte pour ne pas voir ou minimiser le rapprochement avec les sources
Voilà pour le nouvel article sur le sujet et pour expliquer mon retard, je dépouille, je dépouille

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Voudriez-vous échanger des liens avec le site www.des-poemes.com?

    Cordialement

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