samedi 14 avril 2018

Le concept de "No News" appliqué à 'Une saison en enfer'

Je viens de réagir à une mise en ligne récente d'Alain Bardel sur son site et j'ai en particulier épinglé un passage où il est question de "démon de l'innovation", de "dissidence". Plus loin, même si cela n'a rien à avoir avec la politique, l'adjectif "confusionniste" est employé.

Je cite les deux passages en question dans l'article "La FAQ des 'Illuminations' (varia)" :
Quelques-unes [d'étranges choses] bien réelles dues à la complexité des problèmes abordés, mais aussi, bien souvent, dues à l'ignorance ou inspirées par le goût immodéré de la dissidence, le démon de l'innovation.

[Verlaine] savait de quoi il retournait, mais il s'est contenté de prendre acte, bénissant par là une opération confusionniste mais qui avait au moins le mérite à ses yeux de ressusciter un pan entier de l'oeuvre de Rimbaud.

A l'heure actuelle, je n'aime pas trop qu'on emploie à tort et à travers ces termes de "dissidence" et de "confusionnisme". Pour le mot "dissidence", il crée une désagréable résonance avec des gens que je ne nommerai pas, parmi lesquels un fan dérangeant d'Alfredo Stranieri, d'autres encore. J'ai récemment enlevé des commentaires sur ce site, parce que je n'ai pas envie de voir proliférer certaines choses.
Maintenant, il y a un autre problème. La situation actuelle demande tout de même d'avoir une attitude insurrectionnelle, pas "insoumise" car il faut se méfier de Mélenchon comme de la peste, et je profite d'un hasard de circonstance pour mettre en lien la vidéo suivante, une interview d'Olivier Berruyer. La question qui lui est posée est la suivante : "Le pouvoir médiatique est-il une entrave à la liberté d'expression ?" Le mot "confusionnisme" est mentionné dans cette vidéo. Olivier Berruyer tient un site nommé "Les Crises" qui représente entre un quart et un tiers de mes lectures quotidiennes pour connaître l'actualité. Il accueille aussi les interventions de l'économiste Jacques Sapir.
Olivier Berruyer est empêché d'intervenir sur des télévisions à grande audience depuis 2014, suite à sa dénonciation d'alliances politiques extrêmement douteuses de nos états occidentaux dans le cas du conflit ukrainien. Il cible aussi l'hypocrisie du pouvoir politique qui, sous couvert de combattre les "fake news", ne travaille qu'à imposer ses "vérités". Berruyer a alors développé un concept de "No News" qui s'applique bien au cas littéraire qui nous préoccupe.
A côté des fausses informations, en sachant que les plus terribles viennent des gouvernements et des médias mainstream eux-mêmes, il y a les informations dont on ne parle pas...

Dans la section "Adieu" du livre Une saison en enfer, Rimbaud écrit :
   [...] J'ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J'ai essayé d'inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J'ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d'artiste et de conteur emportée !
  Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan !

Cela entre en contradiction flagrante avec quantité de passages des poèmes en prose où Rimbaud valorise son orgueil et se vante d'actions surnaturelles et de capacités comparables à celles d'un "mage ou ange".
Rimbaud use de procédés très simples : la figure de totalité par les déterminants ou le martèlement de l'unique adjectif "nouveau" moyennant la variation de l'accord en genre et en nombre, dans la citation que nous venons de faire.
Il fait exactement pareil dans les poèmes en prose, sauf que, cette fois-ci, au plan littéral, il soutient à l'inverse qu'il possède bien de tels pouvoirs surnaturels.
Il s'agit là d'une contradiction manifeste, il ne faut aucune intelligence particulière pour en convenir.
Je dénonce le non intérêt à ce problème depuis des années. Je prétends donc qu'il  y a un problème de caste universitaire ou de caste des éditeurs de Rimbaud, qui est l'équivalent de la caste médiatique actuelle en termes de "No news".
Les rimbaldiens ont des titres universitaires pour la plupart d'entre eux, ceux qui publient des livres sont rémunérés, même si c'est modérément, pour le travail effectué.
Moi, je n'ai jamais été payé, la seule exception étant l'article paru dans le numéro spécial Rimbaud de la revue Europe, je crois que j'ai été payé pour cet article, mais je n'en suis pas sûr.
Pourtant, j'en dépense de l'argent pour la recherche rimbaldienne (livres et déplacements).
Je me bats des années durant pour faire admettre petit à petit mes résultats. Et là, je considère ouvertement qu'il y a un énorme problème de compétence si on n'est pas capable de constater une contradiction aussi simple que celle que je mets en avant entre "Adieu" et des poèmes en proses tels que "Aube", "Génie", "A une Raison", "Vies", etc.
Passer le problème sous silence, c'est un peu court comme moyen de le régler.
Enfin, profitons-en pour mettre en lien une autre vidéo bien édifiante sur le problème des paroles officielles. Il s'agit d'une intervention spontanée de Jean-Luc Bricmont sur la situation syrienne, c'est un proche de Noam Chomsky et il est connu pour l'affaire Sokal qui à la fin des années quatre-vingt-dix a mis par terre nombre d'impostures d'intellectuels français qui utilisaient des analogies scientifiques qu'ils ne maîtrisaient pas pour convaincre rhétoriquement leurs lecteurs de la puissance de vision derrière leurs théories.
Dans cette vidéo, Bricmont explique que, pour raisonner sur un sujet, on n'a pas systématiquement besoin d'être un spécialiste, ou un expert officiel. A méditer dans le cas de Rimbaud.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire