dimanche 20 juillet 2025

Un article de Cornulier à propos de "Vénus anadyomène" (édité le 21 juillet)

Sur la toile, vous avez une page très intéressante où de nombreux articles de Benoît de Cornulier sont disponibles au format PDF.
 
 
Il s'agit d'une page d'un site Normalesup avec une présentation sommaire de cet universitaire, une énumération de ces principaux centres d'intérêt en tant que chercheur. Il repousse à la marge son intérêt pour la pragmatique. La pragmatique, domaine de recherche en linguistique qui vient des Etats-Unis, c'est l'étude des énoncés dans des situations d'énonciation pour dire ça vite et simplement. Vous dites : "La boîte !" Et au lieu de considérer qu'on a une phrase nominale, deux mots, on va se demander ce que ça implique dans l'échange, ce qui suppose de décrire la situation. La pragmatique peut aussi concerner les études littéraires, dans la mesure où elle va étudier comment les suggestions sont orientées, préparées dans un texte. Le livre "Quand dire, c'est faire" d'Austin est emblématique. Il s'agit d'un livre sur les énoncés performatifs. Quand vous dites : "oui" lors d'une cérémonie de mariage, le "oui" est quelque chose de plus qu'une réponse à une question. Quand vous dites : "Je te le promets", la phrase : "Je te le promets" ne commente pas la promesse, elle est la promesse. Toutefois, Austin s'est un peu perdu dans la complexification croissante de sa recherche.Il est parti sur une analyse très mal posée de phrases du type : "Je te dis que je te le promets." Le meilleur livre d'Austin, c'est plutôt Le Langage de la perception. Austin s'est opposé à un travers important de l'analyse philosophique : si je vois un bâton dans l'eau, il a l'air déformé. A force de mettre en doute la fiabilité de nos perceptions, certains philosophes ont créé un média artificiel entre la réalité et nos représentations mentales. Je vois un bâton tordu dans l'eau, donc il y a un bâton droit dans l'eau, mais ma perception est un ensemble de données où le bâton est tordu que je dois corriger ou pas dans mon esprit. Or, non, nous ne voyons pas le bâton tordu, nous le voyons dans l'eau. La donnée "bâton tordu" n'a pas sa place dans l'écran des données de la perception.
Grice est un auteur essentiel, mais il n'est pas traduit en français. Il étudie les logiques de la conversation qui expliquent pourquoi ça fonctionne la plupart du temps, alors qu'il y  a une bonne part d'implicite et de suggestif.
Cornulier préfère insister sur l'étude des rythmes réguliers, autrement dit des mesures. Toutefois, une partie de ses analyses de poèmes de Rimbaud portent sur l'interprétation, et il serait fortement réducteur de ne voir en ce chercheur que le linguiste et l'observateur de la seule versification.
En rouge, nous apprenons que parmi les publications récentes il y a un article sur "Vénus anadyomène". Il y est depuis quelque temps, je l'avais téléchargé, mais j'avais oublié de le lire, je me suis rattrapé ce matin même.
Il s'agit de l'article "Napoléon III anadyomène" et si vous cliquez sur la mention pdf entre parenthèses vous allez accéder au même fichier que moi.
Il y a cinq pages d'article. Voici le titre complet de l'article : "Le Napoléon III Anadyomène de Rimbaud (1870), scruter la croupe en scrutant la rime".
Il s'agit d'une version remaniée d'un article mis en ligne en 2022 et cette version date désormais de janvier 2023.
Cornulier cite le poème dans sa première version, celle remise à Izambard et datée du 27 août 1870. On ignore quand Rimbaud l'a remise à Izambard, mais je ne partage pas les avis de Murphy et Cornulier à ce sujet. Soit nous ignorons la date réelle du départ de Charleville au courant du mois de juillet 1870, si pas dans les premiers jours d'août, soit Rimbaud a envoyé ce poème par la poste comme c'est le cas de "Ce qui retient Nina" admis comme ayant été inclus dans la lettre daté du 25 août.
Je précise qu'en considérant que le poème a pu être remis en septembre à Izambard, Cornulier invite à penser que la date du 27 juillet désignerait de manière symbolique le départ de Napoléon III pour le théâtre militaire. Et je vous avoue être très réservé quant à cette interprétation. En effet, pour que Rimbaud songe à exploiter cette date, il faut qu'il ait lu la presse au-delà du 27 juillet lui-même. La prescience magique, ça n'existe pas.
Moi, plusieurs points me dérangent dans cette thèse. Il est impossible de lire spontanément le poème comme une caricature de Napoléon III lui-même. Il est vrai que le contemporain "Châtiument de Tartufe" donne la preuve que Rimbaud peut faire une charge contre Napoléon III à partir d'un portrait qui n'a rien à voir : homme maigre édenté en soutane. Mais dans "Le Châtiment de Tartufe", outre l'acrostiche, il y a une logique satirique qui peut être concordante. Je trouve ça moins évidente pour "Vénus anadyomène". On va en parler. Il y a un deuxième point. Les premiers sonnets connus de Rimbaud datent de l'été 1870. "Vénus anadyomène" serait le deuxième en date. Notons que nous ne possédons pas la version remise à Izambard de "Morts de Quatre-vingt-douze..." "Vénus anadyomène" est carrément un sonnet solitaire parmi les manuscrits remis à Izambard !
Or, il y a une anomalie de versification dans "Vénus anadyomène" qui, même si elle passe inaperçue de presque tous les lecteurs actuels, universitaires compris, n'étaient pas commise par les plus obscurs de tous ceux qui publiaient au XIXe siècle. En clair, l'alternance des cadences masculines et féminines était respectée, et ce n'est pas le cas entre les quatrains et les tercets de "Vénus Anadyomène", les mots à la  rime des vers 8 et 9 sont tous deux de cadence masculine : "essor"/"goût". Rimbaud a corrigé très simplement cette erreur dans le manuscrit remis ensuite à Demeny en intervertissant les vers 7 et 8. Certes, la version finale est aussi meilleure au plan du sens, de la conduite habile des effets, mais il n'en reste pas moins clair que Rimbaud a corrigé une faute de versification de débutant. Oui, je dis bien "de débutant", le mot choque quand on pense qu'il a déjà composé "Ophélie", "Par les beaux soir d'été...", "A la Musique", "Credo in unam", "Jugurtha", etc. Mais c'est ainsi !
Izambard ne possède pas de poèmes manuscrits de 1870 de Rimbaud postérieurs à son incarcération de Mazas.
Ici, et j'insiste sur le fait que j'ai remis en cause mes convictions personnelles et publications en ligne, il faut insister sur un autre problème. Rimbaud n'aurait pas recopié tous ses poèmes pour Demeny lors de deux passages à Douai en septembre et en octobre 1870, mais il aurait recopié les vingt-deux poèmes lors du seul second séjour. Il aurait commencé par les sept sonnets dits "du cycle belge", puis il aurait continué par le recopiage des quinze autres poèmes où certains titres anciens nous auraient leurré sur les dates réelles des transcriptions. Et dans ce cas de figure, le sonnet "Rages de Césars" serait postérieur au 14 octobre 1870 et ferait allusion à l'incendie du château de Saint Cloud par les prussiens le 14 octobre, ce qui voudrait dire que certains poèmes comme "Rages de Césars" seraient contemporains des sonnets dits du cycle belge, lequel cycle belge a probablement été entièrement conçu à Douai et non sur les routes lors des fugues rimbaldiennes.
... 
- Ah non ! hein ? Les sonnets du cycle belge ont été composés en Belgique, la preuve il parle de Charleroi, hein ? On va pas se laisser faire, nous les belges on n'est pas n'importe qui !
...
Reprenons !
Dans son article sur "Vénus anadyomène", Cornulier date "Rages de Césars" de septembre 1870 sans tenir compte de l'interprétation de Marc Ascione sur "Saint-Cloud".
Pourtant, cela n'a rien d'anodin et pourrait même mieux servir son propos.
Dans un premier temps, Cornulier montre que Rimbaud a été sensible à une maestria d'invention verbale de Victor Hugo, toute en calembours et en rimes subtiles quoique bouffonnes. Rimbaud s'est inspiré de la rime "loupe"/"troupe" d'un poème "Eblouissements" des Châtiments où il faut deviner l'absence du mot "croupe" naturellement amenée par l'idée d'un napoléon III cheval du cirque Beauharnais.
Il y a d'autres éléments du dipositif hugolien qui ont été repris par Rimbaud : l'annonce d'un goût à sentir, l'injonction à se pencher pour regarder, etc.
Là où j'ai plus de mal, c'est quand dans la suite de l'article Cornulier essaie de montrer que finalement cette prostituée qui sort d'une baignoire est là pour donner le change quand le vrai but serait de faire un portrait-charge de Napoléon III.
On a des arguments qui sont avancés et qui ont l'air d'avoir une force persuasive, mais ils laissent tout de même perplexe. A l'époque, la plus célèbre peinture en France de "Vénus Anadyomène" ne serait pas celle de Botticelli, mais celle d'un peintre du dix-neuvième que Napoléon III aurait lui-même achetée et mise au-dessus de son lit (cela est développé dans la version que je possède de l'article, mais je peine à la retrouver dans le lien que je vous ai fourni). Personnellement, j'ai un peu de mal à trouver ça d'une grande logique littéraire. La mention du "ferblanc" serait une mention railleuse d'un cercueil de faible qualité dans lequel aurait été enfermé Napoléon III. Plusieurs cercueils l'auraient recouvert, mais le premier, celui à l'intérieur au plus près de son corps serait en ferblanc et Chateaubriand en parle lui-même dans ses Mémoires d'outres-tombe.
Moi, je veux bien qu'il y ait une allusion indirecte à Napoléon Premier, mais il n'en reste pas moins que ce n'est jamais que sur la bande que le poème peut supposer une raillerie à l'égard de Napoléon III. Le poème a son propre déroulement et raconte un récit qui se comprend parfaitement et où les détails rayonnent si on pense qu'il s'agit d'une prostituée pauvre abusée, alors que si on veut lire une charge contre Napoléon III on se retrouve avec un luxe de détails on se demande pourquoi Rimbaud passe son temps à les inventer vu qu'ils n'ont rien à voir, ne nous renvoient pas avec pertinence à Napoléon III.
Il est vrai que "Le Châtiment de Tartufe" pose un problème un peu similaire et que Cornulier a raison, tout comme nous le faisons déjà, d'ironiser sur le fait que les rimbaldiens continuent pour beaucoup d'entre eux de ne pas considérer comme une évidence l'acrostiche révélé en 1990 par Steve Murphy.
Pour moi, donné un physique non réaliste à Napoléon III dans un sonnet qui le charge, ce n'est pas un problème. Le Tartufe maigre et édenté peut illustrer une facette de l'hypocrisie de Napoléon III. En revanche, pour "Vénus anadyomène", il faudrait au moins un lien historique. Il faudrait une saillie d'époque sur Napoléon III essayant de nous séduire.
Cela rejoint d'autres points compliqués des études rimbaldiennes. Le poème "A la Musique" ne décrit pas la confrontation à venir des français et des prussiens. En juin, Rimbaud n'avait aucune prescience de l'événement qui allait s'emballer dans un laps de temps très court en juillet seulement. Et j'observe que dans sa lettre du 25 août 1870 Rimbaud réécrit précisément le cadre métaphorique de "A la Musique" en l'associant cette fois clairement à la confrontation. Il n'avait aucune raison de faire cela si le poème "A la Musique" chargeait déjà cette situation. S'il fait ça dans sa lettre du 25 août, c'est justement pour donner du mérite après-coup à son poème de juin 1870.
Il y a d'autres problèmes similaires qui se posent pour "Bal des pendus".
On sait que de "Bal des pendus" au poème "Les Assis", Rimbaud revient sur des vers précis de la danse macabre du poème "Bûchers et tombeaux" de Gautier, sauf que, dans un premier cas en 1870 le poème ne suppose aucune charge politique évidente, alors qu'avec "Les Assis" l'allusion politique est patente pour maints rimbaldiens à cause du mot "siège" et j'ai définitivement confirmé cela en soulignant les reprises patentes de Rimbaud au poème "Napoléon II" de Victor Hugo.
J'ajoute que dans "Le Forgeron" il est question du roi face au forgeron, et il est comparé pour la pâleur à un condamné au gibet.
On pourrait soutenir que les vers des "Assis" et du "Forgeron" sont des indices fermes qu'il faut lire "Bal des pendus" comme une satire politique dont le récit est entièrement à décoder, et une lecture telle que celle de Cornulier pour "Vénus anadyomène" inviterait à penser que c'était un principe courant, presque constant, d'écriture rimbaldienne.
Pour moi, ça passe mal, et comme j'ai l'habitude de contester par paliers, je dirai que non seulement il faut montrer que c'est ce que fait Rimbaud, mais que le résultat est intelligent au plan littéraire.
C'est complètement tarabiscoté à un moment donné.
Puis, quels auteurs élaboraient ainsi leurs poèmes ? Rimbaud serait coutumier du fait dès son plus jeune âge. Et quelle cartographie peut-on dresser de ce procédé si on prend en considération l'ensemble du corpus rimbaldien ? 
 Pour moi, il y a quelque chose qui cloche, qui ne va pas. Je suis intéressé, je ne veux pas être fermé, je suis même là à admettre certains résultats, certaines liaisons sur la bande, mais en profondeur d'interprétation poème par poème, il y a un truc qui coince.
 
