Je prépare un prochain article un peu à part. J'ai pris les poésies d'Antony Valabrègue et j'ai fait des rapprochements systématiques avec des poèmes de Rimbaud. J'ai pris ce qu'il a publié dans les deuxième et troisième tomes du Parnasse contemporain, et surtout le recueil qui a été publié en 1880. Je pourrais éventuellement faire une petite recherche de ce qu'il avait publié dans des revues. Il va de soi que des poèmes publiés en 1876 ou 1880 n'ont pas pu inspirer Rimbaud. L'idée est de me servir de ces rapprochements systématiques pour montrer à quel point Rimbaud est profondément parnassien dans ses préoccupations de poète.
Bref, c'est un article un peu original, un peu accessoire, mais intéressant quand même je pense.
Je vais aussi publier la suite de l'article "Lunettes pour 'Voyelles'". J'ai traité du "A noir", je vais passer à une revue à fond sur le "U vert". J'ai un terme clef "vibrements". Il y a quelques points dont je m'interdirai de parler, mais on va parler de la vibration comme point commun entre la couleur et la voyelle, en liaison avec l'état de la science à l'époque de Rimbaud. Et pour ceux qui ne veulent pas de cette interférence de la culture scientifique dans le poème, on va de toute façon parler d'un cliché poétique central dans la poésie du dix-neuvième siècle et dans la poésie de Rimbaud. Il faut bien comprendre que le "U vert" est celui des "cycles" de la Nature, cycles qui débouchent sur plusieurs formes de paix, puisque les cycles introduisent la stabilisation, régulation du mouvement. Les manifestations de colère du "I" avaient besoin de la régulation des cycles du "U vert", toute l'astuce de génie du vers 9 central de "Voyelles" avec l'entremêlement des "v" et des "i" formant au passage le mot "vie", ce qu'Etiemble avait sottement utilisé pour dire que Rimbaud ne pensait pas du tout aux sons des "voyelles". Il faut rebondir sur ce vers 9. Les rimbaldiens quand ils ne comprennent pas Rimbaud, au lieu d'essayer de trouver pourquoi c'est génial, systématiquement ils vont dire que c'est de la parodie et que Rimbaude, puisqu'il est nécessairement intelligent, se moque de son lecteur. Non, ce n'est pas ça ! Les rimbaldiens n'ont pas compris qu'il fallait passer au plan symbolique de la lecture des cinq voyelles. Ils ont préféré soutenir que le poème associait le "I", la couleur rouge et des images. C'est un peu comme si aujourd'hui on applaudissait un écrivain d'associer la Ferrari au "I rouge". Woah, Alphonse Rimbaud, écrivain du XXIe siècle, a eu l'idée inspirée d'associer le "I rouge" à la Ferrari. Quel génie ! quel visionnaire ! Il va de soi que les rimbaldiens se sont enferrés dans des lectures complètement idiotes, pas seulement réductrices, mais carrément sans enjeu, sans pertinence. Rimbaud, ce n'est pas du coloriage. C'est la symbolique alphabétique. Les voyelles ne sont pas les sons ou phonèmes mis à disposition de l'humanité pour parler dans le poème. Ce que dit Rimbaud, c'est que le A dont il parle et qui fait partie d'un alphabet précis qui n'est pas d'invention humaine est consubstantiellement noir, et on observe que dans le passage de la version recopiée par Verlaine à la version recopiée par Rimbaud nous sommes passés d'une structure à virgules à une structure épithétique immédiate : "A, noir" est devenu "A noir" sur les transcriptions. Autrement dit, cette évolution signifie clairement qu'il n'est pas question, comme dans le discours ambiant des rimbaldiens, que le poète propose la couleur noire, mais dans la version "A noir" Rimbaud s'assure d'éliminer l'instant où le lecteur envisagerait une invention immédiate. Quand Rimbaud dit "A noir", sans mettre de virgule, le "A noir" est antérieur à sa profération, c'est du déjà acquis, ce qui pouvait être plus flottant quand il y avait encore une virgule : "A, noir". Et Rimbaud ne colorie pas les voyelles dans son poème, il précise que le "noir" est le "A", que le "blanc" est le "E". Ce qu'il dit précisément, c'est que l'alphabet de l'univers est fait de cinq couleurs. On pourrait presque dire que "Voyelles" ne devrait pas s'appeler "Les Voyelles," mais "Les Cinq couleurs". Il y a un alphabet de cinq couleurs et si on veut une équivalence avec nos alphabets humains ce sera équivalent à nos cinq voyelles de base. Une fois que vous avez compris ça, le poème est beaucoup moins compliqué à comprendre, beaucoup moins. Et les images, il ne s'agit pas d'illustrer ce que peut être le "A noir", le "E blanc" et ainsi de suite. Non ! Rimbaud dit que quand on voit un "noir corset d'une mouche s'agitant sur un charnier" c'est du "noir" et c'est du "A", et ainsi de suite. C'est ça l'axe de compréhension du poème.
Il y a cinq couleurs fondamentales. Le "noir" est plutôt lié à un commencement d'où son lien à la lettre A, le "bleu" ou "violet" est plutôt la perspective ultime d'où son lien à l'idée de l'oméga.
Il va de soi que la lecture qui se croit maligne d'identifier que Rimbaud désigne des choses en fonction de la couleur de la voyelle est idiote. Oui, les lèvres, c'est rouge, et ainsi de suite. Et alors ? Où est le mérite poétique là-dedans ?
Il y a d'ailleurs une exception un peu particulière avec le "clairon" qui est associé au "bleu" alors que finalement il aurait bien venu en tant qu'or alchimique. C'est une idée que j'avais déjà en 2003 quand je développais l'idée que le poème de lumière décrivait un énorme lever de Soleil. Elle reste là dans un coin, car ce n'est pas un truc qu'on peut sortir ainsi dans un article. C'est le genre d'idée bâtarde dont on ne sait pas trop quoi faire.
Mais, j'en reviens au "U vert" et aux vibrations. J'ai montré le jeu formel sur l'entrelacement savant des voyelles "I" et "U" pour former l'expression de la vie au vers 9 : "U, cycles, vibrements divins des mers virides", mais je rappelle que le mot "vibrements" semble un néologisme de Théophile Gautier qui l'a employé au début de sa carrière plutôt, soit dans ses Premières poésies, soit dans le conte fantastique "La Cafetière". Gautier emploie lui-même le mot "vibrement(s)" au vers 9 d'un sonnet.
Mais ça ne s'arrête pas là.
On sait que les repères chronologiques tendent à se déplacer. Le poème "Le Bateau ivre" a été composé sans doute au début de l'année 1872 et non à Charleville avant le 15 septembre 1871. Prenez "Cocher ivre", vous ne pouvez plus dire que Rimbaud reprend le titre de son poème connu, puisque le titre "Cocher ivre" a précédé la création du "Bateau ivre", et admirez une possibilité d'investigation qui se crée au passage, puisque "Cocher ivre" s'inspire de vers d'Amédée Pommier, au plan des reprises de mots, je ne parle pas que de la longueur des vers. Prenez le dessin d'André Gill représentant Rimbaud dans une embarcation dont le feuillet a été arraché à l'Album zutique et vendu séparément. Vous ne pouvez plus dire que le dessin parodie l'auteur du "Bateau ivre", poème qui n'était peut-être pas composé à l'époque de la caricature faite par Gill dans le corps de l'Album zutique. Du coup, vous êtes invités à chercher à justifier le dessin d'André Gill qui devient une des sources de Rimbaud pour composer "Le Bateau ivre". Ce ne sont pas des renversements de perspective innocents. Si Rimbaud a composé "Le Bateau ivre" au début de l'année 1872, il a pu s'inspirer de la presse, de l'arrestation de Maroteau ou des poèmes publiés par Victor Hugo dans le journal Le Rappel à la fin de l'année 1871 ou du poème "Le Drapeau rouge" de Victor Fournel ou encore des articles sur la vie des prisonniers sur les pontons à la même fin de l'année 1871. On n'est plus dans le poème qui ne doit quasi rien à aucune source d'inspiration qui, s'il fait allusion à la Commune, ne le ferait que selon un plus maigre amas de sources possibles dans la presse écrite accessible à Charleville de