Je suis un peu fatigué, donc je ne me presse pas de mettre en ligne la suite. J'ai dans l'idée de faire une troisième partie à l'article "Lunettes pour 'Voyelles' " sur les appositions. Evidemment, il y a le fameux clivage entre appositions et attributs. Bon, déjà, sur l'apposition, je suis opposé aux puristes latinistes et à la nomenclature officielle retenue dans l'éducation. Pour moi, il est clair qu'un adjectif peut autant être en apposition qu'un groupe nominal en français. On ne peut pas appliquer une loi du latin au français, ça n'a aucun sens.
Mais, bon, ça ce n'est pas le gros du problème.
Le truc, c'est que l'attribut est censé être construit autour d'un verbe : "Georges est gentil" verbe "être" et "Je vois la voiture jaune", le verbe "voir" dirige la relation entre d'un côté "la voiture" et de l'autre côté "jaune".
L'attribut précise aussi comment sont les choses. Par exemple, prenons le vers du "Bateau ivre" : "Je ne me sentis plus guidé par les haleurs", on pourrait sans faire attention poser la question "quoi ?" : "Je ne me sentis plus quoi ?" "guidé par les haleurs", alors que la question qui convient mieux : "je ne me sentis plus comment?" Dans "Je ne me sentis plus guidé...", le pronom "me" est le COD et "guidé" l'attribut de l'objet.
Dans la construction avec attribut de l'objet, on ne peut pas dire non plus que le verbe "être" est implicitement présent. On peut gloser pour "Le Bateau ivre" en "Je ne sentis plus moi-même être guidé...", mais ça ne marche pas pour "Je vois la voiture jaune": "Je vois la voiture [être] jaune", ça ne marche pas et surtout ça ne fait aucune discrimination réelle avec l'épithète : la voiture jaune, la voiture qui est jaune.
Dans "Voyelles", je sais commenter le sens du poème, mais je galère un peu avec les définitions grammaticales.
Pour le premier vers dans la version recopiée par Verlaine, pas de problème, on a cinq appositions : "A, noir", "E, blanc", etc. Et dans le même vers 1 on une deuxième apposition : la série des cinq voyelles-couleurs est en apposition à "voyelles".
Après, il y a un débat à avoir sur le choix de passer de l'apposition aux épithètes liées dans la version autographe : "A noir". Je remarque que Peter Collier va dans mon sens. L'adjectif de couleur n'est pas une précision anodine. Il ne s'agit pas de dire il y a le A et il est noir comme on fait pour une voiture rouge, qui est une voiture et qui est rouge. Quand on dit "A noir", en lisant "Voyelles", on comprend qu'il s'agit d'une consubstantialité même si la structure est bêtement qu'un adjectif de couleur précise un nom.
Mais, ce n'est même pas ça le problème que j'essaie en ce moment de méditer.
Le problème, c'est la suite des vers 3 à 14.
En fait, il y a dans un premier temps une nouvelle apposition des cinq voyelles : A, E, I, U, O, par rapport aux deux premiers vers, et donc il s'agit bien d'une reprise de l'apostrophe du vers 1. Mais ensuite, on a une autre apposition, et là on peut faire la même remarque symétrique pour le vers 1 de la version recopiée par Verlaine. Mais, c'est là que c'est un peu trouble. Les vers 3 à 14 on peut aussi bien envisager que ce sont des structures attributives, et d'ailleurs, dans la copie de Verlaine, il y a un point à la fin du vers 2, donc nous sommes conviés à lire des structures attributives. Il y a aussi un effet problématique du dernier où le "O" s'il est reprise du "O" fait un bégaiement dans la structure appositive : A, E, I, U, O (vers 12), O (vers 14).
Appositions ou structures attributives, rupture de construction du dernier vers, il y a une instabilité grammaticale du sonnet "Voyelles" qui n'est pas courante.
Après, j'ai tendance à m'en reposer sur l'idée d'un certain continuum d'appositions à attributs, tout en ayant à l'idée que l'opposition est surtout de l'ordre d'énoncé premier dans la phrase contre énoncé dérivé ou secondaire, donc je ne m'en fais pas trop, mais je ne sais pas trop comment clarifier le discours grammatical sur "Voyelles".