Complément (édité le 21 juillet) :
 
Je reprends le sujet à tête reposée.
Pour moi, Cornulier fait feu de tout bois alors qu'il n'y a pas lieu.
Rimbaud lisait de très près les Châtiments, entrait dans une période de quelques mois où il allait particulièrement s'en inspirer et il raillait effectivement Napoléon III et suivait les charges contre l'Empire. Le sonnet "Vénus anadyomène" n'a pas pour sujet l'idée d'un portrait-charge décalé de Napoléon III. Et il ne s'agit pas non plus d'un poème misogyne sous prétexte qu'on insulte la déesse de la Beauté. Les sources du poème sont connues, essentiellement un poème de Glatigny, un dizain de Coppée à l'arrière-plan et on peut enquêter sur des modèles de description disgracieuse du corps pris dans une scène ou en mouvement. Cornulier semble avoir remarqué que la rime "loupe"/"croupe" vient d'une lecture du poème "Eblouissements" de Victor Hugo où il y a une rime "loupe"/"troupe" et un dispositif similaire avec à la clef une présence à deviner du mot "croupe". Jusque-là, Cornulier a découvert un truc intéressant. Mais après, ça part en vrille. Cornulier veut à tout prix refondre la lecture d'ensemble du poème ou défendre une seconde lecture parallèle du sonnet qui découlerait entièrement de la découverte d'une référence à un poème contre Napoléon III. Cela tourne à l'idée que "Vénus anadyomène" est un Napoléon III travesti, ce qui est une idée avancée complètement gratuitement. On a même un raisonnement circulaire par pétition de principe à la fin de l'article. Tous les sonnets de Rimbaud remis à Demeny en septembre 1870 sont des charges contre Napoléon III, parce que nous avons forcé la lecture du seul sonnet qui n'y cadrait pas avec cette thèse. Et vous noterez que je jette un pavé dans la mare en insistant sur le fait que Rimbaud a probablement recopié tous les poèmes remis à Demeny lors du seul second séjour et composé au même moment "Rages de Césars", "Le Châtiment de Tartufe" et les sonnets dits du cycle belge, puisque la prétendue homogénéité thématique des cinq premiers sonnets vole en éclats. Il y a des sonnets contre Napoléon III dans le cycle belge, mais il y a aussi des sonnets qui y échappent, même quand ils sont politiques ("Le Dormeur du Val"). "Vénus anadyomène" et "Le Buffet" sont deux sonnets qui n'entrent dans aucune série, tandis que nous avons une nouvelle série "Rêvé pour l'hiver", "Ma bohême", "La Maline" et "Au cabaret-vert".
De toute façon, pourquoi trouver nécessaire de résorber la singularité de "Vénus anadyomène" par rapport à "Morts-de-Quatre-vingt-douze", "Le Mal", "Rages de Césars" et "Le Châtiment de Tartufe" ? Tout cela n'a aucun sens.
Le tableau de je ne sais plus Cabanel, de la Vénus anadyomène, je pense que les revues de l'époque n'offraient pas des illustrations photographiques. La référence est quelque peu picturale, mais c'est une référence picturale de poète. Quand Rimbaud compose "Ophélie", certes il y a eu des représentations en peinture d'Ophélie par Delacroix qui ont joué quant à l'émergence du thème dans la poésie romantique, mais quand il écrit "Ophélie" Rimbaud songe au poème de Murger, puis aux mentions dans les poèmes de Banville, Gautier et Hugo. Puis, que Napoléon possède le tableau intitulé "Vénus anadyomène", ça ne justifie en rien de lire le sonnet de Rimbaud comme une satire où Napoléon III serait lui-même la déesse. Tout ça n'a aucun sens. Il y a l'idée du ferblanc pour une baignoire cercueil. Il peut s'agir d'une coïncidence ou éventuellement Rimbaud sait que Napoléon Premier a été mis dans un tel type de cercueil, mais c'est une allusion à la marge, l'essentiel des visées de sens du poème n'est pas là.
Puis, la lecture de Cornulier n'est qu'une superposition laborieuse de trois idées distinctes et cela ne parvient pas du tout à rendre compte de tout le poème.
Puis, c'est du n'importe quoi à ce niveau-là le plaisir de la lecture hermétique. L'article de Cornulier serait plus intéressant que le sonnet commenté à cette aune. 
Pour imiter Rimbaud à la fin du "Rêve de Bismarck", fallait pas laisser la réflexion pragmatique à la marge...

jeudi 17 juillet 2025

Châtillon-bien !

Dans mes récents articles, j'ai fait remarquer l'importance des recueils de poésies d'Auguste de Châtillon pour les études rimbaldiennes. Procédons à quelques mises au point.
Né en 1806, Auguste de Châtillon n'a que quatre ans de moins que Victor Hugo, il est même plus âgé que Musset ou Gautier, mais il fait partie de ce que Rimbaud appellerait les seconds romantiques, et au plan de l'histoire littéraire il faisait partie justement avec Gautier, Nerval et Houssaye de la "bohème du Doyenné". Je ne m'attarde pas ici sur le concept de la bohème, motif initié par les romans de Walter Scott, pratiqué par Nerval et fortement mis au point par Henry Murger. Châtillon est parti un certain temps à la Nouvelle-Orléans et il a voulu initialement s'imposer comme peintre. Voilà qui peut expliquer son absence de l'histoire littéraire du romantisme. Il est l'auteur d'un unique recueil de poésies qui a changé de titre et qui était augmenté à chaque édition : Chant et Poésie en 1855, A la Grand'pinte : poésies en 1860 et Les Poésies d'Auguste de Châtillon en 1866. La préface de Théophile Gautier apparaît dans le premier recueil et est reconduite dans les deux autres. Les trois versions du recueil peuvent être consultées sur le site Gallica de la BNF, je les ai toutes les trois récupérées en fichiers au format PDF.
Châtillon est connu en particulier pour deux poèmes "A la Grand'pinte" et "La Levrette en paletot". Et vous notez que le titre "A la Grand'pinte" a été retenu pour la deuxième édition augmentée de son recueil en 1860.
"La Levrette en paletot" avec ses "élisions populaires" (Lemerre) est un modèle pour certains poèmes potaches de Verlaine, notamment "L'Ami de la Nature", et le titre "A la Grand'pinte" a le mérite de coïncider avec deux titres de Rimbaud de l'année 1870 : "A la Musique" et "Au Cabaret-vert, cinq heures du soir".
Certes, le recueil de Châtillon n'a pas eu une très grande diffusion, mais il a tout de même eu trois versions distinctes, et Châtillon a publié dans le premier Parnasse contemporain de 1866.
Dans ses  Mémoires d'un veuf, Verlaine précise que le premier Parnasse contemporain avait été complété par des noms indignes de figurer dans une telle anthologie et que le second numéro avait été beaucoup mieux conçu, profitant du renfort de nombreux poètes plus anciens. C'est pourtant au premier Parnasse contemporain que Châtillon a contribué avec un poème en quatorze sizains d'octosyllabes AABCCB : "Un fou".
Prenons la liste des participants au premier recueil du Parnasse contemporain en 1866. Verlaine devait considérer comme des poètes indignes de figurer dans le premier Parnasse contemporain les noms suivants :
 
- Alexis Martin : son unique contribution "A Vénus de Milo" a du sens sur le papier et si Rimbaud avait clos le second Parnasse contemporain avec "Credo in unam" il y aurait eu un écho symétrique avec le poème de Martin qui clôt le premier volume du Parnasse contemporain si on ne compte pas le bouquet final des sonnets... Il y a quelques points historiques à noter dans la manière et la sueur poétique d'Alexis Martin. Je ne trouve pas vain de situer son emploi de la rime "étrange"/"ange" dans un historique de cliché d'ambiance qui va jusqu'au sonnet "Voyelles" de Rimbaud... La versification est sage, avec une légère exception pour le rejet "crié" à la césure, mais fondamentalement la pièce de Martin est médiocre dans sa composition, sa langue, sa versification.
 
- Francis Tesson : son unique contribution "L'Anneau" n'a rien qui la défend. Tesson a compris un aspect de la nouveauté de la versification romantique, les rejets d'adjectifs ou de compléments à la césure, et il essaie de s'en prévaloir par le nombre, mais sa versification est aussi froide et mécanique malgré tout que pour le premier néoclassique venu (soulignements nôtres !) :
 
Ne froisse son poing délicat ; sois pour elle
         Ce qu'elle est pour mon cœur épris,
Une extase, un rayon d'aurore, une parcelle
         De moi-même, un joyau sans prix.
 
Alors, sans que mon âme austère se courrouce,
         Je pourrais, métal transporté,
[...]
 
Alors, j'effleurerai sa gorge, une merveille,
          Eblouissante de pâleur,
Aux contours si riants et si frais que l'abeille,
          Les prend pour deux pêches en fleur.
 Outre qu'il s'agit d'un modèle lyrique pour le poète tourné en dérision dans "Ce qui retient Nina", on ne ressent pas les effets des rejets. C'est un peu comme quelqu'un qui ferait des pauses en disant : "Je mange... une pomme. Elle est... bonne." Et qui poursuivrait ainsi ! Il y a manque de pertinence dans les effets métriques, et je ne devrais même pas parler d'effets métriques.
Le seul moment où il a un peu de grâce, c'est quand il pratique l'à peu près de trimètre à la Hugo, mais le mérite vient du choix de modèle dans l'imitation :
 
Elle se lève, aussi nonchalante, aussi belle
      Qu'Aphrodite sortant des flots...
Francis Tesson a publié un recueil d'environ cent pages en 1863 La Dernière gerbe qui peut être consulté sur le site Wikisource et que je ne lirai un jour que par acquit de conscience. 
 
- François Fertiault : celui-ci a pas mal publié de son vivant et trois poèmes ont été retenus pour le premier volume du Parnasse contemporain, mais là encore il s'agit d'un poète sans intérêt réel. Sur les trois sonnets qu'il a fournis, le premier et le troisième, "O doctissime" et "L'Idée", suintent l'effort malhabile. Vers après, on sent le travail d'harmonisation d'ensemble mais mis au profit de tournures affectées guindées, sans âme. En revanche, le deuxième sonnet "En sortant du cimetière" est cruel à Rimbaud, puisqu'il semble s'en être inspiré pour la chute de ses "Etrennes des orphelins" :
 
La couronne était large et faite d'immortelles,
On y lisait, en noir sous de larges dentelles :
"A MA GRAND-MERE..." Et puis, l'enfant avait passé, -
Je ne crois pas que, si on s'en tient à ses contributions seules, les deux poèmes de Piedagnel déparaient le premier Parnasse contemporain. Quant à Robert Luzarche, il a pu revenir dans le second et il imite clairement la manière des Fleurs du Mal. J'imagine tout de même que Verlaine n'a pas un préjugé automatiquement favorable aux imitateurs de Baudelaire.
Quels autres poètes Verlaine pouvait-il trouver indignes de figurer dans le premier Parnasse contemporain ? Dans son ensemble, le poème de Villemin "Le Drame de Rachel" est pas mal écrit et bien dans la ligne parnassienne, même si les alexandrins sont mieux maîtrisés que les passages en octosyllabes. Sur les contributions de Jules Forni, seule la première est vraiment faible, tandis que "Avril" fournit un modèle à Rimbaud de quintil ABABA sans répétition (procédé qui existait avant Baudelaire, ce que je devrai renseigner par un article ultérieurement), et le sonnet "Ma chope" est un peu un prélude à "Oraison du soir".
Certes, Forni n'est pas le plus intéressant des poètes.
Verlaine n'était pas franc au sujet des vers de Ricard, il ne devait pas l'être non plus sur ceux de son ami Lepelletier, il s'illusionnait un peu sur ceux de Catulle Mendès ainsi que sur sa prose. Verlaine pouvait viser aussi comme médiocres les deux poèmes d'Henry Winter, mais notons tout de même qu'il imite Baudelaire et que le poème "L'Auberge" avec un "comme une" devant la césure a un peu l'air d'une inversion de "Ma chope" de Forni et de "Oraison du soir" de Rimbaud. Auguste Vacquerie est un poète assez faible, mais comme il imite son parent Victor Hugo sans avoir à craindre de reproches il s'en sort pas trop mal et Verlaine ne devait pas songer à l'attaquer indirectement. Rimbaud s'identifie bien au personnage Jean Baudry. Pour tout le reste, les réputations de poètes étaient faites, même si nous pouvons admettre ne pas nous pâmer devant les écrits de Lefébure, Lemoyne, Boyer et Houssaye. Les poètes retenus pour le bouquet de sonnets étaient inattaquables, Ricard compris mais lui plutôt à cause de son rôle éditorial.
J'en reviens donc au dénommé Auguste de Châtillon qui n'a fourni qu'un seul poème au premier Parnasse contemporain mais que vous vous garderez d'associer aux médiocres Martin, Tesson et Fertiault.
Auguste de Châtillon a un autre intérêt littéraire. Malgré son âge, il a fait partie des contributeurs au recueil Dixains réalistes de 1876. Il était un habitué des salons de Nina de Villard, et il a rejoint du coup sans si grande surprise le projet des frères Cros, de Richepin, Nouveau, Rollinat et des moins connus Charles Frémine et Hector l'Estraz.
Avant de nous intéresser aux poèmes du recueil de Châtillon, il convient de parler de la préface.
Les rimbaldiens ne s'intéressant pas aux préfaces des recueils anciens, ainsi de celle de Théophile Gautier à la troisième édition des Fleurs du Mal en 1868. J'ai insisté sur l'influence inspirante d'une préface de Glatigny sur la composition "Ce qui retient Nina", et naturellement j'ai plus pensé à Musset qu'à Nina de Villars. Cette préface était liée à la réédition en un seul volume de trois de ses oeuvres en 1870 par Lemerre lui-même. Et si je n'ai pas le mois d'édition exact, je considère non seulement qu'elle est antérieure à la composition estivale de "Ce qui retient", non seulement à la création en juin de "A la Musique", mais encore à la lettre envoyée à Banville le 24 mai où quand Rimbaud demande à Banville de l'excuser d'être jeune il semble évident qu'il a à l'esprit les mots de la préface où Glatigny dit qu'il n'écrirait plus Les Vignes folles aujourd'hui, avec le recul de dix ans qui se sont ajoutés à ses tempes.
J'ai insisté aussi sur les textes en prose qui forment un dossier à la suite du recueil Nuits d'hiver de Murger, notamment à cause de la mention "frou-frou".
Et donc j'en arrive à la préface de Gautier pour le recueil de Châtillon. Déjà, ça crée un parallèle assez classe avec l'édition posthume des Fleurs du Mal.
Mais ce qui est vraiment intéressant, c'est le tout début de cette préface. En réalité, Châtillon est un peu passé à côté de sa vocation, il n'a pas réussi en Amérique, il n'a pas réussi à devenir un grand peintre, même si plusieurs portraits qu'il a faits de la famille Hugo ou de son ami Gautier sont très largement connus de nos jours. Avec sa préface de 1855, Gautier devait vendre au public une assez maigre carrière de poète, et l'astuce est vite trouvée. Gautier va plaider la sincérité de celui qui n'est pas un poète de profession. Châtillon a d'autant moins écrit qu'il n'a daigné composé que quand l'inspiration lui venait. Et pour matérialiste l'inspiration qui vient, Gautier nous vend, comme si ce n'était pas un cliché, le rayon du soleil ou le souffle de la brise parfumée :
 
  Voici un livre qui a l'avantage de ne pas être l’œuvre d'un poète de profession,  avantage immense en ce temps d'inspiration factice, où le procédé remplace le sentiment, où des rimes toutes faites viennent s'ajuster d'elles-mêmes à des idées tombées dans le domaine public. - Rien ici qui sente la résolution prise d'avance de faire un volume ; ce sont des pièces de vers descriptives ou philosophiques, des chants gais ou tristes, venus à leur heure sur un rayon de soleil, sur un souffle de brise parfumée, à l'ombre d'une tonnelle, dans le calme de l'atelier, au milieu de la joyeuse agitation d'une cuisine d'auberge, le long de la rivière qui soulève le bout des cheveux du saule [...]
 On n'a pas le lac d'Elvire ou le lac Majeur, mais on se retrouve à Enghien avec des "jardins de lilas et d'aubépine", et si on secoue les branches ce sont des souvenirs qui tombent avec "des perles de rosée et des gouttes de pluie semblables à des larmes."
En n'oubliant pas de considérer le recul ironique probable de la part de Rimbaud, j'ai du mal à ne pas lier cette citation que je viens de faire de Gautier aux mots de Rimbaud dans sa lettre à Izambard où il parle du poème qu'il lui envoie et dont nous sommes à peu près qu'il s'agit de "Ce qui retient Nina" :
 
   Je vous envoie des vers ; lisez cela un matin, au soleil, comme je les ai faits : vous n'êtes plus professeur, maintenant, j'espère !...
Le parallèle est troublant. Gautier parle de poètes de profession, et Rimbaud épingle la qualité de professeur de poésies. Gautier parle de l'inspiration non forcée, en insistant sur les conditions favorables, tandis que Rimbaud s'intéresse à la réception non forcée du lecteur quand les conditions lui sont à lui aussi favorables...
Vous ne direz pas que Rimbaud n'a fait que plagier la préface de Gautier, il en fait un tremplin pour un propos assez percutant, et la comparaison avec le modèle renforce l'idée d'à-propos de Rimbaud quand il ose ce "vous n'être plus professeur, maintenant".
Pour Gautier, Châtillon allie une saveur moderne et fraîche à la franchise gauloise, et cela nous vaut transition pour parler des poésies de l'ivresse.
Rimbaud a-t-il retenu la comparaison suivante quand il a composé "Bannières de mai" : "où la chanson voltige comme une abeille sur une fleur" ? A-t-il songé aux "refrains bachiques" que déplore Gautier en composant "Le Cœur supplicié" ?
Gautier valorise chez Châtillon le fait qu'en tant que peintre il pense à l'harmonie de  toute la mise en place des détails quand il compose un poème, il célèbre aussi son art chansonnier avec l'alternance souple du couplet et de la stance, et cela nous vaut ces phrases amusantes : "Vignette, paroles et musique d'Auguste Châtillon est une signature qu'il pourrait mettre au bas de chacune de ces charmantes pièces, dont plusieurs ne seraient pas déplacées parmi les chants populaires de la France, que fait recueillir maintenant le ministère de l'instruction publique M. de Châtillon a composé plus d'une de ces chansons qui semblent faites par tout le monde et n'avoir jamais eu d'auteur [...]". Rimbaud a dû bien méditer ce passage que nous citons...
 C'est alors que Gautier en vient au poème "A la Grand-pinte". J'estime que ce titre d'enseigne "A la Grand-pinte" est à l'origine du glissement de l'authentique nom "La Maison verte" de Charleroi à celui du sonnet de Rimbaud "Au Cabaret-vert", et avant cela le titre "A la Musique" était probablement déjà un écho au poème de Châtillon. Dans le poème de 1857 du même Châtillon, "Promenade à l'île Saint-Ouen-Saint-Denis (partant des Batignolles)", l'attaque de la partie numérotée III est soulignée en italique pour un titre d'enseigne équivalent "A la Maison Blanche". Notez que cela ressemble au nom "Maison verte". Malheureusement, ce titre n'apparaît pas dans le sommaire du recueil de 1860. Une vérification s'imposera pour ce qui est de l'édition de 1866.
Voici en tout cas comment Gautier vante le poème le plus connu de Châtillon dans sa préface :
 
[...] - Son auberge de la Grand'-Pinte, entre autres, vaut, par ses tons doux et bruns, sa chaude couleur enfumée, un cabaret d'Ostade. Seulement, la lourde ivresse de la bière et du tabac fait place à l'entrain philosophique et joyeux de bons vivants trinquant à l'amitié et se réjouissant devant un bon feu d'être à l'abri des frimats qui poudrent la plaine à blanc et dessinent leurs ramages sur les carreaux.
 Ce passage a un double intérêt rimbaldien. Nous glissons à la mention "cabaret" qui nous intéresse quant au sonnet "Au Cabaret-vert", et la comparaison entre ce passage en prose et le sonnet de Rimbaud a une relative pertinence. Mais on peut aller plus loin. Les mots "doux" et "bruns" n'ont pas une présence anodine dans "Oraison du soir" ni l'idée de "chaude couleur enfumée", ni celle de "lourde ivresse de la bière et du tabac". Vous commencez à comprendre qu'il y a quelque chose à méditer. Rimbaud avait une culture de poète élevée, et vous devez pressentir par ces rapprochements tout ce que peut impliquer de raillerie littéraire la relation de "Oraison du soir" à ces référents culturels bondissants. On commence à entrevoir par quel fil passe Rimbaud pour que "Oraison du soir" dise aussi son fait à la théorie poétique des poètes faiseurs de préfaces, par exemple.
Gautier dit ce que doit être le poète, et "Oraison du soir" pousse le jeu plus loin en assumant plus clairement d'être dans la note de l'ivresse.
Je vais éviter de m'attarder sur la fin de la préface dont l'ambivalence pour moi ne porte : un poète pour les naïfs et les lettrés dont les chansons peuvent se brailler au cabaret et se soupirer dans un salon. La chute de la préface ne fait pas vraiment honneur au génie de Gautier. C'est justement un peu forcé comme raisonnement.
Gautier nous cite aussi une liste de poèmes de Châtillon qu'il recommande plus particulièrement à l'attention.
Et, après un sonnet en guise de préface, le recueil s'ouvre précisément par le fameux poème "A la Grand'-pinte".
Je l'ai déjà dit. Alors que le titre du morceau a inspiré celui de "Au Cabaret-vert", le sizain employé est celui des "Effarés" sans le découpage en tercets, des octosyllabes alternant avec des vers de quatre syllabes tous les trois vers. 884884 884884 884884 etc. Il y a même un intérêt des mots à la rime, "fer-blanc" passe non à la rime, mais en rejet à la césure dans "Vénus Anadyomène". Le mot "tourne-broche" à la rime d'un vers de quatre syllabes donnera la rime "médianoche"/"biroche" dans "Les Effarés", sachant que "médianoche" est justement repris à un autre poème du présent recueil de Châtillon.
Je vais produire un autre article sur les vers de Châtillon, cet article étant déjà assez conséquent. Ce que j'ai apporté de neuf, c'est l'analyse de la préface de Gautier en effectuant des rapprochements non seulement avec "Au Cabaret-Vert", mais avec la lettre à Izambard d'août 1870 et avec le sonnet "Oraison du soir".
Encore une fois, les rimbaldiens n'ont rien fait de ce que j'ai dit sur l'importance de Châtillon. Personne n'est venu me féliciter, personne ne s'est manifesté. Néant absolu. Certes, c'est encore récent, mais comme pour "Ce qui retient Nina" (vous viendrez, n'est-ce pas ?, le peignoir,...), comme pour "Les Assis", je dégage de nouveaux éléments redoutables élucidant les mystères de la création rimbaldienne...
 
