dimanche 5 mai 2019

Bonus sur la découverte du Japon / Lectures du Bateau ivre et de Voyelles

EDIT : je dois vérifier un truc, j'avais une carte avec un porte de Patani ou Patane sur l'île de Bornéo, et maintenant tout indique que c'est un royaume sur la péninsule malaise où se trouve également Malacca et non sur l'île de Bornéo.

Fort ralenti de mon activité rimbaldienne en ce moment : je travaille sur le Japon et ça me prend pas mal d'énergie.
Par exemple, dans les livres d'Histoire et sur les pages Wikipédia en français, anglais, etc., on prétend que le Japon a été découvert en septembre 1543 et on cite régulièrement parmi les découvreurs Portugais les noms d'Antonio da Mota (traduit en français, c'est de la petite noblesse "de la Motte"), Francisco Zeimoto et Antonio Peixoto, sinon le romancier Fernao Mendes Pinto. En réalité, sur les trente dernières années, la date de découverte du Japon varie selon les historiens de 1541 à 1543, avec chez les plus prudents la mention avant 1545. Pour les européens, depuis le seizième ou le dix-septième siècle, la date de 1542 faisait consensus, mais au Japon un document plaide pour septembre 1543 et c'est cette nouvelle date qui fait consensus depuis peu.
En réalité, le Japon a été découvert soit en 1542, soit en 1543, mais rien ne permet d'en dire plus.
L'archipel des Ryukyu (qu'on appelle aussi les Léquios et aujourd'hui Okinawa) ne faisait pas alors partie du Japon et c'était compris ainsi par les européens. L'archipel des Ryukyu a été découvert en 1542 selon le témoignage d'un futur gouverneur de Ternate aux Moluques, Diogo de Freitas, qui a rapporté cela à un naufragé espagnol Garcia de Escalante de Alvarado.
A la différence des Japonais, les habitants d'Okinawa maîtrisaient un peu plus la navigation et commerçaient jusqu'au Siam. Les européens connaissaient les léquiens depuis 1511, mais ils ne savaient pas d'où ils venaient. Une poignée de Portugais, trois apparemment, sont partis sur une jonque chinoise, avec donc un équipage non européen dirigée par un pirate chinois, ils sont partis du Siam, ont fait une escale en Chine et se sont rendu aux Ryukyu. Okinawa est assez bas, au niveau de Formose, mais il y a un morcellement de petites îles qui remontent jusqu'au Japon quasi si je ne m'abuse. En tout cas, Okinawa payait un double tribut aux puissants voisins chinois et japonais, aux gens de Satsuma dans le cas japonais. Découvrir Okinawa a sans aucun doute favorisé la suivante étape japonaise. Mais le témoignage de Diogo de Freitas rapporté par Garcia Esclaante de Alvarado, c'est que le premier voyage s'est bien passé, puis la jonque est repartie en Chine, puis il y a eu un second voyage où les marchandises ont été acceptés, mais les Portugais n'ont pas pu débarquer et ont été priés de repartir. Le témoignage s'arrête là !
Puis, Garcia Escalante de Alvarado passe à un second témoignage, celui d'un galicien Pero Diez qui est allé au Japon en 1544 en partant du port de Patani sur l'île de Bornéo. Pero Diez a accompagné des Portugais et a expliqué que d'autres jonques chinoises emmenant des Portugais sont arrivées au Japon en partant des Ryukyu.
Vous ne le croirez pas ! Alors que les deux témoignages sont réunis sur un même document connu depuis le dix-neuvième siècle, jamais un historien anglophone, germanophone, francophone, Portugais, Espagnol, Japonais, jamais un n'a commenté le trou entre les deux témoignages, et surtout jamais un n'a été foutu de constater que le premier européen ayant foulé le Japon dont le nom nous soit parvenu n'est pas Portugais, mais espagnol. Pero Diez, galicien, est le premier européen connu apparemment à avoir mis les pieds au Japon, même si son témoignage fait savoir que d'autres avant lui y sont allés. Ce n'est pas tout. Ce Pero Diez explique qu'il y a eu une guerre entre des jonques chinoises et les jonques chinoises aussi quelque peu mais venues de Bornéo avec des Portugais, et cette bataille sur les côtes de l'archipel nippon auraient montré l'intérêt des mousquets, sachant que c'est un des points les plus importants et mystérieux de la rencontre initiale entre les européens et les japonais, tant ces derniers sont rapidement passés à la fabrication d'armes à feu.
Je suis vraiment impressionné par les lacunes gravissimes des historiens au sujet de la découverte du Japon. Et ce n'est pas fini.