juin à août 1871. On n'est plus dans le récit où Rimbaud a d'abord eu telle idée, telle métaphore, puis la presse a utilisé une métaphore similaire pour déprécier la Commune. Non, on lit alors "Le Bateau ivre" comme réponses aux mots griffus de la presse. Si "Les Mains de Jeanne-Marie" est daté de février 1872, c'est que ce n'est pas un poème écrit à chaud en mai ou juin pour dire une adhésion à la Commune, mais que c'est un poème en écho plusieurs mois après la guerre civile aux procès des femmes de la Commune, et la fierté du poème n'est pas celle rebelle de mai ou juin 1871, mais celle de quelqu'un qui réagit face aux insultes de la société triomphante, de quelqu'un qui a de la compassion pour des condamnées. Et ce changement de perspective concerne aussi "Voyelles". Dans l'Album zutique, la succession sonnet et quatrain n'est plus une allusion à la création de "Voyelles" et de "L'Etoile a pleuré rose..." C'est au contraire la copie de Verlaine qui montre que "Voyelles" et "L'Etoile a pleuré rose..." reprennent le dispositif du "Sonnet du Trou du Cul" et de "Lys" dans l'Album zutique. Il faut alors méditer sur les cibles que sont Mendès, Mérat et Silvestre, mais je ne le ferai pas ici. En revanche, la forme sonnet et quatrain a été imitée par Pelletan et Valade en vis-à-vis à la parodie de L'Idole et à la parodie de Silvestre. Et, le poème de Pelletan parle de la Nature et dans les tercets eux-mêmes parlent de vibrer, sur un mode obscène proche de "absorculèrent" dans la lettre à Laitou de 1873, mais je fais cette comparaison en tant que significative vu qu'il est question de Mère-Nature. Or, dans Credo in unam, non seulement nous avions l'idée que la Nature a une sève verte qui est comme du sang, ce qui justifie le rapprochement avec l'enchaînement de "I" à "U" dans "Voyelles", mais nous avions aussi des affirmations que tout vibre. avec l'image de l'énorme lyre, référence culturelle à l'harmonie des sphères. Dans l'image du "U vert", le mot "cycles" suppose bien évidemment l'harmonie des sphères et comme nous n'entendons pas la musique des astres nous n'entendons pas le "U" autrement qu'en le voyant vert puisque la lettre U est une couleur, pas un son.
Mais, bon, aujourd'hui, vous préférez vous vacciner avec une invention de la veille, et vous seriez capable d'utiliser Rimbaud le rebelle pour une campagne promotionnelle. Oui, avec la vaccin, rien ne se fixe sur les ovaires, oui, il n'y a pas de problèmes chez les sportifs. Oui, il y a tellement peu de remontées à vos oreilles de problèmes que vous pouvez passer sans crainte à la vaccination des enfants de cinq ans. Oui, vous n'avez pas de myocardites après deux jours, c'est que tout va bien. Un dégât sans symptôme, ce n'est pas envisageable, allons-y en confiance. Oui, vous avez une pénurie d'ivermectine qui vous empêche de faire les tests convenablement. Oui, oui, tout ce qui n'est pas Pfizer n'est pas autorisé, oui, vive l'Amérique, avec elle tout ira bien, oui, oui, et n'oubliez pas, le principal, surtout mettez bien l'oignon dans la bouche !
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