 
De toute façon, on vit dans un monde incroyable.
Vous êtes en train d'accepter que les pays européens fassent subir à leurs populations l'inflation, les impôts, la misère pour que Zelensky et ses potes en détournent une partie en Ukraine, s'achètent des maisons, en imposant la mort et la ruine à leur pays par une guerre ingagnable. Vous êtes en train d'accepter que les pays européens achètent non pas aux Etats-Unis mais à des sociétés privées américaines des armes qu'elles vont donner à l'Otan, une organisation de souveraineté américaine sur l'occident, pour que ces armes soient offertes aux ukrainiens, et des armes qui ont déjà prouvé leur inefficacité et qui ne font que prolonger une guerre au drame inutile.
Vous êtes complètement dingues. Et vous insultez les russes. C'est pas eux qui vous font acheter des armes à des entreprises privées américaines que je sache. Pour ne pas qu'il y ait cette guerre, Poutine avait dit qu'il ne fallait pas d'expansion de l'Otan ou qu'alors la Russie devait entrer dans l'Otan, ce qui lui a été refusé. Outre que les gens du Donbass sont russes et veulent l'être, de toute façon, comment vous pouvez haïr les russes pour une destruction par les américains de Nordstream dans des eaux clairement sous contrôle occidental exclusif. Vous minimisez des apparentements idéologiques inquiétants, vous ne vous renseignez pas sur la réalité des frappes des deux côtés. Et vous n'arrivez même pas à vous dire que perdue pour perdue il faut arrêter cette guerre le plus vite possible, trop d'ukrainiens sont en train d'y passer. Vous vous trouvez dignes d'exiger d'eux qu'ils aillent à la mort au combat. Vous arrêtiez cette guerre en 2022, seule la Crimée quittait l'Ukraine et le Donbass avait un statut plus autonome. Là, vous en êtes à deux autres oblats qui sont déjà considérés comme russes, et plus ça va, plus on se rapprochera des limites de la Nouvelle Russie, de Kharkov à Odessa.
Non, mais vous êtes idiots, ce n'est pas possible ?
Vous regardez cette guerre, en vous disant que les russes n'avancent pas, comme si c'était un match de football et qu'un territoire rapidement conquis c'était ça l'important. Ben non, le territoire se prendra aisément quand, avec le moins de pertes possibles, l'adversaire sera à bout de forces. C'est ça l'économie de guerre. Et vous êtes là, à rien comprendre à ce qui se passe, à ne pas comprendre pourquoi vous devenez plus pauvres. Vous insultez Poutine et vous charriez vos collègues russes en leur disant que s'ils ne sont pas contents ils n'ont qu'à retourner dans leur pays. Mais ces pauvres russes, il faut comprendre que vous les effrayez, puisque vous vous félicitez de mettre Al Qaida à la tête du gouvernement syrien à Damas. 
 Vous êtes vraiment effrayants ! Vous allez tout perdre, croyez-moi !

jeudi 10 juillet 2025

Nina, Anne, âne, viride et paître...

Le poème "Ce qui retient Nina" ou "Les Reparties de Nina" est l'un des cas les plus déroutants de déroute de la critique rimbaldienne avec la prose liminaire d'Une saison en enfer. Dans le cas de la prose liminaire, les rimbaldiens ont mis parfois en doute qu'il était question de la charité comme vertu théologale, et ils éprouvent des difficultés invraisemblables à comprendre que Satan est en colère parce que le poète refuse le "dernier couac !" Les rimbaldiens passent leur temps à imaginer que Satan se récrie parce que le poète refuse la "charité" ou parce que, selon leur lecture alambiquée, le poète dénoncerait comme un rêve la période où il s'est armé contre la justice. J'ai plusieurs fois réagi, mais il n'y a rien à faire.
Le cas des "Reparties de Nina" est similaire. Ils étudient le poème pour lui-même, ce qui est très bien, ils font des hypothèses intéressantes pour l'interprétation du poème, mais ils ne font rien du diminutif Nina.
En mai 2011, j'ai publié sur le blog Rimbaud ivre de Jacques Bienvenu, un article à ce sujet : "Nina ou Ninon ?"
 
 
J'y faisais une découverte factuelle imparable. Les quatrains du poème "Les Reparties de Nina" ont une forme rarement déployée dans la grande poésie littéraire du dix-neuvième siècle : une alternance d'octosyllabes et de vers de quatre syllabes. Cette forme a un emploi célèbre à l'époque avec la "Chanson de Fortunio". L'intérêt, c'est que dans les éditions des poésies de Musset, nous avons la succession de cette "Chanson de Fortunio" et du poème "A Ninon". Et dans "Ce qui retient Nina", il y a des échos au poème "A Ninon" où il est question pour Musset de guetter la réponse que pourrait faire Ninon.
Rimbaud ne peut pas avoir choisi le diminutif "Nina" par hasard et il se trouve que son emploi demeure rare en poésie malgré tout.
Reprenons la question.
Musset est le poète qui a introduit les mentions des diminutifs Nina, Ninon ou Ninette en poésie. Il s'agit d'un renvoi au personnage historique Ninon de Lenclos, femme qui a des attaches dans la noblesse, mais dont le surnom est bien sûr populaire. Ninon est une façon paysanne pour dire affectueusement "petite Anne". Au passage, cela nous fait un lien inattendu entre "Ce qui retient Nina" et "Fêtes de la faim", poème du calembour "Anne, fuis sur ton âne !". Le poème "Fêtes de la faim" a justement la forme d'une chanson avec pas mal de variations dans les vers et dans les strophes, mais on y trouve des quatrains alternant vers de sept syllabes et vers de quatre syllabes, tandis que le refrain avec le calembour sur le prénom Anne est en vers de quatre syllabes :
 
Ma faim, Anne, Anne,
Fuis sur ton âne. 
 
Tournez les faims, paissez, faims !
          Le pré des sons !
Puis l'humble et vibrant venin
          Des liserons ;
 
[...]
Vous remarquez la construction artificielle qui évite l'octosyllabe : "Tournez les faims, paissez les faims !" Nous retrouvons l'idée d'une chanson, et nous pouvons aussi comparer le rejet d'Anne invitée à fuir au sort des laiderons dans "Mes petites amoureuses".
 Ce n'est pas tout. J'ai cité un quatrain qui contient la forme conjuguée "paissez" et l'adjectif "vibrant", j'y reviendrai plus bas.
Pour l'instant, force est de constater que les rimbaldiens ont tout intérêt à mieux soupeser la valeur du prénom Nina et de la référence à Musset. Rimbaud a composé "Ce qui retient Nina" en août 1870, puis "Mes petites amoureuses" un peu avant le 15 mai 1871, puis "Fêtes de la faim" en août 1872, et ces trois poèmes relèvent d'une constante référence à un certain esprit lyrique dont Musset est un parfait modèle. Et ce modèle est à chaque fois tourné en dérision. Cette constante passe par-delà les propos des lettres dites "du voyant" dont les rimbaldiens s'ingénient à la considérer comme un mur isolant les poésies de jeunesse de l'année 1870.
Revenons au diminutif "Nina". Le modèle historique est Ninon de Lenclos, le diminutif est paysan est l'équivalent de ce qui arrive avec Suzon, Madelon, etc., et l'équivalent aussi de Mimi Pinson, héroïne de Murger que Musset ne manque pas de mentionner, il lui consacre même un poème.
Nina est une déformation italianisante de Ninon, peu importe les raisons, et Ninette une autre variante encore.
Ninon de Lenclos m'intéresse encore dans le débat, parce que si nous n'avions que la série Ninon, Madelon, Suzon, nous serions dans les paysannes que les nobles abusent, les paysannes de Molière abusées par Dom Juan, etc. Cependant, Ninon introduit l'idée de la pute de luxe, de la femme entretenue. La Ninon historique serait même une proche de la célèbre Marion de Lorme. Je rappelle que Marion de Lorme c'est le titre du deuxième grand drame romantique de Victor Hugo représenté brièvement en 1829 avant que la censure ne s'en mêle. En clair, non seulement Musset fait référence à Ninon de Lenclos, mais il se positionne par rapport à Hugo. On sait que les spécialistes de Musset n'ont de cesse de prétendre que Musset se moque des admirateurs du grand romantique et suit sa propre voie, mais voici encore une preuve que c'est faux. Et Marion correspond avec l'ajout du suffixe "-on" commun à "Ninon" à une variante du prénom Marie.
Comment peut-on se prétendre spécialiste soit de la poésie, soit de la littérature du dix-neuvième siècle si on ne sait pas lier Marion, Ninon et Nina entre eux, et voir les liens qui relient des œuvres de Victor Hugo, de Musset et de Rimbaud entre elles ?
Ninon étant une prostituée, cela donne un caractère d'évidence à la chute de "Ce qui retient Nina", le bureau est bien l'homme qui l'entretient. Je rappelle qu'une femme à la tête d'un bureau dans un village français en 1870 ça sent un peu bien son anachronisme...
Musset est le poète qui introduit les mentions Nina, Ninette, Ninon dans les vers au dix-neuvième siècle. Tout commence avec la comédie A quoi rêvent les jeunes filles dont le titre même fait écho à la variation de titres du poème de Rimbaud : "Ce qui retient Nina" puis "Les Reparties de Nina". L'écho du premier titre est particulièrement sensible, ce qui la retient, c'est ce à quoi elle rêve.
Parmi les personnages de cette comédie, nous avons deux jumelles Ninon et Ninette, "filles du duc Laërte", origine noble qui confirme la référence à Ninon de Lenclos soit dit en passant. Nous avons aussi une "Flora", servante coiffée d'un suffixe en "-a", à cela s'ajoutent le duc Laërte, son neveu le comte Irus, un Silvio et deux domestiques Spadille et Quinola.
La première scène du premier acte consiste en un dialogue entre les deux jumelles sur le point d'aller se coucher. Ninette doit traverser le parc, et Ninon lui demande si cela ne lui fait pas peur. On songe un peu à "Rêvé pour l'hiver". Ninette prétend que non et qu'elle sera protégée par son chien qui se nomme... Bacchanal, ce qui n'est pas un calembour pour bac anal, quoique...
Et Ninette se retirant, Ninon se met à prier, ce qui fait songer aux petites amoureuses crevant en Dieu.
Ninette revient épouvantée, elle a été embrassée à plusieurs reprises par un homme.
Ninette repart accompagnée de la servante Flora et Ninon après avoir accordé un instant de réflexion à la mésaventure de Ninette songe au "jeune homme étranger" qu'on lui présentera "demain" et qu'elle pense devoir être son futur mari. Et notons qu'elle parle de sa tante qui était "laide" "Hier soir à souper", puisque Rimbaud fait des "amoureuses" des "laiderons" dans son poème de mai 1871.
Ninon cherche à s'endormir, mais une voix vient lui chanter la sérénade avec une offre d'amour, et un discours où pour l'amour on donne tout, on renonce à tout.
C'est un peu le modèle du poète qui fait sa déclaration dans "Les Reparties de Nina" et c'est un peu ce qu'inverse la création satirique "Mes petites amoureuses".
En parallèle, à la scène 2, le comte Irus cherche à porter un "habit rose" avec une "culotte bleue", on songe encore à "Rêvé pour l'hiver", et ses domestiques le lui déconseillent, l'huile a coulé sur la culotte et l'habit rose est tout "rempli de crotte", mot "crotte" à la rime qui fait songer à la vache qui "fientera, fière, à chaque pas" de "Ce qui retient Nina".
Le duc Laërte invite le comte Irus à plus de simplicité, raillant l'apparat, sauf que dans "Ce qui retient Nina" l'apparat compte dans la décision finale. 
Quant à Ninon et Ninette, elles ne peuvent plus dormir, l'une à cause d'une chanson, l'autre à cause d'un baiser appuyé. 
Soyons même plus précis. Outre l'intérêt érotique pour les moustaches, Ninette emploie le verbe "frémir" : "Ce baiser singulier me fait encor frémir." Rimbaud l'emploie à son tour dans "Ce qui retient Nina" :
 
On sent dans les choses ouvertes
       Frémir des chairs[.]
Le baiser ayant été volé à Ninette au seuil d'un parc à onze heures du soir, le rapprochement est d'autant plus pertinent.
Et face à l'oiseau qui "filerait son andante," nous avons ce vers de Ninon, l'autre jumelle :
 
Un jeune rossignol chante au fond de mon cœur.
 De manière frappante, Rimbaud fait dire à son poète auprès de Nina qu'elle serait "Amoureuse de la campagne", ce qui anticipe de loin en loin le titre "Mes petites amoureuses", mais il y a d'autres idées que présupposent cette création lexicale ostentatoire et bien volontaire. Il sera question de la trivialité et du scatologique de cette campagne qui finalement fera fuir Nina. Dans sa lettre de "Laitou" envoyée à Delahaye en mai 1873, Rimbaud jouera à nouveau sur le trivial et le scatologique et il citera parodiquement un hémistiche du poème "Souvenir" de Musset qui est une citation de Rousseau : "Ô nature ! ô ma mère !" Et justement, dans A quoi rêvent les jeunes filles, nous avons un récit d'éveil des émois amoureux chez deux jumelles avec une vanité égoïste. Ninette s'amuse à penser que contrairement à sa sœur elle n'est plus une enfant, mais en même temps les deux jumelles s'exaltent pour les manifestations érotiques, bien sûr idéalisées, de la Nature : (Ninon) "rameaux, l'un dans l'autre enlacés !" et (Ninette) "Ô feuilles des palmiers, reines de la verdure, / Qui versez vos amours dans les vents embrasés !".
Evidemment, Silvio est parfaitement conscient qu'il fait la cour aux deux jumelles, mais il ne se le reproche pas, puisqu'il considère qu'il se laisse aller à la passion sincère et qu'il ne joue d'aucune éloquence, ce qui est en contradiction flagrante avec les faits.
Le duc Laërte a pour projet de marier une de ses filles au fils unique de son grand ami. Ce fils, c'est Silvio. Mais Laërte a des théories sur le cœur romanesque des jeunes filles qui rêvent d'un aventurier qui vient les enlever. L'époux idéal doit s'annoncer par la fenêtre, etc.
Tout cela n'a pas l'air de concerner le poème "Ce qui retient Nina" de Rimbaud. Pensez tout de même à la satire. Vous avez d'un côté une thèse sur le désir sexuel brutal où la femme a envie d'être forcée, d'être entraînée en-dehors de son monde tranquille, évidemment sans les conséquences fâcheuses qui pourraient aller avec, et de l'autre une femme qui pense positivement à la sécurité que lui fournit un grossier "bureau" qui l'entretient.
Vous avez dans "Ce qui retient Nina" une rime "t'embête"/"petite tête" qui peut faire écho à certaines rimes de la comédie de Musset. Le duc Laërte s'adresse ainsi à son neveu le comte Irus :
 
Et vous, vous avez l'air, mon neveu, d'une bête,
N'êtes-vous pas honteux de vous poudrez la tête,
[...]
 ce qui invite à considérer que le poète qui s'adresse à Nina correspond moins au séduisant Silvio qu'au repoussant comte Irus.
Laërte revient plus loin à la charge avec une rime équivalente lors d'un échange avec Silvio, et cette fois si la rime est distincte : "êtes"/"tête", l'intérêt est d'avoir l'expression telle "petite tête" précisément reprise par Rimbaud :
 
Quel travail il se fait dans ces petites têtes !
 Et si vous trouvez tous ces rapprochements encore bien légers entre les poèmes, sachez qu'ils s'accumulent. Il est question du "long peignoir" plongé "dans la luzerne" du côté rimbaldien, et du côté du Spectacle dans un fauteuil Laërte qui imagine un faux drame pour impressionner ses filles demande à Silvio de s'habiller d'un "large manteau noir", cependant que "Ces dames, pour leur part, descendront en peignoir."
Sur l'ensemble de la comédie, Musset a inversé le cliché du père qui contrôle tout le mariage de sa fille. Ce père entend tout diriger, mais selon un projet romanesque complexe. Il veut que sa fille soit séduite par une aventure, mais il tient aussi à la moralité de l'aventurier et s'assure, du moins en le questionnant, que Silvio est bien vierge.
A tout hasard, je relève ces vers troublants dans la bouche de Laërte s'adressant à Silvio :
 
Vous êtes, mon enfant, plus blanc qu'une génisse ;
Votre bon petit cœur est plus que son lait ;
[...]
J'ai évidemment du mal à ne pas songer aux passages suivants de "Ce qui retient Nina" : "route / Blanche" avec un "troupeau qui broute", odeur de "laitage", puis d'une "étable", avec de "grands dos / Blanchissant sous quelque lumière" et fientes de vache... avec plus loin l'enfant et son "museau blanc" fourré dans des tasses... 
En élargissant la comparaison, je n'oublie pas que Rimbaud va jouer à plusieurs reprises sur le symbole de candeur du blanc : "Plus candides que les Maries," etc., dans ses poésies.
Dans la suite de la comédie, les jumelles sont rivales, mais en se révélant le secret du mots qu'elles ont l'une et l'autre reçu, elles comprennent qu'elles ont le même amoureux suborneur, sauf qu'en déclarant vouloir se venger elles ne cessent d'en faire un portrait idéalisé, séducteur, à leur souhait... Même quand elles sont conscientes d'être jouées, elles rêvent d'une aventure érotique. Telle est la corruption de discours du roué Musset.
En réalité, la morale corrompue de Musset ne tient à rien du tout puisqu'il a mis en place le personnage repoussoir du comte Irus qui réduit à rien les révélations sur le cœur des femmes. On n'a rien d'autre qu'une opposition entre un homme qui sait plaire en société, qui est plus avisé, plus fort aussi, capable de s'affirmer avec un cuistre. Mais, évidemment, la comédie joue pour sa part sur quiproquos et rebondissements.
Se sentant abusées et ne démêlant pas ce qu'il s'est passé, les deux sœurs se promettent le couvent. On retrouve un motif des "Petites amoureuses", mais dans la scène finale où le dénouement n'apparaît que dans les tout derniers vers (Ninon étant celle qui sera épousée), je relève d'autres sources d'inspiration très intéressantes pour Rimbaud. 
Appréciez ces vers prononcés par Ninette :
 
Nous vivrons loin du monde, au fond d'une prairie,
A garder nos moutons sur le bord des ruisseaux.
Nous filerons la laine ainsi que vos vassaux.
 
Encore une fois, cela donne un certain éclairage satirique sur l'étrange déclaration amoureuse du poète face à Nina. On retrouve cette idée de vouer sa vie à la campagne à s'occuper de travaux de la ferme.
At aux six vers de Ninette que j'ai réduit à trois dans ma citation, Laërte réplique par une question qui est précisément identique à celle du poète face à Nina dans le dernier quatrain :
 
Vous viendrez, n'est-ce pas, dîner de temps en temps ?
 Dans le premier quatrain de "Ce qui retient Nina", nous avions l'interjection "hein ?" comme équivalent du "n'est-ce pas" :
 
Ta poitrine sur ma poitrine,
        Hein ? nous irions,
[...]
 Mais "Vous viendrez, n'est-ce pas,..." est tout entier repris dans le quatrain final :
 
- Tu viendras, tu viendras, je t'aime,
            Ce sera beau !....
Tu viendras, n'est-ce pas ? et même....
            - Mais le bureau ?
 
 Ajoutons que tout le lyrisme déployé par le poète dans "Ce qui retient Nina" a un net équivalent dans l'avant-dernière scène de A quoi rêvent les jeunes filles ? quand Silvio fait sa déclaration à Ninon :
 
Je vous aime, Ninon, comme voilà mon cœur.
Vos yeux sont de cristal, - vos lèvres sont vermeilles
Comme ce ciel de pourpre autour de l'occident.
 
 Vous avez le parallèle : "Je vous aime"."je t'aime" et la mention de couleur à la rime "vermeilles" ou "vermeil".
Mais c'est l'élan lyrique qui est similaire encore, et notez qu'après "vermeille" à la rime on a "vert" ce qui devient "vert et vermeil" chez Rimbaud :
 
Votre taille flexible est comme un palmier vert ;
Vos cheveux sont légers comme la cendre fine
Qui voltige au soleil autour d'un feu d'hiver.
[...]
 J'abrège la citation.
Dans l'article de 2011, je ne parlais que de deux sources, "La Chanson de Fortunio" et "A Ninon", deux poèmes consécutifs dans les poésies nouvelles de Musset.
Sur mon propre blog, je suis revenu sur cette découverte. J'ai signalé d'autres poèmes où Musset parle de Nina ou Ninon. Je rappelle que le recueil des Poésies nouvelles de Musset se clôt par un "Sonnet au Lecteur" avec pour dernier hémistiche un balancement entre les deux noms des jumelles de la comédie que je viens de traiter : "Ninette ou Ninon". Ici, je viens d'analyser pour la première fois les liens entre A quoi rêvent les jeunes filles et "Ce qui retient Nina". En revanche, j'ai déjà indiqué auparavant que Ninon et Ninette étaient les héroïnes de cette comédie, qu'il y avait une allusion à Ninon de Lenclos, qu suite à l'influence de Musset Zola avait écrit en prose peu de temps avant Rimbaud des Contes à Ninon, que Mimi Pinson de Murger était un équivalent connu de la Ninon de Musset, que le diminutif Nina était pas mal de fois employé par Charles Coran dans ses poésies. J'ai déjà signalé que Musset lui-même a repris la forme strophique de "La Chanson de Fortunio" dans le poème "Le Mie prigioni" et que ce possessif propre à la langue italienne peut faire écho à l'adaptation du titre de Glatigny "Les petites amoureuses" en "Mes petites amoureuses".
J'ai surtout révélé que Rimbaud s'inspirait de la préface de Glatigny à une édition de ses poésies par Lemerre en 1870 avec l'accès à une information capitale. La "chanson de Fortunio" figure non seulement dans la comédie Le Chandelier de Musset, mais dans une parodie d'Ofenbach à laquelle elle donne même son nom. J'ai pu dérouler l'idée que "Mes petites amoureuses" épinglait du coup à la fois Musset, Glatigny et Daudet. J'en suis à montrer aujourd'hui les liens avec "Fêtes de la faim".
Et tout ça, les rimbaldiens n'en ont rien fait.
Ils m'en veulent d'avoir composé l'article : "N'oublie pas de chier sur le Dictionnaire Rimbaud" si tu le rencontres, mais dans ce Dictionnaire sur lequel il y a beaucoup de choses à dire non seulement vous n'avez aucune mention de mon article sur "Les Assis" et donc sur l'importante source qu'est "Napoléon II" de Victor Hugo, et donc sur la justesse de mon interprétation, mais à propos des "Reparties de Nina" dans sa notice Alain vaillant se permet une allusion à mon article de 2011, très fugace et mise entre parenthèse avec dédain : "on a pensée à une parodie de Musset", sachant que pour le lecteur cela n'aura rien de clair puisque Vaillant ne cite pas les sources : "Chanson de Fortunio", "A Ninon", "A quoi rêvent les jeunes filles", "Sonnet au Lecteur", ni qui est ce "on" ? A quoi se référait-il ?
A l'époque, je ne sais pas si j'avais déjà publié ou non l'article sur la préface de Glatigbny et l'opéra d'Ofenbach, je pense que oui, au moins sur internet, puisqu'ensuite j'ai publié cela dans la revue Rimbaud vivant, mais en tout cas, encore une fois, j'ai mis en avant une découverte en béton armé qui n'a pas été prise au sérieux, ou qu'on s'est cru en mesure de passer sous silence, et là à chaque fois que je reprends ce dossier je dévoile de nouveaux faits accablants.
Oui, le rimbaldien fientera bien fier de lui à chaque pas... C'est effectivement ce qui se passe.
 