Le témoignage de Diogo de Freitas a été relayé dans un livre portugais paru en 1562, que l'anthologie citée plus haut de Jean de Castro traite un peu à la légère dans une notice expéditive. Mais, l'auteur de ce Tratado de los descobrimentos s'est trompé, Antonio Galvao (Galvan si on francise le nom) a confondu les Ryûkyû et le Japon. On compare avec le document de 1548 de Garcia Escalante de Alvarado, c'est évident, et les historiens devraient au moins se poser la question. Ben non ! C'esty sur la foi de ce texte de Galvao qui n'a plus quitté le continent européen depuis 1540, qui n'a donc aucun lien avec la découverte du Japon, que depuis des siècles en Europe on dit que le Japon a été découvert en 1542, parce que c'est écrit là, sauf que le gars a confondu les deux archipels. Une confrontation avec le texte de Garcia Escalante de Alvarado montre qu'en tout cas il y a contradiction quant au témoignage de Diogo de Freitas. Comment est-il possible que les historiens n'en aient rien à secouer ? Je ne comprends pas.
Du coup, si on revient au texte de Garcia Escalante de Alvarado, nous avons une découverte de l'archipel des Ryûkyû en 1542 et un Japon fréquenté depuis l'île de Bornéo et depuis les Ryûkyû en 1544, ce qui veut dire que le Japon a été découvert entre-temps. L'année 1543 est forcément une bonne candidate, ce qui fait que le consensus actuel n'est pas mauvais, sauf que j'arrive à ce résultat par des arguments de critique interne de documents.
Or, les problèmes ne s'arrêtent pas là. Le texte de Galvao livre trois noms de Portugais ayant découvert le Japon : Francisco Zeimoto, Antonio da Mota, Antonio Peixoto. Au passage, aucune archive ne livre rien d'autre sur ces trois personnes, néant absolu. Garcia Escalante de Alvarado ne rapportait pas ces trois noms. Du coup, est-ce que Galvao parle des trois Portugais évoqués par Diogo de Freitas, ce qui voudrait dire que ces trois-là n'ont pas découvert le Japon, mais les Ryûkyû ? Ou bien Galvao a-t-il eu accès à plusieurs sources ?
Rappelons que Galvao, ancien gouverneur de Ternate, est tombé en disgrâce et est revenu en Europe en 1540, tandis que le témoignage de Diogo de Freitas date de l'année 1542 au Siam et que ce Diogo de Freitas est devenu lui-même gouverneur de Ternate, mais en 1545.
Or, surprise, dans un roman, paru à titre posthume au dix-septième siècle, La Pérégrination, Fernao Mendes Pinto s'est attribué les récits d'autrui pour s'attribuer quatre voyages au Japon, alors qu'il n'en a fait que deux. Mendes Pinto était bien au Japon en 1550 avec François-Xavier, mais il s'est invité de la compagnie de Jorge Alvares en 1547, car il savait que c'était important et il s'est aussi improvisé découvreurs des deux archipels des Ryûkyû et du Japon. Je ne vais pas expliquer ici comment je démontre tous les mensonges, mais son récit est le suivant. Fernao Mendes Pinto et deux autres Portugais s'éloignent des côtes de l'actuel Vietnam, font escale en Chine, découvrent l'archipel des Ryûkyû, ce qui correspond à peu près au témoignage de Diogo de Freitas, sauf qu'après ils ne reviennent pas en Chine, ils se rendent directement au Japon dont ils deviennent les découvreurs.
Vous constatez qu'on a trois récits différents.
1. Garcia Escalante de Alvarado (manuscrit arrivé à Lisbonne en août 1548) : a) Diogo de Freitas dit que deux ou trois Portugais sur une jonque de Chinois sont partis du Siam en 1542 et ont découvert l'archipel des Ryûkyû et ont fait deux voyages, mais après le deuxième ils étaient dans l'impasse, priés de ne plus venir / b) un Galicien, Pero Diez, explique qu'en 1544 les voyages sont en passe de devenir régulier de jonques chinoises emportant des Portugais ou autres européens, notre galicien, en partant de deux points bien distincts : port de Patani (Bornéo) ou Ryûkyû.
2. Antonio Galvao (publication d'un livre portugais en 1562 ou 1563) : Diogo de Freitas dit la même chose que dans le récit précédent, mais pour une découverte du Japon et non des Ryûkyû, les trois Portugais ont un nom Antonio da Mota, Francisco Zeimoto et Antonio Peixoto.