Je n'ai pas trop envie de m'investir là-dedans. Mais, bon, ça ne change pas la lecture à faire, c'est plutôt technique comme débat.
Je vais évidemment comment les cinq regroupements d'images et montrer qu'il y a des unités. On va en parler des "rois blancs" qui sont des émirs enturbannés, parce que c'est à ça qu'ont décidé de s'arrêter les rimbaldiens depuis au moins Etiemble, et c'est la partie la plus absurde de toutes leurs réflexions. C'est vraiment avec les "rois blancs" qu'on a la preuve que les rimbaldiens ne pensent pas les appositions ou les cinq regroupements comme des unités de sens. On va aussi parler du "A noir", du "I rouge", il y a d'autres trucs intéressants à dire et on va vraiment parler de cette importance de lire normalement les vers de Rimbaud.
Moi aussi, ça m'intéresse, comme Cornulier, comme Bienvenu, comme d'autres, l'unique rime masculine, mais je ne commence pas ma lecture par la recherche de la résolution de cette énigme en-dehors du sens des groupes de mots juxtaposés que je peux lire. Pareillement, je suis effrayé par le fait que des lecteurs prennent comme clef de lecture l'idée de mauvais plaisantins qu'il y aurait 666 signes graphiques dans le poème. A la limite, on peut avoir une lecture satanique du poème (lecture qui n'a pas été faite par les mauvais plaisantins d'ailleurs !), puis apporter ce truc en supplément. Je ne crois pas que Rimbaud ait mis 366 signes graphiques. Mais ce qui m'effraie le plus, c'est de vivre dans une société qui tout en ne se prenant pas pour de la merde arrive à trouver ce truc plus intéressant que le poème lui-même. Rimbaud il a travaillé son texte, il a travaillé ses mots, et vous avez des gens qui vont se féliciter entre eux d'exhiber qu'il peut y avoir selon un certain décompte 666 signes dans le poème. C'est du n'importe quoi à portée de tout le monde, et cela fait passer Rimbaud pour un minable. Frémy, quand il décide de considérer que Verlaine a fait exprès d'oublier une virgule dans un ensemble pourtant symétrique au vers 1 pour cadrer avec 666 signes graphiques, son nom désigne ce que je ressens sur ma peau en le lisant. Faurisson quand il invente des anagrammes gratuites pour "H" ou "Dévotion", il ne lit pas des poèmes de Rimbaud et pourtant il a été pris au sérieux. Dans "Voyelles", il y a des mots, des thèmes précis, on ne peut pas réduire cela à un décryptage où reconnaître le corps de la femme et un acte sexuel. Oui, il y a plein de propos grivois dans les poèmes de Rimbaud, il y a encore plein de sous-entendus qui ne sont pas admis officiellement, mais on ne peut pas réduire la matière lexicale d'un poème, on ne peut pas passer à travers. Pourquoi le poète aurait-il étoffé son poème de considérations précises, de références précises à des thèmes nourris, si c'est simplement pour raconter une blague potache ?
Alors, vous me direz que Robert Faurisson et Guillaume Meurice, justement on les a récusés, on ne les prend pas au sérieux. Ben si, ils passent à la télévision, on en écrit des livres et on salue parfois la force de leurs propositions. On prend la peine de les inclure dans le débat. Objectivement, c'est ce qui s'est passé. A chaque fois !
Parce que par rapport à ma lecture de 2003, vous n'êtes pas dans la situation où quelqu'un a un tel sentiment d'importance de son nombril que vous êtes agacés qu'il se vante de ses travaux et que vous avez décidé de l'ignorer. Non, non, non ! Vous ignorez les réflexions intelligentes qui se confrontent au texte, qu'elles soient justes ou non, mais vous daignez nommer ceux qui font circuler les imbécillités pour la discussion de comptoir. C'est ça qui se passe. Vous prenez mes articles, on peut s'amuser à extraire ce que je dis d'un passage du poème en parlant de vocabulaire, de figures de style, etc. Vous avez donné un micro aux élucubrations de Meurice, Faurisson et pas mal d'autres. A un moment donné, il faudrait peut-être vous expliquer, parce que là ça ne va pas. Vous êtes des charlots.
Il y a d'autres trucs qui me font sursauter. Maintenant, avec Cornulier, mais l'idée a été formulée avant lui, il faudrait considérer que le poète désigne son propre regard à la fin du poème et trouverait subtil de se désigner comme le créateur des visions. Il faut arrêter d'essayer de résoudre le sens du poème par la bande, ça n'aboutit qu'à des catastrophes. Et le rayon dans le dernier vers, ce n'est pas non plus le "rayon visuel" de Platon, ce n'est pas la théorie scientifique grecque selon laquelle la vision a lieu parce que quelque chose part de l'oeil va à la rencontre de l'obstacle à voir et revient instantanément dans l'œil. Non, le dernier vers de "Voyelles", il est écrit dans le langage de tous les jours et on ne manque pas de vers écrits de la sorte. Il ne faut pas chercher des astuces là où il n'y en a pas.
Le sonnet "Voyelles" a souffert des explications par la bande avec l'audition colorée, les abécédaires. Reboul prétendait s'appuyer sur un texte inédit d'Hugo que Rimbaud n'avait aucune chance de connaître où la forme des consonnes était associée à des formes d'objets comme dans la littérature enfantine toujours.
Mais, toutes ces approches ont éternellement de ne pas s'affronter aux vers de "Voyelles". Il faut lire les appositions et apprécier comment elles sont combinées entre elles. Il faut lire la polarisation dans l'image (je pense à "corset"), il faut dégager l'unité d'images regroupées. C'est ça, lire "Voyelles".
Moi, je le fais, mais je n'ai pas droit de cité. Jamais, au grand jamais, Bardel n'a cité un seul de mes articles mis en ligne sur "Voyelles". Jamais ! Il ne cite d'ailleurs pas l'article dans Rimbaud vivant paru en 2011 ou 2012, seulement l'article de 2003 qu'il daube superbement. Reboul n'a pas cité mon article de 2003 alors même qu'il en reprenait à tout le moins certaines idées sur l'influence hugolienne, il s'en inspirait au moins minimalement dans le fait qu'en 2003 je disais acquises des lectures qu'on avait auparavant minimisées. Cornulier et Rocher ont fait des articles où ils m'ont cité, c'est un peu mieux comme sort, mais sans réellement voir jusqu'où j'étais allé, c'est très net dans le cas de la lecture de Cornulier qui n'est vraiment pas sérieuse.
Dans l'introduction de son livre Rimbaud et la Commune, Murphy annonçait la lecture communarde de "Voyelles" par Reboul, alors que Reboul a complètement refusé de voir la Commune dans le sonnet "Voyelles".
Mais, depuis, on n'a plus rien. Les rimbaldiens, ils écrivent sur quelques poèmes, sur "Voyelles", mais après ils n'écrivent plus. Ils n'écrivent pas pour dire s'ils persistent et signent, ils n'écrivent pas pour réévaluer leur lecture, la modifier, etc. Donc on a tout une jungle de fins de non-recevoir et plus rien pour affirmer quel peut bien être le sens de "Voyelles".
Les gens sont convaincus que Brunel, Guyaux, Steinmetz sont assez lucides pour dire si ma lecture est fondée ou pas. Désolé, vous croyez ça à tort, mais complètement à tort. Les rimbaldiens ne sont pas les gens compétents que vous croyez. Vous allez avoir des élections présidentielles en 2022. Vous y croyez, vous, à Macron, à Pécresse, à Mélenchon, au duo Zemmour et Villiers ? Eh ! oh ! on se réveille un peu, vous êtes noyés dans la farce à ce point-là ? Vous voyez bien que les hauts placés c'est des rigolos ou des gens qui se moquent éperdument du pays qu'ils prétendent diriger. Ben ! Le rimbaldisme, c'est pareil !
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