Pour finir, un mot sur "Fêtes de la faim".
Avez-vous remarqué que "paissez" et "vibrant" sont dans le même quatrain, tout comme dans "Voyelles", "pâtis" et "vibrements" sont dans le même tercet ?
Prenez en parallèle le poème "Entends comme brame..." : vous avez l'adjectif botanique "viride" à la rime, ce qui accompagne très bien le sujet des petits pois. Cet adjectif au pluriel figure dans le même tercet de "Voyelles" qui réunit "pâtis" et "vibrements".
Vous pensez que c'est anodin ?
Dans "Entends comme brame", le segment "près des acacias" ne désigne-t-il pas la pratique des tuteurs en rames d'acacias ?
Moi, je sens qu'il y a un boulevard à l'analyse satirique qui permet en même temps de constater des constantes créatrices de la part de Rimbaud.
Mais je dois m'en taire, les autres sont déjà tellement jaloux.

mercredi 2 juillet 2025

Les Assis et la critique rimbaldienne

Mon article "Assiégeons Les Assis !" a été publié en octobre 2008 dans un numéro spécial "Hommage à Steve Murphy" en octobre 2008, à l'époque où il quittait la direction de la revue. Ce volume a été réédité il y a peu dans la collection des Classiques Garnier. On peut l'acheter à 42 euros, sinon 29 pour un abonnement, sur internet. Avec cette réédition, on peut aussi acheter séparément un article ou l'autre, dont le mien. Tous les articles sont à deux euros quelle que soit leur épaisseur. Mon article est de taille normale, 20 pages. Je ne touche rien si on l'achète. Je n'ai jamais rien touché pour mes articles publiés dans la revue Parade sauvage. L'ensemble du volume fait 42 sinon 29 euros, mais on peut réduire les frais en se contentant d'acheter les articles qui en valent la peine.
En tout cas, il existe un monde où on publie des articles dans une revue universitaire qui a un coût, et puis où on réédite le volume en question. Le prix est conséquent : 42 euros, on se doute qu'on fait jouer les bibliothèques, les universités. Les passionnés peuvent les acheter, mais ça se contourne, sans compter qu'il y a quelques volumes gratuits qui sont partagés, à quoi ajouter les tirés-à-part des articles.
Bref, il y a un coût à cette publication, des dépenses pour éditer ces articles, et la rentabilisation suppose des coûts universitaires qui placent ces travaux de recherche dans des bibliothèques, même si toutes les universités ne se fournissent pas nécessairement de séries complètes. Il y a des universités où ne figurent même pas de tomes de la revue Parade sauvage. Les volumes sentent-ils leur peau se percaliser sous l'effet du soleil vif ? Rien n'est moins sûr. La plupart des étudiants ne lisent pas ces revues, ne les consultent pas. Ceux qui les consultent font des mémoires de recherche, mais quand on fait un mémoire on est déjà spécialisé, on le fait sur un siècle, sur un auteur, un genre littéraire, une époque délimitée, etc. Qui plus est, la question qui se pose, c'est est-ce que les gens qui publient des articles sur Rimbaud, qui publient des livres sur Rimbaud, etc., lisent ces recueils d'articles ? Est-ce que quand ils vont recevoir l'exemplaire de la revue où figure l'un de leurs articles ils prennent la peine de lire les articles voisins ? Est-ce qu'à défaut d'avoir la collection d'une revue chez eux ils vont prendre la peine de les consulter à l'université ? Fera-t-on se lever les bibliothécaires ? Ou bien carrément est-ce que les universitaires et rimbaldiens ne préfèrent pas définitivement rester visser à leurs chaises ?
Ici, le travail devient encore plus simple, vu la mise en vente sur internet, et le raffinement de la vente au détail des articles.
En tout cas, dans le Dictionnaire Rimbaud aux éditions Classiques Garnier en 2021, on constate à l'entrée consacrée au poème "Les Assis" que la section bibliographique est légère et que mon article "Assiégeons Les Assis !" n'y est même pas référencé.
C'est ballot. On doit cette bourde à Jean-Pierre Bobillot qui me connaît pourtant, puisque c'est lui qui signe la notice. Cela ne s'arrête pas là, parce que moi je creuse les sujets.
En gros, sur une trentaine de rimbaldiens plus actifs que les autres et liés à la revue Parade sauvage, certains ne lisent pas les articles divers de la revue Parade sauvage. Bobillot a publié plusieurs articles dans cette revue, a participé aux conférences de colloques et il a publié un livre sur Rimbaud et la versification chez Honoré Champion que je possède Le Meurtre d'Orphée. Or, il ne lit pas les articles de la revue Parade sauvage. Je déplore déjà le manque de lectures suivies de Jeancolas, de Guyaux, de Brunel, de Steinmetz, mais je pourrais citer d'autres contributeurs réguliers de la revue Parade sauvage et faire sentir qu'ils ne lisent guère d'articles. Ils lisent Murphy pour pouvoir s'en prévaloir et leurs propres articles, et puis c'est tout. Donc, la revue Parade sauvage, c'est une revue dont le coût est élevé dont les lecteurs se comptent sur les doigts d'une seule main : moi, Murphy, Reboul et je ne sais pas qui sont les deux autres. Oui, il y a un peu plus de lecteurs si on considère ceux qui lisent au moins quelques articles, mais ça n'atteint sans doute pas la quinzaine. Pourquoi ne pas faire directement que quinze tomes et les envoyer aux intéressés ? Après, on fait un site internet avec les articles en ligne et pour la conservation patrimoniale quelques exemplaires pour des bibliothèques pas trop accessibles (pour ne pas user le patrimoine).
Croira-t-on qu'il y a des consultations et mentions répandues dans des tas de travaux d'étudiants obscurs ? Je n'y crois pas trop personnellement, mais bon...
Passons à la suite du problème.
Même si la non consultation des articles par les principaux rimbaldiens eux-mêmes est une réalité, et même s'il n'y a aucun grand intérêt à débattre s'il y a dix, quinze ou trente lecteurs clefs, la réalité du nombre de lecteurs étant de toute façon peau de chagrin, comme l'attestent le défaut de connaissances des rimbaldiens amateurs et le défaut de citations de ses articles par les travaux ultérieurs, il y a une autre idée à creuser : l'article "Assiégeons Les Assis !" a pu ne pas être cité, parce qu'il n'a pas été pris au sérieux. Il y a aussi la politique comme quand Pierre Brunel cite l'article sur "Le Bateau ivre" de Murphy, et pas le mien, mais dans le cas présent je ne crois pas que ce soit un problème politique. Le problème politique, il existe bien sûr et je l'ai dénoncé en ce qui me concerne dans le cas de l'Album zutique, du "Bateau ivre" et de "Voyelles" notamment, dans le cas de la prose liminaire d'Une saison en enfer aussi, et bien sûr dans le cas du déchiffrement manuscrit de "L'Homme juste". C'est accablant pour les rimbaldiens, mais vous allez voir qu'il y a encore d'autres moyens de les discréditer.
Les rimbaldiens pourraient soutenir un récit selon lequel sur mon blog j'ai fini par devenir un chercheur hors-pair à cause de ma persévérance, à cause du temps consacré à Rimbaud et à une vaste lecture des livres du dix-neuvième siècle, etc. Ils auraient eu raison de me dauber avant la rupture de 2011 environ où ils ont lâchement soutenu Lefrère et Teyssèdre, et d'autres choses encore. Ils pourraient se dire que mes articles avant 2009 n'étaient pas encore assez bons, qu'ils le devenaient de 2010 à je ne sais pas 2019, puis que là ils sont forcés de constater que ça devient excellent et impossible à contourner.
Ils savent reconnaître que c'est bon, mais je le serais trop tard une fois que la dispute (dont ils se dédouanent avec une fausseté absolue) fait qu'il est interdit de me citer, surtout de citer ce blog.
Dans cet article de 2008, je soulignais une logique métaphorique du poème "Les Assis", j'insistais sur la référence à des poèmes précis et d'actualité de Leconte de Lisle et je citais la mention "genoux aux dents" du poème "Napoléon II" des Chants du crépuscule.
Et là il y a quelques jours, je suis revenu sur le poème "Napoléon II" et fatalement avec mes méthodes accrues de sourcier prenant en compte la forme, les faits, j'ai souligné que non seulement Rimbaud avait repris "genoux aux dents" à "Napoléon II", mais qu'il avait inventé la rime "prunelles fauves" et "têtes chauves" à partir d'expressions en fin de vers de deux rimes distinctes du "Napoléon II" : "tête chauve" expression à la rime identique au singulier, et "fauve prunelle" ce que Rimbaud a retourné, et j'ai mis en avant la rime "épis"/"accroupis" qui vient elle aussi de "Napoléon II" avec cerise sur le gâteau l'écho verbal "agace" de l'un à l'autre poème qui donne beaucoup d'intérêt à la lecture satirique de la chute du poème "Les Assis".
Je n'avais pas vu toutes les suites de ma découverte de "genoux aux dents" en 2008, mais il y a deux faits accablants pour les rimbaldiens. Eux non plus qui n'y ont pas donné suite, et à cela s'ajoute que malgré tout ma lecture de 2008 avait une orientation métaphorique que les éléments que je viens de dégager confirme, sauf que cette lecture métaphorique a elle aussi été superbement daubée par les rimbaldiens.
Bardel n'a pas cité cet article récent, les rimbaldiens vont l'ignorer. Il leur reste comme marge de manœuvre de faire semblant de découvrir les choses en parallèle, ce qu'ils font déjà de temps en temps, mais à petite dose pas trop couillue. Quand on connaît le petit nombre de poèmes de Rimbaud, année par année, l'importance des enjeux du seul poème "Les Assis", les rimbaldiens jouent donc à se priver d'une recherche efficace.
Ils vont faire quoi ? Des colloques à cinquante personnes pendant quatre jours devant un public de cent personnes en taisant l'existence de ce blog ? Ils vont se rendre à France Culture pour être interviewé et ressortir la salade pour la doxa de 1973, de 1997 ?
C'est ça leur vie ? Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.

jeudi 26 juin 2025

Les Assis, l'enquête par les rimes, vous lirez tout ceci "genoux aux dents" !

J'ai entamé il y a peu une grande enquête sur les sources aux rimes du poème "Les Assis" et je voudrais la poursuivre avec la poésie en vers de Victor Hugo. Je l'ai déjà dit par le passé, peut-être même dans mon article de 2008 paru dans la revue Parade sauvage : l'expression "genoux aux dents" vient du poème "Napoléon II" des Chants du crépuscule.
En parallèle d'une relecture de tout le théâtre en vers du grand romantique, j'ai décidé de commencer par une relecture de "Napoléon II" et partant du recueil Les Chants du crépuscule.
Permettez-moi avant cela de rappeler quelques données.
Au plan formel, le poème "Les Assis" a trois caractéristiques saillantes qui retiennent mon attention de sourcier.
Le premier point marquant, c'est le premier quatrain qui accumule des constituants détachés mis en tête de phrase. Grossièrement, on parlera d'appositions au pronom sujet "Ils" de début de deuxième quatrain, mais cette appellation est contestable. Leconte de Lisle s'essaie à ce mode d'appositions sur des passages en vers très courts, un vers ou deux tout au plus. Il y a une amorce de telle apposition dans le poème de 1870 "Le Forgeron" par Rimbaud lui-même, mais cette façon d'écrire est exceptionnelle et je ne la rencontre pas telle quelle chez d'autres poètes. Je galère à trouver des équivalents :
 
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D'ivresse et de grandeur, le front large, riant
Comme un clairon d'airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-là, dans son regard farouche,
Le forgeron parlait à Louis Seize, un jour
Que le peuple était là, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d'or traînait sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,
Pâle comme un vaincu qu'on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux énormes épaules
Lui disait de vieux et des choses si drôles,
Que cela l'empoignait au front, comme cela !
 