3. Fernao Mendes Pinto (roman Portugais paru au dix-septième siècle) : Jusqu'à la découverte des Ryûkyû, récit parallèle à celui de Diogo de Freitas si on remplace le Siam par les côtes de l'actuel Vietnam, mais au lieu de revenir en Chine, découverte dans la foulée d'un second archipel, celui du Japon. On retrouve l'idée de trois Portugais. Ils ont un nom : Fernao Mendes Pinto (évidemment), Cristovao Borralho (personnage dont on aurait un indice d'existence historique sur document, mais qui accompagne un peu passivement Mendes Pinot dans ses aventures romanesques depuis des années apparemment) et Diogo Zeimoto (un nom qui sent à plein nez le montage entre Diogo de Freitas et Francisco Zeimoto).
A l'évidence, Mendes Pinto connaît le témoignage de Diogo de Freitas. S'inspire-t-il du livre de Galvao paru en 1562, sachant que Mendes Pinto, revenu au Portugal vers 1556 à peu près est mort en 1583 ? Pourquoi ne pas être plus scrupuleux dans la reprise des noms livrés par Galvao alors ? Toutes ces questions, les historiens ne se les posent pas. Vous pouvez aller sur les pages Wikipédia pour très vite vous rendre compte qu'on attribue la découverte du Japon à Zeimoto ou da Mota, sur des pages anglaises ou autres, alors que rien n'est clair dans tout ce mic-mac.
Ce n'est pas fini.
On dit que le récit de Mendes Pinto ne livre pas de date. C'est faux. Mendes Pinto évoque des dates précises plusieurs fois, il évoque les jours de fêtes religieuses, et il spécifie les intervalles de temps. C'est un peu approximatif, mais d'après mes calculs, il prétend avoir découvert le Japon fin avril début mai 1543. Si je me trompe dans mon calcul, au moins je serai le premier à avoir pris le roman apparemment pour prendre la peine de déterminer une date.
Mais ce n'est pas tout. Mendes Pinto parle d'une découverte du Japon qui se serait faite dans le port de Tanegashima, un port qui n'intéressait pas du tout les commerçants Portugais et les jésuites. On n'en parle pour ainsi dire plus jamais de ce port ensuite. Pourquoi alors le choisir ? Eh bien, une source japonaise vient donner du poids au témoignage de Mendes Pinto, du moins viens montrer que Mendes Pinto a travaillé à partir de sources qui ne nous sont pas parvenues mais qui intéresseraient grandement les historiens actuels.
Face aux sources européennes, il y a les sources japonaises. Eh bien, elles ne sont pas traduites en français, uniquement en anglais ou en allemand. Une seule source est prise au sérieux et par exception. Il s'agit du Teppo-ki, chronique de l'arquebuse ou des mousquets pour traduire. Cette source prétend que la découverte a eu lieu un jour précis de septembre 1543, mais ce document pose problème : 1) c'est un écrit du dix-septième siècle, 2) c'est un écrit de propagande pour valoriser les seigneurs de Tanegashima, 3) il y a un vice du témoignage, car la première partie est supposée être un témoignage oral et la suite le vécu direct du seigneur qu'on veut célébrer, ce qui n'est pas logique, vu que ça raconte des événements s'étant enchaîné dans la même poignée de journées, 4) le récit contient une affabulation évidente, on ne parle pas de jonque chinoise, mais d'un bateau européen mélangeant des peuples aux langues différentes, donc Portugais, Néerlandais, et à cause des jésuites espagnols et italiens. Bref, le récit est erroné. Pourtant, les points communs avec le récit de Mendes Pinto sont impressionnants : découverte du Japon à Tanegashima, même rôle d'un Portugais et du seigneur local Japonais dans l'engouement pour les mousquets. La chronique s'est-elle inspirée de documents portugais ? La découverte a-t-elle réellement impliqué l'île de Tanegashima ? Le mystère demeure. Enfin, il n'est question que de deux Portugais. L'un a un nom invraisemblable, mais l'autre est nommé Kirishita da Moto. Kirishita veut dire chrétien en japonais, ce n'est pas un prénom fiable pour Cristovao je pense. En revanche, on retrouve da Mota, et là c'est fou, parce que d'un côté Mendes Pinto semble avoir repris Zeimoto au texte de Galvao et de l'autre la chronique japonaise semble avoir repris le nom da Mota.
Comment est-ce possible ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, on n'a pas de masse de manuscrits à traiter des gens d'époque, pas même des manuscrits politiques européens, pas même une lettre entre roi du Portugal et un gouverneur pour dire comment le Japon a été découvert ? On n'a plus rien, que dalle, nada ! On dirait que seuls au monde les jésuites écrivaient à l'époque. On n'a rien de rien, nada, néant absolu. C'est incompréhensible, et évidemment les historiens n'ont jamais problématisé les contradictions et coïncidences entre le peu de documents qui nous sont parvenus, jamais, alors que ces documents sont peu nombreux, jamais !
