mercredi 29 novembre 2017

Ils soufflent avec leurs pieds

Je sors à l'instant d'un concert d'orgues un peu particulier. J'ai vu dans la Dépêche du Midi Ariège vers 16 heures qu'à 18 heures et demie il y aurait dans le cadre du téléthon un concert d'orgues dans la cathédrale Saint-Antonin à Pamiers avec une intervention de sportifs pour actionner exceptionnellement un soufflet à l'ancienne qui alimente l'instrument en air.
Nous assistions à la prestation sur les bancs de l'église avec un écran vidéo qui nous rendait des images d'en haut au niveau des joueurs au clavier et d'autre d'en bas au niveau des sportifs souffleurs. Je suis en train de composer un poème en prose drolatique sur l'événement et dès que j'aurai rédigé ceci je fixerai mes idées sur un cahier de brouillon, mais si je place ici  un article c'est que dans l'église il y a deux fresques murales dans le fond qui représentent, une fois n'est pas coutume, la Grande Guerre avec d'un côté un homme touché par une balle et le titre "Patria" et de l'autre côté une fresque "Credo" avec un ange entouré de lumière sur un nuage et au sol le corps allongé d'un soldat dont la tête est redressée dans le bras d'un prêtre qui prie pour lui et qui fait avec sa main libre le même geste avec le même infléchissement de l'index et du majeur que le Christ de Léonard de Vinci vendu récemment à un prix record.
Un commentaire à un article récent m'interrogeait sur la possibilité pour Zoçla d'avoir lu "Le Dormeur du Val" tant une image semblait s'imposer à lui dans les mêmes termes que ceux du sonnet de Rimbaud. Il va de soi que l'image au fond du mur dans une église du soldat mort que l'ange attend au ciel est une clef de compréhension iconographique du sonnet républicain de Rimbaud où l'idée de résurrection christique est présente, mais Dieu est alors remplacé par la Nature et le soleil : "Nature, berce-le" et "Il dort dans le soleil".
J'ai lu ou du moins essayé de lire le livre de Paul Claes La clef des Illuminations. C'est complètement fou. L'auteur peut paraître sérieux par moments. Il dit des choses sensées, puis tout d'un coup il s'emballe. L'essentiel du livre consiste en une analyse de tous les poèmes en prose des Illuminations avec un biais hallucinant : il s'agit d'interpréter tous les poèmes comme des allusions métaphoriques ou fantasmées à des nuages. Le critique offre une étude des poèmes dans l'ordre habituel des éditions, mais il prévient son lecteur que certaines lectures seront plus faciles à assimiler que d'autres. Il considère que les poèmes avec le titre au pluriel de Villes sont plus faciles à aborder pour bien appréhender la méthode du critique. J'ai décidé d'appliquer le conseil et de lire d'abord les études sur les poèmes où l'explication devait être plus facile à comprendre, pour garder les plus compliqués pour la fin. le problème, c'est que, dès la première lecture : "Ce sont des villes !" Je lis une démonstration que je ne comprends pas en tant que démonstration. Le raisonnement est rompu. Une approche linéaire est annoncée, puis on s'en détache. Les travers défiant la logique s'accumulent rapidement. Les affirmations péremptoires ne me font aucun effet. On a des réflexions du genre : "De tout temps, les hommes ont comparé les nuages à des montagnes, exemple Homère, Rousseau, la Bible, un tel, un tel et un tel autre, et donc les Alleghanys et les Libans de rêve sont des nuages, et "dans les feux", tout le monde droit comprendre que ça brille beaucoup dans les creux des nuages qui laissent passer le jour, c'est peut-être même une magie crépusculaire. La preuve que ce que je dis est vrai, c'est que Rimbaud parle de "cuivre" et que tout le monde sait que le ciel peut se décrire pour son tons cuivrés. Le récit est un tel délire permanent. Outre le caractère peu vraisemblable de telles lectures, le commentateur ne se demande pas pourquoi Une saison en enfer ou "Ma bohême" ne sont pas aussi tant qu'à faire des descriptions de nuages dans le ciel. Le problème, c'est que pour déchiffrer ainsi les poèmes, l'auteur passe à travers la richesse sémantique des mots et passe à travers la voix et les tours syntaxiques expressifs du poète. Parfois il concède qu'une lecture plus sérieuse peut se tenir, mais c'est pour bientôt nous apprendre que c'est leurre et qu'à la fin nous sommes toujours ramenés à une poésie d'un intérêt bien mince : moi Rimbaud et mes mille façons de parler des nuages, sans que vous n'y compreniez jamais rien intuitivement.
Bref ! A bientôt pour de nouveaux articles sur Rimbaud et aussi sur la versification.

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