[...]
 **
Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs[,]
 
Ils ont greffé dans des amours épileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !
 
[...]
"Le Forgeron" est un poème en rimes plates, "Les Assis" une suite de quatrains à rimes croisées, mais dans les deux cas les quatre premiers vers forment une série de constituants détachés en tête de phrase qui servent à décrire par anticipation le sujet de la phrase : "Ils" ou "Le Forgeron".
D'évidence, Rimbaud a expérimenté son principe dans le poème "Le Forgeron" et c'est en pensant à ce premier essai qu'il a composé le premier quatrain des "Assis". Vous avez une inversion de l'exaltation à la caricature, du "front large" au "sinciput" et on peut dire aussi que dans "Les Assis" le poète prend en charge de nous dire des "choses si drôles" qui empoignent les "Assis" au front lorsqu'ils les entendent. Le roi face au Forgeron est précisément décrit "debout sur son ventre", autrement dit "assis", ce que le rejet à la césure tourne en fait comique : "debout... sur son ventre", et c'est un équivalent de la satire des assis qui font corps avec leurs chaises, "genoux aux dents". D'autres éléments peuvent retenir l'attention, dans les deux poèmes, il y a une comparaison au genre canin : "comme un chien", "chienne battue", tandis que le peuple "se tordant tout autour" avec "sa veste sale" abandonne cette description désobligeante aux "Assis", avec leurs "pieds tors" et leurs "manchettes sales". Ajoutons que Louis Seize est comparé à un "vaincu qu'on prend pour le gibet", ce qui fait écho à "Bal des pendus" dont nous allons bientôt reparler.
Je fais peut-être fausse route à chercher un équivalent du premier quatrain des "Assis" chez un poète, voire dans un texte en prose, je serais peut-être plus avisé de chercher une source en vers et plutôt même en prose aux quatre premiers vers du "Forgeron".
En tout cas, la comparaison formelle du début du "Forgeron" et du début des "Assis" permet de considérer que nous avons une continuité entre deux poèmes politiques avec pour l'attaque des "Assis" un fort substrat satirique, quand le poème "Le Forgeron" oppose des moments d'éloge à d'autres de raillerie.
Le deuxième point formel remarquable des "Assis", c'est l'abondance de déterminant "leur" : "leurs doigts boulus" et "leurs fémurs" (vers 2), "Leur fantasque ossature" (vers 6), "leurs chaises" et "leurs pieds" (vers 7), "leurs sièges" et "leur peau" (à la rime des vers 9 et 10), "leurs reins" (à la rime au vers 14), "leur siège" et "leurs caboches" dans le quatrième quatrain, "leurs omoplates", "leur pantalon" et "leurs reins" dans le cinquième, "leurs têtes chauves" et "leurs pieds tors" à la rime des vers 21 et 22 puis "leurs boutons d'habit" au vers 23, et puis encore "leur regard" au huitième quatrain et "leurs mentons chétifs" au neuvième, et après cette accalmie nous avons au dixième quatrain : "leurs visières" à la rime suivi de "leurs bras" au vers suivant et enfin "leur membre" au dernier vers du onzième quatrain.
On peut y ajouter pour l'homophonie un pronom leur : "Et les Sièges leur ont des bontés", mais c'est évidemment le relevé des vingt-et-un déterminants "leur" ou "leurs" qui importe.
Pour l'instant, je laisse de côté une enquête sur d'éventuelles sources à ce second procédé formel.
Il y a enfin un troisième procédé formel remarquable, le rejet d'un groupe de deux syllabes avec le nom "dents", procédé qui vient clairement de Victor Hugo et de Leconte de Lisle : "La Tristesse du diable" et "Le soir d'une bataille" (ou "Le Sacre de Paris"), et Rimbaud le réemploie, mais à l'entrevers dans "Oraison du soir" quand il se vante de vivre assis : "une Gambier / Aux dents".
Evidemment, on peut faire d'autres remarques sur des points formels moins marquants, mais saillants tout de même. Par exemple, le premier rejet "bagues / Vertes" poursuit le principe exploré par Rimbaud depuis 1870, et notamment le rejet "table / Verte" du sonnet "La Maline" où le poète est décrit dans une position d'aise allongé sur une chaise. Les rejets de couleur d'une syllabe viennent d'Hugo, Musset, Baudelaire, etc. Je ferai le relevé ultérieurement. Quant à la comparaison : "Comme les floraisons lépreuses des vieux murs", elle n'est pas baudelairienne, mais Gautier emploie pas mal si je ne m'abuse l'idée de "murs lépreux" à la fois dans ses poésies et dans la préface à la troisième édition des Fleurs du Mal.
Il y a un autre point qui peut être considéré comme formel, c'est l'emploi de néologismes : "boulus" et à plus forte raison "hargnosités", ou l'emploi de mots rares dans l'absolu "sinciput" sinon en poésie "amygdales" et "rachitiques". 
Passons maintenant à une étude formelle différente, les sources aux rimes du poème "Les Assis".
Le fait remarquable c'est que comme il est question de doigts crispés à des fémurs, on voit une continuité entre "Bal des pendus" et "Les Assis", et précisément le premier quatrain des "Assis" fournit la rime "murs"/fémurs" que Gautier pratique dans "Bûchers et tombeaux", source au poème "Bal des pendus". Cette rime n'est pas reprise dans "Bal des pendus", mais passe directement aux "Assis". Le lien à Gautier et à "Bal des pendus" permet de dégager l'idée de danse macabre appliquée à ces vieillards qui font corps avec les squelettes de leurs chaises. Rimbaud semble avoir lu plusieurs poèmes où il est question de danse macabre sinon de carnaval, il aurait ramené l'emploi de l'adjectif "épileptiques" du poème "Une gravure fantastique" de Baudelaire et la rime "verts pianistes" /" triste" vient clairement du poème "Variations sur le carnaval de Venise" du recueil Emaux et camées de Gautier avec la rime un peu différente : "guitariste"/"triste". Faute d'apprécier l'idée d'un carnaval des morts, les gens me reprocheront un peu légèrement ce rapprochement. Le poème "Les Assis" n'a pas du tout le même sujet que "Variations sur le carnaval de Venise", on me reprochera sans doute aussi de constater que la rime "bagues"/"vagues" est extrêmement rare chez les poètes du dix-neuvième siècle, à tel point qu'elle est à peu près exclusivement employé à plusieurs reprises par Gautier.
La rime "noirs"/"soirs" est plus banal, mais là encore Gautier l'affectionne particulièrement, parfois au singulier.
Que ça plaise ou non, on constate qu'au-delà de l'élément de rapprochement qui a du sens "les doigts" "crispés à leurs fémurs" il y a plusieurs rimes des "Assis" qui viennent de Gautier et notamment des poèmes de danse macabre, et le recueil Emaux et camées a été en particulier sollicité. Pour le recours à l'adjectif "épileptique", il peut venir de Victor Hugo ou de Leconte de Lisle, la piste baudelairienne n'étant pas exclusive. Leconte de Lisle le fait rimer avec "étique(s)", ce qui nous rapproche de la rime avec "rachitiques" dans la conception.
Et justement, Leconte de Lisle est clef pour les rapprochements à cause des deux poèmes parus en plaquette "Le Sacre de Paris" et "Le Soir d'une bataille" immédiatement à la fin de la guerre franco-prussienne et juste avant la Commune.
La rime "siège(s)"/"neige(s)" vient du "Sacre de Paris" de toute évidence, même si elle se rencontre ailleurs.
Rimbaud a utilisé par ailleurs des expressions à la rime à la fois dans "Les Assis" et "Les Pauvres à l'église". Malheureusement, on ignore dans quel ordre il a composé les deux poèmes. Dans les deux poèmes, le mot "épileptiques" est à la rime, et nous avons une correspondance masculin/féminin à la rime de "chiens battus" à "chienne battue".
On comprend qu'il y a une continuité politico-satirique qui relie "Les Assis" aux "Pauvres à l'Eglise". Et il est question de trouver une place assise à la messe : "Parqués entre des bancs..." est l'attaque même du poème.
Malheureusement, pour l'instant, on découvre les modèles d'écriture de Rimbaud pour les rimes des cinq premiers quatrains, puis ça s'alanguit quelque peu pour les six derniers quatrains.
Premier quatrain Gautier "bagues"/"vagues" et "fémurs"/"murs"
Second quatrain Gautier "noirs"/"soirs" et puis la danse macabre (Gautier, Baudelaire) et le contexte satirique de l'actualité Leconte de Lisle / Hugo et le réemploi rimbaldien : rachitiques/épileptiques.
Troisième quatrain : siège/neige Leconte de Lisle et l'actualité de ses plaquettes en vers, puis la rime "peau"/"crapaud" qui pose le problème de la consonne "d" de "crapaud". Notons que pour "Tremblant du tremblement" je pense à un vers des Châtiments, sans oublier que j'ai d'autres expressions équivalentes chez Hugo à mentionner mais pas à partir du verbe "trembler", à partir d'autres mots.
Cinquième quatrain : Gautier et le carnaval pour "pianistes" et "tristes", mais aussi dans une moindre mesure pour "tambour"/"amour", sauf que la rime "tambour"/"amour" ne vient pas d'une rime telle quelle de Gautier et qu'il y a d'autres idées à creuser derrière.
Pour le quatrième quatrain, "culottée"/"emmaillotée" est une rime inédite, mais "culottée" peut venir d'une mention non à la rime du poème de Gautier "Albertus" qui correspond à une danse macabre, tandis que "emmaillotée" évoque "emmaillota" de "J'aime le souvenir de ces époques nues..." source baudelairienne à "Credo in unam" qui n'est pas sans lien étroit avec l'idée thématique de danse de squelettes mis à nu dans un cadre chrétien et non plus antique.
La rime "reins"/"grains" fait songer au poème "Le Forgeron".
Après, la recherche de sources s'alanguit quelque peu, j'ai mentionné que "corridors" était à la rime dans Emaux et camées, mais ça n'a pas beaucoup d'intérêt. J'ai relevé l'écho de "chienne battue" avec "chiens battus" dans "Les Pauvres à l'église", mais ça nous renvoie à Rimbaud lui-même.
Notons que pour "manchettes sales" le rapprochement avec "veste sale" renvoie à Rimbaud lui-même, mais a du sens.
Pourtant, il y a de belles rimes rares : "virgules" et "libellules" ou "amygdales"/"sales" ou "visières"/"lisières". Le nom "lisière" est à la rime chez Musset notamment, mais je cherche encore et je le fais en lisant progressivement les recueils.
Le mot "entonnoir" fait penser à Hugo.
Notez la rime lever/crever qui est certainement rare à cause de la familiarité du second verbe choisi. Remarquez que le verbe "lever" est lui-même important. Rappelez-vous que dans "Credo in unam" Rimbaud emploie "mamelle" au sein du vers puis le place à la rime avec le nom "Cybèle".
Dans "Les Assis", Rimbaud place d'abord le verbe "lever" en rejet à la césure : "Oh ! ne les faites pas... lever", puis il crée le couple d'infinitifs à la rime : "lever" et "crever", et c'est intéressant au plan sémantique puisque "crever" est l'idée de mort qui met un terme à la vie vécue debout, et "lever" s'oppose bien sûr à "assis". Et on comprend que la perte de la position "assise" pour les "vieillard" serait leur mort, ils en crèveraient.
Donc, pour l'instant, plusieurs rimes échappent à ma recherche de sourcier, il y a aussi "fécondés" et "bordés", "noir" et "entonnoir", "tue" et "battue". Certes, je peux trouver des rimes "chauve(s)" et "fauve(s)", mais il m'en faut d'exploitables, etc. 
Pourtant, je vais vous montrer dans ce qui suit qu'on peut encore progresser de manière convaincante dans ce genre d'enquête, et je vais vous montrer des origines pour l'emploi à la rime de "crever" de "fond des corridors", de la rime finale : "accroupis"/"épis", et je vais même donner l'origine de l'expression à la rime : "prunelles fauves".
Donc, il y a a ce troisième point formel, l'expression "genoux aux dents" à cheval sur la césure. J'ai mis cela en lien étroit avec deux poèmes de Leconte de Lisle : "La Tristesse du diable" et un des deux poèmes parus en plaquette au début de l'année 1871, mais l'expression "genoux aux dents" figure telle quelle dans le poème "Napoléon II" des Chants du crépuscule.
Justement, nous sommes après la chute de Napoléon III en 1871, chute précipitée par la guerre franco-prussienne qui s'est poursuivie par le siège de Paris par l'armée prussienne avant le siège de la Commune par les versaillais.
Dans mon article de 2008 sur les assis, j'insistais sur le fait que la position accroupie concernait plusieurs poèmes de Rimbaud, avec le parallèle de titres "Accroupissements" et "Les Assis", et je citais de nombreuses occurrences du mot "accroupi" dans des vers des Châtiments de Victor Hugo.
Or, dans "Napoléon II", le cinquième poème des Chants du crépuscule, non seulement nous rencontrons l'expression "genoux aux dents", mais nous avons précisément la rime "épis" / "accroupis" que Rimbaud fournit dans l'ordre inverse au dernier quatrain des "Assis" :
 