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Ce n'est pas tout. C'est d'actualité la mort de l'empereur.
Mais, l'empereur, ce n'est pas un mot de japonais.
Le saviez-vous ?
Eh bien, au seizième siècle, le tenno, les jésuites et les Portugais l'appelaient un roi principal et c'était le shogoun qui était appelé une sorte d'empereur. C'est ce que dit en toutes lettres Lancillotto dans ses lettres de 1548 au gouverneur de l'Inde portugaise Garcia de Sa.
Le pouvoir au Japon était bicéphale pour dire vite : un tenno et un shogoun, eh bien le titre d'empereur est passé du shogoun au tenno dans les traductions européennes. Et ça, les historiens ne le relèvent jamais.
Et ce n'est pas tout.
Les Portugais sont arrivés à une époque de bouleversement politique majeur. En 1573, Oda Nobunaga qui n'était ni shogoun, ni tenno, a pris le pouvoir. Puis, il a été assassiné et Hideyoshi Toyotomi lui a succédé, puis on a eu un autre successeur Tokugawa Ieyasu qui a créé le régime d'Edo vers 1600. Ce Tokugawa Ieyasu a supprimé les shogouns et s'est emparé du titre, mais le titre était utilisé de façon particulière : Tokugawa Ieyasu filait le titre de shogoun à un héritier, mais exerçait le pouvoir. Or, au dix-septième siècle, le titre d'empereur était parfois donné désormais au tenno, mais la plupart du temps il était donné au Tokugawa régnant, qu'il soit shogoun ou non.
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Après, ce n'est pas tout. Vu qu'on a plusieurs lettres de François-Xavier, on peut lire en scrutant bien le détail de ses missives que François-Xavier n'a converti pratiquement personne au Japon. Il a eu moins d'influence que les marchands portugais qui lui ont ramené Yajiro, moins que Yajiro ensuite, et moins même que les deux jésuites qui l'accompagnaient. C'est lisible dans les lettres. Pire encore, dans une lettre écrite par François-Xavier sur la route du Japon, on apprend qu'un seigneur Japonais souhaitait l'envoi de missionnaires, et prévoyait de se convertir.
En fait, l'échec de la mission jésuite, l'adaptation du roman Silence par Scorsese, tout ça, c'est des visions de l'Histoire qui ne tiennent pas la route. Le succès initial du christianisme au Japon ne vient pas des jésuites, il vient d'un engouement populaire préalable qui s'est joué entre les marchands portugais et les seigneurs japonais. Il faut s'imaginer les révélations foudroyantes : "Coucou ! Nous avons découvert votre pays et une des raisons pour lesquelles nous faisons le tour du monde c'est que nous avons compris que nous vivions sur un globe." En fait, les historiens se croient intelligents d'expliquer que la culture japonaise était rebelle à la christianisation, que les seigneurs s'étaient convertis par opportunisme. Tout ça, c'est du pipeau ! Les Japonais furent émerveillés, fascinés, avant la venue du premier jésuite. C'est les seigneurs fascinés qui expliquent le succès du christianisme, bien évidemment. En plus, les Japonais croyaient (et on a des documents qui le prouvent) que les européens venaient du Tenjiku, autrement dit de l'Inde, la patrie du bouddhisme. Et les jésuites, puis les franciscains et autres, ont tout raté, parce que les jésuites ne jouaient pas sur la ferveur populaire, mais faisaient peser les grandeurs hiérarchiques et hiératiques venues d'un autre monde, ils faisaient les gens qui parlaient de religion en se targuant de s'appuyer sur de grandes puissances politiques à l'arrière. Il y a une différence entre un marchand qui parle de sa religion et un officiel de l'Eglise et de la couronne du Portugal. Mais, non ! François-Xavier et consorts, ils se vantaient de vivre comme au temps des premiers chrétiens !? Oda Nobunaga était admiratif des européens et aimait les chrétiens, même si lui la spiritualité il s'en contrefichait. La famille d'Hideyoshi Toyotomi comprenait des chrétiens, sa femme et son fils déjà ! Toyotomi a observé les jésuites à ses débuts au pouvoir avant d'interdire le christianisme. Il y avait déjà eu des persécutions, mais en prenant le pouvoir Tokugawa aussi a accordé un round de quelques années d'observation. En fait, à cause des jésuites, puis des franciscains vers 1597, à cause d'une présence militaire espagnole aux Philippines, à cause même d'une présence militaire Portugaise sur les autres endroits où les lusitaniens commerçaient, à cause d'offres de service maladroites (proposer des philippins chrétiens pour mater des japonais), à cause du non respect des interdictions, à cause de la clandestinité de prêtres jésuites, à cause des destructions violentes de temples bouddhiques, à cause de l'évidente progressive soumission à une politique étrangère européenne, fût-elle principalement d'ordre religieux jésuite, à cause de tendances à l'alignement des chrétiens japonais sur l'île de Kyushu, à cause de tout ça, Toyotomi et Tokugawa ont tranché et décidé le rejet systématique. Et forcément, les fils et petits-fils de Tokugawa Ieyasu ont été encore plus cruels, par émulation...
Enfin, bref !
***
On comprend que j'ai du mal après à parler de "Voyelles" et du "Bateau ivre", mais ça revient bientôt.
Pour "Le Bateau ivre", j'ai lu le livre de Santolini. En fait, il me cite beaucoup mais il attribue des idées que j'ai développées dans mes articles à Murphy, et moi il me met en-dehors, notamment sur le plan de la Commune, alors que c'est un axe essentiel de ma lecture. Santolini m'attribue d'avoir mis en avant l'importance des renvois à Hugo, mais en minimisant le dialogue que ça implique, et surtout en ignorant la connexion de ce dialogue avec le positionnement par rapport à la Commune. Je vais donc revenir là-dessus, et sur plein de trucs d'ailleurs.
Santolini minimise aussi la structure de l'immersion et ma lecture des derniers quatrains. D'ailleurs, il cite mes commentaires comme importants, mais il accompagne à peu près tout ce qu'il dit me concernant de réserves et dénégations. Santolini propose une thèse esthétique où le poème serait une fabrique de désordre avec même des inversions où le bateau va parfois dans le ciel, etc. Et Santolini considère que la Révolution est avant tout un objectif esthétique de poète. Je ne suis pas du tout d'accord avec ça.
D'abord, au plan esthétique, même si l'étude de Santolini est pertinente, raisonnée, jusqu'à un certain point, il y a un problème à dire que le poète cherche une esthétique exprimant le désordre ou cherche à ce que l'art soit une perpétuelle révolution. Pour moi, ces slogans ne signifient rien, ne veulent rien dire, et posent même le problème de l'évaluation de la réussite artistique.
Quand je lis "Le Bateau ivre", je pars du principe que nous sommes en mer : il y a la mer, le ciel, les tempêtes, quelques animaux, des îles. Je pars du principe que les images si compliquées soient-elles décrivent ce qu'il y a à voir en mer avec quelques ressources symboliques pour ponctuellement préciser que le récit est une allégorie de l'expérience de la Commune.
Quand je lis le poème, je vois les couchants, je vois que les couleurs sont liées à des observations sous le soleil ou face au soleil, etc. Santolini crée de pseudo problèmes par exemple au sujet des pieds lumineux des Maries. Rappelons que bien avant moi ou Murphy les rimbaldiens avaient déjà identifié qu'il était question de bougies au pied de statues des vierges Marie. On trouve ça dans les annotations de Suzanne Bernard au poème, quand elle fait des liens que j'ai moi-même faits avec des passages de L'Homme qui rit et on a aussi un article du rimbaldien dont on ne doit pas citer le nom, l'auteur du Avez-vous lu Rimbaud ? pour polémiquer avec Etiemble, par exception et à la différence des lectures de "Voyelles" ou "H", cet article était rationnel et valable.
Par ailleurs, il y a des petits couacs. Par exemple, le "vin bleu" est une boisson du peuple. Santolini se demande alors pourquoi le laver au début du "Bateau ivre" ? Mais tout simplement parce que ce n'est pas du bon vin. Le symbole populaire ne signifie pas l'attachement de coeur. La question ne devrait pas se poser.
Du coup, dans mon compte rendu, je vais aussi revenir sur le problème d'approche des images poétiques rimbaldiennes. Il y a un gros travail de mise au point à effectuer.
Voilà, j'arrête là et à bientôt. Patientez encore un peu, j'essaierai aussi de remettre le texte du poème "Le Drapeau rouge" que je considère comme une source probable au "Bateau ivre", source qui plaide une composition tardive du "Bateau ivre", quasi en janvier 1872 même.

1 commentaire:

  1. Une carte me montrait que Patani était un port sur l'île de Bornéo, je m'en étais paresseusement contenté, mais en fait il y a un royaume de Patani sur la péninsule malaise où se trouve également Malacca. Cela change quelques données, notamment sur les contraintes de temps en termes de circulation géographique et maritime des informations.

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