Au souffle de l'enfant, dôme des Invalides,
Les drapeaux prisonniers sous tes voûtes splendides
Frémirent, comme au vent frémissent les épis ;
Et ce cri, ce doux cri, qu'une nourrice apaise,
Fit, nous l'avons tous vu, bondir et hurler d'aise
Les canons monstrueux à ta porte accroupis !
J'ai envie de dire que "dôme des Invalides" est un peu retourné en caricature avec un "sinciput plaqué de hargnosités vagues". Je perçois un à peu près de calembour autour du mot "Invalides". Le mot "drapeaux" entre en tension avec la rime "peau"/"crapaud" de Rimbaud, et je relève le même jeu de répétition autour d'une comparaison : "Tremblant du tremblement" qui ressemble avant tout à un vers des Châtiments mais aussi, cela n'empêche pas !, à "Frémirent, comme au vent frémissent..." Et ce qui frémit d'aise, c'est les épis, et dans la suite du poème hugolien nous avons ensuite un "cri" qui paradoxalement fait frémir d'aise un tout autre genre d'épis, des "canons monstrueux" et "accroupis".
J'ai bien l'impression que le dernier quatrain des "Assis" épingle précisément ce sizain hugolien :
 
Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule
Les bercent, le long des calices accroupis
Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules
- Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.
 On peut comparer les canons à des "fleurs d'encre crachant des pollens", sinon à des "calices" qui sont comme eux "accroupis". Nous avons une possible parodie d'image militaire : "au fil des glaïeuls le vol des libellules" avec jeu étymologique "glaive" pour "glaïeuls". Et les épis comparés aux canons ne sont plus ceux qui frémissent d'aise mais ceux qui agacent le membre viril de la communauté qui a placé ses aspirations dans un rêve plein d'attentes.
Hugo emploie à une autre reprise au moins la rime "accroupis"/"épis" dans Les Chants du crépuscule. Je vais y revenir.
Mais ce n'est pas tout. Dans le sizain qui suit immédiatement celui que j'ai cité plus haut, vous avez le mot "prunelle" à la rime quand Rimbaud emploie le mot au pluriel mais pas à la rime, sauf que la subtilité c'est que Victor Hugo emploie l'expression "fauve prunelle" à la rime, ce que Rimbaud a retourné en "fauves prunelles" :
 
Et lui ! l'orgueil gonflait sa puissante narine ;
Ses deux bras, jusqu'alors croisés sur sa poitrine,
           S'étaient enfin ouverts !
Et l'enfant, soutenu dans sa main paternelle,
Inondé des éclairs de sa fauve prunelle,
            Rayonnait au travers !
 **
 
Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l’œil du fond des corridors !
 
On passe du regard réel à l'apparat illusoire des boutons d'habit. Notez que deux quatrains après cette scène d'expression de la rage d'avoir dû se lever s'apaisent, ils se sont rassis, puis s'endorment et rêvent précisément de descendance, et on a une correspondance qui va de "bras croisés" au fait de rêver la tête sur le bras :
 
Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières
Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,
De vrais petits amours de chaises en lisières
Par lesquels de fiers bureaux seront bordés ;
 Je dirais qu'on passe de la noblesse militaire à la noblesse des bureaux, comme il y a la noblesse d'épée et la noblesse de robe.
On comprend aisément que le membre qui s'agace à des barbes d'épis est une parodie de leur rêve de grandeur virile sachant vaincre au combat contre toute une foule.
Vous croyez vraiment que "Les Assis" est la simple charge d'un bibliothécaire de Charleville ?
Il est plus loin question dans "Napoléon II" d'un "front royal qui tremble". Il est question d'un père qui a gagné des batailles créant de "vivantes murailles / Autour du nouveau-né riant sur son chevet[.]"
Napoléon Premier a "fait le monde / Selon le songe qu'il rêvait[.]"
Et tout cela a mal tourné. L'Angleterre s'est emparée de l'aigle et l'Autriche de l'aiglon, et c'est là que Napoléon Premier est décrit de la sorte, dans sa prison de Sainte-Hélène :
 
Cette grande figure en sa cage accroupie,
       Ployée, et les genoux aux dents.
Notez que nous avons à la rime une variante au féminin du mot "accroupis".
Et dans cette déchéance, Napoléon Premier devient "cette tête chauve", mention qui se fait qui plus est à la rime :
 
Le soir, quand son regard se perdait dans l'alcôve,
Ce qui se remuait dans cette tête chauve,
[...]
 
 Je ne sais pas si j'ai raison de mentionner en passant une possible inversion de "Comme des fleurs de pourpre en l'épaisseur des blés ;" à "Comme les floraisons lépreuses des vieux murs", mais notez que la rime "têtes chauves" et "prunelles fauves" vient de "Napoléon II" avec une simple inversion de la deuxième expression, Hugo ayant écrit au singulier à deux endroits distincts : "fauve prunelle" et "tête chauve".
Voilà comment Rimbaud a créé sa rime.
Et le choix du verbe "agacer" au dernier vers des "Assis" vient du quatrain sur le lait de la nourrice :
 
Non, ce qui l'occupait, c'est l'ombre blonde et rose,
D'un bel enfant qui dort la bouche demi-close,
     Gracieux comme l'orient,
Tandis qu'avec amour sa nourrice enchantée
D'une goutte de lait au bout du sein restée
     Agace sa lèvre en riant.
 
On passe de l'empereur en gloire au père Goriot.
Et il n'y manque pas la mention clef de la "chaise", d'ailleurs à la rime :
 
Le père alors posait ses coudes sur sa chaise,
[...]
Le poème médite sur la chute des grands et la fin du poème parle des "révolutions" et des flots qui emportent tout.
Des liens par la rime étant établis entre "Les Assis" et "Les Pauvres à l'Eglise", je vous invite maintenant à vous reporter au poème "Dans l'église de ***" vers la fin du même recueil. Il y est question du calice en tant que calvaire qu'on laisse aux autres, comme plus accessoirement d'un doigt de musicien qui se crispe en jouant au clavier, et le poème offre aussi le second hémistiche "au fond des corridors" :
 
[...]
 
La main n'était plus là, qui, vivante et jetant
      Le bruit par tous les pores,
Tout à l'heure pressait le clavier palpitant,
      Plein de notes sonores,
 
Et les faisait jaillir sous son doigt souverain,
      Qui se crispe et s'allonge,
Et ruisseler le long des grands tubes d'airain
       Comme l'eau d'une éponge.
 
[...]
 
L'église s'endormait à l'heure où tu t'endors,
     Ô sereine nature !
A peine, quelque lampe au fond des corridors
     Etoilait l'ombre obscure.
 
[...]
 
Votre front se pencha, morne et tremblant alors,
         Comme une nef qui sombre,
Tandis qu'on entendait dans la ville au dehors
         Passer des voix sans nombre.
 
                       II
 
Et ces voix qui passaient disaient joyeusement
    "Bonheur ! gaîté ! délices !
 "A nous les coupes d'or pleines d'un vin charmant !
     "A d'autres les calices !
 
[...] 
 
 Rimbaud ne suit pas Hugo qui raille ceux qui jouissent orgiaquement du temps présent au mépris des autres et préfère la prière, mais ces personnages orgiaques représentent l'empire dans Les Châtiments et ce poème semble avoir quelques échos dans "Les Assis", même si cela a été fortement retravaillé et adapté à un tout autre propos.
En tout cas, le poème "Les Assis" est à la fois une danse macabre et un chant du crépuscule, ce que les sources confirment nettement.
Je ne sais pas si Rimbaud pour l'entrelacement des vieux à leurs chaises s'est inspiré du vers suivant de "Les autres en tout sens laissent aller leur vie..." :
 
Votre âme en souriant à votre esprit s'enlace[.]
 Nous avons le "mur sombre" à la rime dans le poème final du recueil "Date lilia" (donnez des lys), quand Rimbaud le décale par un rejet à l'entrevers.
La rime "accroupi"/"épi" a un eoccurrence dans un autre poème du recueil "A Louis B." :
Il est question de graffitis sur une cloche. Hugo ironise: "sillon où rien n'avait germé" bien qu'ils yaient "semé" leur "vie immonde" et cela nous vaut deux vers avec notre rime :
 
D'autres l'amour des sens dans la fange accroupi,
Et tous, l'impiété, ce chaume sans épi.
Pour des détails des "Assis", Rimbaud s'est inspiré d'évidence de ces poèmes "A Louis B." ou "Dans l'église de ***", comme de "Napoléon II", mais il a reconduit la raillerie contre leur culte de la prière dans "Les Pauvres à l'église".
Dans "A Mademoiselle J", il est question de rosée, parfums, etc., qui s'échappent du fond de vingt calices et se répandent sur le sommeil du poète.
 Je remarque un emploi à la rime de la forme conjuguée "creva" dans le poème "L'aurore s'allume", l'emploi n'a rien à voir avec celui de Rimbaud, mais il a pu lui donner des idées, d'autant qu'on peut penser que la rime "lever"/"crever" coïncide avec les emplois "leva" et "creva" de Victor Hugo. La forme "creva" est à la rime dans le poème en vers de cinq syllabes "L'aurore s'allume..." tandis que la forme "leva" n'est pas à la rime, mais à la césure en fin d'un hémistiche clef du premier poème du recueil "Dicté après juillet 1830" :
 
Alors, tout se leva. - L'homme, l'enfant, la femme,
[...]
 
Sublime étincelle
Que fait Jéhova !
Rayon qu'on blasphème !
Oeil calme et suprême
Qu'au front de Dieu même
L'homme un jour creva !
La réflexion sur aube et crépuscule passe clairement du recueil hugolien au poème rimbaldien sous l'angle du combat contre les assis.
La rime "tambour"/"amour" est présente aussi dans Les Chants du crépuscule avec précisément la signification politique qu'il est aisé de soupçonner dans le quatrain l'incluant des "Assis", ainsi dans "Au bord de la mer" :

La clameur des soldats qu'enivre le tambour,
Le froissement du nid qui tressaille d'amour,
[...]
Il est question d'un "grêlon à tous les murs cogné" pour un "Envoi des Feuilles d'automne", ce qui est comparable aux assis "grêlés" se cognant eux aussi,  en tant que "têtes chauves", "Aux murs sombres".
Je dois avoir une autre occurrence de la rime "tambour"/"amour", mais j'ai oublié où. Je rappelle l'intérêt du poème "Conseil" pour lequel j'ai déjà soulevé une source au "Bateau ivre".
Je vais m'arrêter là. J'aurai l'occasion de compléter mon propos. L'article ci-dessus est clairement un coup de massue. La lecture politique des "Assis" de Rimbaud est complètement relancée. Et les rapprochements fournis permettent de cerner pas mal de visées de sens subtiles du poème rimbaldien.